COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 FEVRIER 2018
N° RG 17/03235
AFFAIRE :
[S] [V]
C/
SAS SANDOZ
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 06/03058
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES
la PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP
Copies certifiées conformes délivrées à :
[S] [V]
SAS SANDOZ
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant , fixé au 1er février 2018 puis prorogé au 22 février 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [S] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Cédric FISCHER de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0147
APPELANT
****************
SAS SANDOZ
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me François FARMINE du PARTNERSHIPS CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0112
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2017, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Sylvie CACHET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET
L'activité du groupe Novartis est composée de trois divisions : la division 'Pharma' (médicaments), la division 'Acon' (ophtalmologie) et la division 'Sandoz', dont l'activité principale est la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques et biosimilaires.
La société Sandoz SAS (ci-après, la 'Société' ou 'Sandoz') gère l'activité française de la division Sandoz, et a pour principale activité la commercialisation sur le marché français de médicaments génériques, médicaments d'automédication et biosimilaires.
La Société est, depuis le 24 janvier 2001, une filiale à 100% de la société Novartis groupe France SA, elle-même filiale de la société Novartis AG, société de droit suisse. Les comptes de la société Sandoz SAS sont consolidés avec ceux de Novartis groupe France SA (ci-après, Novartis), son associé unique. La situation financière globale de Sandoz est consolidée au niveau de la société Sandoz international GmbH.
M. [S] [V] a été embauché par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 1999, par la société 'laboratoire Knoll France', en qualité de directeur commercial des génériques.
Par décision du conseil d'administration du 03 décembre 1999, M. [V] a été nommé directeur général de la société GNR pharma SA, société du groupe BASF.
Cette décision a été entérinée par un avenant à son contrat de travail en date du 28 mars 2000, aux termes duquel ses fonctions de directeur commercial étaient maintenues.
Son contrat de travail a ainsi été transféré, le 1er septembre 2000 à la société GNR pharma, laquelle a été acquise par la société Novartis groupe France SA le 24 janvier 2001.
M. [V] en assume les fonctions de président depuis le 1er septembre 2000. Il n'est pas rémunéré au titre de ce mandat.
La société GNR Pharma a été transformée en société par actions simplifiée et M. [V] en a été nommé président directeur général (PDG) le 10 juin 2002.
A compter du 3 décembre 2003, GNR Pharma a pris le nom commercial de Sandoz.
La convention collective applicable est la convention collective de l'industrie pharmaceutique.
Par lettre remise en main propre du 08 septembre 2006, la société Sandoz a informé M. [V] de sa mise à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 26 septembre 2006, puis reporté, à la demande de l'employeur, au 09 octobre 2006.
Par lettre du 19 septembre 2006, Novartis, en sa qualité d'associé unique de Sandoz, informait M. [V] de la révocation de son mandat social.
M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde le 16 octobre 2006.
La lettre de licenciement repose sur les six griefs suivants :
- surestimation des ventes et sous estimation des remises dues aux pharmaciens pour un montant de 40 à 50 millions d'euros ;
- production depuis 2004, voire 2003, de comptes sociaux erronés desquels étaient exclus des montants significatifs de remises ;
- perte de 1 500 clients et paiement de remises au-delà du seuil autorisé par la loi Dutreil ;
- absence de contrôle des processus commerciaux clés ;
- non respect de la politique SP3 ;
- dissimulation du niveau réel de remises de 50% au lieu de 30%.
Le 19 décembre 2006, les sociétés Sandoz et Novartis ont déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre portant sur ces faits.
Cette plainte était fondée sur le délit de présentation de comptes non fidèles, autrement appelé délit de faux bilan (articles L. 242-6 du code de commerce et 121-7 du code pénal) et M. [V], en sa double qualité de directeur commercial et de président de la société, y était directement visé.
Le 04 mars 2014, le ministère public a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [V] du chef de présentation de comptes inexacts.
Par ordonnance du 07 août 2014, le vice président chargé de l'instruction a toutefois déclaré n'y avoir lieu à suivre en l'état.
Par décision du 05 mars 2015, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a confirmé cette ordonnance de non lieu.
Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation le 28 septembre 2016, au motif qu'il n'existait pas de charges suffisantes pour que soient retenues sur le plan pénal les infractions reprochées.
M. [V] avait, pour sa part, saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 06 novembre 2006, de diverses demandes liées à la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 02 mars 2009, le conseil de prud'hommes, après avoir débouté la Société de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale, a considéré que l'intention de nuire n'avait pas été démontrée, que la faute lourde n'était pas caractérisée, mais que le licenciement pour faute grave était justifié.
C'est ainsi que le conseil de prud'hommes a :
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer et a décidé de joindre l'incident au fond ;
- dit que le licenciement de M. [V] est justifié pour faute grave et non pour faute lourde ;
- condamné la société Sandoz à verser à M. [V] :
. 14 666,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;
. 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [V] de ses autres demandes ;
- condamné la société Sandoz aux éventuels dépens.
M. [V] a interjeté appel de ce jugement.
Le 09 décembre 2010, la cour d'appel de céans, autrement composée, a sursis à statuer jusqu'à la fin de la procédure suivie par le juge d'instruction avec constitution de partie civile et radié l'affaire.
Le dossier, qui avait été envoyé aux archives où il n'a pu être retrouvé, a été reconstitué grâce à l'aide des conseils des parties, auxquels la cour souhaite ici exprimer ses remerciements pour l'avoir permis.
Par ses conclusions écrites, soutenues oralement, M. [V] demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé son appel ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute lourde ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute grave ; en conséquence,
A titre principal,
- relever l'absence d'infraction pénale susceptible de lui être reprochée ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger prescrits les griefs reprochés ;
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger le licenciement non fondé ;
En tout état de cause,
- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Sandoz au versement de la somme de 14 666,66 euros bruts au titre des congés payés acquis et non pris ;
- condamner Sandoz au versement de la somme de :
. 36 536,10 euros bruts au titre de la période de mise à pied conservatoire ; en outre, celle de 3 653,61 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
. 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire de la mise à pied conservatoire ;
. 86 532,96 euros bruts, soit trois mois de salaire, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; en outre, celle de 8 653,29 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
. 4 166,66 euros bruts au titre du solde de RTT acquis et non pris ;
. 99 570,60 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
. 519 197,76 euros, soit 18 mois de salaire, au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement ;
. 1 038 394,44 euros, soit 36 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des conditions vexatoires de son licenciement ;
. 1 644 271,74 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de n'avoir pas pu exercer les stock-options et actions gratuites qui lui avaient été attribuées ;
- ordonner la publication de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et celui de la décision à intervenir, dans dix journaux de la presse spécialisée et/ou de la presse quotidienne, au choix de M. [V], et ce aux frais exclusifs de Sandoz ;
- condamner Sandoz à payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure ;
- assortir la condamnation des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre avec capitalisation.
Par ses conclusions écrites, soutenues oralement, la société demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer partiellement la décision rendue le 02 mars 2009 par le conseil de prud'hommes de Nanterre, en ce que ce dernier a considéré que le licenciement de M. [V] ne reposait pas sur une faute lourde mais sur une faute grave ;
- juger que le licenciement de M. [V] repose bel et bien sur une faute lourde ;
A titre subsidiaire,
- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue le 02 mars 2009 par le conseil de prud'hommes de Nanterre, en ce que ce dernier a considéré que le licenciement de M. [V] reposait sur une faute grave ;
- débouter en conséquence M. [V] du surplus de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire,
- rapporter à de plus justes proportions les dommages et intérêts et rappels de salaires accordés à M. [V], sur la base des observations, calculs et justificatifs versés aux débats par la société Sandoz ;
En tout état de cause,
- constater que les faits reprochés à M. [V] n'étaient pas prescrits à la date d'engagement de la procédure disciplinaire ;
- débouter M. [V] de ses demandes relatives à :
- l'octroi de dommages et intérêts pour le caractère prétendument vexatoire de la mise à pied conservatoire ;
- l'octroi de dommages et intérêts pour le préjudice lié aux conditions de la rupture de son contrat de travail ;
- la publication de communiqués dans la presse aux frais de la société ;
- l'indemnisation de la prétendue perte de chance d'exercer des stock-options et des actions gratuites ;
- la condamnation de la société Sandoz au paiement d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes avec capitalisation ;
- l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
- condamner M. [V] à payer à la société Sandoz la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions déposées tant pour M. [V] que pour la société Sandoz SAS, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties,
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience collégiale du 7 décembre 2017,
MOTIFS
A l'appui de son appel, M. [V] soutient, tout d'abord, qu'au regard de la prescription de deux mois des faits fautifs, applicable à toute procédure disciplinaire aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, la cour devra déclarer nécessairement prescrits l'ensemble des griefs reprochés.
M. [V] soutient que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse.
A cet égard, il invoque tout d'abord le principe de l'estoppel, compte tenu du non-lieu prononcé sur le plan pénal.
