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24/01/2018 | FRANCE | N°17/00498

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 24 janvier 2018, 17/00498


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



17e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 24 JANVIER 2018



R.G. N° 17/00498



AFFAIRE :



[PV] [EF]



C/



SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC



Syndicat UNION LOCALE CGT DE L'EST DU VAL D'OISE









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 décembre 2016 par le conseil de prud'hommes - formation de départage - de M

ONTMORENCY

Section : activités diverses

N° RG : 13/00188









Expéditions exécutoires

Expéditions

à :



Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES



délivrées le :

REPUBLIQUE F...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JANVIER 2018

R.G. N° 17/00498

AFFAIRE :

[PV] [EF]

C/

SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC

Syndicat UNION LOCALE CGT DE L'EST DU VAL D'OISE

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 décembre 2016 par le conseil de prud'hommes - formation de départage - de MONTMORENCY

Section : activités diverses

N° RG : 13/00188

Expéditions exécutoires

Expéditions

à :

Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

délivrées le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [PV] [EF]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me David METIN, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 et par Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

APPELANT

****************

SNC SEDIFRAIS MONTSOULT LOGISTIC, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 502 756 299

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Anne-Laure DUMEAU, postulant, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 et par Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0426

INTIMÉE

****************

Syndicat UNION LOCALE CGT DE L'EST DU VAL D'OISE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me David METIN, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 et par Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 novembre 2017, Clotilde MAUGENDRE, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU

Par jugement du 20 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Montmorency (section commerce) statuant en sa formation de départage a :

- rejeté les pièces nouvelles numérotées de 137 à 203 déposées par M. [EF] et ses nouvelles prétentions,

- reçu l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise en son intervention volontaire et l'a déclarée recevable,

- condamné la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à M. [PV] [EF] les sommes suivantes :

. 27 000 euros pour discrimination syndicale,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

. 5 455,31 euros à titre de complément de primes annuelles,

. 17 971,49 euros à titre de rappel de prime de productivité,

. 1 797,14 euros à titre des congés payés y afférents,

- rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de la convocation devant le conseil de prud'hommes, soit le 20 janvier 2014, et les créances à caractère indemnitaire à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1154 du code civil,

- ordonné à la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de positionner M. [EF] à des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois après la notification du jugement à intervenir,

- dit que le conseil de prud'hommes se réserve le cas échéant le droit de liquider l'astreinte,

- ordonné à la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de transmettre à M. [EF] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la décision,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail,

- rappelé que, conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, le jugement qui ordonne le paiement de sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite de neuf mois de salaire,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision pour le surplus,

- condamné la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à M. [EF] la somme de 2 000 euros et à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise celle 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de sa demande formulée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SNC Sedifrais Montsoult Logistic aux dépens.

M. [PV] [EF] a interjeté appel par déclaration d'appel adressée au greffe le 20 janvier 2017.

Par courrier du 27 mars 2017, la SNC Sedifrais Montsoult Logistic (ci-après nommée SML) a demandé une fixation prioritaire sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile.

Par courrier du 11 avril 2017, M. [EF] s'est associé à cette demande de fixation prioritaire.

Par ordonnance de fixation du 8 juin 2017, il a été donné injonction aux parties de conclure avant le 29 septembre 2017, la clôture étant fixée au 10 octobre 2017 et l'audience de plaidoirie au 10 novembre 2017.

M. [EF] a déposé des conclusions d'appelant les 23 mars et 15 septembre 2017 et la SML des conclusions d'intimée et d'appel incident le 28 septembre 2017.

La SNC SML a déposé de nouvelles conclusions le 6 octobre 2017 et M. [EF] le 10 octobre 2017.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 octobre 2017.

Par conclusions du 16 octobre 2017, la SNC SML a sollicité le rabat de la clôture et, à titre subsidiaire, que soit prononcé le rejet des conclusions et pièces communiquées par M. [EF] le 10 octobre 2017.

Par conclusions du 27 octobre 2017, M. [EF] s'est opposé à la révocation de la clôture et a demandé que soient déclarées irrecevables les pièces et conclusions signifiées par la SNC SML le 16 octobre 2017, que soit rejetée la demande subsidiaire de la SNC SML et à titre infiniment subsidiaire que soient rejetées les conclusions d'intimé signifiées le 28 septembre 2017 et les pièces nouvelles communiquées en cause d'appel le 2 octobre 2017.

Par conclusions du 31 octobre 2017, la SNC SML a réitéré les demandes figurant dans ses conclusions du 16 octobre 2017.

SUR LA PROCÉDURE :

Aux termes de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Ne constitue pas une cause grave le dépôt par l'appelant de nouvelles conclusions et pièces le 10 octobre 2017, jour même du prononcé de l'ordonnance de clôture, en réponse aux conclusions et pièces déposées par l'intimée les 28 septembre et 6 octobre 2017.

Les conclusions de l'appelant du 10 octobre 2017 se bornant à répondre à celles accompagnées de la communication de nouvelles pièces de l'intimée, déposées seulement quelques jours avant sans formuler de prétentions nouvelles ni invoquer de moyen nouveau, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

L'appelant ayant donc été en mesure de répondre aux conclusions et pièces de l'intimée transmises le 6 octobre 2017, il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

En revanche, devront être écartées des débats les pièces nouvelles communiquées par l'appelant le 10 octobre 2017 et sur lesquelles l'intimée n'a pas été en mesure de s'expliquer et les pièces communiquées par l'intimée le 16 octobre 2017 après l'ordonnance de clôture.

AU FOND :

Par dernières conclusions adressées au greffe le 10 octobre 2017 M. [PV] [EF] et l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise demandent à la cour de : 

- confirmer le jugement entrepris des chefs de rappel de prime annuelle et par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer, dans son principe, du chef de rappel de prime de productivité et de congés payés incidents, sauf à porter le montant du rappel de prime de productivité, arrêté à la date du 31 décembre 2016, à la somme de 42 906,58 euros et celui des congés payés incidents à la somme de 4 290,65 euros,

subsidiairement sur ce chef de demande,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à lui payer les sommes de :

. 24 681,86 euros à titre de rappel de prime de productivité,

. 2 468,18 euros au titre des congés payés incidents,

et, plus subsidiairement encore sur ce chef de demande,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à lui payer les sommes de :

. 7 433,27 euros à titre de rappel de prime de productivité,

. 743,32 euros au titre des congés payés incidents,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de le positionner à des fonctions d'agents de maîtrise, niveau 5 de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire, avec tous les effets de droits en découlant,

et, y ajoutant,

- ordonner, ainsi que le conseil de prud'hommes l'a fait dans la motivation de son jugement sans le repréciser dans son dispositif, qu'il devra être positionné au poste de chef d'équipe moyennant un salaire de base de 2 581,89 euros pour 162,50 heures correspondant au salaire de base perçu par les autres chefs d'équipe de la société, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt de la cour, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- dire que ce repositionnement a eu pour conséquence de porter son rappel de salaire à la somme de 2 581,89 euros et celui du montant de la prime de productivité due à la somme de 788 euros,

en conséquence,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à lui payer les sommes de :

. 5 374 euros à titre de rappel de salaire de janvier à août 2017, sans préjudice des salaires à échoir jusqu'à son repositionnement effectif au poste de chef d'équipe,

. 537,40 euros au titre des congés payés incidents,

. 5 216,57 euros à titre de rappel de prime de productivité de janvier à août 2017, sans préjudice de la prime de productivité due à compter de septembre 2017,

. 521,65 euros au titre des congés payés incidents,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris des chef de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, sauf à porter le montant des dommages et intérêts pour discrimination syndicale à la somme de 150 000 euros et celui des dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat à la somme de 10 000 euros,

- infirmer le jugement entrepris de ses autres chefs,

et statuant à nouveau,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à lui payer les sommes suivantes :

. 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 3 839,21 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures de nuit de janvier 2009 à août 2017,

. 384,72 euros au titre des congés payés incidents,

. 1 905,65 euros à titre de complément d'indemnité de congés payés,

. 928,64 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre disciplinaire de 10 jours notifiée le 14 janvier 2013,

. 92,86 euros au titre des congés payés incidents,

. 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier, moral et professionnel subi du fait de la mise à pied disciplinaire injustifiée de dix jours,

. 35,03 euros à titre de rappel de salaire correspondant injustifié figurant sur le bulletin de salaire du mois de mai 2015 à titre de prétendues « heures de pause »,

. 3,50 euros au titre des congés payés incidents,

. 53,97 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la retenue injustifiée figurant sur son bulletin de salaire du mois de septembre 2010,

. 5,39 euros au titre des congés payés incidents,

. 46,73 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la retenue injustifiée figurant sur son bulletin de salaire du mois de mars 2011,

. 4,67 euros au titre des congés payés incidents,

. 94,01 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées figurant sur les bulletins de salaires des mois de juillet, août et novembre 2013,

. 9,40 euros au titre des congés payés incidents,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la visite médicale obligatoire après son accident du travail couvrant la période du 21 juin 2015 au 26 juillet 2015,

. 68 700 euros au titre de la liquidation d'astreinte ordonnée par le conseil de prud'hommes,

. 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- ordonner à la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de lui remettre un bulletin de salaire récapitulatif conforme sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic aux entiers dépens,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail, sauf à porter le montant des dommages et intérêts de ce chef à la somme de 15 000 euros,

- condamner la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise une somme complémentaire de 500 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Par dernières conclusions adressées au greffe le 6 octobre 2017, la SNC Sedifrais Montsoult Logistic demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency le 20 décembre 2016,

statuant à nouveau,

- constater que les agissements reprochés ne sont pas justifiés et que M. [EF] n'apporte aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale,

- constater que les agissements reprochés relèvent du pouvoir de direction du supérieur hiérarchique,

- constater que M. [EF] ne démontre pas avoir été personnellement victime des agissements reprochés,

- débouter M. [EF] de sa demande de dommages intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale,

- débouter M. [EF] au titre de l'obligation de résultat et de l'obligation de prévention contre les agissements de harcèlement moral,

- lui donner acte qu'elle a réglé à M. [EF] la somme de 1 217 euros au titre d'un rappel de salaire correspondant à la majoration de 20% des heures de nuits et aux congés payés afférents,

- débouter M. [EF] pour le solde sollicité au titre de la demande de rappel de salaire correspondant a la majoration de 20% des heures de nuits et aux congés payés afférents,

- débouter M. [EF] de sa demande au titre d'un complément de prime de productivité,

- débouter M. [EF] de sa demande de prime de fin d'année,

- débouter M. [EF] de sa demande de paiement de prime de congés payés,

- débouter M. [EF] de toutes ses autres demandes.

