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27/02/2018 | FRANCE | N°16/03016

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 27 février 2018, 16/03016


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 00111



CONTRADICTOIRE



DU 27 FÉVRIER 2018



N° RG 16/03016







AFFAIRE :



[T] [D]



C/



SAS BUSY BEE exploitant le magasin sous l'enseigne 'CASH CONVERTERS'







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cergy-Pontoise

Section :

Encadrement

N° RG : 14/00067







Copies exécutoires délivrées le 27 Février 2018 à :

- Me Myriam MASSENGO- LACAVE

- la SCP D, M & D



Copies certifiées conformes délivrées le 28 Février 2018 à :

- M. [T] [D]

- la SAS BUSY BEE exploitant le ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 00111

CONTRADICTOIRE

DU 27 FÉVRIER 2018

N° RG 16/03016

AFFAIRE :

[T] [D]

C/

SAS BUSY BEE exploitant le magasin sous l'enseigne 'CASH CONVERTERS'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Cergy-Pontoise

Section : Encadrement

N° RG : 14/00067

Copies exécutoires délivrées le 27 Février 2018 à :

- Me Myriam MASSENGO- LACAVE

- la SCP D, M & D

Copies certifiées conformes délivrées le 28 Février 2018 à :

- M. [T] [D]

- la SAS BUSY BEE exploitant le magasin sous l'enseigne 'CASH CONVERTERS'

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 23 janvier 2018, puis prorogé au 27 février 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me Myriam MASSENGO-LACAVE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1132 substitué par Me Anne-lise LEBRETON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0760

APPELANT

****************

La SAS BUSY BEE exploitant le magasin sous l'enseigne 'CASH CONVERTERS'

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre AUDIGUIER de la SCP D, M & D, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0052

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Busy Bee exerce une activité de revente de biens d'occasion sous l'enseigne Cash Converters dans son magasin situé à [Localité 1]; jusqu'en 2012 elle était franchisée et indépendante du réseau Cash Converters; à compter du 25 septembre 2012 elle a été rattachée à la société Paris Cash Holding, créée en août 2012, laquelle regroupe et gère directement des magasins ayant ladite enseigne comme la société Busy Bee.

Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective du commerce de détail non alimentaire.

M. [D], alors âgé de 18 ans, a été engagé le 12 juillet 2006 par contrat à durée déterminée par la société Busy Bee en qualité de vendeur, puis a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006; à compter du 1er septembre 2008 il a été promu acheteur/vendeur; à compter du 1er février 2011 il a été promu responsable de magasin, avec une période d'essai de 2 mois, puis à nouveau promu comme directeur de magasin par avenant du 1er juillet 2012.

En dernier lieu la moyenne de ses trois derniers salaires s'élevait à 2 776 euros brut/mois, intégrant le rappel de salaire prononcé par le conseil.

Le samedi 19 janvier 2013, M. [D] était informé oralement par M. [V] qu'il était remplacé à compter du 21 janvier par M. [K], et il lui était demandé d'aller travailler le lundi 21 janvier au magasin de [Localité 2] pour effectuer le remplacement du directeur du magasin, ce que M. [D] acceptait dans un premier temps.

Le dimanche 20 janvier M. [D], qui venait d'obtenir son permis de conduire, avertissait M. [V] qu'il ne pouvait pas se rendre au magasin de [Localité 2] en raison des intempéries (neige) annoncées.

Le 24 janvier 2013 il était refoulé du magasin d'[Localité 1] par le responsable de la sécurité qui lui disait qu'il ne travaillait plus dans le magasin.

Par lettre du 31 janvier 2013, la société le convoquait à un entretien préalable fixé au 7 février, puis lui notifiait son licenciement pour faute grave le 21 février 2013, pour divers manquements.

Entre le 7 février et le 4 mars 2013, M. [D] se trouvait en arrêt-maladie.

