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24/01/2018 | FRANCE | N°17/00353

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 24 janvier 2018, 17/00353


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES







Code nac : 83E



17e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 24 JANVIER 2018



R.G. N° 17/00353



AFFAIRE :



SNC SEDIFRAIS [Localité 9] LOGISTIC



C/



[Y] [Z] [S]



Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 février 2015 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire -d'ARGENTE

UIL

Section : commerce

N° RG : 13/00568









Copies exécutoires délivrées à :



SCP DERRIENNIC & ASSOCIES



AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI





Copies certifiées conformes délivrées à :



SNC SEDIFRAIS [Localité 9] LOGISTIC



[Y] [Z] [S]



Syndi...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JANVIER 2018

R.G. N° 17/00353

AFFAIRE :

SNC SEDIFRAIS [Localité 9] LOGISTIC

C/

[Y] [Z] [S]

Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 février 2015 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire -d'ARGENTEUIL

Section : commerce

N° RG : 13/00568

Copies exécutoires délivrées à :

SCP DERRIENNIC & ASSOCIES

AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI

Copies certifiées conformes délivrées à :

SNC SEDIFRAIS [Localité 9] LOGISTIC

[Y] [Z] [S]

Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SNC SEDIFRAIS [Localité 9] LOGISTIC

[Adresse 10]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0426

APPELANTE

****************

Monsieur [Y] [Z] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

Syndicat UNION LOCALE CGT DE CHATOU

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2185

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 10 novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU

Par jugement du 12 février 2015 le conseil de prud'hommes d'Argenteuil (section commerce) a :

- condamné la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [Z] [S] les sommes suivantes :

. 85,31 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre disciplinaire d'un jour,

. 1 580,36 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la majoration de 20% au titre des heures de nuit en denier ou quittance,

. 158,03 euros au titre des congés payés y afférents en denier ou quittance,

. 36 102,37 euros à titre de rappel de prime de productivité,

. 3 610,23 euros à titre des congés payés y afférents,

. 25 000 euros à titre de discrimination syndicale,

. 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic, prise en la personne de son représentant légal, de positionner M. [S] à des fonctions d'agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire, avec tous les effets de droit en découlant sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

- ordonné la délivrance d'un bulletin de paie récapitulatif conforme, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de la notification du jugement à intervenir,

- s'est réservé le droit de liquider les deux astreintes prononcées sur simple demande du salarié,

- condamné la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic, prise en la personne de son représentant légal, à payer au syndicat de l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise les sommes suivantes :

. 1 euro à titre de dommages et intérêts sur le fondement de L. 2132-3 du code du travail,

. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire sur les dispositions de l'article 515 du code de procédure civile nonobstant toute forme d'appel,

- débouté M. [S] de ses demandes plus amples ou contraire,

- dit que les créances de nature indemnitaire portent intérêt au taux légal à compter de la décision, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de 1154 du code civil,

- condamné la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic aux dépens et frais éventuels d'huissier en cas d'exécution forcée.

La SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic a interjeté appel par déclaration d'appel adressée au greffe le 18 février 2015.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 13 octobre 2016 pour défaut de diligences des parties et l'affaire a été réinscrite au rôle le 18 novembre 2016.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic (SML) demande à la cour de :

- in limine litis, débouter M. [S] de sa demande de rejet des conclusions n°2 et pièces qu'elle a communiquées le 17 octobre 2017,

au fond,

- infirmer dans l'intégralité de son dispositif le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 12 février 2015,

en conséquence, statuer à nouveau,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses chefs de demande,

- débouter l'Union Locale CGT de sa demande de dommages et intérêts et d'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] aux entiers dépens et à lui payer à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par leur conseil, M. [S] et l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise demandent à la cour de :

in limine litis,

- rejeter des débats les conclusions et pièces nouvelles communiquées le 17 octobre 2017 numérotées 122.1, 124, 124.1, 126, 158 à 183 sur le fondement de l'article 165 du code de procédure civile, ainsi que la pièce n°192 communiquée le 8 novembre 2017,

au fond,

- confirmer le jugement entrepris des chefs de rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre disciplinaire d'un jour, de rappel de salaire correspondant à la majoration de 20 % au titre des heures de nuit, de congés payés incidents, de rappel de prime de productivité d'octobre 2007 à septembre 2014, de congés payés incidents et par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic de le repositionner à des fonctions d'agents de maîtrise, niveau 5 de la convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire, avec tous les effets de droits en découlant,

et, y ajoutant,

- ordonner ce repositionnement au poste de chef d'équipe, poste qu'il occupe depuis le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

- dire que son repositionnement au poste de chef d'équipe a eu pour conséquence de porter le montant de la prime de productivité due à la somme de 788 euros,

en conséquence,

- condamner la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à lui payer les sommes de :

. 19 150,46 euros à titre de rappel de prime de productivité du 12 février 2015, date de notification du jugement rendu par le conseil de prud'hommes jusqu'au 31 août 2017,

. 1 915,04 euros au titre des congés payés incidents, sans préjudice du rappel de prime de productivité due postérieurement à cette date,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, sauf à porter le montant des dommages et intérêts de ce chef à la somme de 130 000 euros,

- infirmer le jugement entrepris des chefs de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

et statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à lui payer les sommes suivantes :

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

. 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic aux entiers dépens,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de « 1 500 euros » sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail, sauf à porter le montant des dommages et intérêts de ce chef à la somme de 15 000 euros,

- condamner la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise une somme complémentaire de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

SUR CE LA COUR,

SUR LA PROCÉDURE :

En application des dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile, le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

Le 30 janvier 2017, les parties ont été informées de la fixation de la date des plaidoiries au 8 mars 2018 et il a été demandé à l'appelant de conclure 4 mois avant la date de l'audience et à l'intimé 2 mois avant la date d'audience.

