COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 FEVRIER 2018
N° RG 16/06831
AFFAIRE :
Société ACOFI
C/
[L] [Q] [Y]
...
Décision déférée à la cour : Arrêts rendus les 28 Juin 2016, 2 Octobre 2012 et 7 Avril 2009 par la Cour de Cassation suite aux arrêts rendus les 6 Février 2014, 8 Mars 2011, 5 Juillet 2007 et 22 Mars 2007 par la Cour d'appel de PARIS sur un jugement rendu le 4 Octobre 2005 par le tribunal de grande instance de CRETEIL
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : W14-15.347
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'arrêts de la Cour de cassation des 28 Juin 2016, 2 Octobre 2012 et 7 Avril 2009 cassant et annulant les arrêts rendus par la cour d'appel de PARIS les 6 Février 2014, 8 Mars 2011, 5 Juillet 2007 et 22 Mars 2007
Société ACOFI Société en Commandite par Actions agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège venant aux droits de la Sté A3C anciennement dénommée ACOFI CONSEIL COURTAGE CREDIT venant elle-même aux droits de la Sté Financière SUFFREN, venant elle-même aux droits du Fonds commun de créances MALTA, lui-même aux droits de la Banque ESPIRITO SANTO et de la VENETIE.
[Adresse 1]
[Localité 1]
assistée de Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20160301 et assistée de Me Caroline LERIDON de la SCP SCP LERIDON & BEYRAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0095,
****************
DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [L] [Q] [Y]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2] (70)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
assisté de Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20171056 et assisté de Me Francis RAIMON de la SCP AKPR, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
Madame [D] [F] [W] [M] épouse [Y]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 4] (77)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
assistée de Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20171056 et assistée de Me Francis RAIMON de la SCP AKPR, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Janvier 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRASSO, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
Madame Estelle JOND-NECAND, vice-président placé auprès de la première présidente de la cour d'appel de Versailles, délégué à la cour par ordonnance du 24 août 2015,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Selon acte notarié du 18 juillet 1990, la société Crédit martiniquais a consenti à M. et Mme [Y] un prêt de 500.000 francs.
Selon acte du 24 avril 1993, la société Crédit martiniquais a accordé à M. [L] [Y] une ouverture de crédit de 3.100.000 francs, destinée à consolider des crédits en cours.
Par acte du 5 mars 1993, Mme [D] [Y] s'est portée caution solidaire de son mari à concurrence de la somme de 3.100.000 francs.
Suivant acte du 5 novembre 1986, M. [W] [Y] s'était également porté caution de [L] [Y], à concurrence de 100.000 francs.
Par actes d'huissier en date des 23 et 27 septembre 1996, la société Crédit martiniquais a assigné M. [L] [Y], Mme [Y] et M. [W] [Y], devant le tribunal de grande instance de Créteil, pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement de sommes dues par M. [L] [Y] en qualité de débiteur principal, par Mme [Y] en qualité de co-emprunteur et de caution, et par M. [W] [Y] en qualité de caution.
Par jugement du 7 juillet 1998, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- constaté que les époux [Y] sont solidairement débiteurs, au titre du prêt immobilier de 500.000 francs consenti par la société Crédit martiniquais suivant acte authentique du 18 juillet 1990, de la somme de 413.100,94 francs en principal arrêté au 30 janvier 1994, augmentée des intérêts au taux de 13,50 % à compter du 1er février 1994,
-donné acte à la société Crédit martiniquais et aux époux [Y] de ce qu'ils se réservent respectivement de réclamer et de contester l'indemnité contractuelle,
-condamné M. [L] [Y] à payer à la société Crédit martiniquais la somme de 844.996,69 francs au titre du solde débiteur de son compte n°[Compte bancaire 1], avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1995,
-condamné, en sa qualité de caution solidaire de M. [L] [Y], M. [W] [Y] à payer à la société Crédit martiniquais la somme de 100.000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1996, date de l'assignation,
-débouté la société Crédit martiniquais de sa demande de dommages et intérêts,
-sursis à statuer sur la demande en paiement de la somme de 4.128.379,37 francs dirigée à l'encontre des époux [Y] jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué par le tribunal de commerce de Paris sur l'action en responsabilité engagée par maître [A] en qualité de mandataire liquidateur de la société « Starlog ingénierie » à l'encontre de la société Crédit martiniquais,
-sursis à statuer sur les demandes en paiement des soldes débiteurs des comptes n° [Compte bancaire 2] et [Compte bancaire 3] ouverts au nom de M. [L] [Y] dans l'attente de la production par la société Crédit martiniquais de l'ensemble des relevés de compte n° [Compte bancaire 2] et notamment des années 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 et de l'ensemble des relevés du compte n° [Compte bancaire 3] postérieurs au 29 décembre 1997, des observations des parties et production de toutes pièces justificatives utiles permettant de déterminer si les comptes n° [Compte bancaire 2] et [Compte bancaire 3] étaient des comptes professionnels.
