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13/02/2018 | FRANCE | N°16/05460

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 13 février 2018, 16/05460


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 34G



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 FEVRIER 2018



R.G. N° N° RG 16/05460



AFFAIRE :



SARL MARCEAU

FLEURS







C/

Association VAL'HOR











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2016 par le Tribunal d'Instance de

COURBEVOIE

N° chambre : A

N° Section :

N° RG : 9

114000381



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13/02/18

à :



Me Bertrand ROL de

l'AARPI

INTER-BARREAUX JRF AVOCATS





Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 34G

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 FEVRIER 2018

R.G. N° N° RG 16/05460

AFFAIRE :

SARL MARCEAU

FLEURS

C/

Association VAL'HOR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2016 par le Tribunal d'Instance de

COURBEVOIE

N° chambre : A

N° Section :

N° RG : 9114000381

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13/02/18

à :

Me Bertrand ROL de

l'AARPI

INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE FEVRIERDEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL MARCEAU FLEURS

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20160586

APPELANTE

****************

L'ASSOCIATION VAL'HOR

Association de la loi 1901

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1656408

Assistée de Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2017, Monsieur Serge PORTELLI, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

M. Serge PORTELLI, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT

FAITS ET PROCÉDURE,

L'association Val'Hor, en qualité d'organisation interprofessionnelle pour la valorisation des produits et secteurs professionnels de l'horticulture et du paysage, a institué une cotisation interprofessionnelle pour financer ses actions. Dans ce cadre, elle a adressé à la société Marceau Fleurs des bordereaux d'appel pour les années 2008, 2009 et 2010.

La société Marceau Fleurs n'a pas réglé les appels de cotisations.

Par acte d'huissier en date du 28 mai 2014, l'association Val'Hor a assigné la société Marceau Fleurs devant la juridiction de proximité aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, des sommes de :

- 3.588€ au titre des cotisations inter-professionnelles majorées au titre des années 2008, 2009 et 2010, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2014,

- 1.500€ au titre des frais irrépétibles, outre la publication du jugement aux frais du défendeur, de la décision à intervenir dans l'hebdomadaire"La lettre du végétal" et le mensuel "informations fleuristes".

La société Marceau Fleurs avait formulé les demandes suivantes :

- faire application de la prescription biennale du code de la consommation et non de la prescription quinquennale de droit commun,

- relever que l'association Val'Hor n'allègue ni ne démontre avoir assumé aucune mission ni engagé la moindre action d'intérêt général ou d'utilité publique qui auraient fait ou pu faire l'objet d'une procédure d'extension justifiant la perception de cotisations volontaires obligatoires (CVO) pour leur financement,

- juger que les CVO réclamées au défendeur ne peuvent être assimilées aux 'autres contributions' visées à l'alinéa 2 de l'article 1 du protocole additionnel à la convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- subsidiairement, solliciter l'avis de la CEDH par une question préjudicielle portant sur l'interprétation des termes utilisés dans la Convention et notamment l'expression 'autres contributions' et sur ses conséquences dans les nombreuses procédures actuellement en cours sur le territoire français,

- déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008 et 27 mai 2010 incompatibles avec l'article 1er du protocole additionnel à la convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- juger que les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008 et 27 mai 2010 étant incompatibles avec la convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, les actions engagées par l'Association Val'Hor contre la société Marceau Fleurs sont contraires à la loi européenne qui s'impose au droit des Etats et ne peuvent être poursuivies et les annuler,

- en conséquence, débouter Val'Hor de toutes ses prétentions et demandes.

La juridiction de proximité, après avoir entendu les parties à l'audience du 6 octobre 2015, a décidé de renvoyer l'affaire au juge d'instance pour difficultés juridiques et sérieuses.

Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal d'instance de Courbevoie a :

- déclaré recevable l'association Val'Hor au titre des cotisations et majorations 2008 à 2010 incluses non présentes,

- dit que l'association Val'Hor a qualité à agir s'agissant du prélèvement des cotisations,

- rejeté la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche du 31 mars 2008 et du 16 septembre 2008 incompatibles avec le protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952,

- condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 3.588€ au titre des cotisations majorées au titre des années 2008 à 2010 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2014,

- rejeté les autres demandes des parties,

- condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Marceau Fleurs aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire

Par déclaration du 18 juillet 2016, la société Marceau Fleurs a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions transmises le 6 novembre 2017, elle demande à la cour de :

- accueillir la société Marceau Fleurs en sa défense au fond et la déclarer fondée,

- infirmer en tous points le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Marceau Fleurs artisan fleuriste, n'a pas qualité permettant à l'association Val'Hor de le poursuivre en paiement de cotisations volontaires obligatoires, et débouter l'intimée de toutes ses demandes,

- retenir la compétence de la cour à connaître du litige né de l'incompatibilité d'actes administratifs unilatéraux avec la loi européenne,

- relever que l'association Val'Hor n'allègue ni ne démontre avoir assumé aucune mission ni engagé la moindre action d'intérêt général ou d'utilité publique qui auraient fait ou pu faire l'objet d'une procédure d'extension justifiant la perception de cotisations volontaires obligatoires pour leur financement,

- dire et juger que les cotisations volontaires obligatoires réclamées au défendeur par l'association Val'Hor ne peuvent être assimilées aux 'autres contributions' visées à l'alinéa 2 de l'article 1 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- dire et juger qu'aucun acte public ou privé portant atteinte au droit de propriété ne peut être pris sans référence à une cause d'utilité publique ou d'intérêt général,

- déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008 et 27 mai 2010, incompatibles avec l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952 tel qu'amendé par le protocole n°11,

- constater que le jugement de la juridiction de proximité de Flers retrouve définitivement l'autorité de la chose jugée qu'il avait acquise au jour de son prononcé le 13 août 2013,

- dire et juger que ce jugement rendu en dernier ressort a force de chose jugée avec toutes les conséquences de droit,

- déclarer que la société Marceau Fleurs et tous ses confrères les fleuristes de France seront de ce fait en droit d'agir pour obtenir l'annulation ou la révision des condamnations prononcées contre eux et le remboursement des cotisations appelées et recouvrées indûment par Val'Hor,

- subsidiairement, dire et juger avec toutes conséquences de droit que l'intimé n'a pas qualité à agir contre l'appelant et que l'appelant n'a pas qualité à défendre contre l'action de l'intimé,

- dire et juger que les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche des 16 septembre 2008 et 27 mai 2010 étant incompatibles avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les actions engagées par l'association Val'Hor contre la société Marceau Fleurs contraires à la loi européenne qui s'impose au droit des Etats, ne peuvent être poursuivies, et les annuler,

- en conséquence, débouter Val'Hor de toutes ses prétentions et demandes,

- dire et juger l'action intentée par Val'Hor, sans fondement légal, abusive et vexatoire,

- dire et juger que la société Marceau Fleurs subit un dommage matériel et moral du fait de cette action agressive perpétrée à son encontre et condamner l'association Val'Hor à lui payer la somme de 15.000€ en réparation du préjudice qui en résulte avec capitalisation des intérêts moratoires aux conditions de l'article 1154 du code civil,

- débouter l'association Val'Hor de toutes ses autres prétentions et demandes et la condamner aux entiers dépens,

- allouer à la société Marceau Fleurs la somme de 3.500€ en couverture de ses frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Val'Hor aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par l'AARPI JRF Avocats représentée par Me Rol, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises le 27 septembre 2017, l'association Val'Hor demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris le 16 juin 2016,

- débouter la société Marceau Fleurs de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Marceau Fleurs aux entiers dépens de l'instance,

- dire que ceux d'appel pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 novembre 2017.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS

Jugement

Le tribunal a fait application de l'article L632-6 du code rural et de la pêche maritime: il prévoit que les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L632-1 et L632-2 sont habilitées à prélever des cotisations sur tous les membres des professions les constituant ; ces cotisations résultent des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L632-3 et L632-4; aux termes de l'alinéa 2 de l'article L632-6, lorsque l'assiette de la cotisation résulte d'une déclaration de l'assujetti et que celui-ci omet d'effectuer cette déclaration, l'organisation interprofessionnelle peut, après mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai d'un mois, procéder à une évaluation d'office dans les conditions précisées par l'accord étendu.