Le 28 février 2017, la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic (SML) a demandé que l'affaire soit examinée en audience collégiale.

Le 7 mars 2017, les parties ont été avisées du report de l'audience au 3 mai 2018.

Le 17 juin 2017, les parties ont été avisées du rapprochement de l'audience au 10 novembre 2017.

Les premières conclusions de la SML ayant entraîné la remise au rôle datent du 16 novembre 2016.

M. [S] y a répondu le 14 septembre 2017 en communiquant ses pièces le même jour.

La SML a répliqué le 18 octobre 2017 et communiqué de nouvelles pièces.

M. [S] a répondu le 26 octobre 2017 en produisant de nouvelles pièces.

La SML a conclu le 2 novembre 2017 et communiqué 8 nouvelles pièces.

Dès lors que M. [S], qui était en possession des conclusions de l'appelante depuis le mois de novembre 2016, a conclu en communiquant ses pièces le 14 septembre 2017, moins de 2 mois avant l'audience, la communication par la SML de ses conclusions en réplique accompagnées de nouvelles pièces le 18 octobre 2017 moins d'1 mois avant l'audience ne portait pas atteinte au droit à un débat contradictoire.

M. [S] sera donc débouté de sa demande de rejet des conclusions et pièces communiquées le 17 octobre 2017.

M. [S] ne sollicite pas le rejet des pièces produites le 2 novembre 2017, n° 184 à 191.

La pièce n°192 communiquée par la SML le 8 novembre 2017 est constituée de 38 attestations de salariés rédigées au mois de juillet 2013.

La communication tardive de ces pièces anciennes ne repose sur aucun motif légitime et ne permet pas un débat contradictoire.

Cette pièce n° 192 sera donc écartée des débats.

AU FOND :

M. [Z] [S] a été engagé par la société Distri 2000, en qualité de manutentionnaire cariste, coefficient 115 M, groupe 3, par contrat à durée indéterminée du 1er juillet 1992 à effet au 15 juin 1992.

A partir du 1er juin 2008, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, son contrat de travail a été repris par la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic (ci-après dénommée « SML »).

M. [S] exerce depuis de nombreuses années divers mandats syndicaux CGT au sein de la société, en dernier lieu comme délégué syndical et délégué du personnel. Il est également conseiller du collège salarié à la section des activités diverses du conseil de prud'hommes de Montmorency.

Par requête du 22 octobre 2012, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency de diverses demandes de rappel de primes.

Le conseil de prud'hommes de Montmorency en application de l'article 47 du code de procédure civile, s'est dessaisi de l'affaire au profit du conseil de prud'hommes d'Argenteuil.

La SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic, dirigée par les sociétés Leader Price Holding et Franprix Holding, exploite un entrepôt de produits frais, initialement situé à [Localité 9] et qui a déménagé sur le site de l'Aéropark de [Localité 8] au mois de juillet 2011.

Elle gère des prestations de stockage et de logistique pour la préparation des produits frais à destination de 600 magasins portant l'enseigne Franprix, localisés en région parisienne et au nord de Paris.

Avant sa reprise par la SML, l'entrepôt était organisé en trois services dits opérationnels : la réception, la préparation et le transport. Il fonctionnait avec un directeur d'exploitation, un responsable d'exploitation par service, deux adjoints à la préparation et un adjoint au transport pour un effectif de 150 manutentionnaires.

A partir d'octobre 2009, la SML a créé des postes de chefs d'équipe pourvus par promotion interne.

Au moment de la saisine du conseil de prud'hommes, M. [S] travaillait depuis plusieurs années en qualité de cariste au sein du service réception. Ce service était composé de 32 salariés répartis comme suit : un responsable de service, M. [U], promu à ce poste le 1er septembre 2010, 3 chefs d'équipe, 2 agents administratifs, 9 réceptionnaires, 10 caristes et 7 renforts ponctuels.

Sur la discrimination syndicale :

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable depuis le 28 février 2017, prévoit : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. ».

L'article L. 2141-5 dispose qu'« Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail. ».

En application de l'article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [S] soutient qu'au sein de la SML seuls les salariés élus, syndiqués ou sympathisants du syndicat FO et en tout cas ceux proches du responsable peuvent espérer connaître un déroulement de carrière, une sécurité et une « tranquillité d'esprit ». Il affirme qu'au contraire les élus, syndiqués et sympathisants CGT ne connaissent aucune progression de carrière.

Il fait valoir qu'engagé en juin 1992 en qualité de cariste, plus de 22 ans après son embauche il était toujours cariste niveau 2B de la convention collective avec une rémunération de base pour 35 heures de 1 876,17 euros.

La SML conteste toute préférence syndicale et réplique que depuis 2011 les promotions aux postes de chef d'équipe passent par un appel à candidature, que tous les candidats promus à partir de cette date ont fait acte de candidature et que M. [S] ne s'est jamais porté candidat.

