COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 FEVRIER 2018
N° RG 14/05476
AFFAIRE :
[D] [H]
C/
SAS OCAI DISTRIBUTION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Encadrement
N° RG : 12/00812
Copies exécutoires délivrées à :
la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI
Me Marc LE TANNEUR
Copies certifiées conformes délivrées à :
[D] [H]
SAS OCAI DISTRIBUTION
POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [H]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185, Me Agathe GENTILHOMME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185
APPELANT
****************
SAS OCAI DISTRIBUTION
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Marc LE TANNEUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0846
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT
A l'origine, M. [D] [H] a été engagé par la société Ocai Distribution le 13 mai 1987 au poste de montage et fabrication outillage de peinture. En dernier lieu, le salarié occupait un poste de réceptionnaire.
Il a été licencié pour motif économique par lettre datée du 22 juin 2016.
Il avait auparavant saisi le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2013 en formant diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 17 novembre 2014 qui a :
- annulé les sanctions prononcées contre Monsieur [D] [H] les 6 février 2012, 19 décembre 2012 et 14 janvier 2013 et a condamné la société Ocai Distribution à verser à Monsieur [H] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamné la société Ocai Distribution à verser 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la créance salariale portera intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et la créance salariale à compter du jugement,
- débouté les parties de toute autre demande,
- condamné la société Ocai Distribution à supporter la charge des dépens,
Vu la notification de ce jugement intervenue le 24 novembre 2014,
Vu l'appel interjeté par Monsieur [H] par déclaration au greffe de la cour le 19 décembre 2014,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le13 décembre 2017 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de M. [H] qui demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les avertissements en date des 6 février 2012, 19 décembre 2012 et 14 janvier 2013 et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
confirmer le jugement en son principe du chef de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées, sauf à l'infirmer en son quantum,
- infirmer, pour le surplus, le jugement entrepris,
et, statuant à nouveau,
A titre principal
- dire et juger nul le licenciement,
- ordonner sa réintégration au sein de la société Ocai Distribution sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt la cour devant se réserver la liquidation de l'astreinte,
- condamner la société Ocai Distribution à verser les sommes suivantes :
- 31 795, 52 euros à titre de rappel de salaire du 17 juillet au 13 décembre 2017, sans préjudice des salaires à échoir jusqu'au jour de sa réintégration effective et
3 179, 55 euros au titre des congés payés afférents,
- 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul,
- ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme sous astreinte,
A titre subsidiaire
- dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et subsidiairement, constater le non-respect des critères d'ordre de licenciement,
- condamner la société à verser les sommes suivantes :
- 3 770,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 377,02 euros au titre des congés payés incidents,
- 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement, à titre de dommages-intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement,
- ordonner la remise d'une attestation destinée au Pôle emploi conforme, d'un certificat de travail conforme et d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, sous astreinte
En tout état de cause
- annuler la mise à pied disciplinaire en date du 27 mai 2015 et l'avertissement en date du 8 janvier 2016,
- condamner la société Ocai Distribution à verser les sommes suivantes :
- 1 570,93 euros à titre de rappel de congés d'ancienneté conventionnels,
- 6 285euros à titre de rappel de primes de bilan de juin 2008 à juillet 2016 et
628,50 euros au titre des congés payés incidents,
- 1 047,30 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 155,39 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire injustifiée et 115,54 € au titre des congés payés afférents,
- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-paiement de la prime de bilan,
- 10 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du traitement désavantageux dans le paiement de la prime d'ancienneté,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées,
- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Ocai Distribution aux entiers dépens,
- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 13 décembre 2017 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de la société Ocai Distribution qui demande le rejet de l'ensemble formées par le salarié et l'infirmation du jugement sur les avertissements et à titre subsidiaire, la validation du motif économique du licenciement et la condamnation du salarié à verser 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail
Sur la demande relative à la prime de bilan
A ce titre, M. [H] demande la condamnation de la société Ocai Distribution à lui verser la somme de 6 285 euros (ainsi que 628,50 euros au titre des congés payés y afférents) ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice lié au non-paiement de la dite prime.
M. [H] fait valoir que jusqu'au mois de juin 2008, il a perçu une prime nommée par lui 'prime de bilan' versée en deux mensualités laquelle s'était élevée, en dernier lieu, au cours de l'année 2007 à la somme totale de 1 325 euros. Il observe que depuis l'année 2008 et sans recevoir la moindre explication à ce propos, le montant de la dite prime n'a cessé de décroître pour s'élever, au cours de l'année 2016, à la somme de 100 euros.
La société Ocai Distribution explique que M. [H] ne peut se prévaloir d'aucun droit sur cette prime exceptionnelle (telle qu'elle figure sur les bulletins de paie) dès lors qu'elle n'a aucun caractère contractuel.