Le tribunal a rappelé que, par arrêté du 13 août 1998, l'association Val'Hor avait été reconnue comme organisation interprofessionnelle de l'horticulture pour la valorisation des produits et secteurs professionnels de l'horticulture et du paysage. Il a relevé de plus que cette association faisait partie des organisations interprofessionnelles reconnues comme telles au sens de la législation de l'Union Européenne conformément au décret du Premier ministre du 2 juin 2014 relatif à la reconnaissance des organisations interprofessionnelles.

Le tribunal a rappelé que des accords professionnels de financement avaient été votés puis étendus par arrêtés successifs pour les cotisations des années 2008 à 2010. Ces accords prévoient que chaque membre de la profession concernée est redevable d'une cotisation annuelle en fonction d'une grille tarifaire et que, chaque année, le professionnel doit retourner à l'association une déclaration d'activité permettant de fixer le montant de la cotisation; il est également prévu qu'une cotisation majorée sera perçue si la déclaration n'est pas remplie dans le délai prévu.

Le tribunal a fait référence à l'article 1er du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant le respect du droit de propriété et les lois concernant le paiement des impôts et autres contributions.

Il en a conclu qu'un Etat peut mettre en vigueur une loi permettant d'assurer le paiement d'une contribution telle que la cotisation interprofessionnelle prévue par l'article L632-6 du code rural et de la pêche maritime, contribution dont il délègue la fixation et le recouvrement à une organisation interprofessionnelle habilitée après en avoir assuré le contrôle par le mécanisme de l'extension d'un accord professionnel. Il en a conclu également que ces cotisations obligatoires ont pour objet de financer des actions communes ou visant un intérêt commun à la profession considérée conformes à l'intérêt général, cotisations qui constituent des contributions dues par les professionnels appartenant à la même filière pour le financement de l'organisation et des actions communes à leur profession.

En conséquence, le tribunal a débouté la société Marceau Fleurs de sa demande aux fins de déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche du 31 mars 2008 et du 16 septembre 2008 incompatibles avec le protocole additionnel précité.

La demande de la société Marceau Fleurs concernant la prescription a été rejetée de même que la demande concernant l'application de l'article 1152 du code civil.

Le jugement a en définitive fait droit à la demande en paiement de l'association Val 'Hor.

Conclusions de la société Marceau Fleurs

L'appelant fait d'abord l'historique de l'association Val 'Hor. Elle rappelle un arrêt de la cour de cassation du 23 octobre 2001 qui avait cassé un jugement du tribunal de commerce de Morlaix ayant condamné un horticulteur à payer des cotisations à l'association Anihort (prédécesseur de Val'Hor) et un autre arrêt du 11 mars 2010 approuvant une cour d'appel de contrôler le périmètre d'une association afin de vérifier si un professionnel en faisait partie ou non.

La société Marceau Fleurs soutient qu'elle est un artisan fleuriste et n'est pas concernée par les CVO qui ne peuvent être applicables qu'aux professionnels du négoce.

Elle invoque également une décision du juge de proximité de Flers du 2 août 2013 qui a déclaré les arrêtés des 31 mars 2008 et 16 septembre 2010 incompatibles avec l'article 1er du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La société discute également l'arrêt du 30 mai 2103 de la Cour de Justice de l'Union Européenne dont, dit-elle, on ne peut déduire que le système français des CVO est validé.

