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07/02/2018 | FRANCE | N°16/04381

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 07 février 2018, 16/04381


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 07 FÉVRIER 2018



N° RG 16/04381



AFFAIRE :



SAS TRANSPORTS VOYAGEURS DU MANTOIS TVM



C/



[V] [R]









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de MANTES LA JOLIE

N° Section : commerce


N° RG : 13/00095









Expéditions exécutoires

Expéditions

à :



Me Bertrand ROLavocat au barreau de VERSAILLES



Me Elvis LEFEVRE, avocat au barreau de VERSAILLES



délivrées le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT FÉVRIE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 FÉVRIER 2018

N° RG 16/04381

AFFAIRE :

SAS TRANSPORTS VOYAGEURS DU MANTOIS TVM

C/

[V] [R]

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de MANTES LA JOLIE

N° Section : commerce

N° RG : 13/00095

Expéditions exécutoires

Expéditions

à :

Me Bertrand ROLavocat au barreau de VERSAILLES

Me Elvis LEFEVRE, avocat au barreau de VERSAILLES

délivrées le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TRANSPORTS VOYAGEURS DU MANTOIS TVM

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et par Me Arnaud Blanc de la Naulte, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Cécile FRITOT, plaidant, avocate au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [V] [R]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 2] ([Localité 2])

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Aline PRONIER, avocate au barreau de VERSAILLES, substituant Me Elvis LEFEVRE de la SELARL LEX LABOR, constitué/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 076

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 novembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Clotilde MAUGENDRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 20 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (section commerce) a :

- déclaré nul le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [V] [R],

- ordonné la réintégration de M. [R] à compter de la notification de la décision, sous astreinte journalière de 250 euros passé ce délai,

- condamné la SAS Transports Voyageurs du Mantois à payer à M. [R] les sommes suivantes :

. 30 190,32 euros à titre de rappel de salaire,

. 3 019,03 euros à titre des congés payés y afférents,

. 3 620,45 euros à titre de rappel de prime de caisse,

. 362,04 euros à titre des congés payés y afférents,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2013, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse, conformément à l'article 1153 du code civil,

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,

- fixé à 3 354,48 euros brut la moyenne mensuelle en vertu des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail,

- ordonné à la SAS Transports Voyageurs du Mantois de remettre à M. [R] les bulletins de salaire depuis mars 2015,

- ordonné l'exécution provisoire en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Transports Voyageurs du Mantois à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SAS Transports Voyageurs du Mantois en ses demandes reconventionnelles,

- dit que la SAS Transports Voyageurs du Mantois supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

La SAS Transports Voyageurs du Mantois (TVM) a interjeté appel par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 3 octobre 2016.

La SAS Transports Voyageurs du Mantois a déposé ses conclusions d'appelant le 27 décembre 2016.

M. [R] a déposé ses conclusions d'intimé le 8 mars 2017.

Par ordonnance du 18 mai 2017 le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimée le 8 mars 2017.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 4 mai 2017, la SAS Transports Voyageurs du Mantois demande à la cour de :

à titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. déclaré nul le licenciement pour faute grave de M. [R],

. ordonné la réintégration de M. [R] à compter de la notification de la décision,

- condamné la SAS Transports Voyageurs du Mantois à payer à M. [R] les sommes suivantes :

. 30 190,32 euros à titre de rappel de salaire,

. 3 019,03 euros à titre des congés payés y afférents,

. 3 620,45 euros à titre de rappel de prime de caisse,

. 362,04 euros à titre des congés payés y afférents,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Transports Voyageurs du Mantois aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes relatives aux primes d'astreinte et congés payés afférents et rappels de salaires et congés payés afférents au titre de l'égalité des salaires,

statuant à nouveau,

- dire le licenciement de M. [R] bien fondé,

- dire infondées les demandes de M. [R],

en conséquence,

- débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- ordonner à M. [R] le remboursement des sommes versées par la SAS Transports Voyageurs du Mantois au titre de l'exécution provisoire, à savoir les sommes suivantes :

. 30 190,32 euros a titre de rappel de salaire,

. 3 019,03 euros au titre des congés payés y afférents,

. 3 620,45 euros a titre de rappel de prime de caisse,

. 362,04 euros au titre des congés payés y afférents,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- condamner M. [R] à payer à la SAS Transports Voyageurs du Mantois la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens y compris ceux d'appel lesquels seront recouvres par Me Rol de l'AARPI JRF AVOCATS conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 septembre 2017.