M. [V] fait ensuite notamment valoir que le chiffre d'affaires de la société a été multiplié par 14 de 1999 à 2006 alors qu'il en était président ; que la méthode de comptabilisation des remises commerciales ne relève pas de la compétence du directeur commercial ; que Novartis a sciemment refusé de provisionner les remises arrières depuis 2002, et que la société a opéré un changement de méthode en 2006 avec l'aval des commissaires aux comptes ; que la procédure de validation des coopérations commerciales dépend du service contrôle de gestion ; que M. [L], directeur administratif et financier de la société Sandoz, avait seul et à l'insu de M. [V], transmis des situations financières déformées au siège ; que Mme [Q], chef comptable licenciée depuis, atteste que M. [V] n'était pas au courant avant le 29 août 2006 des irrégularités comptables ; qu'au demeurant, Mme [Q] établissait des 'reporting'sur les comptes mensuellement ; que la perte alléguée de 1 500 clients est impossible car elle correspondrait à 35% du portefeuille clients alors que le chiffre d'affaires a progressé sur cette période : qu'aucun reproche ne lui avait été adressé avant son licenciement ; qu'il a retrouvé un emploi le 1er septembre 2007, mais à un salaire inférieur de 10 000 euros par mois à son salaire précédent ; qu'il a subi de forts préjudices moraux, du fait de la brutalité de son éviction et de l'absence de transparence de la société Sandoz dans la communication des pièces sur lesquelles repose son licenciement.
En réplique, la Société soutient que la portée de l'ordonnance de non-lieu rendue par le vice-président chargé de l'instruction est nécessairement limitée.
Pour Sandoz, les faits n'étaient 'pas prescrits à la date d'engagement de la procédure disciplinaire'.
La Société rappelle que M. [V] était président de la société mais avait conservé son poste de directeur commercial et son statut de directeur salarié et invoque une 'découverte progressive d'irrégularités comptables graves au sein de Sandoz France', à compter de l''examen routinier' conduit, à partir du 13 juin 2006, du bilan comptable de la société, conduit par Mme [Q] R., responsable comptabilité et reporting de Sandoz International.
Le 24 août 2006, Sandoz international avait procédé à un examen approfondi des comptes, puis une mission d'audit interne s'est déroulée en deux temps, du 05 au 15 septembre 2006, puis du 20 au 28 septembre 2006 ; en octobre 2006, les commissaires aux comptes avaient avisé le procureur de la République des irrégularités comptables constatées. Une mission d' 'analyse des comptes pour l'exercice 2006 et (d'identification) des éléments qui auraient dû être comptabilisés sur des exercices précédents (en particulier sur l'exercice 2005' avait été confiée au cabinet Ernst & Young. Ce dernier établissait un rapport, le 16 novembre 2006, 'confirmant' l'existence d'irrégularités comptables : les commissaires aux comptes avaient relevé, dans leur rapport général de l'exercice 2006, des irrégularités comptables d'un montant de 37,4 millions d'euros. A l'occasion de la certification des comptes pour l'exercice clos au 31 décembre 2006, les commissaires aux comptes faisaient ainsi état d'un 'montant de charges transférées de 37 (millions d') euros'.
Par ailleurs, M. [V] avait été convoqué, le 8 septembre 2006, à un entretien préalable fixé au 26 septembre 2006, et mis à pied à titre conservatoire.
Entre-temps, M. [V] avait été reçu par le président de Novartis groupe France le 11 septembre et révoqué de son mandat de président de Sandoz, le 19 septembre 2006.
L'entretien était repoussé au 9 octobre 2006 et M. [V] licencié le 16 octobre 2006.
La Société considère ainsi que M. [V] a commis des fautes lourdes justifiant son licenciement : les irrégularités comptables découvertes (notamment l'augmentation anormale des charges constatées d'avance), la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens (alors que M. [V], en qualité de directeur commercial, était responsable de la relation avec les pharmaciens et décidait ou validait les remises qui leur étaient accordées au titre de la coopération commerciale), la surestimation des stocks, l'absence de mise en place d'un contrôle des processus commerciaux clés. Pour la Société, M. [V] porte une responsabilité personnelle dans la commission et la dissimulation des irrégularités comptables découvertes : il avait connaissance des irrégularités mais n'a pas réagi.
La Société fait aussi valoir que l'intention de nuire est caractérisée et que ces agissements ont eu un effet désastreux sur la société. Elle souligne que M. [V] était responsable de la politique commerciale de Sandoz et en particulier du niveau de remises accordées aux pharmaciens au titre des 'marges arrières' ; qu'il a intentionnellement occulté le niveau réel de remises accordées aux pharmaciens ; qu'il était informé des irrégularités commises relatives à la surévaluation du stock et qu'il n'a pas jugé utile d'intervenir ; que la société Sandoz a subi en plus d'une désorganisation complète de sa direction, de ses services financiers, comptables et commerciaux, un préjudice commercial et d'image, qui justifie le licenciement pour faute lourde de M. [V].
Au demeurant, la société considère que les demandes de M. [V] sont exorbitantes, que leur caractère est infondé et en tout état de cause disproportionné.
Sur la prescription
M. [V] plaide la prescription des faits constitutifs de la faute qui lui est reprochée, au motif que la Société ne pouvait les ignorer depuis plus de deux mois au moment où elle a engagé la procédure de licenciement.
La Société réplique qu'il lui a fallu mener des investigations pour découvrir la fraude qu'elle reproche à son salarié.
La cour observe que, malgré les montants en cause, ce seraient des investigations comptables menés à partir de juin et surtout depuis le 24 août 2006, qui ont permis de découvrir la fraude alléguée et son ampleur éventuelle (le fait que la véritable ampleur, telle que la Société la présente, de la fraude n'ait été connue qu'après que M. [V] avait été licencié pour faute lourde est une question distincte, évoquée ci-après).
M. [V] n'apporte pas d'élément, autre que le fait que tous les comptes de la société Sandoz étaient remontés au sein de Novartis France, et au-delà, tous les comptes consolidés au niveau de Novartis International GmBh.
La chronologie qu'il est possible de retenir, au vue des pièces soumises à la cour, est celle dégagée par Mme I.R., 'Head of Financial Reporting & Accounting' de la Division Sandoz (groupe Novartis).
Mme I.R. a pris ses fonctions en mars 2005. Elle était en relation directe et constante, via ses collaborateurs, avec Mme [Q], son homologue de la société Sandoz, dont le supérieur hiérarchique était M. [L] [L], directeur financier.
Selon l'attestation de Mme I.R., elle avait relevé, le 13 juin 2006, une augmentation d'environ 5 millions d'euros d'un compte inclus dans le poste 'autres actifs circulants', augmentation portée à 25 millions d'euros à la fin du mois de juin. Mme I.R. avait donc demandé des explications, puis insisté auprès de Mme [Q] pour les obtenir. Celle-ci était allée rencontrer Mme I.R., le 26 juillet 2006, et avait 'expliqué que le solde de ce compte par le service comptabilité de Sandoz France mais pour lesquelles les biens correspondants n'avaient pas encore été réceptionnés par la société : en conséquence, ces factures avaient été, selon ses dires, enregistrées dans le poste 'fournisseurs' au passif du bilan avec pour contrepartie une augmentation du même montant du poste 'charges constatées d'avances' à l'actif du bilan'.
Mme I.R. s'étonnait, d'autant que, selon elle, 'il y avait un risque non négligeable que ce montant de 'charges constatées d'avance' (soit 25 millions d'euros) corresponde en fait à des achats de produits pharmaceutiques qui auraient du être enregistrées en charges dans le compte de résultat ou à des stocks qui auraient du faire l'objet d'un teste de dépréciation de valeur au 30 juin 2006'. Mme I.R. demandait à Mme [Q] d'analyser 'de toute urgence' le détail des factures constituant ce poste. Mme [Q] répondait qu'elle partait en vacances le lendemain et verrait cela 'dès son retour lors de la semaine du 21 août 2006', qu'elle ne pouvait le déléguer à un membre de son équipe dans l'intervalle. Mme I.R. informait son supérieur (M. G.N., 'Western Europe Regional CEO'), le 27 juillet 2006. Ce dernier cherchait à entre en contact avec M. [L], que Mme I.R., ne pouvait rencontrer, chez Sandoz, que le 24 août 2006. Ce dernier aurait affirmé, selon Mme I.R., 'qu'il n'avait aucune inquiétude sur le niveau des résultats réalisés par la société Sandoz France au cours de l'exercice 2006'. De retour en Allemagne, Mme I.R. adressait à M. [V] à et M. [L] par courriel une 'version écrite et détaillée du plan d'actions discuté le 24 août 2006'.
Toujours selon Mme I.R., M. [V] avait téléphoné, le 30 août 2006, à M. E.G., 'Head Commercial Operations Europe' et à M. G.N., 'pour les informer que Mme [Q] lui avait avoué avoir enregistré les écritures de 'charges constatées d'avance' sur ordre d'[L] [L] et que ces écritures n'étaient pas, de l'avis de [N] [Q], justifiées'.