L'intimée soutient que les CVO ne rentrent pas dans la catégorie des 'contributions' visées par le Protocole additionnel de 1952 à moins qu'il ne soit prouvé que les cotisations réclamées sont justifiées par un motif d'intérêt général. Elle fait valoir qu'il doit être procédé à un contrôle de conventionnalité en recherchant la présence ou l'absence d'intérêt général non seulement au regard de la finalité de l'association mais au regard des accords interprofessionnels en cause.

Au regard des statuts de l'association Val'Hor, l'intimé soutient qu'elle ne peut prétendre représenter tous les secteurs de l'horticulture. Elle affirme que la promotion publicitaire ou commerciale des activités de l'ensemble des filières agricoles qualifiées d'horticoles ne peut être considérée comme constitutive d'un motif d'intérêt général.

L'appelante soutient que toute la jurisprudence favorable à l'association Val'Hor se fonde sur une interprétation erronée de l'article 1er du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle analyse la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme, insiste sur le fait que la cour exige, pour toute atteinte au droit de propriété, la justification d'un motif d'intérêt général ou d'utilité publique et s'appuie également sur l'arrêt du 30 novembre 2016 de la cour de cassation. Elle en conclut que l'association Val'Hor est dans l'impossibilité d'invoquer le moindre motif d'intérêt général. Pour la société Marceau Fleurs, l'association Val d'Hor ne peut prétendre à représenter les membres d'une profession comme celle de fleuriste qui n'est pas visée dans les statuts de cette association.

L'appelante critique par ailleurs le fonctionnement de l'association Val'Hor, l'accusant de favoriser les membres des syndicats adhérents de cette association.

L'appelante soutient que l'association Val'Hor n'a pas qualité à agir. Elle fait valoir que l'association a fait l'objet le 13 août 1998 d'un arrêté de reconnaissance comme organisation interprofessionnelle en application de l'article L632-1 du code rural. Or les membres figurant dans ses statuts ont changé depuis lors et de nouveaux membres ont été intégrés dont un syndicat de fleuristes, le FNPFP 'prétendant fédérer l'ensemble des fleuristes de France'. La société Marceau Fleurs considère dès lors que l'association Val'Hor n'a pas acquis la qualité à agir contre la profession des fleuristes dont l'intégration à ses statuts n'a pas été agréée dans les conditions de l'article L632-1 du code rural.

La société Marceau Fleurs maintient, dans le corps de ses écritures, sa demande concernant la prescription, soutenant qu'est applicable l'article L137-2 du code de la consommation prévoyant une prescription de deux ans.

L'appelante demande enfin la condamnation de l'intimée qu'elle accuse d'avoir engagé 'une gigantesque entreprise d'extorsion de fonds sur les quatorze mille fleuristes de France' et d'avoir introduit en l'espèce une procédure sans fondement légal, abusive et vexatoire. Elle demande une somme de 15.000€ en réparation de son préjudice.

Conclusions de l'association Val'Hor

L'association Val'Hor fait valoir que les pouvoirs publics lui ont octroyé le statut d'organisation interprofessionnelle par arrêté de reconnaissance du 13 août 1998 après avoir vérifié qu'elle remplissait toutes les conditions énumérées à l'article L632-1 du code rural et de la pêche. Dès lors, comme l'ont décidé plusieurs juridictions d'instance, elle est, affirme-t-elle, pleinement habilitée à solliciter le paiement des cotisations interprofessionnelles et a qualité à agir.

L'intimée relève que la société Marceau Fleurs exerce une activité de 'commerce de détail de fleurs, plantes, graines, et petits animaux d'agrément ainsi que tous objets d'entretien et de décoration' et qu'à ce titre elle est soumise aux obligations des membres de l'association Val'Hor.