SUR CE LA COUR,

Sur la procédure :

La cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par l'intimé doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Faute d'appel incident, elle n'est saisie que des chefs dont l'appelant demande l'infirmation.

Au fond :

M. [R] a été engagé par la société Cars Giraux, en qualité de contrôleur, par contrat à durée déterminée du 1er avril 1996 au 12 avril 1996.

Il a ensuite bénéficié d'un contrat initiative emploi du 15 avril 1996 au 30 juin 1997.

Par avenant du 16 juillet 1997, il a été engagé à durée indéterminée en qualité de contrôleur de route-tuteur.

A la suite d'un dernier avenant à effet au 1er septembre 2008, M. [R] exerçait les fonctions de responsable du service contrôle.

Par requête du 3 mars 2013, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes La Jolie de demandes de rappel de salaire et de prime de caisse.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 octobre 2014, la SAS TVM a convoqué M. [R] à un entretien préalable fixé au 6 novembre 2014.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 novembre 2014, elle a mis M. [R] à pied à titre conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 20 novembre 2014.

M. [R] bénéficiant du statut de salarié protégé jusqu'au 18 mai 2015, la SAS TVM a sollicité l'avis du comité d'entreprise et demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier.

Par décision du 27 août 2015, le Ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a retiré la décision implicite de rejet de l'inspecteur du travail, a annulé la décision de l'inspecteur du travail, a constaté que M. [R] ne bénéficiait plus de la qualité de salarié protégé à la date de la décision et qu'en conséquence l'autorité administrative n'a plus compétence pour se prononcer sur cette demande et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de M. [R].

M. [R] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2015 ainsi libellée :

« (').

' Sur les faits commis le 14 octobre 2014

Dans le cadre de la procédure prud'homale que vous avez engagée à l'encontre de la SAS TVM, notre conseil a reçu, le 13 octobre 2014, des pièces complémentaires qu'il nous a adressées le lendemain.

Après analyse de ces documents, nous avons constaté avec stupeur que :

'De faux documents avaient été transmis pour démontrer qu'il avait été effectué des astreintes et afin de solliciter l'octroi de la prime y afférente devant le Conseil de prud'hommes ;

'Vous aviez fait attester vos subordonnés sur une feuille pré-rédigée informatiquement afin de démontrer également lesdites astreintes ;

Concernant les faux documents que vous avez produits en justice, nous avons en effet été contraints de constater que :

- des plannings à la quatorzaine destinés aux agents d'accompagnement, ainsi que les plannings destinés à l'encadrement du service contrôle avaient été falsifiés,

- des états de prépaies avaient été établis sur un fichier obsolète depuis l'année 2011,

- des états de prépaies de l'année 2013 avaient été modifiés a postériori, c'est à dire le 28 décembre 2013,

- ces fichiers n'avaient pas été archivés informatiquement conformément à vos obligations.

De telles falsifications à l'intérieur même du réseau informatique de la société sont d'une extrême gravité que nous ne pouvons tolérer.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 octobre 2014, nous vous avons convoqué ainsi que Messieurs [I] et [L] à un entretien préalable à licenciement fixé le jeudi 6 novembre 2014.

Par l'intermédiaire de ces trois entretiens, nous souhaitions déterminer le degré de responsabilité de chacun dans la falsification des plannings du réseau informatique.

Lors des explications de Messieurs [L] et [I], chacun a fait part de son grand étonnement face à ce constat et a indiqué à la Direction qu'il n'avait jamais fourni de tels documents à son avocat.

