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08/02/2018 | FRANCE | N°16/03877

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 08 février 2018, 16/03877


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58G



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 FEVRIER 2018



N° RG 16/03877





AFFAIRE :





SA MMA IARD

...



C/



SARL MS CONSEILS

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 07

N° RG : 13/07929







Expéditions exé

cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Pierre GUTTIN

Me Dominique DOLSA

Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 FEVRIER 2018

N° RG 16/03877

AFFAIRE :

SA MMA IARD

...

C/

SARL MS CONSEILS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 07

N° RG : 13/07929

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Dominique DOLSA

Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

1/ SA MMA IARD

RCS n° 440 048 882

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

2/ SOCIETE MMA IARD Assurances Mutuelles

Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes

RCS n° 775 652 126

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

toutes deux venant aux droits de la société COVEA RISKS, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, RCS de Nanterre n° 378 716 419, dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 15000242

Représentant : Me ROUJEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

APPELANTES

****************

1/ SARL MS CONSEILS

RCS n° B 421 451 949

[Adresse 3]

[Adresse 3]

agissant poursuites et diligences de ses co-gérants, Madame [D] [U] et Monsieur [F] [J] domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Dominique DOLSA, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 444

INTIMEE

2/ Madame [C] [P] venant aux droits de sa mère, [P] [R] [O] divorcée [P]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 62

Représentant : Me Jean-charles BEDDOUK, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0631

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDEMMENT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Décembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET,

---------

FAITS ET PROCEDURE

Le 7 décembre 1999, Mme [O] épouse [P] a fait don à sa fille [C] [P] de la nue propriété des parts qu'elle détenait dans un fonds de commerce de pharmacie. Le 27 janvier 2004, ce fonds de commerce a été vendu et le produit de la vente, soit la somme de 1 200 000 euros, a été placé dans un produit d'assurance-vie en fonds euro, dont Mme [P] avait l'usufruit et sa fille la nue propriété.

Au cours de l'année 2006, sur les conseils de la société MS Conseils, conseil en gestion de patrimoine, Mmes [P] ont retiré les liquidités placées en fonds en euros pour les déposer sur un contrat Patrimoine Vie Plus, contrat en unités de compte.

Par acte des 25 et 26 juin 2013, Mmes [P] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre MS Conseils et son assureur, la société Covea Risks, pour être indemnisées de la perte financière présentée par les placements réalisés.

Par jugement du 28 mai 2015, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit que MS Conseils a manqué à son obligation de conseil,

- condamné MS Conseils garantie par Covea Risks à payer à Mmes [P] la somme de 250 000 euros,

- condamné MS Conseils garantie par Covea Risks à payer à Mme [O] épouse [P] la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- rappelé que la franchise de 3 500 euros, mentionnée à la police d'assurances, est opposable aux demandeurs,

- condamné in solidum MS Conseils et Covea Risks à payer à Mmes [P] la somme de 6 000 euros au titre des frais de procédure,

- condamné les défendeurs in solidum aux entiers dépens.

Par acte du 2 juillet 2015, la société Covea Risks a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance d'interruption d'instance a été rendue le 3 septembre 2015 à la suite du décès de Mme [O] épouse [P] le 21 juillet 2015. Par conclusions du 23 mai 2016, Mme [C] [P] est venue aux droits de sa mère, Mme [P] [R] [P].

Par dernières écritures du 12 juillet 2016, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les sociétés MMA) venant aux droits de la société Covea Risks à la suite d'une opération de fusion-absorption et de cession de portefeuilles demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- constater que la société MS Conseils a respecté son devoir de conseil et d'information, et plus généralement, l'ensemble de ses obligations contractuelles à l'égard de Mmes [P],

- constater que les préjudices allégués ne sont pas établis,

- constater l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et les préjudices allégués,

- débouter Mme [P] venant aux droits de sa mère Mme [P] [R] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de l'assureur de la société MS Conseils,

A titre subsidiaire,

- juger que la franchise contractuelle de 3 500 euros restera à la charge de la société MS Conseils en cas de condamnation de cette dernière,