Par jugement du 10 juin 1998 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 juin 2001, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de mise en cause de la responsabilité de la société Crédit martiniquais diligentée par le liquidateur de la société « Starlog ingénierie ».
Selon Assemblée générale extraordinaire en date du 30 novembre 1999, la société Crédit martiniquais a changé de dénomination sociale pour devenir la société « Financière du forum ».
Selon acte sous seing privé en date du 27 mars 2000 déposé au rang des minutes de maître [S] [Q], notaire à [Localité 5], les créances de la société Financière du forum auraient été cédées à la société « Fonds commun de créances Malta », compartiment 1.
Postérieurement, c'est la société « Banque Espirito Santo de la Vénétie » (ci-après « la Banque Espirito Santo ») qui a poursuivi le recouvrement des créances appartenant au Fonds commun de créances Malta 1.
Par jugement rendu le 4 octobre 2005, le tribunal de grande instance de Créteil a :
-débouté la Banque Espirito Santo de ses demandes,
-condamné la Banque Espirito Santo à payer aux époux [Y] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Banque Espirito Santo aux dépens qui seront recouvrés par la SCP A.K.P.R. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt rendu le 22 mars 2007, la cour d'appel de Paris a :
-infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 4 octobre 2005,
-débouté M. [Y] de sa demande de retrait litigieux,
-débouté les époux [Y] de leur demande de dommages et intérêts,
-constaté que la Banque Espirito Santo ne formule aucune demande au titre du compte n°[Compte bancaire 3],
-sursis à statuer sur la demande en paiement formulée par la Banque Espirito Santo au titre du solde débiteur du compte n°[Compte bancaire 2],
-dit que ce compte ne peut être productif que d'intérêts au taux légal et à l'exclusion de tous frais, -dit que la Banque Espirito Santo doit recalculer sa créance conformément à cette décision et lui a enjoint de produire un nouveau décompte en ce sens.
Par arrêt rendu le 5 juillet 2007, sur requête en rectification d'erreur matérielle, la cour d'appel de Paris a :
-rectifié l'arrêt du 22 mars 2007 « en ce sens qu'il faut ajouter, à la suite du troisième alinéa de son dispositif l'alinéa suivant :
« Condamne solidairement M.[L] [Y] et Mme [Y] à payer à la Banque Espirito Santo, au titre de l'ouverture de crédit, la somme de 629.367,37 euros avec intérêts au taux conventionnel de 13,50 % l'an à compter du 25 octobre 1995, l'obligation de Mme [Y] étant limitée à la somme de 472.586,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1996 ; »
-vu l'arrêt du 22 mars 2007,
-condamné solidairement M.[L] [Y] et Mme [Y] à payer à la Banque Espirito Santo, au titre du solde débiteur du compte n°[Compte bancaire 2], la somme de 22.942 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 1997,
-dit que l'obligation solidaire de Mme [Y] au paiement des créances de la banque tant au titre de l'ouverture de crédit que du solde débiteur du compte de son époux est limitée à la somme totale de 472.586,19 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1996,
-rejeté toute autre demande,
-condamné les époux [Y] à tous les autres dépens de première instance et d'appel.
Par arrêt rendu le 7 avril 2009, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
-cassé et annulé, dans toutes ses dispositions les arrêts rendus les 22 mars et 5 juillet 2007 entre les parties par la cour d'appel de Paris,
-remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit les a renvoyés devant la cour d'appel de Paris autrement composée,
-condamné la société « ACOFI courtage conseil crédit » (la société Acofi) aux dépens,
-rejeté les demandes au visa de l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37, alinéa 2, de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Par arrêt rendu le 8 mars 2011, la cour d'appel de Paris a :
-dit que les époux [Y] sont fondés à exercer leur droit de retrait litigieux,
-constaté que la société Acofi ne produit qu'un extrait incomplet de l'acte de cession ne permettant pas de connaître avec précision le montant auquel la société Crédit martiniquais avait valorisé sa créance envers eux à la date du 25 avril 2000,
-condamné les époux [Y] au paiement de la somme de 88.891,76 euros au titre du retrait litigieux, avec intérêt au taux légal,
-pour le surplus et en tant que de besoin dit que la société Acofi devra recalculer sa créance conformément à cette décision et lui a enjoint de produire un nouveau décompte en ce sens,
-renvoyé la cause et les parties à la mise en état du mardi 21 juin 2011 à 9 heures,
-réservé tous moyens ainsi que les dépens.