Ainsi, le 31 août 2006, MM. K.P., E.G., G.N. et [S] [V] décidaient, avec Mme I.R., 'de suspendre provisoirement [L] [L] de ses fonctions afin de permettre à une mission d'investigation financière approfondie et indépendante d'être menée'.
Il résulte de ce qui précède que les faits visés dans la lettre de licenciement, pris dans leur ensemble, ne peuvent être considérés comme empêchant la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour faute puisque, au moment où celle-ci a été engagée, leur révélation datait de moins de deux mois.
La cour déboutera M. [V] de sa demande de voir considérer, par principe, comme prescrits les faits allégués à l'appui du licenciement.
Il ne résulte cependant pas de cette considération qu'aucun des faits reprochés ne pourrait être considéré comme prescrit, ainsi qu'il sera déterminé ci-après.
Sur l'estoppel
Selon le principe d'estoppel, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers(Assemblée plénière 27 février 2009, 07-19841, rapport de M. Boval, conseiller rapporteur et avis de M. de Gouttes, Premier avocat général, BICC n°700 du 15 avril 2009 - 1ère Chambre civile, 3 février 2010).
Mais ce principe doit être entendu restrictivement : l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir si les actions engagées n'étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n'opposaient pas les mêmes parties (même arrêt).
En l'espèce, M. [V] considère que le non-lieu dont il a bénéficié de la part de la juridiction pénale empêcherait que la société Sandoz puisse continuer aujourd'hui d'invoquer la faute lourde à l'appui du licenciement dont il a fait l'objet.
La cour doit faire deux observations à cet égard.
D'une part, la décision pénale concernée est une décision de non-lieu et non une décision de relaxe ; quand bien même elle est définitive, il ne peut être considéré qu'il en résulte nécessairement que M. [V] n'a pas commis les faits qui lui sont reprochés. Il a régulièrement été jugé, et la cour de céans ne trouve aucun motif valable de se départir de cette détermination, que l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui sont définitives et statuent sur le fond de l'action publique et qu'elle ne saurait appartenir aux décisions de non-lieu, même devenues définitives, qui sont, toutes choses égales par ailleurs, révocables en cas de charges nouvelles.
D'autre part, la commission de l'infraction pénale poursuivie impose qu'ait été violée une règle imposée par la loi, et que l'auteur de cette violation ait eu l'intention de la commettre. Cette intention n'est pas requise lors de l'examen de la même situation factuelle par le juge prud'homal.
Sauf dans le cas particulier de la faute lourde, motif qu'a invoqué la société Sandoz pour licencier M. [V], qu'il convient donc d'examiner ici.
Sur la faute lourde
La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, se lit de la manière suivante (les intertitres sont de la cour) :
'Le 1er septembre 2006, le Business Practices Officer (BPO) a reçu des informations provenant de la Direction de la division Sandoz à Holzkirchen (Allemagne) indiquant que le Financial Reporting system (FRS) soumis par Sandoz SAS contenait des informations financières douteuses. Le BPO a alors confié une missions d'audit interne à une équipe issue des Départements 'Sécurité Interne' et 'Audit'.
Cette mission d'audit interne s'est déroulée à partir du 5 septembre 2006 et a révélé l'existence de manipulations des comptes des exercices 2005 et 2006, en particulier en c e qui concerne la comptabilisation des comptes sociaux et dans le 'reporting' interne.
La falsification des états financiers a de nombreuses conséquences dommageables, no seulement pour la société Sandoz SAS mais également pour les autres sociétés du groupe Novartis dans la mesure où les comptes sont consolidés au niveau du groupe.
Cette enquête confirme que, en votre qualité de Directeur Commercial de Sandoz SAS, vous vous êtes rendu l'auteur d'agissements d'une extrême gravité causant un préjudice financier et de réputation considérable, non seulement à la société Sandoz SAS, mais également au groupe Novartis.
Parmi les documents financiers concernés par ces irrégularités figurent : le Financial Reporting Statement (FRS) remis au Siège de la division Sandoz lors de chaque exercice mensuel, trimestriel et annuel, les comptes intermédiaires statutaires, la valeur des stocks, le montant des remises, les comptes clients, les charges à payer et comptes fournisseurs, les autres actifs payés d'avance.
Ainsi, nous avons, à ce jour, découvert notamment les faits suivants :
Grief 1
. Au moins au cours de l'année 2005 et depuis le début de l'années 2006, les chiffres de vente ont été surestimées et les remises dues aux pharmacies ont été sous-évaluées à hauteur d'environ 40 à 50 millions d'euros. Or, vous aviez reçu et signé les rapports mensuels sur les ventes et approuvé les listes détaillées pour des montants substantiellement différents. En effet, les feuilles de résumé que vous avez signées indiquent clairement que les niveaux moyen de remise se situent toujours au-dessus de 50 pour cent. Pour autant, le 'reporting' FRS de Sandoz et du groupe indique un niveau total de remises de 30 pour cent.
Plusieurs salariés vous ont alerté par écrit à plusieurs reprises afin de vous mettre en garde contre la sur-évaluation des stocks et le non-paiement des remises (...) Pour autant, vous n'avez pris aucune des mesures appropriées qui relevaient pourtant de vos responsabilités et n'en avez même pas informé vos supérieurs hiérarchiques au niveau des fonctions commerciales du groupe.
Grief 2
. Au moins de puis la fin 2004, voire depuis la fin 2003, Sandoz SAS a produit des comptes sociaux erronés aux Commissaires aux Comptes pour vérification. Afin de cacher la nécessité d'une régularisation des remises à la clôture de ces exercices, il a été exclu du traitement comptable des montants significatifs de paiement de remises dont vous avez la responsabilité. En cachant intentionnellement des informations sur les remises notamment pour les Commissaires aux Comptes, les états financiers de 2004 et 2005 présentés aux actionnaires étaient donc erronés, tout comme l'a été par conséquent le versement de trois millions d'euros de dividendes au titre de l'exercice 2004.
Grief 3
. Nous avons été informés de la perte de 1.500 clients par la société (soit 15% de la base clients existante) à cause des retards de paiement des remises. Pour palier les risques qui en découlaient, le paiement des remises aux pharmacies a été accéléré en 2006. A fin juillet, la société a effectivement décaissé 41,7 millions d'euros (35% des ventes) en remises 'hors facture', au lieu des 19,6 millions d'euros (20% des ventes) calculés dans les rapports mensuels sur les ventes. Cette amplitude est cependant en totale violation de la réglementation, dépassant le maximum autorisé par la loi Dutreil en vigueur depuis le 1er janvier 2006. Une enquête de la (DGCCRF) est d'ailleurs en cours.
Grief 4
. Vous n'avez pas mis en place un contrôle des processus commerciaux clés, notamment des contrôles de base permettant de valider la fiabilité du 'reporting' (ventes, recouvrement des liquidités, stocks et comptes clients) des groupements d'acheteurs avec lesquels Sandoz a établi des partenariats commerciaux initiés par vous-même. L'analyse des données par Depolabo montre que la valeur des marchandises expédiées par Depolabo aux plate-formes en consignation de stock est significativement plus élevée que les ventes aux pharmacie communiquées par les plate-formes à Sandoz France, ce qui est un sujet de préoccupation important.
Grief 5
. Vous n'avez pas assuré le respect de la politique SP3 (Sandoz Promotional Practices Policy). Des infractions sérieuses à la SP3 ont été découvertes. L'une d'entre elles fait actuellement l'objet d'une enquête de police. Cette enquête n'avait pas été signalée à la direction de Sandoz. Cette dernière affaire, ainsi que d'autres violations de la SP3 feront l'objet d'une enquête distincte du Département 'Sécurité Interne'.
Grief 6
. Conformément à la politique SP3, 'une rémunération peut seulement être accordée aux fournisseurs du secteur de la santé en contrepartie de services réels, raisonnables et nécessaires', ce qui exclut les avantages corrélés aux ventes. A l'issue de l'audit interne de juillet 2004, et après la remontée d'informations au Siège de la division Sandoz sur la pratique des remises, vous avez obtenu une dérogation de la part du Siège de la division Sandoz, pour continuer à payer des commissions rémunérant des prestations de services corrélées aux ventes. Pour ce faire, vous avez masqué le niveau réel des remises de 50% comme indiqué plus haut, contre 30% selon les informations communiquées au Siège (différence en 2005: 40 à 50 millions d'euros). De ce fait, la dérogation accordée par le Siège a été donnée sur un motif erroné et la politique commerciale appliquée sous votre responsabilité n'était pas conforme à la politique SP3 et ce de manière très significative.
En conclusion, nous avons la preuve que vous avez, avec l'aide du directeur financier, intentionnellement falsifié et de façon significative, les états financiers 2005 et 2006 (il n'est pas exclu que ces falsifications concernent également les années précédentes), en particulier en ce qui concerne la comptabilisation des ventes, l'évaluation des stocks et les charges à payer. (...) (souligné par la cour)'.
