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06/03/2018 | FRANCE | N°16/02277

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 06 mars 2018, 16/02277


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00151



CONTRADICTOIRE



DU 06 MARS 2018



N° RG 16/02277







AFFAIRE :



[A] [J] épouse [N]



C/



SAS GSF GRANDE ARCHE



SAS ISS PROPRETE







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : R15/00

222







Copies exécutoires délivrées le 06 Mars 2018 à :

-M. [M] [H] (Délégué syndical ouvrier)

- Me Marc CHANTEDUC

- Me Mathieu RODRIGUES



Copies certifiées conformes délivrées le 07 Mars 2018 à :

- Mme [A] [J] épouse [N]

- la SAS GSF GRANDE ARCHE

- la...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00151

CONTRADICTOIRE

DU 06 MARS 2018

N° RG 16/02277

AFFAIRE :

[A] [J] épouse [N]

C/

SAS GSF GRANDE ARCHE

SAS ISS PROPRETE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : R15/00222

Copies exécutoires délivrées le 06 Mars 2018 à :

-M. [M] [H] (Délégué syndical ouvrier)

- Me Marc CHANTEDUC

- Me Mathieu RODRIGUES

Copies certifiées conformes délivrées le 07 Mars 2018 à :

- Mme [A] [J] épouse [N]

- la SAS GSF GRANDE ARCHE

- la SAS ISS PROPRETE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MARS DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 20 février 2018 puis prorogé au 6 mars 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [A] [J] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par M. [M] [H] (Délégué syndical ouvrier)

APPELANTE

****************

La SAS GSF GRANDE ARCHE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Marc CHANTEDUC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0791

INTIMÉE

****************

La SAS ISS PROPRETE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Représentée par Me Mathieu RODRIGUES, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Caroline DE GUINAUMONT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [A] [J] épouse [N] a été embauchée par la société La Providence le 1er juillet 1999 en qualité d'agent de propreté. Elle était en dernier lieu classée AS 2A et était affectée sur le chantier L'Oréal de [Localité 1].

La relation de travail est régie par la convention collective des entreprises de propreté et services associés.

Le 31 août 2009, la société La Providence a perdu le marché au profit de la société ISS Propreté et le contrat de travail a été transféré à celle-ci en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté à la société entrante.

A la suite de l'obtention du marché par SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers le 2 juillet 2012, ledit contrat de travail a été transféré à cette dernière à compter du 30 juin 2012.

Par arrêt du 20 janvier 2015, la cour d'appel de Versailles, infirmant une ordonnance de référé rendue le 30 avril 2014 par le conseil des prud'hommes de Nanterre, a condamné la SA GSF Grande Arche à payer à Mme [A] [J] épouse [N] les sommes suivantes :

- 322,47 euros au titre du 13ème mois revendiqué pour 2012, 656,71 euros pour 2013 outre 97,91 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

- 749,08 euros en contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage ;

- 360 euros au titre du nettoyage et de l'entretien des vêtements de travail.

Par arrêt du 6 juillet 2016, la Cour de cassation a dit qu'ayant constaté que l'employeur sortant s'était engagé à payer aux salariés concernés une prime de 13ème mois et que l'employeur substitué s'était lui-même engagé, par un accord d'entreprise du 29 juin 2012, à maintenir les éléments du salaire particuliers individuels acquis par les salariés des Campus en particulier au titre de la prime de 13ème mois, la cour d'appel a pu décider que l'obligation de la société de payer la prime de 13ème mois pour les années 2012 et 2013 n'était pas sérieusement contestable ; qu'en revanche la juridiction suprême a cassé l'arrêt en cause en ce qu'il a accordé aux salariés des primes d'habillage et de déshabillage en retenant que la société prétend que la durée très brève nécessaire à cet habillage et ce déshabillage s'impute nécessairement sur le temps de travail des salariés, sans rechercher comme il lui était demandé si le temps d'habillage et de déshabillage n'était pas inclus dans le temps de travail et rémunéré comme du temps de travail effectif.