Contestant son licenciement et l'absence de paiement de son indemnité de non concurrence, il saisissait le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 24 janvier 2014, lequel, par jugement du 12 mai 2016, dont la société a interjeté appel le 17 juin 2016 et M. [D] appel partiel le 20 juin 2016 (jonction ordonnée le 9 mars 2017), le déboutait de ses demandes de rappels de salaire liées à son poste de directeur de magasin du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 et au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et du repos hebdomadaire, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour l'absence d'organisation d'élections professionnelles ; mais requalifiait son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à lui verser les sommes suivantes :

- 620,30 euros à titre de rappel de salaire pour les retenues de salaire pour absences injustifiées (6 jours), outre les congés payés afférents,

- 7 920,42 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents,

- 3 484,98 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 407,76 euros au titre du reliquat d'indemnité de préavis avec prise en compte du minimum conventionnel, outre les congés payés afférents,

- 190,52 euros au titre du reliquat d'indemnité de licenciement avec prise en compte du minimum conventionnel,

- 4 752,85 euros à titre d'indemnité de non concurrence,

- 10 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil ordonnait la remise des documents de fin de contrat.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 30 octobre 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

M. [D] sollicite la confirmation du jugement quant à la requalification du licenciement et quant aux sommes allouées à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappels de salaire au titre du minimum conventionnel avec les reliquats incidents sur ces indemnités- mais l'infirmation du jugement pour le surplus avec maintien de ses demandes, priant la cour de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société à lui payer, sur la base d'un salaire moyen de euros brut/mois, les sommes suivantes :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'absence d'organisation d'élections professionnelles,

- 7 178,65 euros à titre de rappel de salaire comme directeur de magasin du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, outre les congés payés afférents,

- 23 003,84 euros à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,

- 18 215,48 euros à titre de contrepartie de repos et contingent annuel dépassé,

- 3 481,43 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect du repos hebdomadaire,

- 60 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brusque et vexatoire,

- 4 996,80 euros à titre d'indemnité de non concurrence, outre les congés payés afférents,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite la remise de bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés.

La société Busy Bee, ci-après la société, sollicite l'infirmation intégrale du jugement, à l'exception de la somme allouée au titre de l'indemnité de non concurrence, priant la cour de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

Sur le rappel de salaire du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012

M. [D] soutient avoir occupé dès le 1er juillet 2011 le poste de directeur de magasin, ce qui n'a été officiel que le 1er juillet 2012 au moment de la signature de l'avenant.

La société objecte que ni le salaire ni les fonctions n'ont changé avant cette date, selon les bulletins de salaire, d'autant qu'entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012 M. [D] a assisté le directeur du magasin M. [V].

En effet, comme la société le soutient valablement, au vu des bulletins de salaire de M. [D] pour la période concernée et au vu des courriels échangés entre M. [V] et M. Bee le gérant de la société à cette époque, il apparaît plutôt que c'est M. [V] qui est en lien direct avec le gérant et que M. [V] délègue de nombreuses tâches de gestion du magasin à M. [D]; cette supervision de M. [V] correspond plus à une phase de transition en vue de passer le relais à M. [D], qui est finalement devenu directeur de magasin.

Le fait que M. [D] ouvre et ferme le magasin chaque jour et s'occupe de la formation des salariés, comme cela ressort des attestations qu'il produit, ne suffit pas à établir que son poste de responsable de magasin s'était transformé en directeur de magasin.

Dès lors, la cour confirmera la conseil qui a débouté M. [D] de sa demande.

Sur la retenue de salaire pour les journées des 20,21,22 novembre et 4,5,11 décembre 2012

La société a retenu sur le solde de tout compte de M. [D] la somme de 620,13 euros pour des absences les 6 jours susvisés, alors que la société ne produit aucune pièce prouvant les absences de M. [D] ces jours-là; au contraire, ce dernier établit qu'il a travaillé, au vu des feuilles de caisse qu'il a contrôlées, des courriels envoyés, des tableaux des ventes réalisées tant par lui que les autres salariés chacun de ces jours.