En tout état de cause,

- condamner Mme [P] à payer à la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent désormais les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions signifiées le 16 octobre 2017, Mme [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société MS Conseils et la société Covea Risks aux droits de laquelle viennent désormais les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à régler à Mmes [P] la somme de 250 000 euros et celle de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral à Mme [P] [R] [P],

- dire recevable et bien fondée Mme [P] en son appel incident,

- débouter la société Covea Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles et la société MS Conseils de l'ensemble de leurs demandes, fins ou conclusions,

- condamner les mêmes à verser à Mme [P] la somme de 567 022,87 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance subie,

- condamner in solidum les mêmes à verser à Mme [C] [P] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

- condamner in solidum les mêmes à verser à Mme [C] [P] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 13 juin 2016, la société MS Conseils demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- condamner la société Covea Risks à relever et garantir la société MS Conseils de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et des sommes payées ou à payer tant en principal, intérêts, qu'en frais à Mme [P],

- condamner Mme [P] à verser une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 novembre 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a jugé que si le bulletin de souscription au contrat Patrimoine Vie Plus faisait bien référence aux fluctuations possibles des dépôts en unités de compte, il convenait de noter que le courrier du 9 mai 2006 adressé par la société MS Conseils et proposant des supports en unités de compte n'attirait pas l'attention de Mmes [P] sur l'opportunité de conserver pour partie des liquidités sur un fonds en euros.

Les premiers juges ont retenu que si la société MS Conseils avait rempli sa mission en présentant des produits permettant des rachats programmés de 6 000 euros par mois avec optimisation fiscale, elle aurait dû, en raison de l'âge avancé de Mme [P] [R] [P], l'amener à conserver une partie de ses avoirs sur un fonds en euros non soumis à un risque de perte en capital, le tribunal soulignant que la prudence la plus élémentaire aurait dû conduire le conseil en gestion de patrimoine à nuancer son offre de placements.

Après avoir rappelé les contours de l'obligation de conseil à laquelle est tenu le conseil en gestion de patrimoine, obligation de moyens et non de résultat, les sociétés MMA font valoir que Mmes [P] avaient clairement indiqué que l'objectif poursuivi était de s'assurer un revenu mensuel complémentaire par le biais de rachats programmés de l'ordre de 6000 euros sur le contrat d'assurance vie sans entamer le capital et que le contrat Patrimoine Vie Plus proposé par la société MS Conseils répondait précisément à cet objectif, lequel n'aurait pu être atteint par un placement exclusivement sécuritaire.

Les sociétés MMA soutiennent en second lieu que contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, un investissement sur des fonds en unités de comptes n'est nullement incompatible avec l'âge avancé du souscripteur dés lors que, soumis aux valeurs boursières, ils peuvent fluctuer à la baisse comme à la hausse et qu'en tout état de cause les deux épargnantes avaient opté délibérément pour un placement spéculatif.

Les sociétés MMA affirment ensuite que Mmes [P] avaient connaissance des risques encourus puisque la demande de souscription du 27 juin 2006 en faisait clairement état tout comme les conditions particulières signées le 16 août 2006 et que le tribunal ne pouvait sans se contredire retenir que les épargnantes avaient été informées des fluctuations possibles des supports et que la société MS Conseils avait manqué à son obligation d'information.

Les sociétés MMA soulignent que le montage proposé par leur assurée était cohérent et répondait aux objectifs recherchés et que si la valorisation espérée ne s'était pas réalisée, c'est à raison de la crise dite des 'subprimes' que le conseil en gestion de patrimoine ne pouvait prévoir.

Enfin, les sociétés MMA font observer qu'en l'absence de rachat du contrat, le préjudice allégué par Mme [P] n'est qu'éventuel quand bien même il prendrait la forme d'une perte de chance et que les préjudices allégués sont dépourvus de lien de causalité avec les manquements reprochés à la société MS Conseils.

La société MS Conseils rappelle que les supports proposés à Mmes [P] répondaient aux exigences de rendement que celles-ci avaient exposées et que ce rendement ne pouvait être atteint si elles conservaient, même partiellement, le placement des fonds en euros qu'elles détenaient jusqu'alors. Elle souligne que les trois supports avaient été présentés par les établissements financiers comme ne présentant pas de perte en capital. Elle soutient que la perte de valeur enregistrée dans le contexte de la crise boursière survenue en 2008 ne saurait lui être reprochée alors qu'aucun établissement bancaire ou financier ne l'avait anticipée et qu'elle avait rempli son devoir d'information par la remise des documents contractuels qui évoquaient les fluctuations à la hausse ou à la baisse.