La salariée a saisi à nouveau la formation de référé du conseil des prud'hommes de Nanterre le 16 avril 2015 aux fins d'obtenir la condamnation de la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers à lui payer les sommes suivantes :

- 643,50 euros au titre du 13ème mois de l'année 2014 en arguant de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 janvier 2015 ;

- 64,50 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 2 000 euros de dommages-intérêts pour "désobéissance aux décisions de magistrats de la cour d'appel de Versailles" ;

- 471,53 euros d'indemnité en contrepartie du temps d'habillage et déshabillage soit 6 heures 50 par mois, toujours en application de l'arrêt précité ;

- 47,15 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 220 euros au titre de l'entretien des vêtements de travail pour l'année 2014;

- 1 500 euros d'indemnité de procédure.

La SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers a objecté que les conditions des référés ne sont pas remplies, du fait des contestations sérieuses opposées et de l'absence de trouble manifestement illicite et subsidiairement a sollicité la condamnation de la société ISS Propreté à lui rembourser les sommes versées à la salariée au titre du treizième mois du 21 juillet 2012 au 31 décembre 2013 et à la garantir de toute condamnation au titre du treizième mois.

La société ISS Propreté a soulevé l'incompétence du conseil des prud'hommes pour connaître d'une demande de garantie entre deux sociétés commerciales et a sollicité le renvoi sur ce point devant le tribunal de commerce de Paris

Par ordonnance du 18 février 2016, la formation de première instance a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [A] [J] épouse [N] .

Appel a régulièrement été interjeté par la salariée le 11 avril 2016.

A l'audience du 21 novembre 2017, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles, puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile.

Mme [A] [J] épouse [N] modifie devant la cour ses demandes comme suit :

- 1 935,05 euros de rappel de treizième mois des années 2014, 2015 et 2016 ;

- 193,50 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 640,46 euros en contrepartie du temps d'habillage et déshabillage de janvier 2014 inclus à février 2017 inclus et 164,04 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 760 euros de rappel d'indemnité due pour le nettoyage des vêtements de janvier 2014 inclus à février 2017 inclus ;

- 5 000 euros de dommages-intérêts à raison du retard de paiement causé par "la désobéissance et la résistance à l'application de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles" ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la formation.

Elle sollicitait également de la cour qu'elle ordonne le paiement par l'employeur du treizième mois chaque fin du mois de décembre, ainsi que la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage et l'indemnité d'entretien des vêtements de travail sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

La SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers adopte la même position que devant les premiers juges.

La société ISS Propreté maintient que l'appel en garantie à son encontre ne ressort pas de la compétence du conseil des prud'hommes, qu'en tout état de cause, une telle demande est infondée. Elle sollicite la condamnation de chacun de ses adversaires à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que celle de 20 000 euros de dommages-intérêts pour appel provoqué abusif sur le fondement du second alinéa de l'article 550 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de mme [A] [J] épouse [N]

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers soulève l'irrecevabilité des demandes en ce qu'elles supposent l'examen de l'affaire au fond et ne remplissent pas les conditions du référé ; que sous couvert d'une irrecevabilité, cette société ne fait que s'opposer aux demandes en ce qu'il n'y aurait pas lieu à référé ; qu'il appartient à la cour, saisie de cette demande qui ne se heurte à aucune cause d'irrecevabilité, de vérifier, à l'examen des faits, si les prétentions formées remplissent les conditions des articles R 1455-5, R 1455-6 et R 1455-7 du Code du travail relatifs au référé ;

Sur le treizième mois

Considérant qu'en application de l'article R 1455-5 du Code du travail dans tous les cas d'urgence, la formation des référés peut dans la limite de sa compétence ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;

Que selon l'article R 1455-6, même en cas de contestation sérieuse, la formation des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu'en vertu de l'article R 1455-7, dans tous les cas où la demande formée n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7.1 de la convention collective, en cas de changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public, le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise sous certaines conditions, le contrat de travail se poursuivant au sein de l'entreprise entrante ;

Considérant que la salariée prie la cour de reprendre les termes de sa précédente décision qui a fait l'objet d'un arrêt de rejet sur ce point ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers répond que le treizième mois résulte d'un accord d'une authenticité douteuse prétendument signé le 29 novembre 2010 entre la société ISS Propreté et la CFDT, qui n'a pas lieu d'être appliqué par l'entreprise entrante s'agissant d'un élément du statut collectif de l'entreprise sortante auquel se trouve substitué celui de la cessionnaire du marché ; qu'elle ajoute que l'accord conclu entre la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers et la CFDT lors de la reprise du site n'implique pas l'obligation de verser un 13ème mois, dès lors que celui-ci ne porte que sur le maintien des éléments de salaires particuliers et individuels acquis ; que la société ISS Propreté précise que les salariés n'ont aucun droit à conserver tout ou partie des avantages qu'ils tenaient de l'accord collectif en vigueur chez l'ancien employeur, en cas de transfert du contrat de travail en dehors de l'hypothèse du transfert de contrat de travail par l'effet de l'article L.1224-1 du Code du travail ;