Par arrêt rendu le 2 octobre 2012 la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
-cassé et annulé, dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 8 mars 2011, entre les parties par la cour d'appel de Paris,
-remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles,
-condamné les époux [Y] aux dépens,
-vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Par arrêt rendu le 6 février 2014, la Cour d'appel de Versailles a :
-infirmé le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
-condamné les époux [Y], in solidum, à verser à la société Acofi la somme de 629.367,37 euros avec intérêts au taux de 13,50 % à compter du 25 octobre 1995,
-dit que Mme [D] [Y] ne sera tenue qu'à concurrence de la somme de 472.586,19 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 1996,
-ordonné la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
-rejeté le surplus des demandes,
-dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné les époux [Y], in solidum, aux dépens.
Par arrêt de cassation rendu le 28 juin 2016, la Cour de cassation a, au visa des articles 1699 et 1700 du code civil :
-cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles,
-remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,
-condamné la société Acofi aux dépens,
-au visa de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté sa demande et l'a condamnée à payer à M. et Mme [Y] la somme globale de 3.000 euros,
-dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.
La cour de cassation a estimé que pour condamner M. et Mme [Y], in solidum, à verser à la société Acofi la somme de 629.327,37 euros avec intérêts au taux de 13,50 % à compter du 25 octobre 1995, avec capitalisation annuelle, l'arrêt retient que, s'agissant des avances sur compte courant, la contestation ne portant pas sur le fond de la créance, la demande de retrait litigieux doit être rejetée, alors que la cour d'appel avait constaté que M. et Mme [Y] avaient opposé un moyen pris de la forclusion de l'action en paiement, lequel constituait une contestation sur le fond du droit.
Le 16 septembre 2016, la société Acofi a saisi la cour d'appel de Versailles.
Par conclusions d'incident du 18 octobre 2017 M. et Mme [Y] demandent que soit déclarée caduque la déclaration d'appel de la société ACOFI et que celle-ci soit condamnée à leur payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société Acofi a conclu en réponse à incident le 18 décembre 2017 au débouté des époux [Y] de leur incident et à leur condamnation à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [Y] se prévalent des dispositions du 2ème alinéa de l'article 1036 du code civil, qui énoncent "En cas de non comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la Juridiction dont émane la décision cassée" et de celles du 2ème alinéa de l'article 902 du Code de Procédure Civile, des termes duquel : "En cas de retour au Greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le Greffier en avise l'avocat de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel" et prétendent que faute de cette signification la saisine de la cour est caduque.
La société Acofi répond que ce n'est que depuis le décret du 06 mai 2017 modifié par celui d'août que l'article 1036 alinéa 2 précité est entré en vigueur et que la déclaration de saisine en l'espèce date du 14 septembre 2016.
Dans ses conclusions récapitulatives n°3 transmises le 8 janvier 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Acofi, appelante, demande à la cour de :
-infirmer dans son intégralité le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 4 octobre 2005,
-déclarer recevable car non prescrite l'action en paiement de la société Acofi,
En conséquence,
À titre principal,
-dire et juger que les deux conditions cumulatives nécessaires à l'exercice du retrait litigieux ne sont pas réunies,
En conséquence,
-débouter les époux [Y] de leur demande de retrait litigieux,
À titre subsidiaire,
-dire et juger qu'en l'espèce, aucun prix de cession ne peut être affecté aux créances [Y],
En conséquence,
-débouter les époux [Y] de leur demande de retrait litigieux,
En tout état de cause,
-débouter les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes
-condamner solidairement les époux [Y] à payer à la société Acofi les sommes de 629.367,37 euros en principal outre les intérêts au taux conventionnel de 13,50 % l'an à compter du 25 octobre 1995, 22.942 euros en principal outre les intérêts légaux à compter du 4 juillet 1997 au titre du solde débiteur du compte n° [Compte bancaire 2], étant précisé, que pour les deux condamnations solidaires prononcées ci-dessus l'obligation de Madame [Y] sera limitée à la somme en principal de 472.586,19 euros outre les intérêts légaux à compter du 27 septembre 1996, et de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel,
-ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
À titre encore plus subsidiaire,
-désigner un expert judiciaire chargé de vérifier si un prix de cession peut être déterminé pour les créances [Y], et dans l'affirmative, en proposer le montant.