SUR CE LA COUR,

M. [EF] a été engagé par la société Montsoult Services, en qualité de manutentionnaire, d'abord par contrat à durée déterminée 9 octobre 2000, puis à son terme par contrat à durée indéterminée du 15 janvier 2001.

A l'occasion de la 2ème visite médicale prévue par l'article R. 4624-31 du code du travail M. [EF] a été déclaré inapte à la préparation mais apte au poste de cariste.

Par avenant du 26 octobre 2009, il a été affecté à la fonction de « l'approvisionnement des stocks en qualité de cariste au service de la réception », niveau 2B.

Depuis 2006, il exerce divers mandats syndicaux au sein de la SNC SML. En dernier lieu, il est délégué du personnel titulaire, membre titulaire du comité d'entreprise et conseiller du salarié CGT.

Par requête du 4 août 2011, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency de diverses demandes.

La SNC Sedifrais Montsoult Logistic (ci-après dénommée « SML »), dirigée par les sociétés Leader Price Holding et Franprix Holding, exploite un entrepôt de produits frais, initialement situé à Montsoult et qui a déménagé sur le site de l'Aéropark de [Localité 6] au mois de juillet 2011.

Elle gère des prestations de stockage et de logistique pour la préparation des produits frais à destination de 600 magasins portant l'enseigne Franprix, localisés en région parisienne et au nord de [Localité 8].

Avant sa reprise par la SNC SML, l'entrepôt était organisé en trois services dits opérationnels : la réception, la préparation et le transport. Il fonctionnait avec un directeur d'exploitation, un responsable d'exploitation par service, deux adjoints à la préparation et un adjoint au transport pour un effectif de 150 manutentionnaires.

A partir d'octobre 2009, la SNC SML a créé des postes de chefs d'équipe pourvus par promotion interne.

Au moment de la saisine du conseil de prud'hommes, M. [EF] travaillait en qualité de cariste au sein du service réception, en service de nuit de 3 heures à 10h30. Ce dernier était composé de 32 salariés répartis comme suit : un responsable de service, M. [D], promu à ce poste le 1er septembre 2010, 3 chefs d'équipe, 2 agents administratifs, 9 réceptionnaires, 10 caristes et 7 renforts ponctuels.

Sur la discrimination syndicale :

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable depuis le 28 février 2017, prévoit : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. ».

L'article L. 2141-5 dispose qu'« Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail. » ;

En application de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .

M. [EF] soutient qu'au sein de la SNC SML seuls les salariés élus, syndiqués ou sympathisants du syndicat FO et en tout cas ceux proches du responsable peuvent espérer connaître un déroulement de carrière, une sécurité et une « tranquillité d'esprit ». Il affirme qu'au contraire les élus, syndiqués et sympathisants CGT ne connaissent aucune progression de carrière.

Il fait valoir que depuis son embauche en 2000, il n'a connu aucune évolution de carrière et contrairement à bon nombre de collègues engagés bien après lui n'a pas accédé à des fonctions d'agent de maîtrise. Il se prévaut également des nombreuses procédures disciplinaires engagées à son encontre par la SNC SML, des agressions subies au sein de l'entreprise et de l'entrave vécue dans l'exercice de ses mandats.

La SNC SML conteste toute discrimination, tout favoritisme au profit de la FO et réplique que M. [EF] n'a jamais fait acte de candidature pour un poste de chef de service, ni demandé de formation. Elle affirme, en outre, qu'en qualité de cariste sa productivité était très faible et que son mauvais comportement lui valait une défiance des responsables, incompatibles avec un poste de chef d'équipe.

Sur l'évolution de carrière :

Par courrier du 16 avril 2014, l'inspecteur du travail, faisant suite à la réclamation du salarié du mois de juin 2013, a informé M. [EF] des conclusions des contrôles qu'il a effectués dans les locaux de l'entreprise les 30 septembre 2013 et 17 mars 2014.

Dans ce courrier, il indique avoir comparé sa situation à celle de 6 autres salariés engagés comme lui en qualité de manutentionnaire, 5 entre 1998 et 2001 et 1 en 2008 et avoir observé que M. [FN] engagé le 31 janvier 2000 a été promu en 2012, M. [XT] engagé le 9 avril 2001 a été promu en 2010, M. [E] engagé le 3 avril 2001 a été promu en 2009 et M. [J] engagé le 19 mars 2008 a été promu en 2012. Il précise que ces 4 salariés exerçaient ou exercent des mandats sous l'étiquette FO. Il ajoute que sur le panel de 28 salariés, dont 15 sont chefs de service classés agent de maîtrise, 11 sont adhérents FO.

Le tableau produit par la SNC SML, censé démontrer que les salariés FO n'ont pas été favorisés, est démenti par les attestations produites par le salarié. Il en résulte que sur les 22 salariés y figurant, dont il n'est d'ailleurs pas démontré qu'ils sont les seuls à avoir bénéficié d'une promotion, 13 salariés sont FO et non pas 5 comme le soutient l'employeur.

M. [EF] produit également sa candidature datée du 5 septembre 2011 par laquelle il rappelle qu'à la réunion du comité d'entreprise du 25 août dernier l'ouverture en mars 2012 d'un service fruits et légumes a été annoncée et se porte candidat pour un poste de contrôleur d'allée ou un poste de contrôleur de température dans l'équipe du matin. A ce courrier, la SNC SML a répondu le 16 septembre 2011 que le service fruits et légumes n'étant pas à ce jour existant dans l'entrepôt sa candidature était conservée et que si un tel poste était créé elle reviendrait vers lui. Il n'est pas discuté que ce service a fonctionné quelques mois en 2012 et qu'aucun poste n'a été proposé à M. [EF] à cette période.

A l'occasion de l'ouverture du service fruits et légumes en 2015, M. [EF] a postulé cette fois à un poste de chef de service par courrier du 31 juillet 2015. Par courrier du 30 septembre 2015, la SNC SML l'a informé qu'elle estimait qu'il ne disposait pas des compétences requises pour intégrer un poste de chef d'équipe au sein de l'activité fruits et légumes, activité nécessitant des compétences immédiates dans ce secteur et dans le management. Dans ce même courrier elle lui a rappelé qu'un poste de contrôleur était disponible pour lequel il disposait des compétences requises et qu'il lui appartenait de lui transmettre sa candidature. Il est pourtant établi que M. [EF] avait déjà postulé à ce poste en 2011.

En outre, comme le salarié le fait remarquer dans son courrier en réponse du 19 octobre 2015, il est établi que MM. [XT], [DC], [E], [FN], [C], engagés comme manutentionnaire à la même période que lui, ont bénéficié d'une promotion en qualité de chef d'équipe.

Egalement, au cours de l'entretien d'évaluation qui a eu lieu le 15 février 2016, pour l'année 2015, le responsable hiérarchique a estimé sa motivation à la note B « en cours d'acquisition » « du fait du temps passé à la représentation du personnel » et a conclu ainsi « votre objectif 2016 sera de faire la part des choses entre votre action de représentation et votre coeur de métiers afin de vous donnez les moyens de faire partager vos ambitions de chef d'équipe ».

Ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SNC SML ne conteste pas que les 4 premiers postes de chef d'équipe ont été pourvus en 2009 sans appel à candidature. Elle ne produit pas, notamment, la candidature de M. [N] [A], FO, promu à cette date.

Elle se borne à justifier de l'affichage de 2 appels à candidature pour des postes de chef d'équipe le 5 mai 2011 et le16 avril 2012, produit des candidatures datées des mois de mai et avril 2012 et un planning de réception des candidats pour des entretiens pour le poste de chef d'équipe daté du mois de mai 2011.

Elle ne communique aucun élément sur les compétences et éventuellement les formations suivies par les salariés retenus.

Elle ne produit aucun élément expliquant par des raisons objectives la sur-représentation des élus, adhérents et sympathisants FO au sein des agents de maîtrise.