Selon les éléments du dossier, il apparaît que la prime considérée constituait une simple libéralité n'emportant aucun engagement de l'employeur pour l'avenir, celui-ci pouvant décider en toute liberté de l'opportunité de son versement et, en tous cas, du montant du dit versement. En définitive, c'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande formée à titre principal au titre de la prime en cause et de sa demande de dommages-intérêts, faute de pouvoir justifier d'un quelconque préjudice.
Sur la demande relative à la prime d'ancienneté
M. [H] demande réparation du préjudice qu'il dit avoir subi à ce propos en sollicitant une somme de 10 800 euros à titre de dommages-intérêts.
Il fait valoir au soutien de sa demande que la société Ocai Distribution ne justifie pas le calcul de la dite prime.
Il ressort toutefois des éléments versés aux débats, et plus précisément de la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2011, que M. [H] avait été informé de sa situation à ce propos.
Depuis le 1er janvier 2000, la convention collective applicable (quincaillerie de [Localité 3] et de la région parisienne) avait institué une rémunération annuelle garantie (dite RAG) assurant au salarié un montant minimum de salaire s'imposant à l'employeur. La RAG se calcule pour chaque niveau d'emploi et chaque échelon à partir du salaire mensuel conventionnel x 12 mois majoré de 2 % et augmenté selon l'ancienneté du salarié de 3 % pour 3 ans d'ancienneté jusqu'à 15 % pour 15 années d'ancienneté. Le salaire conventionnel est déterminé en fonction de la qualification et à la date du 10 février 2011 s'élevait pour M. [H] à 1 403 euros et il apparaissait, selon ces modalités, que la RAG en 2011 s'élevait pour l'année à 19 749 euros alors que M. [H] avait perçu une somme brute annuelle de 22 162 euros (ce montant prenant en compte l'augmentation de 15 % liée à l'ancienneté de l'intéressé). Pour les années antérieures, il apparaissait que M. [H] avait perçu un salaire brut annuel toujours supérieur à la RAG et en tout état de cause, le montant perçu comportait la prime liée à l'ancienneté.
Dans ces circonstances le jugement ayant rejeté la réclamation de M. [H] au titre de la prime d'ancienneté sera confirmé.
Sur la demande relative aux congés supplémentaires
M. [H] demande la condamnation de la société Ocai Distribution à lui verser la somme de
1 570, 93 euros.
Il se prévaut des dispositions de l'article 62 de la convention collective accordant au salarié des jours complémentaires de congé en fonction de l'ancienneté (de 1 jour ouvrable complémentaire après 15 ans dans l'entreprise jusqu'à 3 jours ouvrables après 25 ans de service) et fait valoir que compte tenu de sa date d'embauche (en mai 1987) à compter de l'année 2002, il pouvait prétendre à 1 jour complémentaire, à 2 jours complémentaires en mai 2007 et à 3 jours à compter du mois de mai 2012. Tenant compte de la prescription, il revendique 10 jours de 2007 à 2011 et 15 jours de 2012 à 2016 soit 1 570,93 euros.
La société Ocai Distribution demande le rejet de cette réclamation en affirmant que le salarié a été rempli de ses droits sans toutefois donner le moindre justificatif à ce propos.
De ce chef, le jugement sera infirmé et la société Ocai Distribution sera condamnée à verser à M. [H] la somme de 1 570,93 euros dont le montant ne fait l'objet d'aucune observation utile de la part de la société.
Sur la demande relative aux congés payés
Le salarié réclame à ce titre une somme de 1 047,30 euros représentant 60 jours de congés payés qu'il dit lui être dus sans que la société Ocai Distribution ne forme sur le principe ou sur le quantum de cette réclamation la moindre observation.
Compte tenu des mentions figurant sur les bulletins de paie des mois de juin (58 jours de congés acquis) et juillet 2016 (47 jours restant), il apparaît que cette demande doit être accueillie compte tenu de la somme qui avait été versée à M. [H] (3 303 euros).
Sur la demande relative aux sanctions disciplinaires
L'article L 1311-2 du code du travail prévoit que l'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés.
L'article L 1321-1 du même code indique que ce document fixe notamment les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur.
En l'espèce, la société Ocai Distribution ne conteste pas ne disposer d'aucun règlement intérieur et, dans ces circonstances, une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne pouvait être prononcée à l'encontre du salarié.
En conséquence, le jugement ayant annulé les sanctions prononcées le 6 février 2012, le 19 décembre 2012 et le 14 janvier 2013 doit être confirmé.
Pour le même motif doivent être annulées les sanctions prononcées le 27 mai 2015 et 8 janvier 2016.