La cour confirmera donc le conseil qui a fait droit à cette demande.

Sur le rappel d'indemnités de rupture au titre du rappel de salaire au titre du minimum conventionnel

Entre septembre et décembre 2012 le salaire de M. [D] a été mal calculé par rapport à la grille de salaire de la convention collective, d'où un écart en sa défaveur de 162,46 euros par mois; après réclamation, la société lui a versé le 22 juillet 2015, après saisine du conseil, un rappel de salaire, soit 799,71 euros outre 79,91 euros au titre des congés payés afférents.

Du fait de ce rappel de salaire, le salaire de référence des 3 derniers mois a été augmenté, passant de 2 640 euros brut à 2776 euros brut (après intégration des sommes de 214,05 et 193,70 euros selon le tableau et les calculs indiqués en page 19 de ses conclusions), ce qui justifie de faire droit aux demandes de M. [D] au titre des rappels incidents d'indemnité de rupture, tant au titre de l'indemnité de préavis (407,76 et 40,78 euros), que de l'indemnité conventionnelle de licenciement (190,52 euros), comme le conseil l'a jugé.

Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs

S'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient toutefois au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, l'employeur devant ensuite fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

La demande de rappel d'heures supplémentaires porte sur la période du 1er février 2011 au 21 février 2013, soit sur environ 2 ans.

M. [D] soutient qu'il venait travailler avant l'ouverture du magasin à 10h, entre 8h et 8h30 (selon les listing informatique attestant des envois de courriels) pour préparer le magasin et effectuer de nombreuses tâches (compter la trésorerie, préparer la caisse de la journée, fixer les objectifs du jour, réceptionner les livraisons à 8h, passer à la banque faire un dépôt, valider les commandes sur un logiciel, ouvrir le magasin à 9h pour laisser entrer la femme de ménage, s'assurer des conditions de sécurité), et il partait en dernier, effectuant la fermeture du magasin à 19h30 et quittant le magasin entre 20h et 20h30, de sorte qu'il travaillait plus de 39h par semaine, étant seulement payé de ses heures supplémentaires entre 35 et 39h.

Il précise n'avoir jamais fait de demandes de paiement de ses heures supplémentaires, de peur de perdre son travail.

La société fait valoir qu'elle ne demandait pas à M. [D] de venir si tôt et de rester tard le soir, lequel pouvait effectuer son travail aux mêmes horaires que les autres salariés auquel il était soumis en principe ; elle précise qu'il n'a jamais rien revendiqué pendant la relation contractuelle, étant payé des heures supplémentaires qu'il effectuait. Elle relève qu'il fixait le planning horaire des salariés du magasin mais ne notait pas le sien.

Or, au vu des horaires de fermeture du magasin du lundi au dimanche, des horaires des livraisons et de ceux de la femme de ménage, des attestations de salariés produites et des relevés informatiques des diligences effectuées par lui pour informer sa hiérarchie du montant du coffre fort et de la caisse, il apparaît que M. [D] arrivait au magasin entre 8h et 9h et en partait le plus souvent entre 20h et 20h30, ce qui permet, en prenant l'amplitude la plus faible (9h-20h) et en tenant compte d'une pause d'une heure d'évaluer les heures de travail à 10h par jour 5 jours par semaine ; cette évaluation maximum est compatible avec la demande de M. [D] retracée dans un décompte semaine par semaine; ce dernier, dans son décompte, ne tient compte d'ailleurs que d'une amplitude plus faible (de 9h30 à 20h, soit 30 mn avant l'ouverture et 30 mn après la fermeture), soit 9h30 par jour, pause déduite; toutefois, aucun détail n'est donné sur chaque jour, l'employeur n'ayant pas exigé ce détail sur le moment et M. [D] ne lui ayant pas signalé tous ses dépassements horaires par peur d'être licencié.