La société MS Conseils fait enfin valoir que le préjudice allégué par Mme [P] n'est qu'hypothétique en l'absence de rachat du contrat et s'interroge sur les motifs qui ont conduit le tribunal à le fixer à la somme de 250 000 euros.

Mme [P] rappelle que si sa mère et elle ont pu procéder d'octobre 2006 à octobre 2011 à des rachats partiels mensuels de 6000 euros sans entamer le capital, conformément aux objectifs qu'elles avaient fixés, ces rachats ont ensuite cessé d'être possibles, les supports proposés n'offrant plus le même rendement. Elle affirme que c'est alors que toutes deux ont découvert que le placement conseillé était un placement à risque qui ne convenait pas à leurs exigences de sécurité. Mme [P] en déduit que la responsabilité de la société MS Conseils est engagée dés lors qu'elle aurait dû orienter les épargnantes, profanes en matière de finance, vers un placement sécuritaire qui à tout le moins permettait le maintien du capital au montant initialement investi et qu'elle s'est abstenue d'attirer leur attention sur la nécessité de conserver une partie des fonds en euros et de leur déconseiller les placements ne présentant pas suffisamment de sécurité.

S'agissant de son préjudice, Mme [P] soutient qu'il réside dans la perte de chance d'investir dans des fonds sécurisés et que cette perte doit être fixée à la somme de 567 022,87 euros, le capital investi s'élevant à 1 200 000 euros et le cumul des rachats partiels à 261 116,52 euros. Elle rappelle que si les fonds avaient été maintenus sur leur support initial en euros, elle et sa mère auraient perçu 54 000 euros d'intérêts par an et seraient toujours en possession du capital investi.

* * *

Il est de principe que le conseiller en gestion de patrimoine est tenu à une obligation d'information et de conseil, qui le conduit à devoir délivrer à son client une information exempte d'erreurs et à lui proposer les placements les plus adaptés à ses besoins après les avoir définis avec lui. Cette obligation est de moyens, son respect s'apprécie à la lumière des objectifs exprimés par le client lors de la délivrance du conseil et l'aléa inhérent à tout placement demeure supporté par l'investisseur.

Mmes [P] se sont rapprochées de la société MS Conseils alors que les fonds dont elles disposaient à la suite de la vente du fonds de commerce étaient placés dans un produit d'assurance vie en fonds euros (contrat Agipi) et qu'elles recherchaient un meilleur rendement de leurs économies.

Par lettre du 10 avril 2006 adressée à Mmes [P], la société MS Conseils résumait leur situation et leurs attentes, en rappelant que le contrat Agipi était intégralement investi sur un fonds en euros et ne disposait que de 5 supports dont la rentabilité diminuait au fil des années, qu'il n'était pas possible de procéder à des rachats programmés et que les revenus qui en étaient tirés ne permettaient pas d'assurer chaque mois un revenu complémentaire de 5.500 euros 'nécessaires à la tranquillité de Madame [P] [R] [P]'. Cet objectif n'a pas été remis en cause par Mmes [P] lors de la réception de cette correspondance et il doit être observé que dans ses écritures Mme [P] indique que sa mère, usufruitière des fonds, souhaitait bénéficier d'un revenu moyen mensuel de 7000 euros alors que sa pension de retraite s'élevait à 1500 euros, ce qui correspond bien aux besoins définis par le conseil en gestion de patrimoine. La cour observe que cette attente par les épargnantes d'un rendement de l'ordre de 5000 à 5500 euros par mois pour un placement à hauteur d'un million deux cent mille euros correspond à une exigence très élevée, qui requiert du conseil en gestion de patrimoine ainsi sollicité qu'il fasse des propositions fort éloignées des placements sécurisés du 'bon père de famille'. Quel que soit leur degré de connaissances en matière d'investissements financiers, Mmes [P] étaient toutes deux pharmaciennes et disposaient donc d'un niveau d'instruction qui leur permettait de ne pas ignorer que tout investissement comporte nécessairement des aléas liés aux fluctuations des marchés financiers, de sorte qu'il ne peut garantir une absence totale de risque de perte de capital et ce d'autant qu'il n'est pas discuté qu'elles disposaient d'un patrimoine financier dont la gestion avait déjà nécessité par le passé de recourir à des placements financiers.