Il n'est pas discuté que depuis la reprise de son contrat de travail par la SML en 2008, et avant son repositionnement ordonné par le conseil de prud'hommes le 12 févier 2015, M. [S] a bénéficié seulement d'une formation le 2 juillet 2009 de manipulation des extincteurs et RIA et les 15 et 16 novembre 2012 d'une formation de CACES 5.

M. [S] verse aux débats le courrier que lui a adressé l'inspecteur du travail le 23 avril 2014, à la suite de sa réclamation au titre de la discrimination syndicale, qui l'informe, après avoir examiné leurs dossiers, que 5 salariés engagés à des dates proches de son embauche, à une classification identique ou voisine connaissent une évolution de carrière plus favorable et/ou perçoivent à un même niveau de classification un salaire de base mensuel supérieur, sans avoir bénéficié de formation qualifiante.

L'inspecteur du travail conclut en indiquant que sur les 28 dossiers examinés 15 salariés sont chefs de service classés agent de maîtrise et que sur ces 15 chefs de service 11 sont adhérents à FO, soit 73,33% et précise qu'il a établi un procès-verbal transmis au parquet.

La SML communique un tableau récapitulant l'évolution de carrière, arrêtée en avril 2014, des salariés embauchés en 1991 et 1992, comprenant 3 des 5 salariés évoqués par l'inspecteur du travail.

De l'examen de ce panel de 22 salariés, il résulte que 3 caristes ont été embauchés sur cette période M. [F], engagé le 23 juillet 1992, en 2014 était chef d'équipe, M [M] engagé le 9 décembre 2011 était contrôleur d'allée. M. [S] engagé le 15 juin 1992 était toujours cariste.

Sur les 22 salariés, M. [S] était en 2014 le seul salarié à n'avoir bénéficié d'aucune évolution de carrière. Notamment, M. [D] engagé comme manutentionnaire le 9 décembre 1991 était contrôleur cariste et M. [G] engagé le 13 décembre 1993 comme manutentionnaire était adjoint préparation. Aussi, M. [B] [W] et Mme [LU] engagés le 9 octobre 1991 et le 16 décembre 1991 comme manutentionnaires étaient chefs d'équipe. Ainsi, 4 salariés engagés à un niveau inférieur au sien ont été promus.

M. [S], en se fondant notamment sur une attestation de M. [F], élu FO jusqu'en 2015 ayant ensuite créé une section Sud Solidaire, et sur le tableau produit par la SML en première instance et modifié ensuite, établit que sur les 21 agents de maîtrise niveau 5, 13 étaient des élus, adhérents ou sympathisants FO alors qu'une seule salariée CGT en faisait partie, Mme [LU] élue CGT depuis 2006.

Au vu de la sur-représentation des adhérents et sympathisants FO, la seule circonstance que Mme [LU] ait été désignée chef d'équipe le 1er septembre 2012, n'empêche pas que l'absence totale d'évolution de carrière de M. [S] pendant 22 ans et le peu de formation, dont il a bénéficié, laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Il incombe donc à la SML de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SML indique que jusqu'en 2009 l'organisation de l'entrepôt laissait peu de place à la promotion interne, et qu'elle laisse encore peu de possibilité puisque les postes d'agent de maîtrise représente actuellement 9% des effectifs, soit 20 postes sur 220 salariés, postes principalement ouverts en 2012. Pour l'essentiel, elle justifie l'absence d'évolution de carrière du salarié par le fait qu'il n'a pas fait acte de candidature au poste de chef d'équipe.

Elle explique que les 4 premiers chefs d'équipe ont été nommés en 2009 au sein de l'équipe de préparation des marchandises, « centre névralgique de l'entrepôt » et qu'ont été désignés 4 préparateurs commandes « motivés, présentant les aptitudes requises, qui avaient fait connaître leur souhait d'évolution ».

Elle admet n'avoir mis en place un « processus plus formel de promotion interne » qu'à partir de 2011 et 2012 consistant en un affichage d'appel à candidature, une sélection des lettres de motivation et CV et la réalisation d'entretiens.

M. [S], qui conteste l'existence d'une procédure de candidature, affirme que la SNC SML ne peut lui opposer de ne pas s'être porté candidat et qu'au demeurant elle ne lui a jamais proposé d'évolution de poste.

La SNC SML produit de nombreuses candidatures, accompagnées de CV, à divers postes d'agent de maîtrise, de chefs d'équipe préparateur de commandes, datées du mois de mai 2011. Notamment, la candidature de M. [R] du 31 mai 2011 à un poste de chef d'équipe préparateur de commande et son CV et les candidatures de M. Paris du 9 mai 2011, de M. [W] du 15 mai 2011, de Mme [LU] du 15 mai 2011, de M. [F] des 8 et 10 mai 2011 et de M. [N] du 16 mai 2011.

Certaines candidatures sont manuscrites et d'autres dactylographiées. Elles sont porteuses d'une mention manuscrite indiquant un jour et une heure dont il peut se déduire qu'il s'agit du jour et de l'heure fixés pour un entretien. Dans la sienne, M. [X] fait état d'une annonce en date du 5 mai 2011.

La société communique aussi trois « notes d'information à l'ensemble des salariés » les informant de recrutement à certains postes. Datées du 16 avril 2012, elles concernent l'une un poste d'agréeur-fruits et légumes, l'autre un poste de cariste agréeur à l'entrepôt de [Localité 8] et la troisième un poste de chef d'équipe à l'entrepôt de [Localité 8] et demandent un dépôt de candidature (CV+ lettre de motivation) au plus tard le 30 avril 2012.