S'agissant de l'application de l'alinéa 2 de l'article 1er du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intimée soutient que, selon le texte de l'alinéa 2, les Etats peuvent parfaitement adopter les textes nécessaires pour assurer le paiement de contributions sans avoir à justifier de la poursuite d'un intérêt général. Cette justification n'est requise par le Protocole que pour 'réglementer l'usage des biens'.

L'Association fait valoir par ailleurs que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme exclut toute violation de l'article 1er du protocole en l'espèce; elle exerce un contrôle extrêmement compréhensif de l'existence d'un but d'intérêt général au sens de l'article 1er du Protocole, estimant que l'Etat est mieux placé qu'elle pour apprécier cette notion et qu'il est libre de la concevoir et de l'invoquer comme il l'entend, tant que sa démarche n'est pas 'manifestement dépourvue de base raisonnable'.

Elle conteste l'interprétation faite par l'appelante de l'arrêt du 30 novembre 2016 de la cour de cassation, soutenant qu'il est désormais exigé que la notion d'intérêt général soit explicitée et que deux cours d'appel ont en 2015 et 2016 statué dans l'intérêt de l'association Val'Hor en décidant que les cotisations litigieuses étaient bien justifiées par des considérations d'intérêt général.

Sur les demandes concernant le jugement du juge de proximité de Flers et diverses condamnations prononcées à l'encontre de fleuristes sur la demande de l'association Val'Hor

La société Marceau Fleurs, dans ses écritures, demande que la cour prenne position sur le sort d'un jugement du juge de proximité de Flers. Quel que soit l'intérêt de cette décision, il n'appartient pas à la cour de statuer sur son autorité.

La société Marceau Fleurs demande en outre de juger que les fleuristes 'seront en droit d'agir pour obtenir l'annulation des condamnations prononcées contre eux et le remboursement des cotisations appelées et recouvrées par Val'Hor pour les années 2008 à 2011.'

Une juridiction ne peut se prononcer que sur le litige dont elle est saisie et ne peut statuer par arrêt de règlement pour des affaires qui ne lui sont pas soumises.

Il y a donc lieu de rejeter ces demandes.

Sur la qualité à agir de l'association Val'Hor

La société Marceau Fleurs demande de 'dire et juger que la société Marceau Fleurs artisan fleuriste, n'a pas qualité permettant à l'association Val'Hor de le poursuivre en paiement de cotisations volontaires obligatoires', et débouter l'intimée de toutes ses demandes.' Elle demande subsidiairement de 'dire et juger avec toutes conséquences de droit que l'intimé n'a pas qualité à agir contre l'appelant et que l'appelant n'a pas qualité à défendre contre l'action de l'intimé.'

Il semble résulter de ses écritures que, selon l'appelante, l'association Val'Hor ayant modifié ses statuts et ne représentant pas la profession de fleuriste n'est plus habilitée à bénéficier de l'arrêté la reconnaissant comme organisation interprofessionnelle au sens de l'article 632-1 du code rural et de la pêche maritime

Aux termes de l'article 632-1 du code rural et de la pêche maritime, tel qu'il était applicable en août 1998, les groupements constitués par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon le cas, de la transformation et de la commercialisation peuvent faire l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisations interprofessionnelles par l'autorité administrative compétente après avis du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, soit au niveau national, soit au niveau d'une zone de production, par produit ou groupe de produits déterminés.

En application de cet article, l'Association française pour la valorisation des produits et des secteurs professionnels de l'horticulture et du paysage (Val'Hor) a fait l'objet d'un arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et de la pêche, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du secrétaire d'Etat au budget en date du 3 septembre 1998 la reconnaissant comme organisation interprofessionnelle.

La modification des statuts, dès lors qu'elle ne porte que sur un changement de ses membres statutaires et qu'elle est sans influence sur sa représentativité, est sans conséquence sur la reconnaissance dont elle a fait l'objet par arrêté interministériel.

