COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRÊT N° 00025
CONTRADICTOIRE
DU 23 JANVIER 2018
R.G. N° 15/02127
AFFAIRE :
[Z] [G]
C/
Association AVICENNE LIMAY
Sur le contredit formé à l'encontre d'un jugement rendu le 27 avril 2015 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de MANTES LA JOLIE
Section : Activités diverses
N° RG : 14/00122
Copies exécutoires délivrées le 23 janvier 2018 à :
- Me David METIN
- SELARL DELSOL AVOCATS
Copies certifiées conformes délivrées le 25 janvier 2018 à :
- M.[Z] [G]
- L'Association AVICENNE LIMAY
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 16 janvier 2018 puis prorogé au 23 janvier 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [Z] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Comparant en personne, assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159
DEMANDEUR AU CONTREDIT
****************
L'Association AVICENNE LIMAY
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PACOTTE de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Raphëlle LEROY, avocate au barreau de Paris, vestiaire : P0513
DÉFENDEUR AU CONTREDIT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en audience publique le 17 octobre 2017, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [G] a exercé les fonctions d'imam du Centre Islamique de la Fraternité à [Localité 2], géré par l'association Avicenne Limay, de juillet 2011 à juin 2013, sans établissement d'un contrat écrit.
Contestant la rupture de la relation contractuelle, il a saisi le 19 juin 2013 le conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie, lequel par jugement du 27 avril 2015 s'est déclaré incompétent, estimant que la preuve de l'existence d'un contrat de travail n'était pas rapportée.
Statuant sur contredit de M. [G], la cour d'appel de Versailles, par arrêt du 24 mai 2016, a infirmé le jugement, estimant le conseil compétent du fait de l'existence d'un lien de subordination, évoquant le litige au fond et renvoyant l'affaire au 10 janvier 2017 puis au 17 octobre 2017 pour conclusions des parties.
Selon des conclusions écrites et oralement soutenues à l'audience du 17 octobre 2017, et auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit:
M. [G] conclut à l'existence d'un contrat de travail à compter du 8 juillet 2011, et sollicite la condamnation de l'association, avec le bénéfice de la capitalisation des intérêts et sur la base d'un salaire de 1.555 euros brut/mois, à lui payer les sommes suivantes :
- 1.555 euros à titre de dommages et intérêts tant pour non respect de la procédure de licenciement que pour absence de visite médicale d'embauche,
- 1.555 euros à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 155 euros au titre des congés payés afférents,
- 616,81 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 8.600 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande également la remise de l'intégralité des bulletins de paie conformes à sa rémunération, et un certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt.
L'association Avicenne Limay, ci-après l'association, admettant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel de 6 heures par semaine pour la seule activité d'enseignement, mais non le travail dissimulé, offre de verser à M. [G] les sommes suivantes :
- 520 euros à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 52 euros au titre des congés payés afférents,
- 206,28 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts tant pour non respect de la procédure de licenciement, licenciement abusif et défaut de visite médicale d'embauche.
L'association estime que la cour n'a reconnu la relation de travail salariée que pour l'activité d'enseignement (6 h, soit 2 x 3 h les samedis et dimanches), mais non pour l'activité cultuelle (fonctions purement religieuses), d'où la reconnaissance d'un travail à temps partiel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La question de l'existence d'un contrat de travail entre M. [G] et l'association Avicenne Limay a déjà été tranchée par la cour dans son arrêt du 24 mai 2016, par une motivation s'appuyant sur de nombreuses pièces et concluant dans les termes suivants :
"M. [G] a exercé pendant près de deux ans, sous la subordination de l'association et en particulier de son président, des fonctions autres que religieuses, alors qu'il a régulièrement perçu, en parallèle, une rémunération versée par cette même association...M. [G] a donc bien été lié à l'association Avicenne Limay par un contrat de travail."