Au soutien de ses demandes, la société Acofi fait valoir :
-que la société Acofi n'est pas prescrite, ni quant à son action relative au solde débiteur du compte n°[Compte bancaire 2], ni quant à son action relative à l'ouverture de crédit du 23 avril 1993 ; qu'en ce qui concerne d'abord l'action en paiement exercée par la société Acofi le 23 septembre 1996, le code de la consommation n'est pas applicable à l'espèce, car le compte n°[Compte bancaire 2] est un compte professionnel ; que l'action en paiement est donc soumise au délai de prescription de dix ans de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; qu'en ce qui concerne, ensuite, l'ouverture de crédit du 23 avril 1993, c'est en juin 2003, et devant le tribunal de grande instance de Créteil que les époux [Y] auraient dû faire valoir cette péremption, ce qu'ils n'ont pas fait ; que les intimés ne peuvent exciper des dispositions de l'article 387 du code de procédure civile, car, en vertu de l'article 388 du même code, la péremption «doit à peine d'irrecevabilité être demandée ou opposée avant tout autre moyen» ; qu'en l'espèce les intimés n'ont jamais cru devoir se prévaloir de cette péremption devant le tribunal de grande instance de Créteil ;
-que les conditions du retrait litigieux ne sont pas remplies ; que, en premier lieu, le débiteur cédé ne peut prétendre au retrait litigieux que si un procès est ouvert et que ce procès n'est pas encore terminé lors de la cession de créance ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de grande instance de Créteil le 4 octobre 2005, le jugement du 7 juillet 1998 est un jugement mixte en ce qu'il est définitif sur certains chefs de condamnation seulement ; que le droit de retrait litigieux exercé par les époux [Y] le 21 novembre 2003 ne fait pas de distinction entre les différentes créances de la banque, mais concerne l'ensemble des créances cédées en un seul bloc, sur un montant total ; qu'à cette date, deux de ces créances (le prêt du 18 juillet 1990 et le solde du compte courant n°[Compte bancaire 1]), faisant partie intégrante du périmètre du retrait litigieux formé par les époux [Y], avaient fait l'objet d'un jugement définitif de condamnation le 7 juillet 1998, ne permettant plus d'exercer le droit au retrait litigieux ; qu'en second lieu, pour prétendre au retrait litigieux, le débiteur cédé doit avoir contesté le fond du droit concernant chacune des créances pour lesquels il est poursuivi ; qu'en décidant, par son arrêt rendu le 28 juin 2016, qu'un moyen de forclusion soulevé pour deux créances constituait une contestation sur le fond du droit pour toutes les créances cédées, la Cour de cassation a rendu une décision totalement contraire à celle qu'elle avait rendue dans la même affaire le 2 octobre 2012 ; que le moyen tiré de la forclusion ne constitue pas une contestation sur l'existence et l'étendue de la créance, et donc sur le fond du droit ; que ce moyen ne concerne que deux des créances cédées ; que les époux [Y] ne peuvent arguer du fait qu'il leur est impossible de chiffrer leur demande de retrait pour chacune de leurs dettes au motif que l'acte de cession de créance ne leur aurait pas été communiqué, dès lors que les époux [Y] connaissaient précisément le quantum de chacune de leurs dettes quand ils ont formulé leur demande de retrait litigieux, dans le cadre de l'instance devant le tribunal de grande instance de Créteil ; qu'il n'est pas admissible que le débiteur procède à un acte de retrait unique en visant un seul prix, quand il est débiteur de plusieurs dettes et que certaines d'entre elles échappent au retrait litigieux à défaut de pouvoir être considérées comme des créances litigieuses ; que la Cour de Cassation réaffirme systématiquement que «le retrait litigieux est une institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte» (Cass., 1re Civ., 30 juin 1981, Bull.238 ; Cass., 1re Civ. 20 janvier 2004, Bull.17) ;
-que, à titre subsidiaire, la détermination d'un prix de cession est au demeurant impossible ; que la société appelante n'a pu produire en première instance l'acte de cession du 27 mars 2000 pour des motifs parfaitement légitimes ; que la société Acofi a produit en première instance une attestation du notaire, et en appel un extrait certifié par le notaire ; que depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 mars 2007, toutes les juridictions qui ont eu à connaître de ce litige ont jugé que la production de l'extrait certifié par le notaire était suffisante ; qu'il est de jurisprudence constante comme l'a d'ailleurs rappelé l'arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2009 que « la cession en bloc fût-ce d'un grand nombre de droits et créances ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de retrait litigieux à l'égard d'une créance qui est incluse, dès lors que la détermination de son prix est possible » ; qu'en l'espèce l'individualisation du prix des créances des intimés n'est pas possible au regard des particularités et des modalités de la cession ; qu'en effet la cession portait sur un nombre indéterminé de créances (plus de 4.600), pour plus d'un milliard de francs ; que les créances cédées n'avaient aucun lien entre elles ; que le prix de cession était assorti, comme le prévoit expressément l'article L. 214-43 du code monétaire et financier, d'un complément de prix fonction du volume collecté à terme ; que cet aléa exclut la possibilité d'un retrait litigieux ;