Trois observations préliminaires s'imposent à la lecture de ce qui précède :
D'une part, à l'évidence, la lettre de licenciement associe à des reproches adressés à M. [V] en tant que directeur commercial de la société Sandoz, des reproches qui semblent davantage dirigés contre M. [V] en tant que président de cette société. La Société écrit d'ailleurs dans ses conclusions : '...la politique de coopération commerciale est importante pour la Société. En sa double qualité de Président et de Directeur commercial, Monsieur [V] en avait la maîtrise absolue :
- il en déterminait et arrêtait les principes en sa qualité de Président ;
- il la mettait en oeuvre et la supervisait en sa qualité de Directeur commercial'.
Il est juste, cependant, de noter ici que M. [V], dans ses conclusions, tend lui-même à jouer de son double titre, au risque qu'un désaccord puisse exister entre le directeur commercial, qui ne connaît que de son domaine, lequel serait restreint, et le président qui ne serait pas toujours informé de l'action du directeur commercial.
D'autre part, certains reproches semblent être formulés non par l'employeur de M. [V], la société Sandoz SAS, mais par la 'division Sandoz', c'est à dire la société Novartis.
Ensuite, à l'évidence, les griefs tels que formulés se recoupent, parfois très largement.
Enfin, ce qui suit doit tenir compte de l'intervention, à compter du 1er janvier 2006, de la loi dite 'Dutreil', qui a limité à 20% le pourcentage des commissions 'hors facture' réglées aux pharmaciens au titre des services de promotion. Or, en 2005, Sandoz France avait réglé à ce titre, selon le rapport de la mission d'audit interne, un pourcentage qui 'avoisinait 44%'. Mais comme il a pu être noté, l'effet immédiat de la loi 'Dutreil' et de l'arrêté du 29 décembre 2005 ont eu pour effet que les pharmaciens soient obligés de baisser le prix de vente des génériques 'éthiques' si les seuils des marges arrières étaient atteints. Ainsi, les pharmaciens, qui avaient pu bénéficier de marges arrières importantes auparavant, ont eu tendance à 'sur-stocker' en fin d'année 2005 puisqu'en 2006, ces marges allaient être limitées à 20%.
C'est à la lumière de ce qui précède que la cour examinera chacun des griefs reprochés, non sans relever que, comme indiqué plus haut, l'attestation de Mme I.R., tend à imputer à Mme [Q] et à M. [L], et non à M. [V], la responsabilité de la présentation de comptes erronées mais sous réserve d'une enquête 'approfondie' devant être menée ; que M. [V] a été licencié le 16 octobre 2006, pour faute lourde, après la mission d'audit interne conduite, en deux temps sur tout le mois de septembre 2006 et avant que les résultats de la mission confiée au cabinet Ernst & Young ne soit connue ; et que la présentation que fait la Société des griefs reprochés conduit à ce qu'ils soient mélangés (ainsi notamment des griefs 1 et 2) ou que les mêmes arguments soient repris à l'appui de différents griefs.
Grief 1 : surestimation des ventes et sous estimation des remises dues aux pharmaciens pour un montant de 40 à 50 millions d'euros
Il s'agit ici, selon les conclusions de la Société, des remises dues aux pharmaciens au titre de la 'coopération commerciale' ou 'services distincts' (créatrice de 'marges arrières' : pour prendre l'exemple donné par la Société, si une remise de ce type est négociée à 20%, le pharmacien 'émettra une facture à Sandoz pour un montant correspondant à 20% du prix de vente brut'.
La Société souligne que la pratique des marges arrières 'est un élément non négligeable de la stratégie de la plupart des acteurs' du marché des médicaments génériques. Selon elle, c'est 'notamment la raison pour laquelle il était cohérent que la direction commerciale de la Société soit assumée par le Président de Sandoz lui-même, Monsieur [V], qui ainsi contrôlait ce processus de négociation. Monsieur [V] validait donc lui-même chaque mois les niveaux de coopération commerciale en signant les 'Fiches de validation et d'accord de déblocage des coopérations' (souligné comme dans l'original des conclusions ; la cour note ici que la pièce n°8 visée en référence n'a rien à voir avec cette affirmation ; il faut consulter les pièces n°11).
De fait, les fiches de validation produites, qui concernent les mois de mars à décembre 2005, portent trois signatures, dont celles de MM. [L] et [V], et font état de remises de coopération commercial à un taux compris entre 36 et 42%.
La cour relève que la Société n'est pas fondée à invoquer le caractère frauduleux du montant de la remise, dès lors qu'il résulte de ses propres écritures que ce montant 'était transmis par Sandoz France à Sandoz International et Novartis via les reportings FRS mensuels'.
Le débat ne peut porter ici que sur la comptabilisation de ces remises.
La réponse apportée à cette question par l'audit interne n'est pas claire, tout étant évidemment une question de présentation. De ce que la Société cite, la cour peut retenir que seulement 30% des remises aurait été comptabilisées et payées en 2005, avec pour résultat le report sur l'année suivante d'une somme de 33 millions d'euros (que la Société compare au chiffre d'affaires 2005 d'un montant de 209 millions d'euros). Cela étant, si ce taux de 30% est exact, il n'est pas possible de considérer, comme l'a fait le rapport d'audit, que 44% de commissions auraient été payées aux pharmaciens en 2005, puisque, selon les écritures mêmes de la Société, les marges arrières auraient été, au mieux, de 50%.
Quoi qu'il en soit, la cour souligne que, dans sa présentation, la Société n'apporte pas d'élément de contestation sérieux à opposer à l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour de céans (autrement composée), laquelle a notamment discuté, dans la partie intitulée ' Sur l'absence de provisions sur les coopérations commerciales', la circulaire du 16 mai 2003 (relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, applicable en 2005) et la loi du 2 août 2005 'Dutreil', applicable à compter du 1er janvier 2006, ayant donné une nouvelle définition du seuil de revente à perte, comme indiqué plus haut) pour relever que 'il n'est pas contesté que les lois (Dutreil et de financement de la sécurité sociale) avaient rendu moins attrayante la rémunération des pharmaciens qui de ce fait avaient cherché à profiter au maximum des avantages de l'ancienne réglementation avant son changement annoncé ; qu'ainsi la fin de l'année 2005 a donné lieu à des pics de vente inattendus liés au stockage dans les pharmacies mais également chez les grossistes'. De plus, la Société ne conteste pas que M. [V] avait, dans un compte rendu de comité de direction du 17 février 2005, souligné 'en 2005, nous allons obligatoirement être contrôlés par la DGCCRF. Sur tous les contrats des pharmaciens nous devons être irréprochables. Nous devons revoir tous les contrats groupements. Il doit y a voir une vérification de tous les contrats. Au besoin engager un juriste de plus'.
L'attestation de M. J.C., directeur des opérations, licencié en mai 2006 pour suppression de poste, permet de noter que c'est M. [V] qui avait demandé, le 9 décembre 2005, une réflexion pour améliorer le processus des coopérations commerciales et qu'il lui avait répondu que le problème ne venait pas du processus lui-même 'mais de l'interruption de celui-ci à la demande de Monsieur [L] (...) interruption qui mécontentait notre clientèle'. Il résulte des termes mêmes de cette attestation que M. [V] aurait ignoré les difficultés éventuelles concernant les coopérations commerciales avant décembre 2005, qu'elles auraient en tout état de cause pour origine une décision de M. [L] et non de M. [V].
En outre, la Société ne conteste pas davantage l'observation de la chambre de l'instruction que l'affirmation par Sandoz de la fiabilité de l'outil permettant l'enregistrement des charges relatives aux coopérations commerciales, à savoir le logiciel 'Cristal', 's'oppose au constat de la direction générale des impôts sur la période vérifiée (exercices clos les 31 décembre 2004, 31 décembre 2005 et 31 décembre 2006) qui concluait que 'la structure du système informatique utilisé par la société ne permet pas de valider le calcul des marges au regard du chiffre d'affaires réalisé, le logiciel Cristal étant déconnecté de la comptabilité générale... La reconstitution du CA annuel par ce biais et donc la ventilation des opérations selon les produits et les remises ne peut être effectuée' (...) qu'ainsi suite à cette incapacité après une enquête fiscale approfondie l'administration fiscale a refusé à la société SANDOZ la modification des comptes 2005'.
La chambre de l'instruction, poursuivant l'examen de ce point, ajoute que, en vertu des contrats signés avec les pharmaciens, 's'il y avait une obligation entraînant une sortie des ressources au bénéfice des pharmacies, SANDOZ devait percevoir une contrepartie certaine, à savoir la publicité de ses produits par les pharmacies' et conclut que 'SANDOZ n'avait pas d'obligation de provisionner ces coopérations commerciales'.
Au demeurant, la Société ne produit pas d'élément, autres que ses propres audits et évaluations, quant au fait que les ventes auraient été surestimées.