L'appelante fait valoir que parmi les nouveaux membres se trouve le syndicat de fleuristes 'FNPFP' dont elle paraît contester la représentativité. La cour n'a pas à juger de cette représentativité sur laquelle la société Marceau Fleurs ne fournit aucun élément. Il ne s'agit d'ailleurs pas de la FNPFP mais de la FNPHP, Fédération Nationale des Producteurs de l'Horticulture et des Pépinières. Il apparaît donc que l'association Val'Hor est bien une organisation interprofessionnelle représentant notamment le secteur des fleuristes, l'horticulture regroupant notamment la floriculture et le négoce des fleurs quelle qu'en soient ses modalités.

Le tribunal a par ailleurs relevé que, par décret du premier ministre, du ministre de l'agriculture et du ministre des finances et des comptes publics, n° 2014-572 du 2 juin 2014 relatif à la reconnaissance des organisations interprofessionnelles, il a été décidé que les organisations interprofessionnelles, dont l'association Val'Hor, qui ont été reconnues avant le 1er janvier 2014 en application des articles L. 632-1 et L. 632-12 du code rural et de la pêche maritime, sont réputées reconnues comme organisations interprofessionnelles au sens de l'article 157 du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande de l'appelante.

Sur le fond

Les organisations interprofessionnelles reconnues, mentionnées aux articles L632-1 et L632-2, sont habilitées à prélever des cotisations sur tous les membres des professions les constituant. Ces cotisations résultent des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L632-3 et L632-4. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article L632-6, lorsque l'assiette de la cotisation résulte d'une déclaration de l'assujetti et que celui-ci omet d'effectuer cette déclaration, l'organisation interprofessionnelle peut, après mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai d'un mois, procéder à une évaluation d'office dans les conditions précisées par l'accord étendu.

Aux termes de l'article 1er du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 'toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.'

Selon la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme, pour être compatible avec cet article premier, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions. Il doit donc exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé et l'équilibre doit être maintenu entre les exigences de l'intérêt général et l'intérêt des individus concernés.

La loi prévoit que l'intérêt général doit nécessairement être pris en compte pour que l'autorité administrative procède à l'extension d'un l'accord interprofessionnel. L'article L632-3 du code rural et de la pêche, dans sa version applicable en 2008 et 2010, précisait que cette extension ne pouvait être accordée que si l'accord tend 'par des contrats types, des conventions de campagne et des actions communes ou visant un intérêt commun conformes à l'intérêt général et compatibles avec les règles de la politique agricole commune, à favoriser diverses actions telles que :

1° La connaissance de l'offre et de la demande ;

2° L'adaptation et la régularisation de l'offre ;

3° La mise en oeuvre, sous le contrôle de l'Etat, de règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement...'

Chacune des onze actions visées par cet article s'applique au secteur professionnel concerné mais se rapporte en même temps à l'intérêt général. Ainsi 'la qualité des produits' ou 'la lutte contre les organismes nuisibles' sont des objectifs qui concernent aussi bien les professionnels que les consommateurs et l'économie globale. Il appartient à l'autorité administrative qui délivre un arrêté d'extension de vérifier que l'association qui en bénéficie est bien en mesure de mener les actions prévues par la loi et qu'elle les a effectivement entreprises. L'appréciation des pouvoirs publics ne doit pas être dépourvue de base raisonnable, selon le critère dégagé par la cour européenne des droits de l'homme.

En l'espèce, l'atteinte portée au droit de propriété par la contribution payée à l'association Val'Hor se traduit par l'obligation de déclaration annuelle et le paiement d'une somme de 119,60€. Il s'agit donc d'empiétements extrêmement limités. Cette atteinte a pour contrepartie les actions menées par l'association Val'Hor. La société Marceau Fleurs dans ses écritures admet d'ailleurs que l'association Val'Hor mène une promotion publicitaire ou commerciale des activités de l'ensemble des filières agricoles qualifiées d'horticoles.