-que l'action en responsabilité dirigée contre la société Acofi est irrecevable ; que, si une faute a été commise à l'égard des époux [Y], elle ne peut être imputable qu'à la société Crédit martiniquais ; que cette action en responsabilité est en tout état de cause mal fondée ; que la question de la responsabilité initiale de la banque a déjà été tranchée par la cour d'appel de Paris par arrêt définitif du 8 juin 2001, qui a débouté le demandeur de son action en responsabilité contre la société Crédit martiniquais ; que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 22 mars 2007, a débouté les époux [Y] de leur action en responsabilité ;
-que le taux des intérêts conventionnels n'est pas manifestement excessif ; que ce grief est formulé par les intimés pour la première en fois en cause d'appel ; qu'il s'agit d'une nouvelle demande irrecevable devant la cour en vertu des articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
-qu'il serait parfaitement inéquitable de laisser à la charge de la société Acofi les frais irrépétibles engagés dans la présente instance.
Dans leurs conclusions n°2 transmises le 5 janvier 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les époux [Y], intimés, demandent à la cour de :
À titre principal
-déclarer prescrite l'action en paiement de la société Acofi au titre de l'ouverture de crédit,
-déclarer forclose l'action en paiement au titre du découvert en compte,
-débouter la société Acofi de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-condamner la société Acofi à payer aux époux [Y] la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire, et sans renonciation des concluants au recours qu'ils tiennent de la loi,
-constater que les deux créances dont la société Acofi demande paiement aux époux [Y] étaient encore des créances litigieuses à la date à laquelle ils ont exercé leur droit de retrait,
-constater que la société Acofi ne justifie pas de l'impossibilité prétendue d'individualiser le prix de cession de ses créances par la société Crédit martiniquais et empêche ainsi les époux [Y] d'exercer leur droit de retrait,
En conséquence,
-débouter la société Acofi de toutes ses demandes fins et conclusions et la condamner à payer aux époux [Y] la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre plus subsidiaire et sans renonciation par les époux [Y] aux recours qu'ils tiennent de la loi,
-dire et juger que la société Crédit martiniquais, aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui la société Acofi, a manqué à ses obligations de loyauté et de mise en garde à l'égard des époux [Y] et que ce manquement a contribué à la réalisation de leur entier préjudice,
En conséquence et vu les dispositions de l'article 1295 alinéa 2 (ancien) du code civil,
-condamner la société Acofi à leur payer la somme de 629.367,37 euros réactualisée des intérêts courus sur cette somme qui doivent être calculés au taux conventionnel ou au taux légal et ordonner la compensation réciproque des créances et dettes des deux parties,
À titre infiniment subsidiaire,
-dire et juger que l'application d'un intérêt conventionnel supérieur à 10 % cumulé à une clause de capitalisation constitue une pénalité excessive,
-dire et juger en conséquence que les époux [Y] ne sauraient être tenus au paiement d'intérêts supérieurs au taux légal sur le capital restant dû au titre de l'ouverture de crédit,
En tout état de cause,
-constater que la société Acofi ne justifie pas de l'évolution du taux de base bancaire applicable à l'ouverture de crédit depuis la date à laquelle le crédit a été rendu exigible jusqu'à la date à laquelle le portefeuille de créance a été cédé,
-dire en conséquence qu'elle ne peut prétendre au paiement d'un intérêt supérieur à l'intérêt au taux légal,
-débouter la société Acofi tant de sa demande en paiement d'un article 700 que de celle tendant à la désignation d'un expert judiciaire,
-condamner la société Acofi aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de maître Oriane Dontot, AARPI ' JRF Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes, les époux [Y] font valoir :