La circonstance que l'inspecteur du travail dans son courrier du 23 avril 2014, adressé au seul M. [S], ait indiqué que dans les dossiers des salariés qu'il avait consultés et qui avaient été promus il n'avait trouvé aucune candidature ne suffit pas à établir que les candidatures produites par l'employeur soient des faux.

Cependant, sur le panel de 21 salariés embauchés à la même période que M. [S] et qui ont bénéficié de promotion, la SNC SML communique seulement les candidatures de M. [L] [P] du 9 mai 2011, de M. [I] [F] (FO) du 10 mai 2011, de Mme [LU] (CGT) du 15 mai 2011 et M. [H] du 16 mai 2011.

En outre, M. [G] a été promu adjoint préparation le 1er janvier 2006 et M [B] [W] (FO) désigné chef d'équipe le 1er mai 2010 sans que la SNC SML démontre qu'ils avaient fait acte de candidature.

La SNC SML ne démontre donc pas que le dépôt préalable d'une candidature s'imposait pour obtenir une promotion.

Elle ne démontre pas davantage pour quelles raisons objectives les élus, adhérents et sympathisants FO occupent 61,90 % des postes d'agent de maîtrise alors que les élus, adhérents et sympathisants CGT n'en occupe que 4,76 %.

La SNC SML ne justifiant pas par des raisons objectives étrangères à toute discrimination l'absence totale d'évolution de carrière de M. [S] pendant plus de 22 ans, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit établie la discrimination syndicale.

Sur les dommages et intérêts pour discrimination syndicale :

M. [S] se prévaut de ce que, lors de la saisine du conseil de prud'hommes, les chefs d'équipe gagnaient en moyenne 533,99 euros par mois de plus que lui et de ce que certains chefs d'équipe percevaient en plus une prime de productivité de 788 euros par mois. Il ajoute que même après le jugement du conseil de prud'hommes il a continué de percevoir la prime de productivité versée aux caristes et non celle revenant aux chefs d'équipe.

La SNC SML oppose au salarié que les premiers recrutements de chef d'équipe sont intervenus en 2012 et que seuls les 4 chefs de service nommés en 2009, qui avaient un périmètre de responsabilité beaucoup plus important que celui actuellement dévolu aux chefs d'équipe et se trouvaient privés de la prime de productivité qu'ils percevaient en qualité de préparateur, ont bénéficié contractuellement de l'attribution d'une prime de productivité de 788 euros par mois.

M. [S] est fondé à comparer sa rémunération à celles de M. [F] et M. [M] engagés tous les deux en qualité de caristes groupe 3 à la même époque que lui, promus chef d'équipe et qui gagnaient au moment de la saisine du conseil de prud'hommes en moyenne 533,99 euros par mois de plus que lui.

Cependant, M. [S] n'a pas souffert, comme cela apparaît dans son calcul, d'une différence de salaire de 533,99 euros pendant 15 ans, mais il est aussi évident que les premières nominations aux postes de chef d'équipe sont intervenues en 2009 et non en 2012 comme le soutient l'employeur.

En ce qui concerne la prime de productivité, le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il appartient d'abord au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une différence de traitement et il appartient ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence et dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

La SNC SML, qui ne discute pas que tous les chefs d'équipe ne perçoivent pas la prime de productivité, ne communique aucun élément justifiant cette différence. M. [S] est donc bien fondé à en demander la prise en compte.

Il est également bien fondé à soutenir que la discrimination syndicale subie pendant de nombreuses années lui a causé un préjudice moral qui doit être réparé.

Au vu de ces éléments, il convient, infirmant le jugement, de lui allouer de ce chef la somme de 40 000 euros

Sur le repositionnement de M. [S] :

M. [S] sollicite son repositionnement au poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 de la convention collective.

La SNC SML lui oppose que la cour n'a le pouvoir que d'ordonner un positionnement catégoriel et non à un poste défini comme celui de chef d'équipe.

La réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.

M. [S] doit donc être repositionné à la classification à laquelle il serait parvenu s'il avait bénéficié d'un déroulement normal de carrière.

Dès lors que la SNC SML ne communique aucun élément sur les postes d'agent de maîtrise susceptibles d'être proposés à M. [S], qu'il résulte de sa propre liste de postes d'agent de maîtrise qu'il s'agit pour l'essentiel de postes de chef d'équipe, postes qui bénéficient d'attribution de prime particulière et que la discrimination syndicale est fondée sur la comparaison de la situation du salarié avec celle de ses collègues embauchés à la même époque que lui et promus chef d'équipe, la réparation du préjudice nécessite qu'il soit repositionné à un poste de chef d'équipe, catégorie agent de maîtrise, il convient, infirmant le jugement d'ordonner à la SNC SML de positionner M. [S] au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau 5.

Sur le rappel de prime de productivité à la suite de son repositionnement au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise niveau 5 :

En exécution du jugement du 12 février 2015, M. [S] a été repositionné au poste de chef d'équipe, statut agent de maîtrise, niveau 5 avec une rémunération de base de 2 537,90 euros.

Comme ses collègues, il a bénéficié d'une revalorisation de sa rémunération au montant de 2 581,89 euros.