Au vu de ces éléments, incomplets sur les heures de travail jour par jour, mais établissant que M. [D] a certainement travaillé régulièrement au delà de 39h par semaine pendant la période concernée, sans être payé à hauteur de ses heures supplémentaires, il convient de retenir 1/3 de sa demande telle que présentée dans le tableau en pièce 98, après déduction des heures supplémentaires déjà payées et en les rémunérant pour moitié au taux de 25% et pour moitié au taux de 50%, avec reprise des taux horaires selon les périodes et au vu des bulletins de salaire, soit :

- 1/3 de 231 heures du 1er février au 31 août 2011, soit 77h:

38,5h x 13,35 euros (taux de l'heure majorée à 25%)= 513,98

38,5h x 16,02 euros (taux de l'heure majorée à 50%)= 616

soit 1129,98 euros

- 1/3 de 370,5 heures du 1er juillet 2011 au 31 janvier 2012, soit 123,5 h:

61,75h x 13,35 = 824,36

61,75h x 16,02 = 989,24

soit 1 813,60 euros

- 1/3 de 272,5 heures (545:2) du 1er février 2012 au 30 juin 2012, soit environ 91 h:

45,5h x 13,92 = 633,36

45,5h x 16,71 = 760,31

soit 1 393,67 euros

- 1/3 de 272,5 heures du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, soit environ 91 h:

45,5h x 18,21 = 828,56

45,5h x 21,86 = 994,63

soit 1 823,19 euros

- 1/3 de 42,5 heures du 1er janvier au 21 février 2013, soit environ14h:

7h x 18,46 = 129,22

7h x 22,14 = 154,98

soit 284,20 euros

Soit un total de 6 444,64 euros.

La société sera donc condamnée à lui payer la somme de 6 444,64 euros brut au titre des heures supplémentaires entre le 1er février 2011 et le 21 février 2013, outre celle de 644,46 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2014, date de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation.

La cour rejettera la demande au titre des repos compensateurs, le contingent annuel de 220h n'étant pas dépassé.

Sur le non respect du repos hebdomadaire

Selon l'article L.3132-1 du code du travail, il est interdit de faire travailler un salarié plus de 6 jours par semaine. Le repos hebdomadaire est donc d'au moins 35 heures consécutives, en tenant compte du repos hebdomadaire journalier de 11h.

M. [D] soutient avoir travaillé de nombreuses fois 6 jours ou plus de 6 jours consécutifs suivi d'un seul jour de repos.

La société le conteste au vu des plannings que M. [D] produit.

Au vu de ces plannings, il apparaît qu'il a effectivement travaillé à 25 reprises 6 jours consécutifs à cheval sur deux semaines, sans bénéficier d'au moins 35h de repos consécutives, et ce entre le 25 avril 2011 et le 21 février 2013.

Il y a donc lieu de faire droit dans son principe à sa demande de dommages et intérêts, tout en la ramenant à la somme de 2 000 euros au lieu de 3 481,43 euros.

Le conseil n'ayant pas statué sur cette demande, la cour l'ajoutera dans le dispositif du présent arrêt.

Sur l'absence d'organisation d'élections professionnelles

En application de l'article L.2312-2 du code du travail, toute entreprise d'au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des 3 dernières années, doit organiser l'élection de délégués du personnel.

M. [D] fait valoir que l'existence d'un délégué du personnel lui aurait permis d'être assisté d'un délégué du personnel et non d'un salarié non protégé comme M. [X] qui était susceptible de subir des pressions de la part de l'employeur.

Il précise que dans l'attestation Pôle Emploi la société a indiqué avoir 15 salariés au 31 décembre 2012, ce que la cour a pu vérifier; cette information est conforme au tableau des ventes réalisées par les salariés en novembre 2012 en pièce 48, qui fait état de 15 de prénoms de 15 salariés, M. [D] inclus.