La société Marceau Fleurs soutient à tort que cette activité ne peut être considérée comme constitutive d'un motif d'intérêt général. Il est évident que les actions menées par application de l'article L632-3 du code rural et de la pêche ne peuvent être justifiées de la même façon que l'action de l'Etat lorsqu'il promulgue une loi établissant un impôt, une taxe ou une contribution ordinaires. Le mécanisme mis en oeuvre par cette disposition vise à déléguer à une organisation interprofessionnelle un pouvoir qui, tout en concernant une activité professionnelle et économique particulière, respecte également l'intérêt général de l'économie et de la nation.

Il existe donc un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Il apparaît ainsi que les extensions des accords interprofessionnels en question respectent bien l'intérêt général tel qu'il est énoncé dans le protocole additionnel de 1952. Il n'est pas démontré par l'appelant que l'appréciation des pouvoirs publics a été en l'espèce dépourvue de base raisonnable. Ses allégations concernant le fonctionnement ou les dysfonctionnements internes de l'association Val'Hor, outre qu'elles ne sont pas justifiées, sont sans rapport avec l'objet du litige.

Les arrêtés critiqués du ministère de l'Agriculture des 16 septembre 2006, 31 mars 2008, 16 septembre 2008, 27 mai 2010 et 3 octobre 2011 ne sont donc pas incompatibles avec les dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche du 31 mars 2008 et du 16 septembre 2008 incompatibles avec le protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952,

- condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 3.588€ au titre des cotisations majorées au titre des années 2008 à 2010 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2014.

Sur la prescription

Le tribunal, s'agissant de la prescription, avait décidé à juste titre, que les cotisations litigieuses relèvent du régime de droit commun de l'article 2224 du code civil qui prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Elle avait dès lors rejeté la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de déclarer l'action de l'association Val'Hor prescrite.

Dans le corps de ses écritures d'appel, la société Marceau Fleurs renouvelle sa demande. Toutefois, elle ne la reprend pas dans le dispositif de ses conclusions.

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation de la société Marceau Fleurs

L'appelante estime avoir été victime d'une procédure sans fondement légal, abusive et vexatoire. Elle a toutefois été déboutée de ses demandes tant en première instance qu'en appel et ne peut se dire victime d'une action abusive. Il y a donc lieu de rejeter cette demande.

Sur les frais et dépens

Le jugement ayant été confirmé sur le fond, il le sera également en ce qu'il a condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Marceau Fleurs ayant succombé dans ses demandes en cause d'appel, les dépens exposés devant la cour seront à sa charge et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

S'agissant de la procédure d'appel, il apparaît équitable de condamner la société Marceau Fleurs, tenue aux dépens, à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à l'association Val'Hor la somme de 1.500€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

* rejette la demande de la société Marceau Fleurs concernant l'autorité du jugement du juge de proximité de Flers du 2 août 2013,

* rejette la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de juger que les fleuristes seront en droit d'agir pour obtenir l'annulation des condamnations prononcées contre eux et le remboursement des cotisations appelées et recouvrées par Val'Hor pour les années 2008 à 2011,

* rejette la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de juger que l'intimée n'a pas qualité à agir contre l'appelant et que l'appelant n'a pas qualité à défendre contre l'action de l'intimé,

* rejette la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de condamner l'association Val'Hor pour procédure sans fondement légal, abusive et vexatoire,

* confirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de déclarer les arrêtés du ministère de l'agriculture et de la pêche du 31 mars 2008 et du 16 septembre 2008 incompatibles avec le protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952,

- condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 3.588€ au titre des cotisations majorées au titre des années 2008 à 2010 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 mars 2014,

- rejeté la demande de la société Marceau Fleurs aux fins de déclarer l'action de l'association Val'Hor prescrite,

- condamné la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

* y ajoutant,

- condamne la société Marceau Fleurs à payer à l'association Val'Hor la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Marceau Fleurs aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avocats dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 16/05460
Date de la décision : 13/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°16/05460 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-13;16.05460 ?
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