Considérant qu'un document intitulé "protocol d'accord" daté du 29 novembre 2010, a été passé entre la société ISS Propreté et le délégué syndical de la CFDT, par lequel l'employeur s'engageait à compter de 2011 à verser à ses salariés affectés à "L'Oréal River Plaza", L'Oréal Dak, L'Oréal Royale et L'Oréal Magnum, un treizième mois ; que la société ISS Propreté ne demande pas de vérification d'écriture ; qu'il apparaît d'autre part que par lettre du 14 janvier 2011, la société ISS Propreté a écrit au syndicat pour lui confirmer l'obtention du 13ème mois pour ses agents affectés sur les chantiers L'Oréal suivants : [Adresse 7], [Adresse 8], [Adresse 9]/CES/CESB/Klok1/Klock2/Zviak/River Plaza et [Adresse 10], sous la condition d'une ancienneté d'un an complet sur le chantier ; que dans ces conditions, si ledit treizième mois n'a pas été versé à la salariée comme cela est soutenu, il n'en demeure pas moins qu'elle bénéficiait d'un engagement en ce sens ;

Qu'un autre accord, signé le 30 juin 2012 par la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers et le syndicat SFP CFDT, stipule que la société s'engage "à maintenir les éléments de rémunération et notamment les éléments de salaires particuliers individuels acquis par les salariés des campus (13ème mois, primes, véhicule de service, tickets restaurant)" ; que ce dernier accord repose en ce qui concerne la garantie de salaire sur une formule large qui recouvre non pas uniquement les éléments de salaires particuliers individuels, mais 'notamment' ceux-ci, le principe général énoncé étant le maintien des éléments de rémunération dans leur ensemble ;

Qu'en cela, cet accord ne fait que reprendre l'obligation imposée à l'entreprise entrante énoncée par le paragraphe II B de l'article 7.2 de la convention collective, intitulé "modalités du maintien de la rémunération" ainsi rédigé : "Le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris. A cette rémunération s'ajouteront les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris" ; qu'un treizième mois est bien un élément de salaire à périodicité fixe ;

Que certes, le paragraphe II D de l'article 7.2 de la convention collective dispose que les salariés bénéficieront du statut collectif du nouvel employeur qui se substituera dès le premier jour de la reprise à celui du précédent employeur" ;

Mais que cette formule générale ne saurait faire échec au principe spécial du maintien du salaire du salarié y compris dans sa partie découlant du statut collectif de la société sortante ;

Considérant qu'il s'ensuit que le salaire de Mme [A] [J] épouse [N] comportait un treizième mois issu d'un engagement de la société ISS Propreté qui s'impose à l'entreprise entrante par l'effet de l'article 7 de la convention collective du nettoyage et de la propreté ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers est donc redevable à la salariée d'une somme à ce titre du chef du treizième mois des années 2014, 2015 et 2016, de 1 935,05 euros, ce montant n'étant pas contesté dans son calcul ; qu'en revanche la provision sollicitée sur l'indemnité de congés payés y afférents ne sera pas accordée, dès lors que le treizième mois rémunère toute l'année y compris les périodes de congés payés et comporte donc déjà l'indemnisation de ceux-ci ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers sollicite subsidiairement de la cour, sur le fondement de l'accord de branche du 3 mars 2015, qu'elle déduise des sommes allouées la prime annuelle perçue par la salariée à titre de prime de fin d'année en 2015 et 2016 d'un montant total de 61,18 euros ; que l'accord invoqué institue le régime de la prime annuelle en faveur des salariés ayant plus d'un an d'ancienneté en précisant en son article 4 que la prime ainsi accordée ne se cumule pas avec "les primes ayant le même objet ou la même cause, notamment les primes à caractère annuel résultant d'un accord, d'un usage ou de stipulations contractuelles versées dans certaines entreprises en une ou plusieurs fois dans l'année" ; que par suite la question de l'absence de cumul possible conduit à réduire la provision sur créance non sérieusement contestable à la somme de 1 873,87 euros (1 935,05 - 61,18) ;