Sans être démenti, il affirme qu'il a été privé de l'indemnité de productivité versée à d'autres chefs d'équipe mais a continué à percevoir la prime de productivité de cariste.

Sous le bénéfice des explications figurant dans les développements relatifs aux dommages et intérêts pour discrimination syndicale, il convient de faire droit à la demande de M. [S] dont les calculs prennent en compte la prime de productivité de cariste indûment versée.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».

En application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [S] expose que, comme ses collègues caristes, il travaillait depuis plusieurs années au sein du service réception et qu'en août 2010, M. [U], manutentionnaire depuis seulement 6 mois au sein de la SNC SML a été promu responsable du service réception.

Il affirme que dès sa nomination M. [U] a fait preuve d'un manque total de respect à son égard, le surveillant et lui imposant des différences de traitement injustifiées. Il ajoute que, de façon générale, M. [U] a imposé à l'équipe des caristes un management par la peur se traduisant par une surveillance accrue, des réflexions désobligeantes, des pressions injustifiées et des différences de traitement entre les 10 caristes fixes et les 7 renforts ponctuels de caristes.

La SNC SML réplique que lors de sa prise de fonction M. [U] a constaté les abus de certains salariés qui prenaient très souvent des pauses informelles pour se réchauffer, qu'il en a informé le directeur qui lui a demandé d'encadrer ces pauses et que les salariés concernés, tous anciens dans la société, n'ont pas accepté qu'un jeune responsable âgé de 29 ans les remettent en cause.

Elle affirme que saisie d'une plainte des salariés du 16 décembre 2010 elle a pris les mesures, notamment d'enquête, nécessaires et que M. [S] n'établit aucun fait dont il aurait été personnellement victime.

Il n'est pas discuté que le salarié, comme ses collègues caristes du service de réception, travaillait de 3 heures du matin à 10h30, dans un entrepôt froid où règne une température de 4 degrés. Théoriquement, ces salariés ont droit seulement à une pause de 7h à 7h30, mais en réalité ils prennent d'autres temps de pause notamment pour se réchauffer.

Par courrier du 16 décembre 2010, 10 caristes du service réception se sont plaints de harcèlement moral.

Une enquête a été initiée par la direction, confiée à la responsable des ressources humaines, Mme [AB].

Les trois salariés auditionnés en janvier 2011 se sont plaints de ce que certains salariés vont dormir dans le bureau du CE alors que d'autres n'ont pas même le droit de prendre un café sans autorisation. Ils ont fait état d'une situation d'injustice et de stress liée à une surveillance excessive.

Le 15 juin 2011, M. [H] et M. [T] membres du CHSCT ont sollicité la tenue d'une réunion extraordinaire de CHSCT avec pour ordre du jour « vote pour la nomination d'un expert en sécurité et des conditions de travail ». L'employeur a alors lancé un appel d'offre en direction de cabinet non agréés.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 juin 2011, les membres du CHSCT ont été contraints de mettre la société en demeure de procéder à une réunion extraordinaire concernant les désignations d'experts en sécurité et en harcèlement moral. Au mois de juillet 2011, la SNC SML a lancé un appel d'offre en direction des cabinets d'expertise agréés et ce n'est que le 24 octobre 2011 soit quatre mois après la première demande, que la réunion ayant pour ordre du jour « désignation d'un organisme expert CHSCT agréé chargé de l'enquête sur le service de la réception » a été organisée et que l'AEPACT a été choisie pour se voir finalement confier la mission d'expertise au mois de décembre 2011.

L'AEPACT a remis le 13 mars 2012 un rapport de 45 pages.

Réalisé par un cabinet spécialisé dans l'amélioration des conditions de travail, dont les experts se sont rendus à trois reprises dans les locaux de l'entreprise et qui ont auditionné un nombre significatif de salariés, 6 sur 25, ce rapport est digne de foi.

Il conclut comme suit :

« Ainsi, si les faits reprochés peuvent s'apparenter à du harcèlement nous préférons parler de pression et de violence interne exercées de façon répétée portant atteinte à la dignité des personnes sachant que la violence est aussi présente dans l'environnement de travail. Elle s'applique probablement à d'autres équipes mais le travail de nuit est particulièrement générateur de tension. ».

Ces conclusions s'appuient notamment sur les auditions de 6 salariés déclarant qu'avant l'arrivée de M. [U] quand il avaient froid ils allaient se réchauffer et que cela a changé du jour au lendemain. Ainsi ils indiquent que lorsqu'ils se réchauffent leur chef leur demande ce qu'ils font là, sur un ton désagréable. Ils se plaignent également d'un manque de considération qui se traduit par des contrôles, des restrictions de leur marge de manoeuvre, des modifications des dates de vacances. Ils font état aussi de différences de traitement certains pouvant prendre des pauses dans le bureau sans subir de remarques, ou dormant dans le bureau alors qu'eux-mêmes sont soumis à une autorisation préalable. Ils relatent des comportements méprisants « j'estime qu'il y a du respect à mettre dans l'entreprise », « on n'a pas de considération. On n'est pas des chiens », « on se fait insulter », « j'ai l'impression qu'on gêne parce qu'on est trop ancien ».

L'expert décrit un sentiment de peur chez les salariés. Ce sentiment est en lien avec l'appréhension du risque physique de la conduite dans l'entrepôt, mais aussi avec la crainte d'un accident du travail lié à la pression managériale et au stress, et avec le risque d'une violence physique produit d'un antagonisme entre personnes et groupes, des affrontements ayant déjà eu lieu.