La société se contente de contester la nécessité d'organiser des élections professionnelles, précisant qu'il ne faut pas inclure les salariés de la société Paris Cash Holding, sans apporter aucun élément sur le nombre de ses propres salariés au cours des 3 dernières années, notamment par la production de son registre du personnel.

Cette attitude de dissimulation et les éléments apportés par M. [D] sont des éléments qui tendent à établir que la société aurait dû organiser l'élection de délégués du personnel en 2012, mais en l'absence de certitude, la cour ne peut faire droit à la demande de M. [D].

Le conseil sera donc confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

L'article L.1235-1 du code du travail dispose que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que la faute grave est celle qui non seulement empêche la poursuite de la relation contractuelle mais rend également impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis de par la perturbation importante que son maintien en activité apporte au fonctionnement de l'entreprise.

Dans la lettre de licenciement, la société reproche à M. [D] des absences injustifiées, des versements d'acomptes de salaire les 11 décembre 2012 et 4 janvier 2013, une utilisation à des fins personnelles d'un bien de la société (port d'une montre de marque), le non respect de directives et des négligences dans ses fonctions, un négligence dans l'application des protocoles de sécurité du coffre du magasin, et enfin le non respect d'un engagement pris envers son responsable.

Sur les absences injustifiées

La société expose que [D] se serait absenté de son travail les 20,21,22 novembre et 4,5 et 11 décembre 2012 sans le signaler à la société, de sorte que ces absences n'ont pas été décomptées de son salaire. Il aurait reconnu ses faits lors de l'entretien préalable.

M. [D] conteste avoir reconnu ces faits, produisant une attestation de M. [X], salarié l'ayant assisté.

Or, comme l'a valablement estimé le conseil, le témoignage de M. [X] doit être écarté, vu son changement d'attitude au sujet de ce qui a été réellement dit par M. [D] lors de l'entretien préalable.

L'attestation de M. [F], produite par la société, est imprécise sur les heures et les jours où M. [D] prenait ses cours de conduite, ce qui ne permet pas d'établir que ce dernier s'absentait de son lieu de travail hors de ses temps de pause.

Les motifs du conseil -qui a confronté l'absence de toute pièce probante produite par la société aux nombreuses pièces produites par M. [D] qui établissent la réalité de son travail les jours de ses prétendues absences- seront adoptés par la cour, qui ne retiendra pas ce grief.

Sur les versements d'acomptes de 1 000 puis 400 euros les 11 décembre 2012 et 4 janvier 2013 sans l'accord de sa hiérarchie

La société reproche à M. [D] de s'être octroyé des acomptes sur salaire, et d'en avoir également octroyé à des salariés, sans l'accord préalable de la société; elle indique avoir notifié le 5 novembre 2012 à M. [D] un avertissement, l'informant de la procédure à respecter en matière d'acompte sur salaire.

Or, la société n'établit pas avoir envoyé cet avertissement par lettre recommandée, se contentant de produire une copie de cette lettre.

Elle ne produit pas non plus de note de service ou un règlement intérieur qui comporterait la mention de la procédure à respecter par un directeur de magasin, qui dispose d'une certaine autonomie, en matière d'acompte sur salaire.

Si M. [D] pouvait en 2009, alors seulement acheteur/vendeur non cadre, être obligé de demander l'autorisation préalable de la direction pour obtenir un acompte, sa situation avait évolué depuis, puisqu'il était devenu directeur du magasin.

Faute pour la société d'avoir, à l'égard de M. [D], clarifié par écrit ses directives en matière d'acompte sur salaire, elle ne peut lui reprocher de s'être accordé des acomptes par chèques (donc traçables), dont elle était informée a posteriori afin qu'ils soient déduits de son salaire.

Ce grief sera donc écarté.

Sur l'utilisation à des fins personnelles d'un bien de la société

La société reproche à M. [D] d'avoir emprunté et porté dans le magasin une montre de marque d'une valeur de 135 euros venant du stock du magasin sans l'avoir payée, ce qui constitue un mauvais exemple pour les salariés placés sous sa responsabilité de directeur.