S'agissant des compétences professionnelles de M. [EF] qu'elle met en cause, les courbes produites par la SNC SML et réalisées par elle pour les besoins de la cause, représentant le nombre de palettes traitées par M. [EF] et 4 autres salariés sur la période du 5 septembre au 29 octobre 2016, ne sont accompagnées d'aucune pièce permettant d'en vérifier la sincérité. En outre, dès lors que M. [EF] est titulaire de mandats lui accordant 50 heures de délégation par mois la comparaison faite avec les autres salariés est dépourvue de pertinence.

Les mêmes observations doivent être faites relativement au tableau de l'employeur récapitulant le nombre de palettes traitées par les 11 caristes sur la période du mois de janvier à août 2017.

Egalement, la SNC SML ne justifie pas par des raisons objectives l'absence de suite donnée aux candidatures de M. [EF] et notamment aux motifs qui justifient alors que le salarié avait manifesté à plusieurs reprises son souhait d'évoluer dans l'entreprise, qu'il n'a bénéficié d'aucune formation.

Pas davantage, elle n'établit selon quelle modalité de candidature elle a nommé M. [Y] chef d'équipe au sein du service réception en novembre 2015.

Finalement, la SNC SML ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à toute discrimination l'absence d'évolution de carrière de M. [EF].

La discrimination syndicale est donc établie de ce seul fait.

Cependant, dès lors que M. [EF] forme une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination syndicale alléguée et que cette demande se rapporte à l'ensemble des faits constitutifs selon lui de discrimination syndicale, il convient, quand bien même un seul fait est suffisant pour établir la discrimination syndicale, de tous les examiner.

Sur les sanctions :

Sur la procédure de licenciement engagée en juillet 2008 :

Il est établi qu'au mois de juillet 2008 la SNC SML a mis à pied M. [EF] à titre conservatoire et a engagé une procédure de licenciement à son égard, lui reprochant d'avoir au cours de pauses déjeuner, à plusieurs reprises en avril et mai 2008, enregistré des préparations de commandes effectuées et enregistrées quelques jours auparavant par lui ou ses collègues afin d'obtenir une majoration de sa prime de productivité. Elle a poursuivi la procédure, malgré l'avis défavorable du comité d'entreprise, et a sollicité l'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. Celui lui a notifié le 11 septembre 2008 un refus d'autorisation en estimant les faits non établis.

La décision de l'inspectrice du travail a été confirmée par le ministre le 27 mars 2009 mais annulé par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par décision du 17 juin 2011, elle-même annulée par arrêt de la cour d'appel administrative de Versailles du 31 mai 2012.

Sans attendre que le jugement du tribunal administratif soit définitif, dès le 4 juillet 2011, la SNC SML a demandé une nouvelle autorisation de licenciement concernant les mêmes faits. Cette demande a été encore refusée par l'inspecteur du travail, le 16 septembre 2011, après une enquête contradictoire, cette fois au motif que l'employeur a donné des suites disciplinaires différentes aux différents cas sanctionnés à la même époque, décision confirmée par le ministre du travail le 21 mars 2012.

A la suite de cette décision, la SNC SML a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui dans un jugement du 16 février 2015, estimant à nouveau que les éléments du dossier laissent penser qu'il existe un lien entre l'exercice de ses mandats et le licenciement envisagé, a rejeté la requête, jugement confirmé par la cour d'appel administrative le 24 janvier 2017.

Alors que la demande d'autorisation de licenciement avait fait l'objet d'un rejet définitif par arrêt de la cour d'appel administrative du 31 mai 2012, la SNC SML a donc persisté dans ses demandes, faisant durer la procédure administrative.

Sur la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 janvier 2013 :

A la suite d'un entretien préalable qui a eu lieu le 10 janvier 2013, par lettre du 14 janvier 2013 la SNC SML a notifié à M. [EF] une mise à pied disciplinaire de 10 jours : du lundi 28 janvier au matin au samedi 9 février 2013 au soir. Cette mise à pied sanctionnait son comportement agressif du 7 décembre 2012 à l'égard de M. [T] , directeur d'exploitation, qui lui reprochait de ne pas travailler les 7 heures de travail quotidien les jours de réunion des représentants du personnel.

D'après la lettre de licenciement : « A cette occasion et sans contester les faits, vous avez rétorqué, sur un ton très agacé, qu'il en avait toujours été ainsi, que vous n'entendiez pas que cela change et que M. [T] n'avait qu'à vous faire un écrit. Le ton de la discussion est ensuite monté et vous êtes allé jusqu'à appuyer votre index sur le thorax de M. [T] en vous rapprochant de lui et en l'apostrophant sur un ton menaçant en ces termes , pour encore ajouter sur un ton polémique

Fort heureusement, les chefs d'équipe toujours présents dans le couloir sont intervenus pour éviter que la situation ne dégénère plus encore.

(...)

De plus, fort mécontent de vous être vu imposer un rappel à l'ordre, vous vous êtes ensuite répandu en calomnies sur M. [T] au sein de l'entreprise, allant jusqu'à déposer une main courante prêtant à ce dernier des propos et des faits parfaitement infondés et scandaleux.

Ainsi, M. [T] vous aurait menacé de mort et aurait tenu des propos insultants en arabe à votre encontre ce qui non seulement est inexact mais encore porte une atteinte grave et inadmissible au crédit et à l'honneur de M. [T].

En outre, vous avez colporté cette version contraire à la réalité des faits bien au-delà du cercle de l'entreprise puisque vous avez procédé à une large diffusion de la copie de votre main courante au comité d'hygiène et de sécurité au travail ( CHSCT), mais également à l'inspection du travail, la CRAMIF, la commission exécutive CGT Union Locale de Sarcelles et l'Union locale départementale CGT du Val d'Oise.

Ce comportement relève de la tentative de déstabilisation avec une volonté de discréditer M. [T] et de porter atteinte à l'autorité qui résulte de ses fonctions de directeur de plate-forme logistique. »

M. [EF] conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés, affirmant avoir été insulté en arabe par M. [T] « fils de pute » et menacé « j'aurai ta peau dehors ». En outre, il soutient que dès lors que la société lui reproche de s'être plaint de harcèlement moral la sanction doit être annulée en application de l'article L. 1152-3 du code du travail.

La SNC SML verse au débat un rapport du CHSCT ni daté ni signé. Ce document expose que par courrier reçu le 31 décembre 2012, MM. [EF] et [CN], membres du CHSCT, ont demandé la réalisation d'une enquête relative aux menaces et insultes qui auraient été commises par M. [T] à l'encontre de M. [EF].

Ce rapport expose que M. [O], inspecteur du travail, dans le cadre de cette enquête a d'abord procédé à l'audition de M. [EF] et M. [T], chacun maintenant sa version de l'incident. L'inspecteur du travail ayant refusé de poursuivre l'enquête cette mission étant dévolue aux membres du CHSCT, l'enquête a été menée par MM. [CN] et [XT], membres du CHSCT, et Mme [EF], responsable ressources humaines (RH). Au cours de cette enquête, M. [I], chef d'équipe présent au moment des faits, a affirmé que M. [EF] a appuyé sa main sur le thorax de M. [T] en lui disant qu'il allait entendre parler de lui. Il a précisé que M. [T] lui avait parlé des heures à effectuer les jours de réunion mais n'avait pas eu de comportement agressif et ne lui avait pas parlé en arabe. M. [N] [A] et M. [DC], également chefs d'équipe et témoins des faits, ont confirmé cette version des faits. Ces trois auditions, confirmées par un écrit du salarié auditionné daté du 5 février 2013, contresigné par le salarié, les membres du CHSCT et la RH, sont conformes aux attestations que les salariés avaient rédigées le 8 décembre 2012.

L'enquête a conclu qu'il n'y avait pas eu de menaces à proprement parler ou d'injures de la part de M. [T] envers M. [EF] dans le cadre de l'article L. 1152-1, que les incidents relèvent d'une altercation entre collaborateurs et notamment un supérieur hiérarchique avec un employé suite à des directives qui n'ont pas été comprises par le salarié comme étant collectives et non personnelles, que les parties maintiennent des versions contradictoires et que seuls les témoignages de MM. [A], [DC] et [I] permettent d'attester qu'il n'y a pas eu de menaces ni d'injures en arabe.

Mme [EF] a attesté le 18 décembre 2012 que lorsqu'elle est sortie de son bureau elle a entendu M. [N] [A] dire à M. [EF] qu'il devrait s'excuser auprès du patron car il lui avait manqué de respect et que, pour sa part, elle n'a pas entendu d'insultes proférées par M. [T] ni de comportement agressif contre M. [EF]. Elle a ajouté que de manière générale elle n'a jamais vu M. [T] se comporter de manière irrespectueuse avec les salariés de l'entreprise.

Cependant, M. [I] dans une attestation délivrée le 4 février 2016 revient sur ses déclarations. Dans cette attestation, respectant les règles de forme énoncées par l'article 202 du code de procédure civile, il affirme avoir attesté contre M. [EF] à la demande de son employeur en la personne de M. [T] qui lui avait promis de lui attribuer une prime de productivité de 800 euros équivalente à celles de Messieurs [V] [A], [DC] ... Il affirme qu'il n'a pas vu M. [EF] insulter, menacer ou bousculer M. [T] mais qu'en revanche à la suite d'une demande de M. [EF] le directeur s'est énervé et lui a parlé dans une langue qu'il pense être de l'arabe.