Il évoque un comportement hostile du responsable qui a eu un effet délétère sur l'ambiance de travail mais aussi sur la santé psychologique des salariés et est générateur de stress.

Les conclusions de ce rapport sont confortées par les attestations versées au débat par le salarié. M. [V], cariste, atteste avoir été signataire de la plainte contre M. [U] qu'il a retirée pour éviter des ennuis de la part de la direction et indique que lorsque ses collègues prennent une pause M. [U] est derrière eux alors que « ces petits copains qui étaient dans le bureau il leur disait rien ».

M. [C], cariste, confirme que le chef de service autorise des salariés de son service à prendre des pauses et à rester au chaud pendant qu'il surveille les caristes titulaires. Il précise que lors de la dernière réunion avec la direction le service réception a été très critiqué et que les délégués CGT ont été visés pour leur actions syndicales. MM. [E], [J] et [HL], caristes, témoignent également de ce que certains prenaient des pauses sans problème dans le bureau alors que les autres étaient étroitement surveillés lors de leur pause.

Un mode de management pouvant être constitutif d'un harcèlement moral, quand bien même aucun élément versé au débat ne concerne personnellement M. [S], dans la mesure où il appartenait au groupe visé par les faits décrits, il établit l'existence d'agissements qui pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La SNC SML soutient que M. [U] a toujours eu un très bon comportement et a fait un bon usage de son pouvoir d'organisation. Elle produit 4 attestations de salarié, un agent administratif, un agent de quai, un chef d'équipe et un agent de maîtrise qui le décrivent comme ayant un bon comportement et étant respectueux.

Elle se prévaut aussi de l'accord de méthode du 1er décembre 2011 concernant la mise en place d'une démarche de prévention de la pénibilité au travail et du plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité au travail adopté le 28 septembre 2012.

Outre que ce plan est postérieur à l'expertise réalisée par l'APEACT, il ne peut qu'être constaté qu'il ne comporte aucune disposition relative au mode de management.

Finalement la SNC SML n'apporte pas la preuve qui lui incombe. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit établi le harcèlement moral.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

La dégradation de ses conditions de travail subies par M. [S], alors qu'il était déjà soumis aux contraintes d'un travail de nuit exposé au froid, lui a causé un préjudice moral, distinct de celui réparé au titre de la discrimination syndicale reposant sur des faits différents. Il convient, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention des faits de harcèlement moral et de son obligation de sécurité :

L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité quand une situation de harcèlement s'est produite dans l'entreprise à deux conditions qu'il ait fait cesser immédiatement les agissements et qu'il ait préalablement mis en oeuvre des actions de formation et d'information propres à prévenir leur survenance.

La SNC SML saisie d'une plainte de 10 salariés le 16 décembre 2010, a d'abord diligenté en janvier 2011 une enquête interne qui n'a consisté qu'en l'audition de 3 salariés lesquels se sont plaints de ce que la confidentialité des entretiens n'avait pas été respectée, malgré les diverses sollicitations de membres du CHSCT elle n'a mis la demande d'expertise à l'ordre du jour du comité qu'au mois de juillet 2011, lequel comité n'a désigné un expert qu'en décembre 2011 qui a rendu son rapport au mois de mars 2012.

De décembre 2010 à octobre 2012, date de la saisine du conseil de prud'hommes, la SNC SML n'a pris aucune mesure visant à faire cesser le harcèlement alors que dès le 16 décembre 2010 M. [U] était désigné comme étant le responsable de la situation.

La SNC SML n'a pas davantage mis en place des actions de formation et d'information propres à prévenir la survenance d'un harcèlement moral.

Le manque de diligence de l'employeur a causé au salarié un préjudice distinct de celui résultant du harcèlement moral.

Il convient, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer en réparation du préjudice subi la somme de 2 000 euros.

Sur la mise à pied disciplinaire du 5 décembre 2012 :

Par courrier du 5 décembre 2012, la SNC SML a notifié à M. [S] une mise à pied disciplinaire d'une journée fixée le 27 décembre 2012 pour avoir, le mardi 9 octobre 2012 vers 9h30, dans la salle de pause, été assis à une table en train de boire un café en discutant avec ses collègues et alors que le directeur lui disait que les quais de réception n'étaient pas finis d'être débarrassés et qu'il devait reprendre son poste de cariste, lui avoir répondu de façon moqueuse « non je travaille je suis en salle de pause » en ajoutant qu'il n'avait pas de chariot élévateur à sa disposition. Il lui est également reproché alors qu'un chariot élévateur était mis à sa disposition d'être sorti sur la zone fumeur pour allumer une cigarette, d'avoir passé un coup de téléphone et de ne pas avoir repris son travail.

M. [S] conteste la réalité des faits.

M. [O], directeur, atteste que le 9 octobre 2012 à son arrivée à l'entrepôt il constaté qu'il y avait beaucoup de palette sur les quais, qu'il s'est rendu à la salle de pause prendre son café vers 9h30 et a vu que M. [S] était assis avec d'autres collègues, qu'il lui a fait remarquer que son temps de pause était dépassé et qu'il devait aller aider ses collègues, que M. [S] lui a répondu « non M. Le directeur je suis entrain de travailler, je suis en salle de pause », puis « je n'ai pas de chariot », qu'il a donc demandé à un chef d'équipe de lui fournir un chariot et que quand cela a été fait M. [S] n'a pas repris son travail et « est sorti fumer une cigarette dans la dalle fumeur ».