Compte tenu de l'annulation de la mise à pied prononcée le 27 mai 2015, le salarié est bien fondé à solliciter le paiement du rappel de salaire correspondant, soit la somme de 1 155,39 euros et 115,54 euros au titre des congés payés y afférents.
M. [H] demande une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en invoquant le préjudice qu'il dit avoir subi du fait de ces sanctions injustifiées. Il apparaît toutefois que le conseil de prud'hommes a justement évalué le montant du préjudice de l'intéressé en lui allouant la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts et le jugement sera confirmé.
Sur la demande liée à la situation de harcèlement moral
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L 1154-1 du même code énonce qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au soutien des faits de harcèlement moral, M. [H] fait état de la volonté de l'employeur de lui imposer des tâches ne correspondant pas à ses missions définies par le contrat de travail, d'une volonté de lui nuire (à l'occasion des congés payés en décembre 2012), de l'existence de menaces, de la multiplication de sanctions disciplinaires, de l'absence d'augmentation de salaire et d'évolution de son poste, du refus de l'appeler par son nom, et d'une volonté affichée de l'isoler des ses collègues.
Sur la question des congés au mois de décembre 2012, la société Ocai Distribution explique avoir demandé au salarié, comme à tous ses collègues, de prendre ses congés durant la période de fermeture de l'entreprise entre le 24 décembre 2012 et le 1er janvier 2013. La matérialité de ce grief ne peut, dans de telle circonstances être établi.
Sur la question des sanctions, la société Ocai Distribution se situe dans une perspective de bonne marche de l'entreprise, ce qui n'est pas de nature à caractériser un élément objectif étranger à une situation de harcèlement moral.
Il apparaît, en revanche que la société Ocai Distribution ne conteste ni ne s'explique sur les autres faits et notamment l'habitude d'appeler l'intéressé [G], l'affichage du planning destiné au personnel mentionnant en rouge mise à pied de 3 semaines de M. [H], la multiplication des sanctions disciplinaires et le fait non contesté d'assigner au salarié des tâches non prévues par le contrat de travail (s'agissant de déboucher des canalisations).
De tels faits ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail et étaient susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de M. [H] , d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le jugement sera, en conséquence, infirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de dommages-intérêts formée au titre du harcèlement moral.
Il convient, au regard des circonstances de l'espèce de condamner la société Ocai Distribution à verser à l'intéressé la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Sur la recevabilité des demandes liées au licenciement
Il doit être rappelé que, jusqu'au 1er août 2016, le principe de l'unicité de l'instance autorise le salarié à former devant la cour des demandes nouvelles dès lors qu'elles se rapportent au même contrat de travail.
Il convient, en conséquence, d'écarter le moyen d'irrecevabilité des demandes formées par M. [H] pour la première fois devant la cour dès lors que ces demandes se rapportent au contrat de travail du salarié.
Sur la nullité du licenciement
En premier lieu, M. [H] soutient que le licenciement engagé contre lui ne l'a été que pour répondre à son action en justice.
Il doit toutefois être observé que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 18 novembre 2013 de demandes relatives à l'exécution du contrat. L'on ne peut, dès lors, et de façon pertinente considérer que le licenciement mis en oeuvre près de trois ans plus tard, ne l'a été que pour répondre à son action en justice. Ce motif d'annulation du licenciement doit être écarté.
En deuxième lieu, M. [H] soutient que le licenciement dont il a été l'objet contrevient aux dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail qui prévoit la nullité du licenciement en cas de harcèlement moral.
Il ne ressort toutefois des éléments de l'espèce aucun lien entre le harcèlement moral et le motif économique du licenciement de M. [H]. Ce moyen de nullité du licenciement doit être rejeté.
En troisième lieu, M. [H] fait valoir que le licenciement dont il a été l'objet s'inscrit dans une situation de discrimination syndicale.
Il ressort cependant des éléments du dossier que, par suite de sa candidature aux élections professionnelles, M. [H] a bénéficié d'une protection ayant expiré le 9 avril 2016. Il est constant qu'il ne pouvait plus se prévaloir d'une quelconque protection lors de la mise en oeuvre du licenciement, la lettre de convocation à l'entretien préalable est en date du 25 mai 2016. Ce moyen de nullité du licenciement ne peut, dès lors, qu'être rejeté.
Au regard de ce qui précède, les demandes liées à la nullité du licenciement seront rejetées de même que ses réclamations en résultant, demande de réintégration, rappel de salaire entre le 17 juillet 2016 et le 13 décembre 2017 et dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul.
Sur le motif du licenciement
Il convient de rappeler que le 26 mai 2016, vers 16 heures, M. [H] avait été victime d'un accident alors qu'il se trouvait sur le lieu et au temps de son travail. Par la suite, il adressait à la société Ocai Distribution le certificat médical initial d'arrêt de travail délivré par l'établissement hospitalier jusqu'au 4 juin 2016.