Outre que finalement les témoignages des trois chefs d'équipe témoins des faits ne sont pas concordants et que Mme [EF] n'a pas été le témoin direct des faits reprochés, il ne peut qu'être constaté que la SNC SML a sanctionné M. [EF] le 14 janvier 2013 donc avant l'audition des chefs d'équipe par le CHSCT.

Le doute devant profiter au salarié, il convient de dire que les faits reprochés ne sont pas établis.

Quand bien même il n'est pas discuté que M. [EF] a diffusé largement la copie de la main courante qu'il a déposée le 7 décembre 2012 au commissariat de police de [Localité 6] dans laquelle il se plaint d'avoir été insulté en arabe, traité de fils de pute, et menacé de mort, il ne résulte pas des circonstances de faits et de la lettre du 14 janvier 2013 qu'il a été sanctionné pour s'être plaint de harcèlement moral.

Ce n'est donc pas sur le fondement de l'article L. 1152-1 qu'il convient d'annuler la mise à pied disciplinaire mais en tant qu'elle sanctionne des faits non établis.

Sur les conditions de travail dégradées :

Sur l'agression du 23 décembre 2010 :

L'article L. 4131-1 prévoit : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. ».

M. [EF] soutient que le 23 décembre 2010 il a été victime d'une agression physique et de menaces de la part de M. [H], agent de sécurité, à la suite de laquelle il a exercé son droit de retrait.

Il communique le courrier qu'il a remis en mains propres le 23 décembre 2010 par lequel il informe son employeur qu'il utilise son droit de retrait car il a été menacé par un individu le 23 décembre et demande l'intervention du CHSCT et le courrier du 27 décembre dans lequel, constatant que rien n'a été fait concernant la menace de M. [H], il reste sur la même position de droit de retrait.

Dans le cadre de l'enquête effectuée par le CHSCT M. [EF] a été entendu par Mme [EF] RH et M. [K], membre du CHSCT, le 28 décembre 2010 dont un procès-verbal d'audition a été dressé et signé du seul M. [EF]. Dans cette audition, il a exposé que le 23 décembre vers 9h30 il est allé aux toilettes que M. [H] l'a interpellé en lui disant « est ce que je peux te parler' », l'a empoigné au niveau du manteau et collé au mur, qu'il lui a dit qu'il ne le connaissait pas et que l'individu lui a répondu « tu vas assumer les conséquences », « tu fais du mal aux personnes que j'aime ». M. [EF] a précisé qu'il ne sait pas pourquoi cette personne a dit cela, qu'une personne du RH est venue et a stoppé l'altercation en lui disant d'aller voir Mme [EF] et que c'est M. [XT] qui lui a donné le nom de l'individu.

Il a expliqué avoir exercé son droit de retrait car M. [H] travaille auprès de la badgeuse, qu'il le voit chaque fois qu'il sort et qu'il a des « potes » qui le regardent bizarrement.

M. [H], entendu le même jour dans les mêmes conditions, a contesté les faits. Il a expliqué avoir un contrat pour surveiller le foie gras mais que son travail gênait certains car il ne laissait pas « passer le foie gras ». Il a ajouté que M. [EF] est venu avec son service lui demander un carton qu'il a refusé, que M. [EF] lui a dit que d'autres se servaient alors que lui aussi. Il a précisé que M. [EF] est parti et qu'en le rencontrant en allant aux toilettes il a proposé d'en parler mais que M. [EF] lui a répondu qu'il était protégé et qu'il faisait ce qu'il voulait.

Mme [G], agent administratif RH, entendue dans les mêmes conditions que M. [EF] et M. [H], a déclaré avoir ouvert la porte et les voir vus alors qu'il ne se passait rien de physique ni de verbal mais que l'ambiance avait l'air tendu. Elle a juste dit qu'elle était désolée si elle dérangeait, que M. [EF] a répondu non ça va et M. [H] l'a regardée mais n'a rien dit. Elle lui a demandé s'il allait voir Mme [EF]. Elle a précisé qu'elle ne pouvait pas dire s'il y avait discorde.

Par courrier du 11 janvier 2011, la SNC SML a répondu au salarié qu'une enquête avait été menée par MM. [FN] et [K] membres du CHSCT et Mme [EF] RH, qui avait consisté en une confrontation des deux protagonistes et qu'il en résulte que le droit de retrait n'étant pas justifié son absence ferait l'objet d'une retenue de salaire.

S'il est regrettable que Mme [G] n'ait pas été interrogée par l'employeur sur la raison pour laquelle elle a ouvert sa porte et a demandé aux salariés ce qui se passait, ce qui ne permet pas de savoir si elle avait entendu une altercation avant d'intervenir, l'absence d'autre témoin et les versions contradictoires données par chaque protagonistes ne permettent pas d'établir que M. [EF] était en droit de raisonnablement penser qu'il était dans une situation de danger grave et imminent.

C'est donc à tort qu'il a exercé son droit de retrait.

Sur l'agression du 27 janvier 2012 :

M. [EF] soutient que lors d'une réunion du comité d'entreprise du 27 janvier 2012 M. [T] s'est violemment emporté contre lui alors qu'il posait une question sur la mise en place du service fruits et légumes.

M. [UE], contrôleur cariste, atteste que le 27 janvier 2012 M. [T] s'est emporté contre M. [EF] sans véritable raison, alors qu'il posait une question sur les postes à pourvoir au sein de la société.

Dans son courrier du 11 mai 2012, adressé au salarié, M. [T] reconnaît, notamment, que lors de la réunion du CE du 17 janvier 2012 excédé par la manière répétée dont il coupait la parole en posant différentes questions sans laisser le temps d'y répondre il a pu hausser le ton.

Il est donc établi que M. [T] a haussé le ton à l'encontre du salarié.

Sur l'agression du 2 octobre 2014 :

M. [EF] soutient que le 2 octobre 2014 alors qu'il se trouvait au réfectoire avec MM [TB], [O], et [YW], M. [HU] [KA] l'a insulté (doigt d'honneur, paroles en arabe sur un ton méprisant et insultant).

Il établit s'être plaint de ces faits auprès de l'employeur par courrier du 9 octobre 2014.

La SNC SML par courrier du 27 octobre 2014 lui a répondu que le directeur de l'entrepôt, M. [RY], et Mme [EF], RH, ont entrepris dès les 2 et 3 octobre de recueillir des informations sur ces faits mais que les accusations reposant sur ses seules affirmations, aucune intervention n'est possible.

Cependant, M. [YW], cariste, a attesté le 14 novembre 2014 que le 2 octobre 2014 vers 5 heures du matin, M. [HU] [KA] a agressé verbalement M. [EF] en prononçant des mots en arabe et lui a fait des gestes déplacés, précisant qu'il n'a pas été entendu par la direction sur ces faits. M. [TB], contrôleur de réception, a attesté le 4 octobre 2014 qu'alors qu'il prenait le café avec ses collègues dans le réfectoire il a vu M. [KA] s'adresser à M. [EF] en le regardant de travers sur un ton agressif et méprisant avec des mots en arabe, ce qui ne lui permet pas d'affirmer la nature de ses dires même si les insultes paraissent évidentes. M. [O] cariste, a confirmé cette version dans une attestation datée du 11 novembre 2014 s'étonnant également de ne pas avoir été entendu par la direction.

Ces attestations, suffisamment précises et concordantes, ne sont pas utilement contredites par celle de Mme [FI], assistante RH, du 29 janvier 2015, qui n'a pas été témoin des faits, et qui se borne à relater que dans la semaine du 6 au 12 octobre 2014 M. [TB] est venu au service RH pour une demande administrative et qu'elle l'a reçu. Mme [S], responsable RH, en a profité pour lui demander si elle pouvait le voir au sujet de l'altercation du 2 octobre et qu'en rentrant dans le bureau il lui a dit qu'il était là et qu'il ne s'était rien passé de spécial.

Elles suffisent à établir la réalité de l'agression verbale du 2 octobre 2014 et l'absence de réaction adaptée de la direction.

Sur l'entrave à l'exercice des mandats :

Il est établi qu'alors qu'une mise à pied conservatoire ne suspend pas l'exercice des mandats du salarié M. [EF] n'a pas été convoqué à la réunion du comité d'entreprise du mois de septembre 2018.

M. [EF] se plaint également de retenue de salaires injustifiées correspondant à des réunions ou à des heures de délégation et produit les bulletins de paie des mois d'avril, juillet, août et octobre 2013. Il affirme qu'étant travailleur de nuit, la pratique au sein de l'entreprise a toujours été de lui permettre de se présenter sur son lieu de travail le jour des réunions mensuelles seulement à l'heure de la réunion sans que soit opérée aucune retenue de salaire.

La SNC SML réplique que les retenues de salaire correspondent à des absences injustifiées lorsque M. [EF] ne prend pas son poste de travail avant ou après des réunions d'IRP. Elle précise que ne comptabilisant pas de ce fait 7 heures de présence dans l'entreprise, le service de la paie opère alors à juste titre une retenue sur salaire pour les heures où le salarié est en absence injustifiée.

Le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 26 juillet 2013, communiqué par l'employeur pour établir qu'au cours de cette réunion il a été rappelé à l'ensemble des élus l'obligation d'être à son poste de travail lorsqu'ils n'exercent pas leur mandat, n'est qu'un échange de questions-réponses entre M. [RY], directeur, M. [EF] et M. [X] trop élliptique pour établir cette preuve.