-que l'action de la société Acofi est prescrite ; que la convention de compte courant versée aux débats par la société Acofi ne prouve pas le caractère professionnel du compte n°[Compte bancaire 2], puisque le numéro de compte a été porté de manière manuscrite sur cette convention ; que la mention « entrepreneur individuel » portée sur les extraits de compte ne constitue pas non plus une preuve suffisante du caractère professionnel du compte n°[Compte bancaire 2], car la Cour de cassation a retenu que la simple affectation d'un découvert à un compte à usage professionnel ne suffit pas à exclure l'opération correspondante des dispositions protectrices de l'emprunteur édictées par le code de la consommation, à moins que l'affectation de ce découvert aux besoins de l'activité professionnelle ne résulte d'une stipulation spéciale (Cass., 1re Civ., n°02-13026) ; que le délai de deux ans de l'article L. 311-37 du code de la consommation était applicable ; que rien n'interdit aux intimés de se prévaloir de cette prescription par voie d'exception en vertu de l'article 387 du code de procédure civile ;
-que les intimés se sont prévalus à raison de leur droit de retrait prévu par l'article 1699 du code civil ; qu'à la date du 21 octobre 2003 à laquelle ils ont exercé le droit de retrait litigieux, les deux créances pour lesquelles la société Acofi agit et qui avaient été contestées en première instance, étaient toujours litigieuses puisque le tribunal de grande instance de Créteil avait sursis à statuer sur leur bien-fondé par jugement du 7 juillet 1998 ; que c'est à concurrence de la fraction que représentent les deux créances litigieuses que les époux [Y] sont fondés à exercer leur droit de retrait litigieux, nonobstant le complément de prix auquel la société Crédit martiniquais est susceptible de prétendre, puisque la Cour de cassation a clairement décidé que ce complément de prix ne pouvait être un obstacle à l'exercice de ce droit de retrait ; qu'il n'est pas démontré que l'individualisation des créances litigieuses soit impossible ;
-que, à titre subsidiaire, les fautes de la société Crédit martiniquais justifient la condamnation de la société Acofi au paiement de dommages et intérêts équivalents au montant des condamnations sollicitées à leur encontre ; que la société prêteuse a en effet manqué à son devoir de mise en garde en consentant à M. [Y] une ouverture de crédit de 3.100.000 francs destinée uniquement à diminuer les encours que la banque détenait envers la société « Starlog Ingénierie » et n'a, à aucun moment, attiré l'attention de M. [Y], ni de son épouse, sur la caractère hautement risqué de cette opération ; que la société Acofi doit répondre des fautes la société prêteuse en sa qualité de cessionnaire ; que les intimés sont en effet fondés, conformément au deuxième alinéa de l'article 1295 du code civil, à opposer la compensation s'agissant d'une exception inhérente à la dette, même si elle est apparue postérieurement à la notification de la cession (Cass., Com., 12 janvier 2010, n°08-22.000) ;
-que, concernant les intérêts conventionnels au titre de l'ouverture de crédit, l'ouverture de crédit a prévu que le taux d'intérêt hors assurance serait « le taux de base bancaire + 2 % l'an » ; que le taux de 13,5 % l'an était celui en vigueur à la date de l'ouverture de crédit calculé sur le « taux de base bancaire actuel du Crédit martiniquais de 11,5 % plus 2 % » ; qu'il appartient à la société Acofi de justifier de l'évolution de ce taux de base de la date à laquelle le crédit a été rendu exigible jusqu'à la date à laquelle le portefeuille de créances a été cédé ; que les intérêts au taux conventionnel et leur capitalisation apparaissent manifestement excessifs ; que la Cour de cassation a déjà jugé que le cumul d'une clause de capitalisation et d'intérêts supérieurs à 10 % peut avoir un caractère manifestement excessif (Cass., 1re Civ., 5 février 2014, n°10-25.821).
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La clôture de l'instruction a été reportée au 23 janvier 2018 .
L'audience de plaidoirie a été fixée au 24 janvier 2018 et le délibéré au 22 février suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'incident de caducité de la saisine de la cour
L'incident ayant été joint au fond, la cour est saisie d'une demande sur renvoi après cassation soumise aux dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile et non d'une déclaration d'appel soumise aux dispositions de l'article 902 du code de procédure civile d'avoir à signifier 'la déclaration d'appel'.
Si aux termes de l'article 1036 du code de procédure civile : « Le secrétaire de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat ou avoué.
En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée. », le renvoi à la procédure applicable devant la juridiction d'appel peut concerner les modalités de citation des parties défaillantes non-comparantes mais en aucune manière le délai de signification de l'article 902 relatif à la seule déclaration d'appel, étant rappelé d'une part qu'en application des dispositions de l'article 631 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, la procédure se poursuit sur la déclaration d'appel initialement formée et d'autre part que le seul délai prévu sur renvoi après cassation est celui de l'article 1034 du même code relatif à la saisine de la juridiction de renvoi.