S'agissant de la sur-évaluation des stocks, la présentation que fait la Société de l'attestation de M. B.Q., directeur industriel, ne correspond pas à son contenu réel. En effet, M. B.Q., s'il confirme bien avoir constaté une difficulté concernant les stocks, indique d'abord que le problème lui a été signalé par M. [L], en août 2005, lequel disait que l'écart (4 millions d'euros environ) serait rectifié lors de la clôture de fin septembre 2005. M. B.Q. ajoute qu'il avait constaté que l'écart avait perduré, qu'il avait alerté le responsable 'Achats et Logistique', que ce dernier lui faisait part d'un écart de 6 millions d'euros (10 octobre 2005). M. B.Q. explique ensuite qu'il a constaté une 'différence significative entre le prix moyen des boîtes vendues et le prix moyen des boîtes en stock', qu'il a demandé des explications à M. [L], qu'il n'a pas eu de réponse, qu'il a 'pris la décision d'en informer oralement Monsieur [V]' et qu'il avait été 'informé plusieurs semaines plus tard' que M. [V] avait 'adressé un mail de remontrances à M. [L]'.
La cour ne peut que constater que cette attestation ne démontre en rien que M. [V] aurait sciemment décidé de gonfler artificiellement la valeur du stock.
De même, l'attestation de M. S.D., chef de projet, placé sous la subordination directe de M. [L], indique que c'est ce dernier qui lui avait demandé 'à de nombreuses reprises lors des clotures mensuelles de revoir la valeur du stock et d'en augmenter les coûts indirects sur la base des allocations effectuées par lui-même' et qu'il avait assisté à des échanges entre M. [L] et Mme [Q] 'pour que des charges liés aux achats de stock soit différés' (sic).
Cette attestation ne met pas en cause M. [V] quant à l'évaluation des stocks.
Il en va de même en ce qui concerne l'attestation de Mme C.B., responsable comptable, qui n'évoque que Mme [Q], qui aurait demandé le mot de passe permettant de supprimer des écritures comptables, et M. [L].
La cour dira ce grief non établi.
Grief 2 : production depuis 2004, voire 2003, de comptes sociaux erronés desquels étaient exclus des montants significatifs de remises
Sur ce point, outre ce qui précède, la cour de céans relève, encore une fois, ce qui a été décidé par la chambre de l'instruction et dont la Société ne démontre en aucune manière qu'il conviendrait de décider différemment, s'abstenant de reprendre le débat sur ce point, s'agissant de la 'méthode comptable' :
'..l'absence de provision récurrente en fin d'exercice ne pouvait pas plus être ignorée du commissaire aux comptes, qui auditait régulièrement la société, alors même que le poste des coopérations commerciales était devenu le 2ème poste de charges comptable en importance ; (..) à ce titre il est significatif de constater que la méthode retenue et validée par le groupe et les commissaires aux comptes ne comprenait qu'un très faible montant de provisions pour les commissions pharmaciens ; qu'il est constant qu'une même règle a été appliquée pendant 7 ans consistant à ne pas provisionner les coopérations commerciales en fin d'exercice; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'un choix avait été effectué sur le plan comptable depuis de nombreuses années, choix constituant une décision de gestion régulière au sens comptable et fiscal du terme, opposable tant à l'administration qu'à la société SANDOZ ; que constitue notamment une décision de gestion régulière celle de constituer ou non une provision pour faire face à une charge probable ou douteuse; que ce n'est qu'en 2006 que la méthode comptable quant à la prise en compte des provisions a changé sans que celle-ci ne fasse l'objet d'un commentaire dans le rapport général des commissaires aux comptes' (souligné par la cour de céans).
Il est au demeurant acquis que toutes les décisions relevant de la procédure dite des 'termes de référence' en vigueur au sein du groupe Novartis devaient être soumises à Sandoz puis à Novartis, notamment 'la structuration du système comptable et du contrôle financier, (...) les contrats avec les clients, les fournisseurs (..) et généralement tous les contrats supérieurs' à un montant qui est, en pratique, très faible au regard du chiffre d'affaires réalisé par la Société.
En d'autres termes, Novartis, associé unique de Sandoz, ne peut prétendre ignorer l'absence de provisions en fin d'exercice sur le poste des coopérations commerciales.
En d'autres termes, la Société ne peut reprocher à M. [V] d'avoir appliqué une politique qu'elle avait agréée et qui était agréée par l'actionnaire unique, d'autant moins qu'elle ne soumet pas d'élément qui permettrait de considérer qu'il y ait eu volonté de dissimuler, à l'actionnaire, aux administrations en général et à l'administration fiscale en particulier, tout ou partie de la comptabilité.
Et là encore, la société peut d'autant moins adresser ce reproche à M. [V] et le retenir comme constitutif d'une faute lourde que, comme indiqué plus haut, elle ne pouvait ignorer la pratique comptable suivie et ce, selon les termes mêmes du grief, depuis 2004 'voire 2003' ce qui aurait pour conséquence que ce grief serait, en tout état de cause, atteint par la prescription.
Grief 3: perte de 1 500 clients et paiement de remises au-delà du seuil autorisé par la loi Dutreil
La question du paiement de remises au-delà du seuil autorisé par la loi Dutreil a déjà été débattue plus haut (pour être écartée).
Quant à la perte de 1 500 clients, la Société l'établit exclusivement par la présentation d'un tableau sur l'évolution des parts de marché de la Société entre 2006 et 2016, qui voit cette part baisser de 12,5% an 2006 à 5,4 en 2010, pour remonter progressivement à 11,2% en 2016, courbe que la société explique par la perte de confiance des pharmaciens suite aux 'agissements' de M. [V] et à la difficulté qu'il y a eu à renouer un lien de confiance.
Il pourrait être observé que la chute de la part de marché correspond avec le départ de M. [V].
Surtout, la Société, qui pourtant se gausse de ce que M. [V] s'en 'attribue tout le mérite', ne conteste en rien que, de 18 millions d'euros en 1999, le chiffre d'affaires de Sandoz est passé à 240 millions d'euros en 2006 et que, de la sixième place, Sandoz soit passée à la 3ème place des laboratoires de médicaments génériques.
En l'absence de démonstration pertinente, la cour ne peut réconcilier ces indicateurs chiffrés, a priori peu compatibles entre eux.
Mais c'est à l'employeur de caractériser la faute du salarié et la cour dira donc ce grief non établi.
Grief 4 : absence de contrôle des processus commerciaux clés
La Société indique que la société Depolabo mettait à disposition une plate-forme logistique et assurait le traitement comptable des factures, ce qui n'est pas contesté.
Elle renvoie, pour asseoir ce grief, au rapport d'audit interne et à l'attestation de M. J.C., directeur des opérations.
La cour a analysé plus haut cette attestation, dont il est impossible de considérer qu'elle permette en quoi que ce soit d'établir ce grief, au contraire.
Quant au rapport d'audit, il affirme que 'de nouveaux contrats sont conclus chaque année par Monsieur [V]. L'analyse des données de Depolabo montre que la valeur des marchandises expédiées par Depolabo aux plate-formes en considération de stocks est significativement supérieure (30%-50%) aux ventes aux pharmacies communiquées par les plate-formes à Sandoz France. Le flux des remises payées via Depolabo (58 millions d'euros en 2005 et 42 millions d'euros en 2006) n'est assorti d'aucun système de contrôle solide permettant de garantir l'intégrité des données utilisées pour effectuer les paiements'.
La première partie de cette observation ne permet de tirer aucune conclusion, tant elle laisse la cour dans l'ignorance des 'données' en cause, d'autant que Depolabo est la plate-forme logistique utilisée par Sandoz et qu'on ignore tout des autres plate-formes évoquées.
La seconde partie, relative à l'absence de système de contrôle solide, à supposer qu'elle soit répréhensible, n'est pas imputable à M. [V], en tout cas ne peut lui être reprochée, dès lors que, comme déjà indiqué, le système mis en place a été décidé et avalisé non seulement par Sandoz mais par l'actionnaire unique (Novartis) et, donc, par le groupe, étant à nouveau souligné ici que les informations sont remontées mensuellement.
En tout état de cause, l'auditeur interne de Novartis a lui-même convenu qu'il n'a toujours pas été obtenu de Dépolabo la possibilité de contrôler les comptes des clients de la Société.
La cour dira ce grief non établi.
Grief 5 : non respect de la politique SP3
Tel qu'il est formulé par la Société, le grief est particulièrement vague. La cour comprend des écritures et pièces soumises par Sandoz que celle-ci s'appuie essentiellement sur la différence entre les marges arrières accordées par M. [V] et M. [L], que l'auditeur chiffre à 51%, et le 'niveau de rabais reporté sur les FRS destinés au siège de NOVARTIS (qui) n'était par contre que de 30% environ'.
Outre que le taux de 51% est quelque peu exagéré, au regard des indications précisées plus haut par la cour, la cour doit, surtout, constater que comme aucun document 'FRS' ne lui est soumis pour pouvoir effectuer une comparaison avec les fiches effectivement signées par MM. [V] et [L], l'affirmation de l'auditeur ne peut pas être vérifiée.
Ce grief n'est pas établi.
Grief 6 : dissimulation du niveau réel de remises de 50% au lieu de 30%
La Société soutient que M. [V] avait obtenu du groupe une dérogation, en quelque sorte, pour maintenir un taux de remise de 30%, mais sur la base d'éléments faux, puisqu'en fait il accordait un taux de 50%.