Au surplus, la SNC SML ne justifie pas de la pratique en vigueur depuis que M. [EF] est titulaire d'un mandat en 2006.

Au demeurant, dès lors qu'il n'est pas discuté que M. [EF] travaille de 3 heures du matin à 10h30, la SNC SML ne peut sérieusement soutenir que sa participation à des réunions commençant à 9h30 ne donnait pas lieu à un aménagement d'horaires.

Les retenues de salaires opérées par l'employeur pour absence injustifiées ne correspondent qu'à des prises de poste en retard. Ainsi, le 18 juin 2013, M. [EF] qui avait une réunion à 9h30 a pris son poste à 4h33 au lieu de 3 heures, les 22 et 24 octobre 2013 il est arrivé avec 4 minutes de retard et le 25 octobre avec 11 minutes de retard alors qu'il avait une réunion de DP le 24 octobre 2013 et avait 2 heures de délégation de 9h30 à 11h30 pour le CHSCT le 25 octobre 2013.

C'est donc à tort que la SNC SML a procédé à ces retenues.

M. [EF] établit en outre, en produisant une attestation de M. [WP], que le 1er avril 2010 alors qu'il voulait accompagner M. [WP] chez la comptable car celui-ci voulait lui demander des explications sur sa fiche de paie ce qu'il avait fait plusieurs fois sans le comprendre, la comptable n'a pas voulu le laisser y assister.

Egalement, M. [TB], contrôleur, a attesté le 5 novembre 2011, que mis à pied à titre conservatoire le 24 octobre et convoqué à un entretien préalable le 3 novembre 2011, il a souhaité être assisté par M. [EF] au cours de l'entretien préalable et que M. [T] interrogé par M. [EF] sur la raison de la mise à pied a répondu sur un ton et avec des propos agressifs inappropriés et, alors qu'il est d'habitude pondéré, s'est mis dans une fureur disproportionnée en hurlant, a interrompu l'entretien au bout de 5 minutes en disant que cela ne jouerait pas en sa faveur.

Aussi, M. [R], préparateur de commandes, a attesté avoir demandé à M. [EF] de l'assister au cours de l'entretien qu'il avait demandé à la direction le 10 janvier 2012 et que lors de leur arrivée Mme [EF], RH, lui a demandé si M. [U] délégué syndical UNSA pouvait assister à la réunion alors qu'il n'avait pas demandé son assistance mais celle de M. [EF]. Il a précisé qu'il avait accepté mais que Mme [EF] a pensé qu'il était nécessaire de préciser qu'un litige était en cours avec M. [EF] et que c'était pour ce motif qu'elle avait fait appel à M. [U].

Cette demande caractérise un comportement de défiance à l'égard de M. [EF].

M. [EF] se plaint aussi d'une retenue injustifiée de 35,05 euros sur son bulletin de paie du mois de mai 2015 au titre d'un prétendu temps de pause alors que cette retenue concernait un dépassement de 3,50 heures de crédit d'heures de délégation justifiées par des circonstances exceptionnelles connues de la société .

La SNC SML conteste la réalité des circonstances exceptionnelles ayant nécessité ce dépassement du crédit d'heures de délégation.

M. [EF] établit en produisant une attestation de la directrice du greffe de [Localité 7] en date du 22 mai 2015 que M. [EF] a assisté quatre salariés en qualité de délégué du personnel et membre du comité d'entreprise et a procédé à la remise de chèque aux fins de consignation de l'expertisée décidée par jugement du 15 février 2015.

Cette attestation confirme les termes du courrier du 28 mai 2015 dans lequel le salarié explique à la SNC SML son dépassement de 3,5 heures de ses heures de délégation par la préparation du contentieux collectif ayant nécessité un surcroît de démarches et d'activité dépassant ses tâches habituelles.

C'est donc à tort qu'il a été privé, pour un motif fallacieux, du paiement de ces heures.

Les obstacles mis par la société à l'exercice du mandat du salarié sont aussi établis.

Sur les autres faits :

M. [EF] justifie qu'alors qu'il avait obtenu le CACES le 5 février 2010 qui venait donc à expiration le 5 février 2015, il n'a été inscrit à une formation de renouvellement que les 8 et 9 avril 2015 et n'a bénéficié d'une visite médicale d'aptitude que le 19 mai 2015.

L'entêtement de l'employeur à poursuivre la procédure de licenciement engagée en juillet 2008, malgré l'arrêt de la cour d'appel administrative de Versailles du 31 mai 2012, la mise à pied disciplinaire injustifiée notifiée le 14 janvier 2013, les agressions verbales subies les 27 janvier 2012 et 2 octobre 2014, l'entrave subie par M. [EF] dans l'exercice de ses mandats et le retard de la procédure de renouvellement de son CACES laissent également présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Dès lors que la SNC SML n'établit pas que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la discrimination est établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit établie la discrimination syndicale.

Sur la réparation de la discrimination syndicale :

Le salarié victime de discrimination syndicale a droit à la réparation de l'entier préjudice subi qui comporte son reclassement au poste qu'il aurait occupé s'il n'avait pas été victime de discrimination.

Sur les dommages et intérêts :

Il a été établi que les candidatures de M. [EF] en dernier lieu en 2015 à un poste de chef d'équipe ont été écartées sans raison objective. Il convient donc de prendre en compte qu'en 2014 MM. [FN], [E] et [XT], élus ou adhérents FO, alors chefs d'équipe et engagés à la même période que lui comme manutentionnaires, percevaient une rémunération mensuelle de 2 502,26 euros et lui un salaire mensuel de 1 876,17 euros.

Cependant, il ne peut demander réparation du préjudice économique subi comme si la différence de rémunération entre ses collègues promus chef d'équipe et lui-même avait été constante depuis le début de sa carrière.

En ce qui concerne la prime de productivité de 788 euros par mois, le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

La SNC SML, qui ne discute pas que tous les chefs d'équipe ne perçoivent pas la prime de productivité et se borne à soutenir que seuls les quatre premiers chefs d'équipe aux postes plus chargés y ont droit, ne communique aucun élément justifiant cette différence. M. [EF] est donc bien fondé à en demander la prise en compte.

Il est également bien fondé à soutenir que la discrimination syndicale subie pendant de nombreuses années et dont les multiples effets ont été démontrés lui a causé un préjudice moral qui doit être réparé.

Au vu de ces éléments, il convient, infirmant le jugement, de lui allouer de ce chef la somme de 50 000 euros.

Sur le repositionnement professionnel :

En outre, le préjudice subi par M. [EF] en terme de repositionnement professionnel ne peut être réparé que par son positionnement au poste occupé par les trois salariés embauchés à la même époque que lui et devenus chef d'équipe sans que cette promotion soit justifiée par des motifs objectifs.

Il convient donc, confirmant infirmant le jugement, d'ordonner le repositionnement de M. [EF] à un poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective à un salaire de base de 2 581,89 euros pour 162,50 heures, outre 788 euros de prime de productivité, sous astreinte de 300 euros, pendant 3 mois, par jour de retard passé un délai de deux mois après la notification du présent arrêt.

La cour se réservera la liquidation de l'astreinte.

Sur les rappels de salaire et de prime de productivité :

Le jugement entrepris dans son dispositif a ordonné le repositionnement de M. [EF] à un poste d'agent de maîtrise sans autre précision. Dès lors qu'en application de l'article 480 du code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée est attachée au seul dispositif du jugement le salarié ne peut fonder une demande de rappel de salaire et de prime de productivité sur le jugement du 20 décembre 2016 et le fait que la SNC SML ne l'a pas positionné sur un poste de chef d'équipe.

M. [EF] sera donc débouté de sa demande de ce chef.

Sur la liquidation de l'astreinte :

M. [EF] se prévaut du refus de la société de le positionner à un poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective moyennant une rémunération fixe de base de 2581,89 euros et sollicite de ce chef le paiement de la somme de 68 700 euros (300 euros x 229 jours du 27 mars 2017 au 10 novembre 2017).

Par jugement du 20 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Montmorency a ordonné à la SNC SML de positionner M. [EF] à des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective à prédominance alimentaire, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois après la notification du jugement.

Par lettre du 13 février 2017, la SNC SML a informé M. [EF] qu'il le positionnait au poste de superviseur des flux, agent de maîtrise niveau 5, moyennant une rémunération fixe de base mensuelle de 2 300 euros bruts à compter du 23 février 2017. Ce courrier précisait qu'il serait placé sous l'autorité du directeur du dépôt ou de toute autre personne désignée à cet effet et que ses horaires seraient de 5h à 13h.

La fiche de poste annexée décrivait la mission principale de superviseur des flux comme suit :

- contrôler tous les véhicules qui accèdent au site logistique,

- faire appliquer et respecter les règles de sécurité,

- contrôler le port des EPI des chauffeurs et des intervenants extérieurs,

- rendre compte des non-respect des process.

Par lettre du 27 février 2017, M. [EF] a refusé ce poste en exposant que ses horaires ne correspondant pas à ceux du directeur de dépôt il serait en réalité sous celle de M. [D] ce qu'il ne pouvait accepter, que ce poste diminuait ses heures de nuit et donc sa rémunération, que son salaire de base ne correspondait pas à celui d'un agent de maîtrise, qu'il n'était pas fait état de sa prime de productivité, qu'il serait exclu de l'entrepôt et donc de sa communauté de travail et enfin qu'il devait être repositionné au poste de chef d'équipe et non sur un poste de superviseur de flux créé pour la circonstance.