Considérant que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'audience de première instance, soit du 10 juillet 2015, faute de connaître la date de la réception par le débiteur de sa convocation devant la formation des référés ;

Considérant qu'il existe une difficulté sérieuse à condamner l'employeur à payer des sommes dues au titre du treizième mois pour l'avenir, dans la mesure où ce droit futur n'est pas certain et dépend des aléas de l'évolution de la relation contractuelle ;

Sur la garantie de la société ISS Propreté

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers sollicite de la cour qu'elle condamne l'entreprise sortante à la garantir, faute par elle d'avoir informé l'entreprise entrante sur l'existence d'un treizième mois, du fait que le protocole instituant le treizième mois au sein de la société ISS Propreté n'a jamais été appliqué par celle-ci, malgré deux sommations interpellatives du 11 janvier 2017 et du 27 mars 2017 ;

Considérant qu'il convient de se prononcer sur la recevabilité de l'appel dit provoqué, sur la compétence du conseil des prud'hommes et sur le fond ;

Quant à la recevabilité de "l'appel provoqué"

Considérant que la société ISS Propreté soulève l'irrecevabilité de "l'appel provoqué" de l'appelante contre elle, intervenu le 26 octobre 2017, soit plus de 18 mois après l'appel principal, et sollicite l'allocation de la somme de 20 000 euros pour appel provoqué irrecevable et dilatoire ;

Mais considérant que s'il a été décidé de convoquer la société ISS Propreté lors de l'audience du 21 mars 2017, du fait qu'elle ne l'avait pas été auparavant, il n'en demeure pas moins que l'appel interjeté par Mme [A] [J] épouse [N] le 11 avril 2016 était général puisqu'il précise porter sur "la totalité" de l'ordonnance ;

Que la présence tardive de la société ISS Propreté résulte de l'absence de convocation en début d'instance par suite d'une omission du greffe, de sorte qu'elle ne saurait obtenir que son exception soit retenue, ni obtenir une condamnation à des dommages-intérêts pour appel provoqué dilatoire ;

Quant à la compétence du conseil des prud'hommes

Considérant que la société ISS Propreté soulève l'incompétence de la cour, dès lors que l'appel en garantie loin de concerner un litige s'élevant à l'occasion d'un contrat de travail entre employeur et salariés, a trait à des contestations relatives aux engagements entre commerçants et relève par suite du tribunal de commerce ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1411-1 du Code du travail, le conseil des prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient ;

Considérant qu'il s'agit en l'espèce de savoir si l'appel en garantie en vue d'obtenir la condamnation de l'ancien employeur à rembourser au nouveau par suite d'une cession de marché, les primes de treizième mois versées par le second aux salariés repris pour satisfaire à un engagement du premier ; que cet appel en garantie s'analyse comme une action en responsabilité à raison de l'application fautive par la société ISS Propreté de l'article 7 de la convention collective lui imposant de transmettre le détail de sa situation individuelle de chaque salarié dont le contrat est transféré ; que cette question a pour objet la mise en oeuvre de l'articulation entre deux employeurs successifs d'un même salarié, de leurs obligations à l'égard de celui-ci ; que par suite le conseil des prud'hommes était bien compétent, s'agissant de régler plusieurs différends indissociables s'élevant à l'occasion d'un contrat de travail entre employeurs et salarié ;

Quant au fond

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers sollicite la condamnation de la société ISS Propreté à lui rembourser les sommes versées à Mme [A] [J] épouse [N] au titre du 13ème mois et à la garantir de toute condamnation relative à celui-ci ; qu'elle fait valoir au soutien de cette prétention que l'entreprise sortante n'a jamais porté à la connaissance de l'entreprise entrante le protocole comportant engagement de payer le treizième mois, qu'au demeurant la société ISS Propreté n'a jamais versé elle-même ;

Considérant que la société ISS Propreté objecte l'incompétence du juge des référés au regard des exigences d'urgence et de l'absence de contestation sérieuse ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe D I de l'article 7.3 de la convention collective de la propreté, l'entreprise sortante établit lors de la perte de son marché, une liste de tout le personnel affecté au marché repris, en faisait ressortir les salariés remplissant les conditions du transfert de leur contrat de travail à l'entreprise entrante, cette liste contenant le détail de sa situation individuelle, conformément au modèle figurant en annexe I c'est-à-dire notamment la rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures travaillées sur le marché ;