L'argumentation de la Société est ici également dénuée de logique ou de démonstration.
En effet, c'est en juillet 2004 que M. [V] aurait obtenu cette dérogation.
Or, la Société ne produit aucun élément qui permette de vérifier que le taux de 50%, à supposer même qu'il ait été celui-ci en 2005, était déjà pratiqué en 2004.
C'est d'autant moins probable que l'auditeur interne a précisé qu'il avait effectué un suivi, avec M. [V], de cette question en décembre 2004 et que c'est ' à partir de cette date qu'est supposée le début des irrégularités comptables au sein de SANDOZ FRANCE'.
Ce grief n'est pas établi.
D'une manière générale, la cour ne peut que constater que si la Société fournit de nombreuses attestations, un rapport d'audit interne et un rapport d'audit externe (à propos duquel la chambre de l'instruction a formulé des observations que la cour de céans partage entièrement), elle ne fournit pas d'éléments chiffrés permettant d'effectuer une comparaison ni même une vérification, au moins sommaire, des faits dénoncés, la seule certitude étant que des 'marges arrières' correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006.
S'agissant d'une dette de la Société à l'égard des pharmaciens, la perception est celle d'une manoeuvre qui permettrait de présenter artificiellement, pour 2005, des résultats meilleurs qu'il n'auraient dû l'être si la 'charge' représentée par ces marges arrières avaient été intégralement prises en compte.
Mais, comme indiqué plus haut, cette charge n'avait pas à être provisionnée, dès lors qu'elle est directement liée aux ventes effectuées et que, pour criticable qu'elle puisse paraître, cette pratique était ancienne au point de constituer une décision de gestion régulière.
La cour souligne d'ailleurs que la Société, qui invoque à plusieurs reprises des procédures qui auraient été conduites par l'administration fiscale, la DGCCRF ou les services de police, ne produit aucun document révélant que cette pratique a été considérée comme répréhensible.
De tout ce qui précède, la cour conclura que le licenciement de M. [V] ne peut pas être fondé sur une faute lourde, ni même sur une cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur les demandes de M. [V]
M. [V] sollicite que la Société soit condamnée à payer :
- le salaire dû au titre de la mise à pied conservatoire, en outre les congés payés y afférents ;
- des dommages intérêts au titre du caractère vexatoire de sa mise à pied ;
- une indemnité compensatrice de préavis ;
- une indemnité de congés payés et de RTT au titre des jours de congés et de RTT non pris ;
- l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- l'indemnité contractuelle de licenciement ;
- des dommages intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- des dommages intérêts au titre du préjudice distinct ;
- la publication d'un communiqué ;
- des dommages intérêts au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites.
La Société produit notamment, pour sa part, le rapport d'un expert qu'elle a choisi pour examiner les différentes demandes présentées par M. [V].
Sur le salaire mensuel moyen
Avant de statuer sur les demandes de M. [V], il convient de déterminer quel doit être le salaire mensuel moyen à prendre en considération.
M. [V] considère que l'ensemble des éléments de rémunération fixe ou variable, avantages primes ou compléments de salaires doivent être pris en considération, soit un salaire moyen d'un montant de 28 844,32 euros.
La Société ne répond pas directement sur ce point mais considère que le calcul effectué par M. [V], en ce qui concerne le montant demandé au titre du préavis, est inexact, dans la mesure où il a intégré dans son calcul une prime, perçue en mars 2006, 'dont l'attribution n'est pas garantie contractuellement et dont le montant est laissé à l'appréciation de la Direction'. Selon la Société, le montant à retenir est celui de 18 861,33 euros brut.
La cour observe que la différence entre les positions respectives des parties s'explique par la perception par M. [V], en mars 2006, d'une ' PRIME EXCEPTIONNEbonus05 ' d'un montant de 121 200 euros.
La cour observe que la Société ne peut simplement plaider que cette prime n'est pas contractuelle. Dès lors que le licenciement de M. [V] est considérée comme non fondé, on ne voit pas ce qui aurait empêché qu'il perçoive, au titre de l'année 2006, une prime équivalente à celle perçue au titre de l'année 2005, dès lors que cette prime était laissée à l'appréciation de la Direction et qu'il était à la fois, directeur commercial, cadre dirigeant et président de la société.
La cour retiendra donc la moyenne des rémunérations des 12 derniers mois soit la somme de 28 844,32 euros comme rémunération mensuelle brute moyenne.
Encore cette moyenne ne justifie-telle pas que tous les calculs, ainsi que détaillés ci-après, soient effectués sur cette base, étant perçue en une seule fois, en début d'année, mais doivent en revanche l'être sur la base du salaire hors prime exceptionnelle, soit la somme mensuelle de 18 861,33 euros.
Sur la mise à pied conservatoire
M. [V] a été mis à pied du 8 septembre 2006 au 16 octobre 2006.
Sur la base de la somme de 18 861,33 euros déterminée ci-dessus, c'est une somme de 31 428,57 euros bruts qui doit lui être allouée à ce titre, en outre celle de 3 142,86 euros au titre des congés payés y afférents (ce qui correspond à sa demande subsidiaire, au demeurant).
Sur les dommages intérêts au titre du caractère vexatoire de la mise à pied
M. [V] sollicite des dommages intérêts à ce titre d'un montant de 20 000 euros, en faisant valoir qu'il a été brutalement interdit d'accès à son bureau, interdit de pouvoir prendre en possession ses affaires et fichiers personnels, accompagné 'quasiment de force' vers la sortie de l'entreprise et victime d'une annonce largement diffusée dans le milieu pharmaceutique.
La Société répond qu'il appartient au salarié de démontrer un préjudice distinct de celui ouvrant droit aux indemnités qui lui sont versées par ailleurs et qu'au demeurant, M. [V] ne justifie pas de l'étendue de son préjudice, outre qu'il avait lui-même eu recours à la procédure de la mise à pied dans le licenciement de M. [L].
Il est incontestable qu'une mise à pied, alors qu'on vient d'avoir été président d'une société comme Sandoz, de taille et de réputation mondiales, présente un certain caractère de violence, d'autant plus lorsque que, comme il est établi en l'espèce, la presse, même si spécialisée, s'en est fait l'écho.
Mais, au demeurant, M. [V] ne caractérise pas autrement le préjudice spécifique qu'il aurait subi de ce fait : compte tenu de son niveau de responsabilité, précisément, son employeur était légitime à lui interdire l'accès à son bureau, voire aux locaux de la Société, et à vouloir s'assurer, entre autres, qu'aucune modification de son environnement de travail, notamment les éléments informatisés, ne subissaient de modification.
La cour considère que, dès lors qu'une faute lourde était envisagée pour une personne du niveau de M. [V], la Société n'aurait, même, pas été crédible si elle avait fait autre chose qu'accompagner directement ce salarié vers la sortie.
M. [V], qui n'ignore rien de la brutalité dans le domaine des affaires pour les personnes de son niveau, ne justifie d'aucun préjudice spécifique.
Il sera débouté de sa demande sur ce point.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
M. [V] sollicite à ce titre une somme de 86 532,96 euros, correspondant à trois mois de salaire, en outre les congés payés y afférents.
Pour les raisons évoquées plus haut, la prime exceptionnelle n'a pas à être prise en considération dans le calcul du montant dû au titre du préavis, dont il n'est au demeurant pas contesté qu'il était de trois mois.
La Société sera donc condamnée à payer à M. [V] une somme de (18 861,33x3=) 56 584 euros, en outre celle de 5 658,40 euros au titre des congés payés y afférents.
Sur l'indemnité de congés payés et de RTT au titre des jours de congés et de RTT non pris
Le CPH a fixé à 14 666,66 euros brut le montant dû à M. [V] à ce titre.
Il demande la confirmation du jugement sur ce point, en outre la somme de 4 166,66 euros brut, correspondant à un solde de cinq jours de RTT qui ne lui a pas été payé.
La Société conclut au débouté de ces demandes, non justifiées par M. [V].
Il est vrai que M. [V] ne fournit pas particulièrement d'explication.
Cela ne signifie pas que ses demandes ne sont pas justifiées.
Le dernier bulletin de salaire qu'il produit fait état d'un solde de 8,32 jours de congés payés en cours et de 1,747 jours de RTT ; soit, au moins, respectivement, les sommes de (873,0157x8=)
6984,13 euros et (873,0157x1,747=) 1525,16 euros, donc un total de 8509,29 euros.
La décision du CPH sera infirmée en ce sens.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Les parties s'accordent pour que le montant dû (éventuellement) au titre de l'indemnité conventionnelle s'élève à 99 512,90 euros.
C'est ce montant qui sera donc alloué à ce titre.
Sur l'indemnité contractuelle de licenciement
M. [V] estime qu'au titre de l'avenant à son contrat de travail, ayant plus de sept années d'ancienneté, il peut prétendre à une indemnité contractuelle correspondant à 18 mois de salaire, soit la somme de 519 197,76 euros.