Mme [P] ne peut reprocher à la société MS Conseils de les avoir orientées, elle et sa mère, vers des placements à haut rendement nécessairement plus risqués alors que l'hypothèse de travail du conseil en gestion de patrimoine avait été donnée à ce dernier par ses clientes, et qu'il avait très précisément pris en compte leur exigence de disposer d'un revenu complémentaire mensuel de 5000 à 5500 euros, exigence dont Mme [P] reconnaît qu'elle a été satisfaite durant cinq années et dont il est manifeste qu'elle n'aurait pu l'être si les fonds avaient été orientés vers des placements sécuritaires. Au demeurant, l'initiative prise par elles de demander à la société MS Conseils de leur soumettre des suggestions de placement en rapport avec leurs besoins ainsi définis résulte précisément de ce que les placements antérieurs ne leur donnaient pas satisfaction, n'atteignant pas le revenu complémentaire souhaité. La société MS Conseils n'est par ailleurs pas sérieusement contredite lorsqu'elle affirme que la baisse du taux de rentabilité des fonds en euros Agipi a été telle que Mmes [P] auraient en tout état de cause été contraintes de prélever des fonds sur le capital pour maintenir le revenu souhaité.

La demande de souscription au contrat Patrimoine Vie Plus signée par Mmes [P] comporte un encadré -dont la conformité aux prescriptions des articles L.132-5-2 et A.132-8 du code des assurances ne fait pas l'objet de critiques- qui dispose en caractères gras majuscules : 'Pour la partie en unités de compte, les montants investis ne sont pas garantis et sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers'. Ce document attire donc tout spécialement l'attention du souscripteur sur le fait que ce n'est pas le seul rendement qui peut subir des baisses mais bien le capital investi.

Les conditions particulières du contrat Patrimoine Vie Plus, signées des co-souscripteurs le 16 août 2006, disposent, également en caractères majuscules, que : 'l'assureur ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte, mais pas sur leur valeur. La valeur des unités de compte reflète la valeur d'actifs sous-jacents. Elle n'est pas garantie mais est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers'.

Il y a lieu de juger en conséquence que la société MS Conseils a respecté l'objectif patrimonial de Mmes [P] tel que rappelé précédemment et qui impliquait une prise de risque dont elles ont été averties dès l'origine, de telle sorte que l'obligation d'information a été également respectée.

Il est certain que la société MS Conseils ne saurait être tenue pour responsable des conséquences désastreuses de la crise dite des 'subprimes' qui n'était prévisible par aucun professionnel normalement compétent.

Il y a lieu de relever qu'à supposer établie une faute imputable au conseil en gestion de patrimoine, Mme [P] échoue à démontrer qu'elle subit à ce jour un préjudice direct, réel et certain, dés lors qu'en l'absence de rachat total du contrat, ce préjudice n'est qu'hypothétique quand bien même il serait examiné sous l'angle d'une perte de chance.

Les sociétés MMA font à ce titre observer avec pertinence qu'au 4 décembre 2012, le patrimoine investi représentait la somme de 375.391,27 euros, soit une perte de 567.022,87 euros, d'où une performance évaluée à - 60,17 % et qu'au 30 novembre 2014, la valorisation de ce même contrat s'élevait à la somme de 526.577,15 euros soit une moins-value de 206.606,88 euros et une performance de - 28,18 %, ce qui établit s'il en était besoin le caractère hypothétique du préjudice subi par Mme [P] tant qu'il n'a pas été procédé au rachat du contrat.

Il y a lieu en conséquence de rejeter les demandes formées par Mme [P] et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Mme [P], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu pour des considérations tirées de l'équité d'allouer aux sociétés MMA et MS Conseils une indemnité au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette l'ensemble des demandes formées par Mme [P],

Condamne Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés par les sociétés MMA et la société MS Conseils en première instance et en appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03877
Date de la décision : 08/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°16/03877 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-08;16.03877 ?
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