M. [D] conteste ce fait, notamment qu'il aurait porté cette montre pendant l'entretien préalable.

Or, dans le compte-rendu de cet entretien (dirigé par M. [V]) que M. [D] a rédigé (pièce 115), il indique: "Je n'ai jamais caché porter cette montre en magasin, le jour de l'inventaire c'est toi (en parlant à M. [V]) qui a validé la présence de la montre en stock sachant qu'elle était à mon poignet."

Par cet aveu M. [D] établit lui-même qu'il empruntait régulièrement cette montre quand il se trouvait dans le magasin , ce qui ne constitue pas un bon exemple pour ses subordonnés, faute d'accord de la société sur ce genre de pratiques.

Toutefois, ce fait n'est pas suffisamment sérieux pour justifier un licenciement, mais pouvait donner lieu à un avertissement.

Sur le non respect de directives

- sur le port de l'uniforme :

La société reproche à M. [D] l'absence de port de son uniforme obligatoire en magasin.

Contestant ce grief, M. [D] fait valoir que la société ne précise pas la date de ce fait.

Or, dans le compte-rendu de l'entretien préalable susvisé (pièce 115), la société lui reproche le non port de son uniforme le 27 janvier 2013 et M. [D] lui répond : "Effectivement j'ai reçu un avertissement au mois d'octobre mais je n'ai pas souvenir de ne pas avoir mis ma tenue le 27."

La société ne produit aucune pièce établissant ce manquement de M. [D] le 27 janvier 2013, de sorte que ce grief ne peut être retenu.

- sur le protocole de sécurité du coffre du magasin :

La société reproche à M. [D] d'avoir laissé en janvier 2013 les clés du coffre en évidence sur le bureau et ce malgré plusieurs rappels à l'ordre lui demandant de conserver les clés avec lui en permanence. Il est admis que ce fait n'a eu aucune conséquence pour la société.

M. [D] conteste avoir été négligent et soutient que la société n'en rapporte pas la preuve.

Sur ce point le compte-rendu de l'entretien préalable rédigé par la société et celui rédigé par M. [D] diffèrent complètement; dans le premier ce dernier reconnait avoir donné la clé à un collègue M. [Q] (responsable sécurité des magasins) pour qu'il contrôle le coffre, et dans le second compte-rendu il est indiqué qu'il reconnait avoir laissé la clé sur le coffre le 2 janvier 2013.

Vu ses divergences, et l'impossibilité de retenir le témoignage de M. [X] qui a assisté à l'entretien préalable, la cour ne retiendra pas ce grief.

Sur le non respect d'un engagement pris envers son responsable

Il n'est pas contesté que M. [D] s'était engagé le 19 janvier à la demande de son supérieur hiérarchique, à remplacer pour une semaine à partir du lundi 21 janvier 2013 le directeur d'un autre magasin à 40 km de chez lui, il l'a prévenu la veille qu'il ne pourrait honorer cet engagement en raison des intempéries (chutes de neige) et du fait qu'il venait d'avoir son permis de conduire.

Néanmoins, il ressort des textos échangés entre M. [D] et M. [V] le 20 janvier à 18h51 que M. [D] lui proposait de faire un remplacement sur d'autres magasins plus proches si nécessaire. En réponse, alors que M. [D] lui confirmait ne pouvoir faire ce remplacement à [Localité 2], M. [V] lui aurait alors téléphoné à 19h pour lui faire comprendre qu'en rétorsion il lançait la procédure de licenciement en disant: "Mais tu n'a rien compris, c'est fini pour toi à [Localité 1]. Tu as fait ton temps, maintenant c'est [S]. Ne viens pas au magasin lundi, tu ne travailles plus à [Localité 1]. Je lance la procédure."