La Société réplique qu'aux termes de l'avenant, le montant du salaire à prendre en compte est le salaire de base.
La cour note, effectivement, que l'avenant en cause se lit notamment : '...il est convenu que, dans le cas où la société serait amenée à procéder au licenciement de (M. [V]) il serait versé ) l'intéressé, sauf dans le cas d'un licenciement pour faute grave ou lourde, et en sus des indemnités de licenciement prévues par la législation en vigueur et les accords d'entreprise, les indemnités suivantes dont le montant est fonction de son ancienneté au moment de la rupture de son contrat de travail :
(...)
- de 6 à 10 ans d'ancienneté : 18 mois de salaire de base (...)' (souligné par la cour).
C'est donc à juste titre que la Société fait valoir que c'est ce salaire de base, soit la somme de 18 333,33 euros bruts qui doit être prise en compte, soit la somme totale de 329 999,94 euros, qui sera allouée à M. [V].
Sur les dommages intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [V] sollicite à ce titre la somme de 1038394,44 euros, soit 36 mois de son salaire moyen tel qu'il le calcule.
Pour justifier de sa demande, il souligne, notamment, les commentaires élogieux dont il a fait l'objet, que ce soit dans ou hors l'entreprise ; la place prise par celle-ci, qui est devenu le n°3 des médicaments génériques en France ; le fait qu'il ait été secrétaire général puis président du GEMME, association regroupant les laboratoires pharmaceutiques de médicaments génériques.
Il fait par ailleurs valoir qu'il a connu une période de chômage, puis a créé et dirigé la filiale française du groupe Actavis, où sa rémunération globale était de plus de 75000 euros inférieure par an ; que cette société ayant été vendu, il a connu deux nouvelles années sans activité et, cette fois, 'sans le moindre revenu'. Ses recherches d'emploi auraient été rendues d'autant plus difficiles 'du fait de la campagne médiatique qui avait été menée à son encontre par Sandoz', dont les effets étaient toujours visibles sur internet.
M. [V] produit également des attestations aux termes desquels son recrutement au sein d'une société de droit étranger ou dont la maison-mère se trouve à l'étranger a été stoppé en raison du litige en cours avec Sandoz.
M. [V] est aujourd'hui directeur commercial et marketing de la société Krka France, dont il est également le directeur général. 'Sa rémunération moyenne mensuelle a été divisée par deux'.
La Société soutient notamment, pour sa part, que l'expert qu'elle a choisi, M. [E], a relevé 'plusieurs anomalies' et en particulier :
- un préjudice qualifié par M. [V] de perte de 'manque à gagner' alors qu'il ne s'agit que d'une perte de chance 'comportant nécessairement une part importante d'incertitude quant au déroulé de sa carrière au sein de Sandoz s'il n'avait pas été licencié' ;
- l'absence de justification suffisante sur les revenus perçus par M. [V] depuis son licenciement ;
- une trajectoire de revenus éventuels ne reposant sur aucun élément tangible.
La Société convient que le plafonnement des indemnités de licenciement n'est pas applicable en l'espèce mais souligne que le barème légal constitue une référence intéressante pour les contentieux en cours. Ainsi, la cour ne devrait pas lui allouer une somme supérieure à 146 666,64 euros brut (huit mois de salaire), en tout état de cause.
La cour laissera de côté l'aspect quelque peu surprenant de demandes ou contestations chiffrées au centime d'euro prêt pour des sommes aussi importantes, sauf à mentionner que cela n'ajoute pas à la sincérité ni à la clarté des débats.
Cela étant, la personne qui bénéficie d'un contrat à durée déterminée et qui accomplit ses tâches de façon performantes, comme il n'est pas contesté que ce fut le cas de M. [V] au début de la relation contractuelle, a des raisons légitimes de penser qu'il connaîtra un déroulement de carrière harmonieux, sur plusieurs années, quand bien même cela n'ouvrirait pas droit à un emploi 'à vie', si l'on peut écrire.
Inversement, il est certain qu'au niveau de responsabilité qui était le sien, au sein d'une société aussi connue que Sandoz, appartenant à un groupe de la taille du groupe Novartis, un directeur général peut s'attendre à ce qu'on exige de lui une performance élevée et doit connaître le risque d'être écarté (au besoin par la voie de la négociation).
Encore ce second point doit-il mis en balance avec la circonstance que, pour des salariés de ce niveau, une sortie 'par le haut', au sein du groupe, constitue autant un espoir qu'une possibilité raisonnable.
Compte tenu des éléments soumis à la cour, il faut considérer que, si M. [V] n'ignorait rien des risques et des enjeux, et d'autant moins qu'il était par ailleurs président de la Société, il pouvait légitimement espérer conserver un haut niveau de revenus pendant de nombreuses années.
Il est constant que M. [V] n'a pas retrouvé de travail au niveau de rémunération qu'il avait connue chez Sandoz.
Toutefois, dès lors qu'il a retrouvé un travail, la Société ne saurait être tenue pour responsable d'un niveau de rémunération accepté et dont rien ne démontre qu'il n'aurait pas pu, ou ne pourra pas se développer, étant ici souligné que l'on se trouve à plus de dix ans du licenciement, tandis que M. [V] se trouve salarié de la branche française d'une société d'avenir.
Enfin, le préjudice moral constitue un préjudice distinct, dont M. [V] recherche l'indemnisation d'autres façons, et qui n'a pas à être pris en compte ici.
Dans ces conditions, la cour décide qu'il est juste d'allouer à M. [V], à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 350 000 euros.
Toutes les sommes allouées ci-dessus seront assortis des intérêts au taux légal, comme le sollicite M. [V], mais à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation du CPH.
Sur les dommages intérêts au titre du préjudice distinct
De fait, comme la cour vient de l'indiquer, M. [V] recherche l'indemnisation d'un préjudice distinct, compte tenu de ce que le licenciement 'est intervenu dans des conditions particulièrement humiliantes et vexatoires, lui ayant causé un préjudice moral complémentaire, indépendant de la perte de son emploi'.
M. [V] reprend largement ici les éléments qu'il a fait valoir à l'appui de sa demande de dommages intérêts pour mise à pied vexatoire et reproche à la Société d'avoir 'délibérément orchestré un véritable déchainement médiatique'.
La Société le relève et soutient que, compte tenu de la gravité des faits qu'elle reprochait à M. [V], ' la plus grande discrétion était nécessaire et il convenait d'éviter que M. [V] ne puisse détruire des éléments capitaux pour cette enquête ou prendre contact avec des personnes de l'entreprise, et ainsi nuire à cette dernière '.
Au demeurant, M. [V] n'apporte aucun élément de nature à démontrer la campagne de presse qu'il reproche à la Société.
La cour considère que M. [V] faillit à apporter la démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé au titre des dommages intérêts accordés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Chacun est libre de penser ce qu'il veut des procédures suivies par la Société mais, pour une personne du niveau de M. [V], encore une fois, et alors que la 'fraude' commise aurait porté sur plus de 35 millions d'euros, alors que M. [V] était par ailleurs le Président de la Société et avait en tant que tel, accès à des informations privilégiées, il ne saurait être reproché à Sandoz d'avoir agi avec la brutalité inhérente à la mise à pied tout en recherchant la faute grave du salarié.
La cour doit d'ailleurs relever que la Société a pris le risque de saisir le juge pénal et que ce sont précisément les investigations diligentées par le magistrat instructeur, le raisonnement suivi par la chambre de l'instruction, dont l'arrêt a été confirmée par la Cour de cassation, qui permettent aujourd'hui au juge prud'homal de statuer en pleine connaissance de cause des arguments en présence.
Quant à la circonstance que le nom de M. [V] ait été cité par la presse, notamment la presse spécialisée, et figure toujours en tête, si l'on peut dire, des occurrences sur un moteur de recherches lorsque l'on entre son nom, il existe éventuellement un autre mode de réparation, que M. [V] poursuit par ailleurs.
Il sera ici débouté de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral.
Sur la publication d'un communiqué
M. [V] sollicite la condamnation de la Société à supporter le coût de la publication de l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et du présent arrêt, 'dans 10 journaux de la presse spécialisée et/ ou de la presse quotidienne', à son choix.
La Société considère que cette demande 'manque de sérieux'.
Elle rappelle qu'une ordonnance de non-lieu est 'révocable et n'a pas d'autorité de chose jugée sur le plan civil' et conclut au débouté de la demande de M. [V] de publication d'un communiqué.
La cour considère toutefois, au vu de l'ensemble des éléments de la procédure et des coupures de presse ou extraits de consultation de site internet, qu'à une époque où la médiatisation tend, quel que soit le jugement que l'on porte à cet égard, à prendre une place prépondérante, notamment sur la 'toile', celui qui s'estime victime d'un traitement inapproprié peut rechercher une indemnisation complémentaire sous la forme d'un communiqué de presse, quand bien même non diffusé sur la 'toile'.