Qu'ainsi, il appartenait à la société ISS Propreté de communiquer à la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers le salaire dû à la salariée, treizième mois compris, sans qu'il importe de rechercher la raison pour laquelle la première société s'est abstenue de le payer ; que la société ISS Propreté ne justifie pas avoir apporté d'information à l'entreprise entrante sur l'existence d'un treizième mois, malgré les sommations que lui avait fait délivrer la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers le 11 janvier 2017 et le 27 mars 2017, soit bien après la perte du marché intervenue le 30 juin 2012, ni avoir indiqué à l'entreprise entrante si des protocoles ont été signés entre la société sortante et le syndicat CFDT et pourquoi ils n'ont pas été appliqués ;

Considérant que pour autant, la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers n'explique pas en quoi ce défaut d'information au moment du transfert du marché lui a causé un préjudice et en quoi cela justifierait surtout que la première société paye à sa place aux salariés une part du salaire dû par le nouvel employeur en application de l'article 7 ; que par conséquent en présence d'une contestation sérieuse et en dehors de tout pouvoir laissé au juge des référés de se prononcer et notamment en l'absence d'un trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu à référé ;

Sur l'indemnité d'habillage et de déshabillage

Considérant que Mme [A] [J] épouse [N] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1 640,46 euros d'indemnité en contrepartie du temps passé à l'habillage et au déshabillage qu'elle évalue s'agissant d'enlever et de remettre sa tenue de ville et d'enlever et d'enfiler sa tenue de travail, à 30 minutes par jour ; qu'elle y ajoute la nécessité de se laver les mains, voire les pieds, "pour ne pas transmettre de microbes aux enfants" ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers objecte que le temps mis pour ces opérations s'élève à une minute par jour, car la tenue de travail se limite à une blouse ou un pantalon et que le temps passé pour ce faire est pris sur le temps de travail et payé comme tel ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 3121-3 du Code du travail le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties, accordées sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou le lieu de travail ;

Considérant que contrairement à ce que prétend la salariée, les articles 3 à 3-3 de la convention collective n'imposent pas de tenue de travail avec le logo de l'entreprise, mais prescrit seulement une tenue adaptée et tous les accessoires nécessaires en cas de travaux particulièrement salissants ; que nul n'allègue que tel soit le cas du travail fourni par Mme [A] [J] épouse [N] ; que néanmoins, la société ne conteste pas que le port d'une blouse ou d'un pantalon soit obligatoire pour ses salariés ;

Considérant que l'employeur n'est pas démenti, lorsqu'il précise que cette tenue se limite à une blouse ou un pantalon, tandis que l'attestation du responsable de secteur Khadli établie le 10 juin 2013 et le compte rendu d'enquête du CHSCT démontrent que la tenue de travail est constituée de blouse et chasuble pour les femmes et de pantalon, polo ou tee shirt pour les hommes ; qu'enfiler de tels vêtements à l'arrivée et les enlever au départ avec opération inverse pour les vêtements de ville demandent au plus deux ou trois minutes par jour ; que onze attestations versées aux débats par la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers confortées par le procès-verbal de réunion sur la NAO du 8 décembre 2015 et le compte rendu d'enquête du CHSCT du 25 août 2017 établissent qu'il est admis au sein de l'entreprise que le temps d'habillage et de déshabillage est pris sur le temps de travail ; que par suite, sauf à rémunérer deux fois le temps d'habillage et déshabillage, la salariée ne démontre pas que sa demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou qu'elle est justifiée par l'existence d'un différend ou d'un trouble manifestement illicite ;

Considérant que la salariée ne justifie pas devoir se laver les mains voire les pieds en dehors du temps de travail à raison de son travail ; qu'il n'y a pas lieu non plus sur ce point à référé ;

Sur la contrepartie du nettoyage des tenues de travail

Considérant que Mme [A] [J] épouse [N] sollicite le paiement d'une indemnité de nettoyage des tenues de travail égale à 760 euros correspondant à 5 € par semaine sur 152 semaines, pour la période écoulée entre le 1er janvier 2014 et le 28 février 2017, en se prévalant de l'arrêt de la cour de céans du 20 janvier 2015, non censuré sur ce point par la Cour de cassation saisie d'un pourvoi de l'employeur pour les années antérieures ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers s'y oppose en alléguant l'existence d'un abattement de 8 % pour frais professionnels, l'installation de machines à laver sur les sites de Clichy et de [Localité 1], même si le personnel ne s'en sert pas toujours ; qu'elle indique avoir accordé aux salariés une indemnité de 1,5 € par mois à partir de janvier 2015 ; qu'elle estime en tout état de cause la somme demandée trop importante, puisque le coût réel de ce nettoyage se situe en réalité entre 0,31 euros et 1,21 euros par mois ;