Ces derniers ont également précisé :

- que vous aviez principalement diligenté la procédure prud'homale,

- qu'ils avaient uniquement donné leur accord pour la demande relative au rappel de salaire au titre du traitement inégalitaire par rapport à ses collègues de l'exploitation et qu'ils avaient été très surpris en apprenant que d'autres demandes avaient été formulées.

Lors de votre entretien, vous n'avez pas souhaité apporter d'explication concernant ces faits et vous êtes contenté d'affirmer qu'aucune falsification n'avait été faite.

Plus encore, dans le cadre du même contentieux et également afin de démontrer l'existence de la prétendue astreinte, il a été produit aux débats 5 attestations signées par vos subordonnés et qui avaient été pré-rédigées informatiquement par vos soins.

Après enquête, il est apparu que, pur servir vos intérêts, vous avez profité de votre position hiérarchique afin d'obtenir ces signatures en :

- mentant à vos subordonnés en leur indiquant qu'il s'agissait d'un document administratif destiné à la direction TVM,

- présentant aux signataires ce document lors d'une prise de service ou d'une pause, les empêchant ainsi de prendre connaissance des termes du document.

Là encore, ces faits sont d'une extrême gravité et démontrent votre déloyauté manifeste dans l'exécution de votre contrat de travail.

'Sur les faits commis les 6 et 12 novembre 2014

Le 7 novembre dernier, la société apprenait que vous aviez tenté de faire pression sur Monsieur [L] en le menaçant à plusieurs reprises.

'Le 6 novembre 2014, dans les termes suivants : « Si tu montes avec Monsieur [W], je dirai aux accompagnateurs, je les appellerai pour leur dire s'ils te chargent, ils n'auront qu'une seule version et diront tous la même chose »,

'Le 12 novembre 2014, dans les termes suivants « Tu vas pas me faire d'entourloupette, je vais venir chez toi », tout en le menaçant de venir chez lui pour en découdre avec lui.

Compte tenu de cette situation, nous avons été contraints de vous convoquer une seconde fois par voie d'huissier le 13 novembre dernier à un second entretien préalable en vue d'un licenciement en vous notifiant une mise a pied conservatoire justifiée par les menaces proférées a l'encontre de Monsieur [L].

Lors de l'entretien préalable en date du 20 novembre dernier, vous n'avez pas souhaite apporter d'explication en précisant que vous n'étiez pas dans un Commissariat de Police.

Vous vous êtes donc sciemment, et ce à plusieurs reprises, livré à une violence verbale matérialisée par des menaces envers votre collègue. Qui plus est : vous avez fait preuve d'insubordination, de provocation et d'irrespect manifeste. Ces attitudes sont totalement inacceptables.

'Sur les multiples manquements, négligences et fautes professionnelles commis dans l'exécution de votre contrat de travail

Outre les procédés déloyaux et fallacieux sus décrits dans le cadre de la procédure prud'homale en cours, il a également été constaté que vous aviez commis de nombreux manquements, négligences et fautes professionnelles dans l'exécution de votre contrat de travail.

Ainsi, le mardi 14 octobre 2014, dans la matinée, vous avez annulé au dernier moment une intervention de la société programmée de longue date auprès du collège [Établissement 1] à Rosny sur Seine alors même qu'il vous incombait, en votre qualité de responsable contrôle, soit 1) de remplacer l'absence de Monsieur [L] soit 2) de solliciter le report de cette intervention.

Vous avez toutefois fait preuve d'une désinvolture manifeste en vous contentant d'annuler cette intervention une heure avant la date fixée, provoquant ainsi le mécontentement du client de TVM, le collège [Établissement 1].

Plus encore, le 27 octobre 2014, nous avons été contraints de constater que vous ne saviez pas maîtriser un fichier informatique relatif au reporting STIF, fichier utilisé depuis 2011.