En conséquence la sanction de la caducité qui affecte expressément la déclaration d'appel ne peut être étendue à la déclaration de saisine;
Sur la prescription de l'action de la société Acofi
*le solde débiteur du compte n°[Compte bancaire 2]
M. et Mme [Y] font valoir que l'action en paiement des sommes dues au titre du compte n°[Compte bancaire 2] aurait dû être engagée dans le délai de deux ans à compter du 23 juin 1993, date de la position débitrice du compte, et ce en application des dispositions de l'ancien article L311-37 du code de la consommation, aujourd'hui article R312-35, alors que l'assignation en paiement date du 23 septembre 1996.
Toutefois, d'une part le caractère professionnel de ce compte est établi par son intitulé dans les relevés adressés à M. [Y] qui portent la mention « Catégorie entrepreneur individuel » et par la convention de compte courant n° [Compte bancaire 2] ouverte au nom de Monsieur [Y] (SARL Starlog en constitution), d'autre part, le dossier de surendettement des époux [Y] a été rejeté en 1998 et à nouveau par jugement du 15 mai 2000, rendu par le tribunal d'instance de Boissy-Saint-Léger, du chef des dettes envers le Crédit Martiniquais en raison de leur caractère professionnel.
L'action en paiement est donc soumise au délai de prescription de 10 ans de l'article L110-4 du code de Commerce dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 et elle a bien été engagée dans le délai de 10 ans, de sorte que le moyen sera écarté.
*l'ouverture de crédit du 23 avril 1993
Les époux [Y] font valoir à cet égard que selon jugement en date du 7 juillet 1998, le tribunal de grande instance de Créteil avait sursis à statuer sur la demande en paiement afférente à cette ouverture de crédit jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur l'action en responsabilité engagée par le mandataire liquidateur de la société Starlog à l'encontre du Crédit Martiniquais, ce que la cour d'appel de Paris a fait par arrêt définitif du 8 juin 2001, et que faute par la société Acofi d'avoir saisi le tribunal de grande instance de Créteil dans les deux ans du sursis à statuer, son action s'est trouvée périmée de sorte que l'assignation n'a pu interrompre le délai de prescription de 10 ans.
Cependant, la demande de constat de la péremption ne peut qu'être adressée à la juridiction devant laquelle se déroule l'instance affectée par la péremption alléguée, et en tout état de cause, la péremption d'instance se définit comme un mode d'extinction de l'instance fondée sur l'inertie procédurale des parties pendant un certain temps et apparaît donc comme une sanction de l'inaction des parties qui emporte extinction de l'instance, mais n'éteint pas l'action, sorte que les époux [Y] sont aujourd'hui irrecevables à s'en prévaloir devant la cour alors que le tribunal de grande instance de Créteil, non saisi d'une telle demande qui selon l'article l'article 388 du code de procédure civile aurait du, à peine d'irrecevabilité, être formée ou opposée avant tout autre moyen, a rendu sa décision le 4 octobre 2005, laquelle a depuis fait l'objet de quatre arrêts d' appel et de trois arrêts en cassation .
L'assignation délivrée le 23 septembre 1996 a donc bien interrompu le délai de prescription de 10 ans, le point de départ de l'action de la banque étant le 30 avril 1994, date à laquelle l'emprunteur s'était obligé à en assurer le remboursement en capital et intérêts au plus tard.
Le moyen sera donc écarté.
Sur le retrait litigieux
Le retrait tend à mettre un terme au litige portant sur les droits cédés, par le remboursement par le débiteur cédé au cessionnaire du prix que celui-ci a payé au cédant.
Ce mécanisme est exceptionnel et ses conditions de mise en oeuvre doivent alors être interprétées strictement.
Il résulte des dispositions légales applicables que le retrait est soumis à deux conditions cumulatives, à savoir que le droit cédé soit litigieux au fond et que le prix du retrait soit déterminé ou au moins déterminable.
L'exercice du droit de retrait par le débiteur cédé, prévu par l'article 1699 du code civil, suppose que la créance cédée soit litigieuse.
Aux termes de l'article 1700 du code civil « La chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit ».
Il appartient donc à la cour de rechercher si le caractère litigieux des droits cédés existait à la date d'exercice du droit de retrait, si M. et Mme [Y] contestaient sur le fond la créance, si la détermination du prix de cession est possible.
Il n'est pas contesté que M. et Mme [Y] ont entendu se prévaloir des dispositions de l'article 1699 du Code Civil aux termes de leurs conclusions signifiées devant le juge de la mise en état de la 3ème Chambre Civile du tribunal de grande instance le 21 octobre 2003.