Il reste à examiner le périmètre du contrat de travail (activité cultuelle et d'enseignement, ou seulement activité d'enseignement) dont il faudra déduire le temps de travail, à temps partiel ou temps complet, puis la pertinence des demandes en paiement d'indemnité et de dommages et intérêts, l'existence du contrat de travail ayant été établie par l'arrêt susvisé.
Sur le périmètre du contrat de travail :
L'association soulève l'irrecevabilité de l'argumentation de M. [G], lequel demande à la cour de reconnaître l'existence d'une relation de travail salariée pour son activité cultuelle au sein de l'association, alors que la cour, dans son arrêt avant-dire droit, a dit :
" que M. [G] s'est acquitté des fonctions religieuses d'imam, durant la période litigieuse, celles-ci consistant notamment dans le service des offices, prières et prêches; que l'engagement spirituel, personnel, à l'origine des prestations ainsi fournies par M. [G] ne saurait, il est vrai, fonder et justifier l'existence d'un contrat civil et s'avère irréductible au droit; mais considérant qu'en marge de cet engagement et de sa traduction dans l'observance des rites et de célébrations cultuelles, M. [G] déployait également une activité, étrangère à tout engagement religieux et indépendante de sa qualité et de ses fonctions d'imam..."
L'association estime, aux termes de la motivation de cet arrêt, que la relation de travail salariée ne concerne que l'activité d'enseignement, de sorte que les conséquences de la rupture ne pourraient concerner que l'activité d'enseignement.
M. [G] soutient que l'arrêt n'aurait pas tranché la question de l'existence d'un contrat de travail, alors que l'association fait valoir que la Cour de Cassation étend expressément l'autorité de la chose jugée aux motifs de fond qui sont le soutien nécessaire de la décision rendue sur la compétence.
Or, comme le soutient valablement l'association, la cour a certes, dans cet arrêt, tranché la question de fond, à savoir l'existence d'un contrat de travail, dont dépendait la compétence, mais toutefois n'a pas précisé dans ses motifs et son dispositif le périmètre précis de la relation salariale, de sorte que cet arrêt n'a pas l'autorité de la chose jugée sur la définition de ce périmètre.
En effet, la cour a seulement indiqué : "M. [G] a exercé pendant près de deux ans sous la subordination de l'association et en particulier de son président, des fonctions, autres que religieuses, alors qu'il a régulièrement perçu en parallèle une rémunération versée par l'association."
Ainsi, la cour n'a pas énuméré les fonctions autres que religieuses, ne définissant donc pas le périmètre du contrat de travail.
Il revient désormais à la cour de le définir, en faisant application d'une jurisprudence constante de la Cour de Cassation depuis 2005 (Soc 12 juillet 2005, 20 janvier 2010, 8 juin 2011) qui fait prévaloir le critère organique en indiquant que "l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie."
C'est ainsi que seules les personnes faisant partie d'une congrégation ou d'une association cultuelle et travaillant pour le compte de celles-ci peuvent échapper au droit du travail.
En l'espèce, au vu des statuts de l'association, et comme le soutient valablement M. [G], l'association Avicenne Limay a un objet mixte, à la fois cultuel, l'exercice public du culte musulman, et culturel, à savoir essentiellement la promotion de la culture arabo-musulmane, l'éducation des jeunes, la responsabilisation des parents, le dialogue avec les autres civilisations et la lutte contre l'échec scolaire par des cours de soutien.
Or, une association cultuelle doit avoir pour objet exclusif l'exercice public du culte, ce qui fait échapper l'association Avicenne Limay au statut d'une association cultuelle, vu les multiples objets culturels compris dans ses statuts qui font d'elle une association culturelle régie par la loi de 1901, à laquelle les statuts se réfèrent expressément.
En conséquence, il n'y a pas lieu de distinguer les activités différentes de M. [G] au sein de l'association, celles ressortant de l'exercice du culte musulman de celles ressortant de l'enseignement du Coran, de la dispense de conférences et de divers cours sur le culte musulman, de l'accueil des pratiquants et non pratiquants et de la médiation pour les couples.