Il semble donc manifeste que vous n'avez jamais rempli vous même ce fichier les années précédentes, laissant penser que vous avez délégué cette tâche qui relève de vos fonctions à l'un de vos adjoints du service contrôle, et ce sans valider la véracité des données.

Il est en tout état de cause invraisemblable qu'en votre qualité de responsable du service contrôle, vous ne soyez pas en mesure de remplir un tel fichier dont l'importance est vitale pour la SAS TVM qui exerce une mission de service public et qui est donc a fortiori soumise aux exigences du STIF.

Il a également été constaté que vous faisiez preuve d'une désinvolture manifeste dans l'exécution de votre mission lors de la gestion des plannings.

Ainsi, le 20 octobre 2014, vous avez omis de tenir compte des services relatifs aux vacances scolaires lors de l'élaboration du planning de la quatorzaine du 20 octobre au 2 novembre 2014.

Plus encore, alors même que le directeur vous avait sollicité afin que vous lui remettiez lesdits plannings en main propre, vous avez préféré vous décharger de cette obligation en déléguant cette charge à votre adjoint, Monsieur [L], sans en avertir préalablement votre direction.

Ceci démontre votre désintérêt manifeste pour vos fonctions mais surtout votre mépris à l'égard des instructions qui sont directement émises par votre direction.

Nous avons également eu à déplorer que vous ne vous impliquiez pas dans la gestion de vos équipes et ne maîtrisiez pas les missions de vos collaborateurs.

Ainsi, le 24 octobre 2014, votre direction était contrainte de constater que Madame [H] [H] et Monsieur [J], agents d'accompagnement, n'avaient pas effectué leurs missions.

Pour réponse, vous avez indiqué que vous n'étiez pas informé d'une telle carence de la part de ces salariés sous votre hiérarchie mais qu'en tout état de cause vous ne jugiez pas utile de vous rendre sur le terrain pour procéder à des vérifications et contrôles de vos équipes.

Or, une telle attitude démissionnaire de votre part dans l'exercice de vos fonctions entraîne nécessairement une perturbation du service que la société ne peut valablement pas tolérer.

Pour finir, il s'est également avéré, que vous n'avez pas tenu compte avec sérieux des réclamations clientèle pourtant indispensables dans le cadre de notre certification AFNOR ainsi que dans le cadre de nos engagements avec le STIF.

Ainsi le 5 novembre 2014, alors que le service commercial sollicitait des explications sur une réclamation clientèle concernant vos agents d'accompagnement, vous vous êtes contenté de répondre très brièvement à la question sans prendre le soin de :

- vérifier au préalable la véracité des informations communiquées par la cliente,

- vous entretenir avec les agents concernés pour avoir leur versions des faits.

Là encore, il apparaît que vous vous êtes comporté avec une légèreté blâmable et avez démontré votre peu d'intérêt pour le bon fonctionnement de votre service, et a fortiori de la société.

***

Les comportements fautifs ne sont malheureusement pas isolés aux cas ci-dessus énumérés puisque nous avons déjà eu à déplorer, par le passé, votre comportement désinvolte, lequel vous a d'ailleurs valu un rappel à l'ordre le 6 décembre 2013, sans que vous ne modifiiez votre attitude pour autant.

(...)

Au regard de ce qui précède et comme cela a été exposé dans le cadre de la procédure spéciale de licenciement, votre attitude est définitivement inacceptable et prouvé :

'votre déloyauté manifeste à l'égard de l'employeur, mais aussi de vos collègues de travail,

'la manipulation grave à laquelle vous n'avez cessé de procéder afin de préjudicier à l'entreprise et l'ensemble de ses composantes,

'votre désinvolture manifeste et persistante dans l'exécution de vos missions,

'un comportement agressif et menaçant à l'égard d'un de ses subordonnés hiérarchiques, Monsieur [L].

Ces faits ne permettent pas dès lors pas, sans risque de trouble important dans le bon fonctionnement de nos services, mais aussi sans risque immédiat votre maintien dans notre société.