Considérant qu'aux termes de l'article R 4323-95 du Code du travail, les vêtements de travail mis à la disposition des travailleurs pour les besoins de leur travail sont fournis gratuitement, ce qui assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires ; qu'en application de ces dispositions les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier ;

Considérant que la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers ne produit pas de justificatif d'un abattement forfaitaire qui s'appliquerait au défraiement du nettoyage des vêtements, autrement que par l'allusion vague et non probante qui y est faite dans le procès-verbal de la réunion de comité d'entreprise du 13 novembre 2014 ;

Considérant que la société démontre en revanche, par le procès verbal du comité d'entreprise précité et par deux attestations de salariés, la mise à disposition du personnel depuis le 2 août 2012 de machines à laver et sèche linge, notamment sur le site de Levallois où travaillait l'intéressée ; que par suite le droit à indemnisation tel que revendiqué se heurte à une contestation sérieuse ; qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur ce point ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour retard dans le paiement de salaires et "désobéissance et résistance" à l'application de l'arrêt du 20 janvier 2015

Considérant que Mme [A] [J] épouse [N] sollicite la condamnation de la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du non paiement du treizième mois au-delà de la période prise en compte par l'arrêt du 20 janvier 2015, résistant ainsi au principe adopté par celui-ci ;

Considérant que la société répond que cet arrêt n'a été rendu qu'en référé et qu'elle l'a exécuté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1231-6 du Code civil des dommages-intérêts à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, sous la réserve que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard peut obtenir des dommages-intérêts distincts ;

Considérant que la résistance de la société quant au paiement d'indemnités au titre du temps d'habillage et déshabillage et du nettoyage des vêtements était fondée au regard des motifs qui précèdent ;

Considérant, quant au treizième mois, que l'arrêt rendu par la cour de céans en référé n'a pas autorité de chose jugée au fond sur la période au titre de laquelle il a accordé le treizième mois, soit sur les années 2012 et 2013, ni a fortiori sur la période postérieure que concerne la présente demande ; que l'argumentation aujourd'hui développée par la société est différente de celle développée dans la précédente instance, dans la mesure où elle invoque l'inopposabilité à l'entreprise entrante d'un engagement conventionnel pris par l'entreprise sortante ; que par suite la mauvaise foi n'est par totalement établie ; qu'il n'y a pas lieu à référé ;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers à verser à Mme [A] [J] épouse [N] la somme de 50 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Considérant que la demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles de la Société ISS Propreté doit être rejetée, au vu des circonstances du transfert du marché ;

Considérant que les dépens seront mis à la charge de la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers qui succombe sur l'essentiel ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement déféré mais uniquement sur les demandes de Mme [A] [J] épouse [N] en paiement du treizième mois et en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers à payer à Mme [A] [J] épouse [N], à titre de provision, la somme de 1 873,87 euros avec intérêt au taux légal à compter du 10 juillet 2015 et une indemnité de 50 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

SE DÉCLARE compétent pour statuer sur l'appel en garantie de la SA GSF Grande Arche Etablissement de Gennevilliers contre la société ISS Propreté ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande formée par la société ISS Propreté de dommages-intérêts pour appel provoqué abusif ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [A] [J] épouse [N] en paiement à peine d'astreinte par l'employeur du treizième mois chaque fin du mois de décembre, sur la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage, sur l'indemnité d'entretien des vêtements de travail sous astreinte de 400 euros par jour de retard et sur l'appel en garantie de la SA GSF Grande Arche Etablissement de

Gennevilliers contre la société ISS Propreté ;

DÉBOUTE la société ISS Propreté de sa demande au titre l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers à payer à Mme [A] [J] épouse [N] la somme de 50 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE la SA GSF Grande Arche Etablissement Gennevilliers aux entiers dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02277
Date de la décision : 06/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-06;16.02277 ?
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