M. [F], chef d'équipe, confirme, par attestation du 10 octobre 2012, qu'à la demande du directeur M. [S] a répondu « non je ne travaille pas » , qu'il lui a fourni le matériel nécessaire mais que M. [S] n'est pas retourné à son poste et a quitté son service à 10h30 sans avoir repris son travail.

Ces attestations, régulières en la forme, quand bien même M. [O] est directeur et M. [F] chef d'équipe, sont suffisamment précises et concordantes pour établir la réalité des faits reprochés.

Cette insubordination caractérisée manifestée devant des collègues de travail justifiait la sanction prononcée.

Il convient, infirmant le jugement, de débouter M. [S] de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire et de rappel de salaire afférente.

Sur la majoration des heures de nuit :

La SNC SML sollicite l'infirmation du jugement en qu'il a accordé à M. [S] un rappel de prime de nuit d'un montant de 1 580,36 euros.

Elle affirme que dans le cadre du contentieux, afin de favoriser un bon climat social, elle a accepté d'accorder la même contrepartie financière sur les heures de nuit non travaillées mais assimilées par le code du travail à du temps de travail effectif et que depuis octobre 2013 le logiciel de paie a été modifié pour prendre en compte cette majoration de façon automatique.

Elle soutient que M. [S] comme ses collègues a perçu en juin 2014 le règlement des rappels sollicités.

Sur le bulletin de paie de juin 2014 de M. [S] figure effectivement une régularisation d'heures de nuit 2012/2013, mais seulement pour un montant de 189,61 euros.

Au décompte mensuel précis de ses jours d'absences assimilés à du travail effectif ouvrant droit à une majoration des heures de nuit dressé par le salarié, la SNC SML n'oppose aucun élément contraire.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de M. [S] de ce chef en denier ou quittance.

Sur le complément de prime de productivité et les congés payés afférents :

Lorsque l'employeur verse une rémunération variable subordonnée à la réalisation d'objectifs, les salariés doivent pouvoir vérifier que le calcul de leur rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues. Il incombe à l'employeur de communiquer l'ensemble des éléments permettant de comprendre les modalités de calcul et de les vérifier.

M. [S] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé la somme de 36 102,37 euros outre les congés payés afférents, à titre de complément de prime de productivité pour la période du d'octobre 2007 à septembre 2014.

Les parties sont en désaccord sur l'existence de modalités de calcul de la prime de productivité.

La SNC SML verse aux débats un protocole d'accord sur la rémunération des caristes de la réception daté du 17 septembre 1998. Il se présente en une feuille dactylographiée recto-verso. Seule la première page est signée du directeur M. [A] et du délégué syndical M. [F]. La seconde page est vierge de tout paraphe et signature.

La page 1 porte modification de la grille de productivité de façon à ce que la tranche moyenne soit augmentée de 200 francs et fixe une nouvelle grille qui définit le montant mensuel de la prime en fonction du nombre de colis traités par heure. Le tableau s'échelonne de 850 colis par heure à 1300 colis par heure et prévoit une augmentation de la prime tous les 25 colis.

La page 2 comporte un paragraphe « Prime de réception », un paragraphe « mode de calcul » et un paragraphe « mode d'attribution ».

Le protocole d'accord du 27 novembre 2002, dont la page 1 est paraphée et la page 2 signée par le directeur et les 4 représentants syndicaux dont M. [S], prévoit notamment l'augmentation de la prime de productivité du service de la réception. Il stipule que la grille du service de la réception sera augmentée de 40% depuis l'intervalle de colis « 1 300 à 1 324 » qui correspond aujourd'hui à 1036 francs et correspondra donc à compter du mois de décembre 2002 à 1450,40 francs jusqu'à l'intervalle de colis « 1 900 à 1 924 » qui correspondra donc à 3 028,20 francs .

Un accord d'entreprise de négociation obligatoire ( NAO) 2013 a été signé le 10 avril 2013 par M. [K], directeur de l'entrepôt, et trois représentants syndicaux dont M. [S]. Il met en place une nouvelle organisation du travail et l'extension de l'attribution de la prime de productivité dite « hors préparation ». Il prévoit pour le personnel du service de réception : « A compter du 1er avril 2013, les salariés bénéficiaires de la prime de productivité dite instaurée par l'accord collectif signé le 17 septembre 1998 actuellement en vigueur, bénéficieront de la prime de productivité dite selon les dispositions de l'accord collectif en date du 27 novembre 2002. Il est entendu que cette prime de productivité dite remplace intégralement la prime de productivité dite . Les deux primes ne pourront pas être cumulées ». Il précise que cet accord est conclu pour une année et s'applique du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013.

La SNC SML se prévaut pour le calcul de la prime de productivité des modalités figurant en page 2 du protocole du 17 septembre 1998 alors que le salarié soutient que ce protocole ne comporte qu'une seule page signée et ne contient donc aucune formule de calcul ni clause de réduction de primes en cas d'absences justifiées. Il affirme que cet accord qui indique expressément qu'il modifie une grille précédente succédait à un autre qui lui devait comporter les modalités de calcul et d'éventuelle réduction.