Aucune visite de reprise ne devait être organisée après cette date dès lors que la société Ocai Distribution ne peut, en tous cas, se prévaloir à ce propos de l'avis d'aptitude du médecin du travail lequel date du 26 mai 2016 mais correspond à un examen médical réalisé entre 13 heures 55 et 14 heures 25 ce qui établit que le dit examen est étranger à l'accident survenu deux heures plus tard. Il apparaît, en conséquence, que lors de la mise en oeuvre du licenciement, le contrat de travail du salarié était suspendu.
L'article L 1226-9 du code du travail prévoit qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, ce qui autorisait la société Ocai Distribution à mettre en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige précisait que depuis de nombreux mois, l'activité de la société Ocai Distribution connaissait une croissance importante à [Localité 4] tandis que l'activité enregistrait à [Localité 5] une importante diminution, ce qui impliquait la suppression du poste du salarié sur ce site pour créer un poste supplémentaire à [Localité 4] où il avait été envisagé de transférer le contrat de travail de M. [H]. Il était précisé que dans la mesure où le salarié avait, le 7 avril 2016, refusé ce transfert, la société Ocai Distribution se trouvait contrainte de procéder à son licenciement pour motif économique.
Selon l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure et les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
Il apparaît qu'aucune solution de reclassement n'a été recherchée, la société Ocai Distribution faisant valoir à ce propos, mais sans en justifier, que les seuls postes qui auraient pu être proposés se situaient l'un à [Localité 4] et l'autre dans les Côtes d'Armor. En tous cas, il est manifeste et n'est pas contesté que préalablement au licenciement, aucune recherche de reclassement n'a été conduite, ce qui prive le licenciement de toute cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières de la rupture des relations contractuelles :
D'une part, M. [H] demande, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de
3 770,22 euros et 377,02 euros au titre des congés payés y afférents. Il conviendra de condamner la société Ocai Distribution à verser ces sommes en relevant qu'elle ne fait aucune observation sur les quantum, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire.
D'autre part, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : il apparaît qu'en raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement (51 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (29 années), du montant de la rémunération qui lui était versée, du fait que le salarié a bénéficié d'un contrat de sécurisation professionnelle, qu'il a travaillé dans le cadre de contrats à durée déterminée et enfin qu'il justifie du versement d'allocations chômage depuis le mois de mai 2017, que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évaluée à la somme de 30 000 euros.
Les créances salariales ou assimilés portent intérêt au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Il y aura lieu pour la société Ocai Distribution de délivrer au salarié les documents relatifs à la rupture du contrat de travail dans les conditions précisées au dispositif ci-après,
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y aura lieu d'ordonner le remboursement par la société Ocai Distribution aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi des indemnités de chômage versées le cas échéant au salarié à compter du jour de son licenciement et ce à concurrence de 6 mois.
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
La société qui succombe pour l'essentiel dans la présente procédure sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Il convient de la condamner à verser au salarié une somme qu'il est équitable de fixer à
1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 17 novembre 2014 en ce qu'il a débouté M. [D] [H] de sa demande formée au titre des congés payés supplémentaires et de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Ocai Distribution à verser à M. [D] [H] les sommes suivantes :
- 1 570,93 euros au titre des congés payés supplémentaires,
- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral,
Y ajoutant,
Déclare recevables les demandes formées par M. [D] [H] relativement au licenciement lui ayant été notifié par lettre datée du 22 juin 2016,
Condamne la société Ocai Distribution à verser à M. [D] [H] la somme de 1 047,30 euros à titre de solde de congés payés,
Annule les sanctions prononcées notifiées les 27 mai 2015 et 8 janvier 2016,
Condamne la société Ocai Distribution à verser à M. [D] [H] la somme de 1 155,39 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied à la suite de la sanction notifiée le 27 mai 2015 et la somme de 115,54 euros au titre des congés payés y afférents,
Déboute M. [D] [H] de ses demandes liées à une annulation du licenciement,
Dit que le licenciement de M. [D] [H] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Ocai Distribution à verser à M. [D] [H] les sommes suivantes :
. 3 770,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 377,02 euros au titre des congés payés y afférents,
. 30 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la demande pour les créances salariales et assimilées et à compter du présent arrêt pour les créances de nature indemnitaire,
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
Ordonne la remise à M. [D] [H] de bulletins de paie, attestation Pôle emploi et certificat de travail conformes à la présente décision dans le mois suivant sa notification,
Ordonne le remboursement par la société Ocai Distribution aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [D] [H] à la suite de son licenciement à concurrence de 6 mois,
Condamne la société Ocai Distribution à verser à M. [D] [H] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Ocai Distribtion de sa demande formée par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Ocai Distribution aux dépens,
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIERLe PRESIDENT