En l'espèce, la cour considère qu'il n'y a pas de raison de s'opposer à la demande de M. [V], compte tenu de son niveau de responsabilité, passé ou présent, et du caractère éminemment international et spécialisé dans lequel il intervient.
Cette demande doit, cependant, être limitée en volume et dans le temps afin de conserver un équilibre.
Pour ces raisons, la cour ordonnera la publication, aux frais de la société Sandoz, dans deux revues spécialisées et deux quotidiens, au choix de M. [V] quant au titre et à la date de parution, mais dans le délai maximum de trois mois du présent d'arrêt, d'un communiqué dont le titre sera laissé à son libre choix, à ceci près qu'il devra comporter la mention 'Par arrêt en date du 22 février 2018, la cour d'appel de Versailles a statué dans le litige prud'homal opposant M. [S] [V] à la société Sandoz SAS dans les termes suivants' et dont le contenu sera, exclusivement, sans commentaire préalable ou postérieur, le dispositif du présent arrêt ; et ce, dans la limite d'un coût supporté par Sandoz de 8 000 euros par publication.
Sur les dommages intérêts au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites
M. [V] considère que l'impossibilité pour un salarié de lever les options qui lui ont été attribuées dans le cadre d'un plan de stock-options, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, 'lui cause nécessairement un préjudice, consistant en une perte de chance, devant être réparé'. Il fait ainsi valoir que, dans le cadre de la relation contractuelle, il a perçu des stock-options outre des actions gratuites de Novartis.
M. [V], qui fournit le détail du nombre d'options qui lui ont été attribuées, pour un total de 14 697 options (plan Novas 11 à plan Novas 16), indique que cela a représenté une part de plus en plus importante de sa rémunération, en dernier lieu, 35% de sa rémunération annuelle nette.
Aux termes de l'étude réalisée par le cabinet auquel il a eu recours :
. le gain issu des cinq plans de stock-options était à la date du licenciement (16 octobre 2006) de 110 647,30 euros ;
. le gain issu de l'attribution de plans de stock-options exercés au 31 décembre 2015 s'élève à 187 380,54 euros.
S'agissant des actions gratuites, M. [V] indique que 2 070 actions lui ont été attribuées en 2006, soit une valeur (elle dépend aussi du taux de change du franc suisse) :
. au 16 octobre 2006, de 94 954,73 euros ;
. au 31 octobre 2016, sachant qu'il aurait pu se voir attribuer 19 196 actions sur la période de 2007 à 2016, 1 251 289,17 euros.
M. [V] évalue ainsi sa perte de chance à la somme totale de 1 644 271,74 euros.
La Société fait notamment valoir que M. [V] ne peut pas, s'agissant des stock-options, retenir deux évaluations différentes à des dates différentes et ' doit donc opérer un choix et ne retenir qu'une seule des deux sommes (110 647,30 euros ou bien 187 380,54 euros, selon les dates de valorisation qu'il retiendra '.
La Société ajoute que l'indemnisation 'prévue par la jurisprudence' se limite aux actions et options d'ores et déjà attribuées.
S'agissant des actions gratuites, la Société souligne, en s'appuyant sur le rapport de son expert, que tout licenciement, 'y compris dépourvu de cause réelle et sérieuse', avait contractuellement pour effet de priver M. [V] du bénéfice des actions gratuites attribuées ; que ces actions n'étaient disponibles qu'à compter du 17 mai 2008 et que le bénéfice que M. [V] aurait pu en tirer ne peut être évalué, compte tenu notamment ' des variations importantes du cours de l'action entre octobre 2006 et mai 2008 '. Au demeurant, il s'agirait d'une perte de chance, alors que rien ne démontrait que M. [V] serait resté en poste jusqu'en 2016 ni qu'il se serrait vu attribuer le nombre d'actions invoqué.
S'agissant des stock-options, tout licenciement avait également pour effet de priver M. [V] de la possibilité d'exercer ou céder les actions non acquises le 17 octobre 2006. Les actions 'Nova 11' étaient acquises à cette date, M. [V] pouvait les céder ou les exercer du 8 mars 2006 au 7 mars 2011, ce qu'il n'avait pas fait.
La Société conclut au débouté de M. [V] en ce qui concerne la perte de chance.
Sur ce
Il est constant que l'indemnisation du préjudice sollicitée ici est celle d'une perte de chance.
Par définition, le montant de l'indemnisation ne peut donc pas être égale à la valeur des actions /options en cause dès lors qu'il faut tenir compte, au moins, de l'évolution du cours de l'action au fil du temps, du taux de change, du moment où M. [V] aurait choisi d'exercer ses droits ou de céder ses actions.
A cet égard, la cour estime pertinente la remarque de la Société que M. [V] n'a pas souhaité céder ou exercer les stock-options 'Novas 11' dont il disposait, ce qui ne peut que limiter la perte de chance qu'il allègue s'agissant des stock-options.
S'agissant des actions gratuites ('restricted stock units'), il est constant que M. [V] en a reçu 2070 le 6 juin 2005 et qu'elles étaient indisponibles jusqu'au 17 mai 2008.
Le plan relatif à ces actions prévoit expressément qu'elles sont définitivement perdues pour le bénéficiaire s'il ne se trouve plus employé par la Société, quel qu'en soit le motif.
La cour considère ainsi que M. [V] peut alléguer une perte de chance au regard de ces actions gratuites, compte tenu du laps de temps séparant son licenciement de la date de disponibilité de ces actions. Il a évalué les 2 070 actions gratuites reçues à la somme totale de 94 954,73 euros sur la base d'un cours de 72,95 francs suisses par action et d'un taux de change de 1,5903 franc suisse pour un euro.
La date retenue par M. [V] est celle du 16 octobre 2006, à laquelle il n'aurait pas pu procéder à la vente de ces actions. M. [V] ne fournit aucun élément par rapport à la valeur théorique de l'action au 17 mai 2008. De plus, au fil du temps, la valeur du franc suisse a eu tendance à s'apprécier au regard de l'euro.
Dans ces conditions, la cour évalue la perte de chance de M. [V], s'agissant des actions gratuites, à la somme de 85 000 euros.
M. [V] ne peut, en revanche, alléguer qu'il a perdu la chance de bénéficier d'autres actions gratuites, compte tenu du caractère éminemment aléatoire s'attachant à la distribution de telles actions, outre que les documents produits par M. [V] lui-même montrent qu'il a pu préférer ne recevoir que des stock-options (plan Novas15).
S'agissant des stock-options, la présentation retenue par M. [V] lui-même rend malaisée l'appréciation du préjudice allégué, dès lors que lui-même ne choisit pas entre deux options, selon la date de valorisation.
L'évaluation est rendue d'autant plus complexe que M. [V] ne soumet aucun élément d'appréciation pour évaluer l'évolution du cours de l'action au fil du temps, à partir de la date du licenciement.
Le préjudice apparaît d'autant plus limité que M. [V] a choisi de ne pas exercer ses droits en ce qui concerne les actions 'Novas11' alors qu'il lui était loisible de le faire.
La cour fixera donc le préjudice subi ici à la somme de 120 000 euros.
La société Sandoz sera ainsi condamnée à payer à M. [V], au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites la somme totale de 205 000 euros.
Sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
La Société, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Sandoz France sera condamnée à payer à M. [V] une indemnité d'un montant de 8 000 euros, pour l'ensemble de la procédure, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la société Sandoz SAS à payer à M. [S] [V] les sommes de :
- au titre de la mise à pied : 31 428,57 euros brut, en outre celle de 3 142,86 euros au titre des congés payés y afférents
- au titre du préavis : 56 584 euros brut, en outre celle de 5 658,40 euros au titre des congés payés y afférents ;
- au titre de l'indemnité de congés payés et de RTT au titre des jours de congés et de RTT non pris : 8 529,09 euros ;
- au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement : 99 512,90 euros ;
- au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement : 329 999,94 euros ;
- au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 350 000 euros ;
- au titre des dommages intérêts pour perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites, 205 000euros ;
Dit que les sommes à caractère salarial allouées ci-dessus porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
Ordonne la publication, aux frais de la société Sandoz SAS, dans deux revues spécialisées et deux quotidiens, au choix de M. [V] quant au titre et à la date de parution, mais dans le délai maximum de trois mois de la date du présent d'arrêt, d'un communiqué dont le titre sera laissé à son libre choix, à ceci près qu'il devra comporter la mention 'Par arrêt en date du 22 février 2018, la cour d'appel de Versailles a statué dans le litige prud'homal opposant M. [S] [V] à la société Sandoz SAS dans les termes suivants' et dont le contenu sera, exclusivement, sans commentaire préalable ou postérieur, le dispositif du présent arrêt ; et ce, dans la limite d'un coût à la charge de la société Sandoz SAS de 8 000 euros par publication ;
Déboute M. [S] [V] de ses demandes :
- de dommages intérêts pour mise à pied vexatoire ;
- de dommages intérêts pour préjudice distinct lié aux conditions de la rupture ;
Condamne la société Sandoz SAS à payer à M. [S] [V] une indemnité d'un montant de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Sandoz SAS de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Condamne la société Sandoz SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,