M. [F], signataire de l'accord, a attesté le 16 avril 2014 que le protocole comprenait 2 pages. Cependant, par attestation tout aussi régulière il a témoigné le 20 janvier 2015 que lors qu'il a signé l'accord sur la prime de productivité (dite réception) il n'y avait qu'une page et non deux et qu'il n'y avait pas de clause sur les absences précisant qu'il avait attesté pour la SNC SML sous la pression de la direction. Enfin, le 30 janvier 2015, à nouveau dans le respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, il a relaté que sa première attestation avait été faite sans pression de la direction mais que celle du 20 janvier 2015 lui avait été demandée et dictée par M. [AB] qui lui avait assuré qu'elle ne serait pas transmise. Il a précisé qu'il était alors malade très éprouvé par son opération du 16 janvier 2015 et affirmé que la seule valable est celle établie de son propre gré pour la société.

Le changement de version de M. [F] à quelques jours d'intervalle ne permet pas de retenir son témoignage comme étant probant.

Dès lors que la page 2 litigieuse, papier libre sur lequel ne figure ni le nom de l'entreprise ni son adresse, ne comporte ni pagination ni signature ni paraphe, il convient de dire qu'elle ne fait pas partie du protocole du 17 septembre 1998.

La SNC SML ne peut donc se prévaloir des modalités de calcul figurant sur cette page qui prévoit une moyenne hebdomadaire obtenue en divisant la somme hebdomadaire des colis reçus par la somme hebdomadaire des heures payées et une moyenne mensuelle obtenue par la somme des moyennes hebdomadaires incluses dans la période de paie divisé par le nombre de semaines constituant celle-ci .

Finalement, les seuls éléments de fixation de la prime de productivité certains sont la grille de l'accord du 17 septembre 1998, l'augmentation de 40% de cette grille à partir de l'intervalle 1300 à 1324 colis par heure de l'accord du 22 novembre 2002 et la NAO de 2013 qui remplace à partir du 1er avril 2013 la prime de productivité « réception » par la prime de productivité « hors préparation ».

Le rapport d'expertise effectué à la demande de la société et déposé le 28 novembre 2014 par le cabinet Abergel &Associés qui repose sur les modalités de calcul de la page litigieuse, outre qu'il n'a pas été contradictoirement établi, est donc dépourvu d'intérêt.

M. [S] chiffre sa demande en s'octroyant sur la période d'octobre 2007 à septembre 2014 une prime de 646,44 euros par mois, correspondant à 2 300 colis par heure.

La SNC SML est bien fondée à soutenir que cette prime ayant été supprimée par la NAO du 10 avril 2013, le salarié ne peut y prétendre au delà du mois de mars 2013.

En revanche, contrairement à ce qu'elle soutient, l'accord du 22 novembre 2002 a plafonné la grille à la tranche 1900/1924, et non 1875/1899, d'un montant de 578,82 euros.

La seule courbe élaborée par le cabinet Abergel & Associés traçant l'évolution « du nombre de colis médian correspondant à 100% de la prime du mois » qui ne correspond qu'à l'évolution de la prime de productivité accordée par l'employeur est sans intérêt pour le débat dès lors que c'est le montant même de cette prime qui est discuté.

En l'absence de tout élément fiable produit par l'employeur sur le nombre de colis par heure traités, l'argument selon lequel il est peu courant d'atteindre le rythme de 1300 colis par heure n'étant pas pertinent puisque M. [S] a obtenu une prime supérieure à celle de 221,12 euros, correspondant à 1300 colis par heure, d'octobre 2007 à octobre 2009, de janvier à mai 2010 et de mars à juillet 2011, il lui sera accordé un complément de prime de productivité calculé sur le maximum prévu de 578,82 euros.

Il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, d'allouer à M. [S], sur la période d'octobre 2007 à mars 2013, après déduction des sommes perçues, la somme de 22 677,69 euros outre les congés payés afférents.

Sur la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif :

Sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner à la SNC SML de remettre à M. [S] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt.

Sur l'intervention de l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise :

L'article L. 2132-3 du code du travail stipule que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et qu'ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

La violation par la SNC SML de ses obligations de prévention des faits de harcèlement moral et d'obligation de sécurité, a porté un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat.

Etant noté qu'il est établi que le syndicat s'est mobilisé pour dénoncer le harcèlement managérial, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de dire que le préjudice subi sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Ecarte des débats la pièce n° 192 communiquée par la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Ordonne à la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic de positionner M. [S] au poste de chef d'équipe, agent de maîtrise, niveau 5,

Condamne la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à M. [Z] [S] les sommes suivantes :

. 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

. 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité de résultat,

. 19 150,46 euros à titre de rappel de prime de productivité pour la période du 12 février 2015 au 31 août 2017, outre les1 915,04 euros à titre de congés payés afférents,

. 22 677,69 euros à titre de complément de prime de productivité pour la période d'octobre 2007 à mars 2013, outre les 2 267,76 euros à titre de congés payés afférents,

Déboute M. [S] de sa demande d'annulation de la mise à pied notifiée le 5 décembre 2012 et de rappel de salaire afférente,

Ordonne à la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic de remettre à M. [S] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,

Condamne la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic à payer à l'Union Locale CGT de l'Est du Val d'Oise la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SNC Sedifrais [Localité 9] Logistic aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00353
Date de la décision : 24/01/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°17/00353 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-24;17.00353 ?
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