A cette date, le jugement du 7 juillet 1998 ayant statué sur deux de ces créances (le prêt du 18 juillet 1990 et le solde du compte courant n°[Compte bancaire 1]), et prononcé un sursis à statuer sur le surplus mais n'ayant en tout état de cause pas été notifié aux époux [Y], n'était pas définitif de sorte qu'à la date de l'exercice du droit de retrait, les droits cédés étaient encore litigieux.
La société Acofi soutient que les créances, objet du retrait litigieux, doivent faire l'objet d'une analyse différenciée, créance par créance alors que le droit au retrait litigieux tel qu'exercé ne fait pas de distinction entre les différentes créances de la banque mais concerne l'ensemble
des créances cédées en un seul bloc, sur un montant total.
Le jugement du 7 juillet 1998 n'ayant pas de caractère définitif la société Acofi ne peut soutenir que les créances relatives au prêt du 18 juillet 1990 et au solde du compte courant n°[Compte bancaire 1] n'étaient plus litigieuses.
Se prévalant de la forclusion, certes à titre très subsidiaire et seulement pour deux créances, à savoir le solde des comptes courants n°[Compte bancaire 1] et [Compte bancaire 2], M. et Mme [Y] ont bien contesté le fond du droit.
Le Crédit martiniquais a procédé à une cession en bloc de ses créances envers les époux [Y] et, malgré sommation de communiquer du 13 août 2003, l'acte de cession du 27 mars 2000 n'a jamais été produit.
Selon la société Acofi, à cette cession est intervenu le fonds de garantie des dépôts dont les conditions d'exercice sont couvertes par le secret bancaire et que c'est pour cette raison qu'elle n'est pas en mesure de produire l'acte de cession du 27 mars 2000.
Si la cession en bloc est bien opposable aux époux [Y] dès lors que l e prix de la cession de créance ne constitue pas un élément nécessaire à l'information du débiteur cédé quant au transport de la créance, il n'en demeure pas moins que les conditions d'exercice du droit de retrait rendent nécessaire la détermination du prix de cession.
Le seul fait que la cession ait été faite pour un prix global calculé statistiquement et non créance par créance n'est pas, en soi, de nature à écarter la faculté d'exercer le retrait litigieux, dès lors que son prix reste déterminable et il relève de l'appréciation souveraine du juge du fond de vérifier le caractère déterminable du prix de la créance pour laquelle le débiteur cédé exerce son droit au retrait litigieux.
L'individualisation des créances est opérée soit par l'indication du nom du débiteur, soit par la nature de la créance cédée, soit par la référence à la créance cédée, soit encore par le montant de la créance cédée.
A défaut de montant, chacune de ces créances est valorisée ou valorisable à la date de la cession et représente donc une fraction du coût de rachat et, ainsi que l'a à juste titre souligné le jugement entrepris, le prix payé par le cessionnaire doit représenter un pourcentage d'un montant global des créances cédées ce qui permet de calculer le prix de cession de chaque créance détenue à l'égard des époux [Y] par référence à ce même pourcentage.
Si les difficultés d'individualisation de la créance, mises en avant par la société Acofi comme seul argument du caractère indéterminable des créances au motif de la complexité de l'opération et du grand nombre de créances cédées (4.600 lignes de concours de prêts, d'une valeur faciale d'environ 1,3 milliards de francs pour un prix forfaitaire de 155.449.120 Francs), les créances cédées n'ayant aucun lien entre elles et le prix de cession étant assorti d'un complément de prix présentant selon elle un caractère aléatoire, force est de constater que l'appelante, en ne produisant en pièce 15 que l'extrait de l'acte de cession de créances en date du 25 avril 2000, mais pas le bordereau ni aucun autre document pertinent permettant d'identifier le coût du rachat de chaque créance du Crédit martiniquais envers M. et Mme [Y], ne permet pas à la cour d'exercer son contrôle souverain et de dire si le prix était déterminable en fonction des éléments d'appréciation précis et concrets produits par les parties, alors notamment, que l'existence d'un prix complémentaire, fonction du résultat de la procédure, ne présente aucun caractère aléatoire, puisqu'il est déterminable et seulement soumis à une condition de perception des fonds.
La cour ne saurait suppléer la carence de l'appelante sur l'absence de production de pièces suffisantes en ordonnant une mesure d'expertise.
Dans ces conditions la contestation tirée de la forclusion présentée par les époux [Y] pour deux d'entre elles leur permet un droit de retrait global.
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Rejette le moyen de caducité de la saisine de la cour soulevé par M. et Mme [Y] ;
Rejette les moyens d'irrecevabilité soulevés par M. et Mme [Y] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Créteil ;
Condamne la société Acofi aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,