Au vu de ce qui précède, nous vous informons donc que vous nous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.(') ».

Sur la prime de caisse :

Le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence, dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

Par accord du 28 septembre 1998, la SAS TVM a mis en place une prime de caisse soumise aux conditions suivantes :

« Cette prime est versée mensuellement et au pro rata du temps de présence soit au 26ème. Elle est assujettie aux augmentations générales annuelles, arrêtées lors des négociations annuelles des salaires.

Son attribution et son montant correspondent au temps que le conducteur-receveur consacre à gérer sa caisse et à se réapprovisionner en billetterie ».

Alors que le premier juge a fait droit à la demande du salarié en estimant que M. [R] était le responsable du service contrôle et à ce titre était amené à gérer des rentrées et sorties d'espèces, la SAS TVM soutient que M. [R] ne remplit pas les critères objectifs d'attribution de la prime de caisse et qu'il ne peut donc se prévaloir de l'application de la règle d'égalité de traitement.

Le document « Procédure suivi de vente billetterie et retours/avances caisses conducteurs » daté du 12 septembre 2008 précise la nouvelle procédure mise en place.

Il en résulte que ces tâches incombent exclusivement aux chefs d'équipe qui sont équipés d'une caisse à monnaie individuelle, qui assurent le suivi de la vente billetterie en consignant sur un document mensuel chaque rentrée et chaque sortie d'espèces et en faisant figurer le stock de la billetterie sur ce document. Au moment du renouvellement de la billetterie, le chef d'équipe prépare la remise en banque étant précisé que le transfert de fonds entre le chef d'équipe et le responsable chargé de collecter ces fonds se feront uniquement dans le bureau où se trouve le coffre au 1er étage. Le responsable chargé de collecter vérifie simplement le document. Il est précisé que le chef d'équipe est responsable des fonds qu'il remet au responsable qui sont ensuite remis en banque.

Egalement, ce document prévoit la procédure de retour des caisses conducteurs qui doit se faire au chef d'équipe.

Le responsable du service contrôle, fonction occupée par M. [R], n'intervient dans cette procédure, éventuellement, que pour collecter les fonds et vérifier le document.

Dès lors, la SAS TVM justifie par une raison objective l'absence de versement à M. [R] de la prime de caisse.

En conséquence, il convient, infirmant le jugement, de débouter M. [R] de sa demande de ce chef.

Sur la rupture :

Le premier juge a estimé que la lecture de la lettre de licenciement montre que la faute grave résulte des éléments produits dans le cadre de la procédure prud'homale que le salarié a engagé, que la chronologie des faits démontre que la SAS TVM a procédé à des mesures disciplinaires directement liées à la procédure prud'homale, que le code du travail reconnaît la liberté du salarié de se pourvoir en justice et l'interdiction pour l'employeur de le sanctionner pour ce fait, que la SAS TVM n'apporte aucun élément démontrant que le licenciement de M. [R] soit étranger à la procédure prud'homale et que les autres faits sont prescrits.

Le juge ne peut annuler un licenciement que si la loi le prévoit expressément ou en cas de violation d'une liberté fondamentale.

La liberté d'agir en justice étant constitutive d'une liberté fondamentale, dès lors que M. [R] avait engagé une action en justice contre son employeur , il appartient à ce dernier d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice.

Il convient de constater que M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 3 mars 2013 et que la SAS TVM a engagé la procédure de licenciement par courrier du 27 octobre 2014, certes plus de 18 mois après la saisine mais quelques jours après l'audience du bureau de jugement qui s'est tenue le 17 octobre 2014.

Dans la lettre de licenciement, la SAS TVM fait grief à M. [R] d'avoir communiqué dans le cadre de l'instance prud'homale en cours des documents falsifiés et d'avoir abusé de sa position hiérarchique pour obtenir la signature par 5 subordonnés d'attestations pré-rédigées par ses soins.