Par courrier du 2 mars 2017, la SNC SML a réfuté cette argumentation en se prévalant notamment de ce que le jugement a ordonné son repositionnement à un poste d'agent de maîtrise et non de chef d'équipe et qu'il ne pouvait donc prétendre au même salaire.

Compte tenu du refus du salarié elle l'a maintenu à son poste de cariste.

La SNC SML avance qu'il n'existait pas de poste de chef d'équipe disponible et qu'elle avait même été contrainte de supprimer un poste en mai 2016.

Cependant, il résulte des plannings produits par M. [EF] que jusqu'au mois de novembre 2016 la société avait 7 chefs d'équipe, qu'à partir du mois de décembre 2016 elle n'en a eu plus que 6 mais, et en tous les cas jusqu'au mois de juillet 2017, a eu recours à deux « Renforts chef d'équipe » M. [EK] et M. [B] [I]. Ces plannings démontrent également que sur les 6 chefs d'équipe l'un seulement était en arrêt de travail pour maladie, M. [W] [I], et que la société a donc eu besoin de 7 chefs d'équipe alors que seuls 6 étaient nommés.

Cet élément objectif donne du crédit aux attestations de M. [P] [M] et M. [O] qui déclarent que leur chef d'équipe, M. [XT], leur a dit que malgré le jugement M. [EF] ne passerait jamais chef d'équipe et à celle de M. [WK] qui indique que Mme [S], RH, lui a confié que malgré le jugement elle ferait en sorte que M. [EF] n'accède pas au poste de chef d'équipe.

L'attestation de M. [XT] démentant avoir tenu de tels propos et celle de M. [L] [M] relatant avoir eu une conversation avec MM. [P] [M], [O] et [XT] mais précisant que M. [XT] n'a pas dit que la direction ne voulait pas positionner M. [EF] comme chef d'équipe, sont trop peu précises et circonstanciées pour apporter la preuve contraire.

En outre, alors que M. [EF] lui oppose que le poste de responsable de flux a été créé pour les besoins de la cause la SNC SML se borne à répondre que ce poste était auparavant occupé par un prestataire extérieur. Cette remarque confirme l'affirmation du salarié selon laquelle ce poste a pour conséquence de l'écarter de l'entrepôt, lieu d'exécution habituel de son contrat de travail.

Finalement, la SNC SML, même si elle n'était pas contrainte par le dispositif du jugement, seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, à positionner le salarié sur un poste de chef d'équipe, en ne faisant qu'une proposition de poste d'agent de maîtrise à M. [EF], à un poste qui l'excluait de son lieu de travail habituel, alors qu'elle avait recours par ailleurs à un renfort de chef d'équipe n'a pas exécuté le jugement du 20 décembre 2016.

Il convient cependant de prendre en compte les difficultés de gestion du personnel rencontrées par la SNC SML, qui venait de positionner un salarié comme renfort de chef d'équipe et, en application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, d'allouer au salarié au titre de la liquidation de l'astreinte la somme de 20 000 euros.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

En application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [EF] expose que, comme ses collègues caristes, il travaillait depuis plusieurs années au sein du service réception et qu'en août 2010, M. [D], manutentionnaire depuis seulement 6 mois au sein de la SNC SML a été promu responsable du service réception.

Il affirme que dès sa nomination M. [D] a fait preuve d'un manque total de respect à son égard, le surveillant et lui imposant des différences de traitement injustifiées. Il ajoute que, de façon générale, M. [D] a imposé à l'équipe des caristes un management par la peur se traduisant par une surveillance accrue, des réflexions désobligeantes, des pressions injustifiées et des différences de traitement entre les 10 caristes fixes et les 7 renforts ponctuels de caristes.

La SNC SML réplique que lors de sa prise de fonction M. [D] a constaté les abus de certains salariés qui prenaient très souvent des pauses informelles pour se réchauffer, qu'il en a informé le directeur qui lui a demandé d'encadrer ces pauses et que les salariés concernés, tous anciens dans la société, n'ont pas accepté qu'un jeune responsable âgé de 29 ans les remettent en cause.

Elle affirme que saisie d'une plainte des salariés du 16 décembre 2010, elle a pris les mesures, notamment d'enquête, nécessaires et que M. [EF] n'établit aucun fait dont il aurait été personnellement victime.

Il n'est pas discuté que le salarié, comme ses collègues caristes du service de réception, travaillait de 3 heures du matin à 10h30, dans un entrepôt froid où règne une température de 4 degrés. Théoriquement, ces salariés ont droit seulement à une pause de 7h à 7h30, mais en réalité ils prennent d'autres temps de pause notamment pour se réchauffer.

Par courrier du 16 décembre 2010, les 10 caristes du service réception se sont plaints de harcèlement moral.

Une enquête a été initiée par la direction, confiée à la responsable des ressources humaines, Mme [EF].

Les trois salariés auditionnés en janvier 2011 se sont plaints de ce que certains salariés vont dormir dans le bureau du CE alors que d'autres n'ont pas même le droit de prendre un café sans autorisation. Ils ont fait état d'une situation d'injustice et de stress liée à une surveillance excessive.

Le 15 juin 2011, M. [K] et M. [CG] membres du CHSCT ont sollicité la tenue d'une réunion extraordinaire de CHSCT avec pour ordre du jour « vote pour la nomination d'un expert en sécurité et des conditions de travail ». L'employeur a alors lancé un appel d'offre en direction de cabinet non agréés.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 juin 2011 les membres du CHSCT ont été contraints de mettre la société en demeure de procéder à une réunion extraordinaire concernant les désignations d'experts en sécurité et en harcèlement moral. Au mois de juillet 2011, la SNC SML a lancé un appel d'offre en direction des cabinets d'expertise agréés et ce n'est que le 24 octobre 2011 soit quatre mois après la première demande, que la réunion ayant pour ordre du jour « désignation d'un organisme expert CHSCT agréé chargé de l'enquête sur le service de la réception » a été organisée et que l'AEPACT a été choisie pour se voir finalement confier la mission d'expertise au mois de décembre 2011.

L'AEPACT a remis le 13 mars 2012 un rapport de 45 pages.

Réalisé par un cabinet spécialisé dans l'amélioration des conditions de travail, dont les experts se sont rendus à trois reprises dans les locaux de l'entreprise et qui ont auditionné un nombre significatif de salariés, 6 sur 25, ce rapport est digne de foi.

Il conclut comme suit :

« Ainsi, si les faits reprochés peuvent s'apparenter à du harcèlement nous préférons parler de pression et de violence interne exercées de façon répétée portant atteinte à la dignité des personnes sachant que la violence est aussi présente dans l'environnement de travail. Elle s'applique probablement à d'autres équipes mais le travail de nuit est particulièrement générateur de tension. ».

Ces conclusions s'appuient notamment sur les auditions de 6 salariés déclarant qu'avant l'arrivée de M. [D] quand il avaient froid ils allaient se réchauffer et que cela a changé du jour au lendemain. Ainsi ils indiquent que lorsqu'ils se réchauffent leur chef leur demande ce qu'ils font là, sur un ton désagréable. Ils se plaignent également d'un manque de considération qui se traduit par des contrôles, des restrictions de leur marge de manoeuvre, des modifications des dates de vacances. Ils font état aussi de différences de traitement certains pouvant prendre des pauses dans le bureau sans subir de remarques, ou dormant dans le bureau alors qu'eux-mêmes sont soumis à une autorisation préalable. Ils relatent des comportements méprisants « j'estime qu'il y a du respect à mettre dans l'entreprise », « on n'a pas de considération. On n'est pas des chiens », « on se fait insulter », « j'ai l'impression qu'on gêne parce qu'on est trop ancien ».

L'expert décrit un sentiment de peur chez les salariés. Ce sentiment est en lien avec l'appréhension du risque physique de la conduite dans l'entrepôt, mais aussi avec la crainte d'un accident du travail lié à la pression managériale et au stress, et avec le risque d'une violence physique produit d'un antagonisme entre personnes et groupes, des affrontements ayant déjà eu lieu.

Il évoque un comportement hostile du responsable qui a eu un effet délétère sur l'ambiance de travail mais aussi sur la santé psychologique des salariés et est générateur de stress.

Les conclusions de ce rapport sont confortées par les attestations versées au débat par le salarié. M. [M], cariste, atteste avoir été signataire de la plainte contre M. [D] qu'il a retirée pour éviter des ennuis de la part de la direction et indique que lorsque ses collègues prennent une pause M. [D] est derrière eux alors que « ces petits copains qui étaient dans le bureau il leur disait rien ».

M. [IX], cariste, confirme que le chef de service autorise des salariés de son service à prendre des pauses et à rester au chaud pendant qu'il surveille les caristes titulaires. Il précise que lors de la dernière réunion avec la direction le service réception a été très critiqué et que les délégués CGT ont été visés pour leur actions syndicales. MM. [Z], [GR] et [AN], caristes, témoignent également de ce que certains prenaient des pauses sans problème dans le bureau alors que les autres étaient étroitement surveillés lors de leur pause.