Par ailleurs, le but poursuivi par l'association, en engageant M. [G], était de lancer une école coranique, comme cela ressort des échanges de courriels entre ce dernier et le président de l'association en septembre 2011 ; c'est ce qu'il a réalisé effectivement, comme cela ressort des pièces produites (proposition de programme pour l'école coranique, calendrier annuel de l'institut Chatibi, et annonce d'inauguration) ; il animait sans le diriger le Centre Islamique de la Fraternité, où il était reconnu comme imam et enseignant, dispensant avec d'autres personnes des cours d'arabe en lien avec le Coran ; selon les attestations de témoin ce centre accueillait plusieurs centaines de personnes moyennant la somme de 180 euros/an.
Au vu de la vingtaine d'attestations de témoin qu'il produit, il apparaît que M. [G] a accompli de nombreuses missions d'animateur au sein de l'association, tant au niveau cultuel que culturel, jouant aussi un rôle social important, très apprécié des adhérents et élèves par sa pédagogie, son écoute et sa grande disponibilité, travaillant 6 jours sur 7.
Le travail cultuel et l'enseignement étant liés, il réclame la reconnaissance d'un travail à temps plein.
L'association estime au contraire qu'il convient de distinguer son activité cultuelle, principale, de son activité d'enseignement accessoire, la première étant rémunérée environ 1.000 à 1.500 euros par mois, la seconde entre 480 et 600 euros par mois pour la dispense de cours les samedis et dimanches ; elle demande la reconnaissance d'un travail à temps partiel pour un salaire de 520 euros brut (moyenne des trois derniers salaires).
Or, non seulement au vu du critère organique sus-énoncé mais aussi au vu de la difficulté à distinguer en semaine les activités strictement cultuelles (prise en charge des prières, célébrations des fêtes au sein de la mosquée [Localité 2]) de celles d'animation du Centre Islamique de la Fraternité (organisation de conférences, animation de fêtes religieuses, conseil et soutien des personnes en difficulté notamment), l'activité d'enseignement du Coran au sein de l'institut Chatibi étant elle circonscrite aux samedis et dimanches (soit 6h par semaine), ces trois activités étant en outre liées et exercées dans le cadre d'un lien de subordination, comme développé plus bas, ce qui correspond au projet de contrat de travail à temps complet qui est produit par M. [G].
Les horaires de travail de M. [G] découlaient à la fois de sa nécessaire présence chaque jour de la semaine, sauf le mercredi, pour assurer les prières et l'accueil des fidèles, mais aussi les fins de semaine pour dispenser l'enseignement de l'arabe et du Coran, de sorte qu'il n'avait pas d'autonomie dans la fixation de ses horaires ; l'association admet dans ses conclusions que les horaires de travail de l'enseignement dispensé par M. [G] avaient été expressément fixés par elle.
M. [G] devait notamment demander l'autorisation des dirigeants de l'association pour l'organisation de conférences par des imams extérieurs, point qui a suscité un conflit, car il considérait qu'il n'avait pas à recevoir de directives en tant qu'imam, comme développé plus loin dans le cadre de la rupture.
Pour ce qui concerne les activités du Centre Islamique de la Fraternité, au vu des courriels produits par M. [G] retraçant ses échanges avec M. [U], président de l'association, elles ont été mises en place par l'association, laquelle donnait des directives à M. [G], lequel avait préalablement participé à l'élaboration du programme du centre et des soirées que le centre organisait.
En effet, M. [G] fait valoir qu'il était convenu oralement avec le président de l'association qu'il était employé en contrat à durée déterminée pour 3 mois, transformé en contrat à durée indéterminée avec un statut d'animateur moyennant un salaire de 1.000 euros/mois net.