Concernant les faux documents produits en justice, la société explique qu'il existe trois plannings sur le réseau : les plannings à la quatorzaine remplis sous Microsoft Excel et que le responsable Contrôle distribue à ses agents d'accompagnements, les plannings encadrement remplis sous Microsoft destinés au responsable du service contrôle, M. [R], et ses adjoints, M. [L] et M. [I], et les plannings remplis sur le logiciel Ordicar destinés à la direction et au service paye qui permettent de générer les éléments de prépaie et sont les seuls documents dont prend connaissance la direction et qui doivent être à l'image des deux autres.

Elle affirme avoir constaté que les deux premiers plannings comportaient des mentions relatives à une prime d'astreinte bien qu'elle n'ait jamais demandé à ce que le service contrôle en effectue et qu'au surplus les plannings établis sous le logiciel Ordicar servant de base pour la prépaie conformément aux données saisies pour les plannings ne font pas référence à cette notion d'astreinte.

Elle soutient que les plannings à la quatorzaine destinés au service contrôle ont été falsifiés pour faire croire au conseil de prud'hommes que des astreintes avaient été effectuées et obtenir une prime d'astreinte et que l'absence de date d'impression le démontre.

Elle ajoute que M. [R] a également versé aux débats un état de prépaie datant de juillet 2013 et que dès lors qu'elle gère ses états de prépaies avec le planning Ordicar depuis la mi-mai 2012 il est parfaitement impossible que ce fichier obsolète ait été utilisé pour gérer les plannings en juillet 2013.

Enfin, elle précise s'être alors aperçue que tous les états de prépaie de l'année 2013 avaient été modifiés a posteriori le 28 décembre 2013 et que l'archivage informatique n'avait pas été réalisé pour ces fichiers alors qu'il avait été réalisé pour les années précédentes.

La SAS TVM produit un procès-verbal de constat dressé par Me [M], huissier de justice, le 5 novembre 2014, assisté de M. [C] expert informatique qui a accédé aux éléments de prépaies figurant sur le logiciel Ordicar et relatifs aux paies de MM. [R], [I] et [L] de juillet 2013 à mai 2014.

A titre liminaire, l'expert indique que depuis mi-2012, l'ensemble des plannings d'activité des salariés du personnel du service Contrôle est saisi sous Ordicar qui sur la base de ses informations génère informatiquement les informations qui sont transférées au logiciel de paie POPWIN avec lequel il est interfacé afin de générer la paie des salariés.

Les plannings saisis sous Ordicar sont également saisis au format Excel tous les 14 jours par le responsable du service Contrôle et éventuellement ses adjoints, puis imprimés afin d'être utilisés au quotidien par les agents du service Contrôle, ils sont nommés « plannings à la quatorzaine ».

Les utilisateurs du logiciel Ordicar doivent se connecter avec un identifiant et un mot de passe personnalisés. Toute action de création ou de modification de planning est tracée et horodatée avec le nom de l'utilisateur auteur de la saisie ou de la modification, le jour et l'heure.

L'expert a comparé les éléments d'information des plannings et des primes saisis sous Ordicar par les trois salariés concernés avec les plannings et les primes indiqués dans les documents Excel communiqués par les salariés dans l'instance prud'homale.

L'impression des plannings à la quatorzaine figurant dans le logiciel produit des plannings identiques à ceux communiqués par les parties dans l'instance prud'homale mentionnant des journées d'astreinte, à la différence près que ceux-ci ne portent pas de date d'impression, contrairement à ceux imprimés par l'expert. Cette seule différence ne suffit pas à donner aux documents communiqués la qualité de documents falsifiés.

L'expert a constaté qu'il existe des écarts entre les éléments de prépaie saisis sous le logiciel Ordicar et les informations saisies dans les documents Excel à savoir les plannings à la quatorzaine, l'état de prépaie de juillet 2013 et les plannings encadrement renseignés par l'encadrement du service Contrôle puisque les informations saisies sous le logiciel Ordicar et les plannings Excel intitulés plannings encadrement destinés aux agents de maîtrise du service Contrôle ne font état d'aucune prime d'astreinte alors même que les documents Excel (planning à la quatorzaine et l'état de prépaie de juillet 2013) font apparaître une mention selon laquelle une prime d'astreinte était prévue.