Il s'agit certes d'une retranscription faite par M. [D], mais elle correspond bien à la réalité car le 24 janvier 2013, alors que la société n'avait pas prononcé sa mise à pied, il était refoulé du magasin d'[Localité 1] par le responsable de la sécurité qui lui disait qu'il ne travaillait plus dans le magasin, ce qu'attestent deux témoins.

Dans un courriel du 25 janvier 2013, M. [V] indiquait à M. [D] qu'il était prévu que ce dernier quitte le magasin d'[Localité 1] et travaille au magasin de Garges les Gonesses, après la semaine de remplacement au magasin de [Localité 2].

La procédure de licenciement était lancée le 31 janvier.

L'ensemble de ces éléments et leur chronologie font ressortir à tout le moins un manque évident de cadrage juridique de la situation de M. [D] à partir du 21 janvier 2013, aucun écrit de la société ne lui annonçant par avance dans un délai raisonnable sa mutation dans un autre magasin, faisant apparaître que ce changement brusque de poste pourrait constituer une sanction suite à son refus d'effectuer le remplacement.

Par ailleurs, comme le conseil l'a jugé, M. [D] n'avait pas reçu d'ordre de mission formalisé au sujet de ce remplacement, l'ayant dans un premier temps accepté puis décliné pour des raisons parfaitement valables.

Ce refus ne peut donc être considéré comme une insubordination, de sorte que ce grief n'est pas établi.

Au vu du rejet de tous les griefs, un seul (l'emprunt de la montre) étant établi mais pas suffisamment sérieux, la cour confirme le conseil, jugeant que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour confirme aussi les condamnation prononcées par le conseil au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement.

En allouant à M. [D] la somme de 27 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil a pris en compte d'une part ses difficultés pour retrouver un emploi et d'autre part les circonstances vexatoires de son licenciement (l'ensemble des salariés ayant assisté au retrait des clés du magasin) engendrant une atteinte à sa probité au delà du préjudice moral subi et du choc émotionnel qui a entraîné un arrêt maladie d'environ un mois.

En conséquence, le jugement sera confirmé quant à la somme globale allouée, mais distinguera les préjudices, contrairement au conseil :

- 25 000 euros seront alloués à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros seront alloués à titre de dommages et intérêts pour le préjudice découlant du licenciement brusque et vexatoire.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement qui a déjà alloué la même somme globalement.

Sur l'indemnité de non concurrence

La société ne conteste pas la devoir, précisant qu'il s'agit d'un montant brut et non net comme le conseil l'a jugé.

Il convient donc de faire droit à la demande de M. [D] - ses calculs étant corrects (2776 x 15% x 12 mois)- tout en rectifiant l'erreur du conseil qui sera infirmé sur le montant.

La société sera donc condamnée à lui payer la somme de 4 996,80 euros brut, outre celle de 499,68 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes accessoires

La société devra remettre à M. [D] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés.

La cour allouera à M. [D] en appel la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 1 000 euros alloués par le conseil que la cour confirme de ce chef.

La société sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 12 mai 2016, sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires, le montant de l'indemnité de non concurrence et de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Busy Bee à payer à M. [D] les sommes suivantes :

- 6 444,64 euros brut au titre des heures supplémentaires entre le 1er février 2011 et le 21 février 2013, outre celle de 644,46 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 4 996,80 euros bruts au titre de l'indemnité de non concurrence, outre celle de 499,68 euros au titre des congés payés afférents ;

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2014 ;

- 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le non respect du repos hebdomadaire, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- 25 000 euros nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice découlant du licenciement brusque et vexatoire ;

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement ;

ORDONNE à la société Busy Bee de remettre à M. [D] des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au présent arrêt ;

CONDAMNE la société Busy Bee à payer à M. [D] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de la somme allouée par le conseil ;

CONDAMNE la société aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03016
Date de la décision : 27/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°16/03016 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-27;16.03016 ?
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