Un mode de management pouvant être constitutif d'un harcèlement moral, quand bien même aucun élément versé au débat ne concerne personnellement M. [EF], dans la mesure où il appartenait au groupe visé par les faits décrits, il établit l'existence d'agissements qui pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La SNC SML soutient que M. [D] a toujours eu un très bon comportement et a fait un bon usage de son pouvoir d'organisation. Elle produit 4 attestations de salarié, un agent administratif, un agent de quai, un chef d'équipe et un agent de maîtrise qui le décrivent comme ayant un bon comportement et étant respectueux.

Elle se prévaut aussi de l'accord de méthode du 1er décembre 2011 concernant la mise en place d'une démarche de prévention de la pénibilité au travail et du plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité au travail adopté le 28 septembre 2012.

Outre que ce plan est postérieur à l'expertise réalisée par l'APEACT il ne peut qu'être constaté qu'il ne comporte aucune disposition relative au mode de management.

Finalement la SNC SML n'apporte pas la preuve qui lui incombe. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit établi le harcèlement moral.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

La dégradation de ses conditions de travail subies par M. [EF], alors qu'il était déjà soumis aux contraintes d'un travail de nuit exposé au froid, lui a causé un préjudice moral, distinct de celui réparé au titre de la discrimination syndicale reposant sur des faits différents.

Le salarié établit l'altération de son état de santé en communiquant plusieurs ordonnances médicales, la première du mois de décembre 2012 et la dernière de janvier 2017. Il communique aussi un certificat médical du docteur [F], médecin généraliste, du 15 décembre 2012 l'orientant vers un spécialiste en précisant, après avoir indiqué que M. [EF] présente un état anxio-dépressif évolutif depuis plusieurs mois consécutif à un harcèlement moral sur son lieu de travail, qu'il lui prescrit un traitement anxiolytique et hypnotique pour l'aider à poursuivre son activité professionnelle.

Au vu de ces éléments, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des faits de harcèlement moral et de son obligation de sécurité :

L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité quand une situation de harcèlement s'est produite dans l'entreprise à deux conditions qu'il ait fait cesser immédiatement les agissements et qu'il ait préalablement mis en oeuvre des actions de formation et d'information propres à prévenir leur survenance.

La SNC SML saisie d'une plainte de 10 salariés le 16 décembre 2010, a d'abord diligenté en janvier 2011 une enquête interne qui n'a consisté qu'en l'audition de 3 salariés lesquels se sont plaints de ce que la confidentialité des entretiens n'avait pas été respectée. Au surplus, malgré les diverses sollicitations de membres du CHSCT elle n'a mis la demande d'expertise à l'ordre du jour du comité qu'au mois de juillet 2011, lequel comité n'a désigné un expert qu'en décembre 2011 qui a rendu son rapport au mois de mars 2012.

De décembre 2010 à octobre 2012, date de la saisine du conseil de prud'hommes , la SNC SML n'a pris aucune mesure visant à faire cesser le harcèlement alors que dès le 16 décembre 2010 M. [D] était désigné comme étant le responsable de la situation.

La SNC SML n'a pas davantage mis en place des actions de formation et d'information propres à prévenir la survenance d'un harcèlement moral.

Le manque de diligence de l'employeur a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du harcèlement moral.

Il convient, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer en réparation du préjudice subi la somme de 2 000 euros.

Sur le complément de prime de productivité et les congés payés afférents :

Lorsque l'employeur verse une rémunération variable subordonnée à la réalisation d'objectifs, les salariés doivent pouvoir vérifier que le calcul de leur rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues. Il incombe à l'employeur de communiquer l'ensemble des éléments permettant de comprendre les modalités de calcul et de les vérifier.

Les parties sont en désaccord sur l'existence de modalités de calcul de la prime de productivité.

La SNC SML verse aux débats un protocole d'accord sur la rémunération des caristes de la réception daté du 17 septembre 1998. Il se présente en une feuille dactylographiée recto-verso. Seule la première page est signée du directeur M. [ZZ] et du délégué syndical M. [I]. La seconde page est vierge de tout paraphe et signature.

La page 1 porte modification de la grille de productivité de façon à ce que la tranche moyenne soit augmentée de 200 francs et fixe une nouvelle grille qui définit le montant mensuel de la prime en fonction du nombre de colis traités par heure. Le tableau s'échelonne de 850 colis par heure à 1 300 colis par heure et prévoit une augmentation de la prime tous les 25 colis.

La page 2 comporte un paragraphe « Prime de réception », un paragraphe « mode de calcul » et un paragraphe « mode d'attribution ».

Le protocole d'accord du 27 novembre 2002, dont la page 1 est paraphée et la page 2 signée par le directeur et les 4 représentants syndicaux, prévoit notamment l'augmentation de la prime de productivité du service de la réception. Il stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40% depuis l'intervalle de colis « 1 300 à 1 324 » qui correspond aujourd'hui à 1 036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1 450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis « 1 900 à 1 924 » qui correspondra donc à « 3 028,20 francs ».

Un accord d'entreprise de négociation obligatoire ( NAO) 2013 a été signé le 10 avril 2013 par M. [RY], directeur de l'entrepôt, et trois représentants syndicaux. Il met en place une nouvelle organisation du travail et l'extension de l'attribution de la prime de productivité dite « hors préparation ». Il prévoit pour le personnel du service de réception : « A compter du 1er avril 2013, les salariés bénéficiaires de la prime de productivité dite instaurée par l'accord collectif signé le 17 septembre 1998 actuellement en vigueur, bénéficieront de la prime de productivité dite selon les dispositions de l'accord collectif en date du 27 novembre 2002. Il est entendu que cette prime de productivité dite remplace intégralement la prime de productivité dite . Les deux primes ne pourront pas être cumulées ». Il précise que cet accord est conclu pour une année et s'applique du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013.

La SNC SML se prévaut pour le calcul de la prime de productivité des modalités figurant en page 2 du protocole du 17 septembre 1998 alors que le salarié soutient que ce protocole ne comporte qu'une seule page signée et ne contient donc aucune formule de calcul ni clause de réduction de primes en cas d'absences justifiées. Il affirme que cet accord qui indique expressément qu'il modifie une grille précédente succédait à un autre qui lui devait comporter les modalités de calcul et d'éventuelle réduction.

M. [I], signataire de l'accord, a attesté le 16 avril 2014 que le protocole comprenait 2 pages. Cependant, par attestation tout aussi régulière il a témoigné le 20 janvier 2015 que lorsqu'il a signé l'accord sur la prime de productivité (dite réception) il n'y avait qu'une page et non deux et qu'il n'y avait pas de clause sur les absences précisant qu'il avait attesté pour la SNC SML sous la pression de la direction. Enfin, le 30 janvier 2015, à nouveau dans le respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, il a relaté que sa première attestation avait été faite sans pression de la direction mais que celle du 20 janvier 2015 lui avait été demandée et dictée par M. [EF] qui lui avait assuré qu'elle ne serait pas transmise. Il a précisé qu'il était alors malade très éprouvé par son opération du 16 janvier 2015 et affirmé que la seule valable est celle établie de son propre gré pour la société.

Le changement de version de M. [I] à quelques jours d'intervalle ne permet pas de retenir son témoignage comme étant probant.

Dès lors que la page 2 litigieuse, papier libre sur lequel ne figure ni le nom de l'entreprise ni son adresse, ne comporte ni pagination ni signature ni paraphe, il convient de dire qu'elle ne fait pas partie du protocole du 17 septembre 1998.

La SNC SML ne peut donc se prévaloir des modalités de calcul figurant sur cette page qui prévoit une moyenne hebdomadaire obtenue en divisant la somme hebdomadaire des colis reçus par la somme hebdomadaire des heures payées et une moyenne mensuelle obtenue par la somme des moyennes hebdomadaires incluses dans la période de paie divisé par le nombre de semaines constituant celle-ci .

Finalement, les seuls éléments de fixation de la prime de productivité certains sont la grille de l'accord du 17 septembre 1998, l'augmentation de 40% de cette grille à partir de l'intervalle 1 300 à 1 324 colis par heure figurant dans l'accord du 22 novembre 2002 et la NAO de 2013 qui remplace à partir du 1er avril 2013 la prime de productivité « réception » par la prime de productivité « hors préparation ».

Le rapport d'expertise effectué à la demande de la société et déposé le 28 novembre 2014 par le cabinet Abergel &Associés qui repose sur les modalités de calcul de la page litigieuse, outre qu'il n'a pas été contradictoirement établi, est donc dépourvu d'intérêt.

M. [EF] soumet à la cour trois décomptes différents. Le premier calculé en retenant une prime de productivité d'un montant de 646,44 euros, correspondant à 2 300 colis par heure, le deuxième en retenant le montant moyen de la prime prévu par l'accord collectif, retenu par le conseil de prud'hommes, 430,28 euros pour 1 800 colis par heure et le troisième calculé sur le montant minimum prévu par l'accord d'entreprise de 212 euros, pour 1 300 colis par heure.

La SNC SML est bien fondée à soutenir que cette prime de productivité ayant été supprimée par la NAO du 10 avril 2013, le salarié ne peut y prétendre au delà du mois de mars 2013.

En revanche, contrairement à ce qu'elle soutient, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924, et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 euros.

La seule courbe élaborée par le cabinet Abergel & Associés traçant l'évolution « du nombre de colis médian correspondant à 100% de la prime du mois » qui ne correspond qu'à l'évolution de la prime de productivité accordée par l'employeur est sans intérêt pour le débat dès lors que c'est le montant même de cette prime qui est discuté.