Il précise qu'il a travaillé à compter du 8 juillet 2011 jusqu'au 1er juin 2013 à la satisfaction de l'association et des fidèles, sans qu'un contrat de travail ait été signé, contrairement à ce qui était prévu, comme la cour constate que cela ressort effectivement des pièces produites (copie projet de contrat de travail à durée déterminée en date du 21 septembre 2012 pour la fonction d'animateur à 35h et moyennant un salaire de 1.425,70 euros brut/mois, attestations de témoins, courriels).
Le projet de contrat a été discuté entre les parties en septembre 2012, au vu des courriels échangés entre les parties ; finalement l'embauche officielle de M. [G] ne n'est jamais concrétisée, comme cela résulte de l'attestation du secrétaire de l'association, mais sans que l'association en explique la raison.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que M. [G] percevait un salaire mensuel versé par l'association et se trouvait pour l'ensemble de ses missions dans un lien de subordination avec l'association, de sorte qu'il y a lieu de qualifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein compter du 8 juillet 2011 et jusqu'au 1er juillet 2013, soit un mois (durée du préavis) après la date de son dernier jour de travail qui est le 1er juin 2013, date non contestée par l'association.
Sur le salaire :
En l'absence de contrat de travail écrit et de bulletins de salaires, il appartient à M. [G] de rapporter la preuve du montant convenu de sa rémunération.
Au vu de ses relevés bancaires retraçant les opérations sur son compte du 12 juillet 2011 au 10 mai 2013, il est établi que M. [G] a régulièrement perçu en espèces un salaire qu'il versait sur son compte chaque mois, salaire qui s'élevait en moyenne sur les 3 derniers mois à la somme de 1.555 euros net/mois.
Sur l'absence de visite médicale d'embauche :
M. [G] soutient que l'absence de visite médicale d'embauche lui a nécessairement occasionné un préjudice.
L'association s'oppose à la demande en dommages et intérêts invoquant l'absence de préjudice de M. [G].
Depuis un arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 avril 2016, le salarié doit établir l'existence d'un préjudice à l'appui de sa demande, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.
En conséquence, M. [G] sera débouté de sa demande.
Sur la rupture de la relation contractuelle :
M. [G] soutient que la rupture contractuelle est intervenue soudainement, sans justification et sans respecter les statuts de l'association (absence de réunion du conseil d'administration) et les dispositions légales, le président ayant réuni seulement le bureau mais pas tous ses membres.
L'association affirme que c'est M. [G] qui a démissionné de son travail à temps partiel d'enseignant, au vu de son courriel du 20 mai 2013, et qu'elle avait en tout état de cause des griefs à lui reprocher, car ce dernier avait notamment invité un conférencier en mars/avril 2013 au sein du Centre Islamique de la Fraternité sans l'autorisation des dirigeants de l'association, puis avait tenu des propos inadaptés voire agressifs envers le président de l'association lors d'une réunion non autorisée avec les fidèles.
Or la démission doit être claire et expresse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, selon les termes du courriel de M. [G] qu'il a adressé au président de l'association M. [U] le 20 mai 2013 :
"Je t'écris ce mail pour te communiquer les résolutions suivantes : Je ne pourrais assurer les cours de Coran au sein de notre mosquée à la rentrée prochaine; concernant l'imama, je compte sur vous pour clarifier la situation en signant un contrat avant la fin du mois en cour."
Il en résulte que M. [G] ne renonce pas à l'imama mais à l'enseignement, tout en disant clairement qu'il souhaite un contrat. Ce courriel ne peut donc être considéré comme une démission.