Dès lors que le litige porte sur le non-paiement de prime d'astreinte et qu'il n'est pas discuté que M. [R] et ses deux adjoints n'étaient pas les seuls à avoir accès au logiciel Ordicar la seule circonstance que les planning à la quatorzaine destinés à organiser le service portent des astreintes alors que les informations prépaie destinées à renseigner le logiciel de paie n'en mentionnent pas ne suffit pas à établir que M. [R] ait effectué des falsifications.

L'expert a également indiqué que pour l'ensemble des états de prépaie de l'année 2013 les fichiers ont été modifiées « a posteriori » des dates de prépaie, soit le 28 décembre 2013.

Cependant, il doit être constaté que l'expert ne précise pas qui a procédé aux modifications le 28 décembre 2013, alors que M. [R] n'est pas le seul salarié à avoir accès à ce logiciel et qu'en décrivant le fonctionnement du logiciel l'expert a indiqué que toute modification est tracée avec le nom de l'utilisateur.

S'agissant des attestations pré-rédigées que M. [R] aurait fait signer à ses collègues en leur mentant sur l'usage qui en serait fait, M. [B] a attesté le 16 octobre 2014 que M. [R] est venu le voir pour lui faire signer « ce papier », qu'on vient de lui expliquer que ce papier pourrait être produit en justice et qu'il n'en avait pas du tout conscience, qu'on lui avait expliqué simplement que ce papier était un document administratif pour la direction, qu'il n'a aucune idée si ses supérieurs hiérarchiques font de astreintes, qu'il ne les a jamais appelés, qu'il a fait confiance à M. [R] .

M. [Z], le même jour, a attesté en de termes strictement identiques.

Au cours de la mesure d'enquête réalisée le 4 février 2015 par les conseillers rapporteurs en exécution du jugement avant dire droit du conseil de prud'hommes de [Localité 2], M. [F] a confirmé son attestation en précisant l'avoir établie sans qu'on lui ait forcé la main, , M. [V] et M. [O] ont confirmé leur attestation. M. [E] quant à lui a confirmé son attestation en précisant qu'il ne savait pas qu'elle serait produite au conseil de prud'hommes et qu'il avait eu « la pression des deux côtés ».

Aucun élément n'est produit sur le fichier obsolète depuis l'année 2011.

Finalement, ces éléments mettent en évidence que M. [R] a été licencié en raison des pièces qu'il a produites devant le conseil de prud'hommes. La falsification des plannings de la quatorzaine et des plannings destinés aux agents d'accompagnement n'est pas établie. N'est pas davantage démontrée la modification par M. [R] des états de prépaie de l'année 2013. Les pressions sur ses collègues ne sont pas non plus caractérisées, les attestations de M. [B] et M. [Z] étant d'évidence dictées par l'employeur et M. [E] ayant déclaré avoir subi des pressions des deux parties.

Ainsi, la SAS TVM n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le licenciement est justifié par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit d'agir en justice.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a annulé le licenciement de M. [R] et ordonné sa réintégration.

Il sera également confirmé sur le montant de l'indemnité d'éviction dont la SAS TVM ne sollicite pas l'infirmation en cas de confirmation de la réintégration.

Sur le remboursement :

La restitution des sommes versées en exécution de la décision infirmée est, sans qu'il y ait lieu de l'ordonner, la conséquence de l'arrêt infirmatif rendu. Il n'y a donc pas lieu à ordonner le remboursement de la prime de caisse.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Déboute M. [R] de sa demande de prime de caisse,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Déboute la SAS TVM de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS TVM aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04381
Date de la décision : 07/02/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°16/04381 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-07;16.04381 ?
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