En l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de 1300 colis par heure n'étant pas pertinent puisque M. [EF] a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 euros, correspondant à 1300 colis par heure, à plusieurs reprises, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 euros.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, d'allouer à M. [EF], sur la période correspondant à ses calculs de novembre 2009 à mars 2013, après déduction des sommes perçues, la somme de 19 126,62 euros outre les congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire pour retenue injustifiée sur le bulletin de salaire des mois de septembre 2010 et mars 2011 :

M. [EF] se plaint d'une retenue injustifiée sur son salaire du mois de septembre 2010, au motif d'absences personnelles, les 26 août et 8 septembre 2010 alors qu'il était en heures de délégation.

Dès lors qu'il ne démontre pas avoir été en heures de délégation ces journées, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.

M. [EF] n'apportant également aucun élément au soutien de sa demande relative au mois de mars 2011, le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur le rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées figurant sur les bulletins de salaire des mois de juillet, août et novembre 2013 :

Il a déjà été démontré dans les développements relatifs à la discrimination syndicale que la SNC SML n'est pas fondée à se prévaloir du retard de prise de poste de M. [EF] lorsqu'il doit ensuite assister à une réunion des institutions représentatives du personnel ou exercer des heures de délégation.

Il convient donc, infirmant le jugement, de lui allouer de ce chef la somme de 94,01 euros outre les congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire correspondant à une retenue injustifiée au mois de mai 2015 pour « heures de pause » :

Il a déjà été démontré que c'est à tort que M. [EF] a été privé de cette part de salaire, il sera donc fait droit à sa demande de ce chef.

Sur le rappel de salaire correspondant à l'exercice du droit de retrait les 23 et 27 décembre 2010 :

Il a déjà été démontré que c'est à tort que M. [EF] a exercé son droit de retrait à la suite de l'agression dont il a prétendu avoir été victime le 23 décembre 2010, dont la réalité n'est pas démontrée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [EF] de sa demande de ce chef.

Sur la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2013 :

Il a déjà été démontré que la réalité de l'agression reprochée à M. [EF] à l'égard de M. [T], directeur, n'est pas établie.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, d'annuler la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 janvier 2013 et de lui accorder la somme de 928,64 euros à titre de rappel de salaire outre les congés payés afférents.

M. [EF] qui ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui a été réparé dans le cadre de la discrimination syndicale qui a pris en considération ce fait, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le complément de primes annuelles :

La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire prévoit en ce qui concerne la prime annuelle en son article 3.7 :

« 3.7.3. Le montant de la prime, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles énumérées ci-dessous, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues) :

3.7.3.6. Jours d'absence pour maladie ou accident du travail ayant donné lieu à complément de salaire par l'entreprise dans la limite fixée pour la catégorie professionnelle à laquelle appartient l'intéressé ;

(...)

3.7.4. Pour les salariés dont les absences auront excédé celles prévues au point 3.7.3 ci-dessus, le montant de la prime sera égal à 1/12 du salaire brut de base (taux horaire x nombre d'heures payées) perçu au cours des 12 mois précédant le mois au cours duquel elle sera versée.

Toutefois, pour la détermination du douzième du salaire brut de base, il y a lieu de considérer comme ayant donné lieu intégralement à rémunération :

3.7.4.3. Les absences dues à la maladie ou à un accident du travail ayant donné lieu à complément de salaire par l'entreprise, dans la limite fixée pour la catégorie professionnelle à laquelle appartient l'intéressé. ».

M. [EF] reproche à la SNC SML d'avoir, au mépris des dispositions conventionnelles, déduit du calcul de sa prime annuelle les périodes durant lesquelles il se trouvait en accident du travail.

La SNC SML lui oppose qu'elle a bien intégré dans ses calculs les périodes durant lesquelles M. [EF] était en arrêt de maladie ou en accident du travail mais en respectant les limites du plafond prévu par la convention collective. Au surplus, elle remet en cause les calculs de M. [EF] qui prennent pour les rappels des années à partir de 2006 comme année de référence l'année 2012.

Dès lors que M. [EF] ne soutient pas avoir intégré dans sa demande la limite fixée pour la catégorie professionnelle à laquelle il appartient, à juste titre opposée par l'employeur, il convient, infirmant le jugement, de le débouter de sa demande de ce chef.

Sur le rappel de salaire au titre des heures de nuit et des congés payés afférents :

M. [EF] reproche à son employeur de ne pas lui avoir payé la majoration des heures de nuit (de 3 à 5 heures) lorsqu'il était en absences alors que les absences pour accident du travail, au titre des jours fériés et des congés payés sont reconnues comme étant du travail effectif.

Il affirme qu'au 30 juin 2016 la SNC SML lui devait 4 467,49 euros, que dans la mesure où la SNC SML lui a régularisé 1 217,16 euros , elle reste à lui devoir au 31 août 2017 la somme de 3 839,21 euros outre les congés payés afférents.

La SNC SML lui oppose que dans un souci d'apaisement social les heures de nuit litigieuses ont été payées, qu'à partir du mois d'octobre 2013 le logiciel de paie a été modifié pour prendre en compte la majoration automatique et que depuis juillet 2015 M. [EF] ne fait plus qu'une heure de nuit.

Il résulte du bulletin de salaire du mois de février 2014 que M. [EF] a perçu un rappel d'heures de nuit d'un montant de 3 250,33 euros et non de 1 217,16 euros comme le salarié le prétend.

Cependant, outre que la SNC SML n'établit pas la réalité de la modification du calcul des heures de nuit, elle ne peut se prévaloir de la diminution du travail de nuit de M. [EF], survenu en juillet 2013 et non juillet 2015, à laquelle M. [EF] s'est expressément opposé par courrier du 11 juillet 2013.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer la somme de 1 217,16 euros outre les congés payés afférents.

Sur le complément d'indemnité de congés payés :

Au soutien de son appel relatif au rejet de cette demande M. [EF] ne soumet à la cour aucun moyen de fait ou de droit.

Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour défaut de visite médicale à la suite de l'accident du travail du 21 juin 2015 :

Il n'est pas discuté que M. [EF] a été en arrêt de travail du 21 juin au 27 juillet 2015 à la suite d'un accident du travail et qu'il a ensuite pris ses congés payés jusqu'à la fin du mois d'août.

La SNC SML établit avoir demandé par mail du 31 juillet 2015 à la médecine du travail un rendez-vous pour M. [EF] pour une reprise « AT » à partir du 26 août entre 7h et 11h30.

Malgré cette demande, M. [EF] n'a pas bénéficié de visite de reprise et la SNC SML n'a pas renouvelé la demande alors, pourtant, que le 15 septembre 2015, 10 salariés ont bénéficié d'une visite médicale dont 4 pour reprises après « AT ».

Compte tenu de la difficulté particulière du poste de travail occupé par M. [EF], nécessitant une surveillance renforcée, l'absence de visite médicale de reprise lui a causé un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.

Sur la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif :

Sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner à la SNC SML de remettre à M. [EF] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt.

Sur l'intervention de l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise :

L'article L. 2132-3 du code du travail stipule que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et qu'ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La violation par la SNC SML de ses obligations de prévention des faits de harcèlement moral et d'obligation de sécurité, a porté un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat.

Etant noté qu'il est établi que le syndicat s'est mobilisé pour dénoncer le harcèlement managérial, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de dire que le préjudice subi sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Ecarte des débats les pièces communiquées par M. [EF] n° 54 à 71 et 234 à 258,

Ecarte des débats les pièces communiquées par la SNC Sedifrais Montsoult Logistic n° 223 à 226,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 janvier 2013,

Ordonne le positionnement de M. [PV] [EF] au poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective au salaire de base de 2 581,89 euros pour 162,50 heures outre 788 euros de prime de productivité, sous astreinte, pendant 3 mois, de 300 euros par jour de retard passé un délai de deux mois après la notification du présent arrêt,

Dit que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte,

Condamne la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à M. [PV] [EF] les sommes suivantes :

. 50 000 euros à de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

. 20 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,

. 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

. 1 000 euros pour non-respect de la visite médicale de reprise après l'arrêt de travail pour accident du travail du 21 juin au 26 juillet 2015,

. 19 126,62 euros à titre de rappel de prime de productivité,

. 1 912,66 euros à titre de congés payés afférents,

. 928,64 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire de 10 jours notifiée le 14 janvier 2013,

. 92,86 euros au titre des congés payés afférents,

. 94,01 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées des mois de juillet, août et novembre 2013,

. 9,40 euros à titre de congés payés incidents,

. 35,03 euros à titre de rappel de salaire correspondant à une retenue injustifiée au mois de mai 2015 à titre de prétendues « heures de pause »,

. 3,50 euros à titre de congés payés afférents,

. 1 217,16 euros au titre de rappel de salaire des heures de nuit de janvier 2009 à août 2017,

. 121,71 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute M. [EF] de ses demandes de rappel de salaire et de prime de productivité formées au titre de l'absence de positionnement au poste de chef d'équipe malgré le jugement du 20 décembre 2016,

Déboute M. [EF] de sa demande de complément de prime annuelles,

Ordonne à la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de remettre à M. [EF] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,

Condamne la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à M. [EF] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la SNC Sedifrais Montsoult Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la SNC Sedifrais Montsoult Logistic de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SNC Sedifrais Montsoult Logistic aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00498
Date de la décision : 24/01/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°17/00498 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-24;17.00498 ?
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