Par ailleurs, selon les propos tenus en arabe par M. [G] lors de cette réunion avec les fidèles en mai 2013, qui ont été enregistrés et traduits en français, il s'avère que M. [G] faisait état de ses mauvaises conditions de travail (absence de placard à sa disposition, absence de fourniture d'un logement décent et à un prix abordable à [Localité 2] pour pouvoir assurer la prière du matin) et de l'absence de consensus avec le président sur sa manière d'exercer en tant qu'imam et enseignant du Coran (le président exigeant qu'il soit cadré par le directeur de l'enseignement de l'arabe à la mosquée, alors que M. [G] voulait conserver son autonomie en tant qu'imam et diriger pour ce faire le Centre Islamique de la Fraternité) ; ces propos viennent confirmer le lien de subordination que le président voulait maintenir à l'égard de M. [G], y compris dans ses fonctions d'imam, une des raisons principales de leur discorde.
Le président de l'association indique ne pas avoir supporté ce discours d'opposition, traduisant la volonté de M. [G] de prendre la direction du Centre Islamique de la Fraternité, ce qui, selon le président, a conduit l'association à se séparer de M. [G].
Il ressort de l'attestation d'un des membres de l'ancien bureau de l'association que le président de l'association a décidé du départ de M. [G] (qui devait être membre de l'association et dont au moins la radiation devait être décidée par un vote du conseil d'administration selon les statuts) sans réunir le conseil d'administration mais seulement le bureau et sans convoquer tous ses membres; ce témoin précise qu'à la suite de ces faits trois membres du bureau ont démissionné.
Indépendamment des causes de la discorde entre M. [G] et le président de l'association, il s'avère que l'association n'a donc pas respecté les statuts de l'association ni les dispositions légales relatives à la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée, imposant notamment un entretien préalable et la notification du licenciement avec la précision des motifs ; ces manquements ont pour effet la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit à des indemnités de rupture, en principe calculées sur le salaire brut ; or, elles sont calculées par M. [G] sur son salaire net des 3 derniers mois, mais la cour ne pouvant statuer ultra petita retiendra comme salaire de référence la somme de 1.555 euros net, et condamnera l'association à lui payer les sommes suivantes, à charge pour les parties de calculer le montant brut correspondant :
- 1.555 euros net à titre d'indemnité de préavis d'un mois, outre celle de 155 euros net au titre des congés payés afférents,
- 616,81 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2014, date de réception par les sociétés de la convocation devant le bureau de conciliation.
M. [G] établit qu'il n'a pu percevoir d'allocations chômage, faute d'obtenir les documents de fin de contrat, mais il a perçu le RSA, puis a retrouvé du travail comme technicien d'exploitation en juillet 2015, deux ans après la rupture. Il avait 34 ans au moment de la rupture.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, vu les éléments susvisés et vu l'ancienneté de moins de deux ans de M. [G] employé dans une association ayant un nombre limité de salariés, la somme de 6.000 euros lui sera allouée à titre dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [G] sollicite aussi des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et notamment pour non respect des règles relatives à l'assistance du salarié, comme c'est le cas en l'espèce, vu l'absence de convocation à entretien préalable et l'absence d'entretien préalable.
En conséquence, il y a lieu de lui allouer de ce chef la somme de 1.555 euros à titre de dommages et intérêts, équivalente à un mois de salaire, cette indemnité étant cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'agissant des salariés de moins de deux ans d'ancienneté ou d'une entreprise d'au moins onze salariés.
Sur le travail dissimulé :
En application des articles L.8221-1, L.8221-5 et L.8223-1 du code du travail, le salarié qui n'a pas été déclaré par son employeur et dont le contrat de travail a été rompu (quelque soit le mode de rupture), comme c'est le cas en l'espèce, a droit à une indemnité forfaitaire de six mois de salaire.
L'association reconnaît a posteriori l'existence d'un contrat de travail à temps partiel pour la seule fonction d'enseignant pour six heures par semaine, précisant qu'en 2011 elle a considéré que l'enseignement dispensé était la continuité de l'exercice du culte, dans le droit fil de la jurisprudence et de la pratique des autres associations du secteur, ce qui explique l'absence de contrat de travail et l'absence d'élément intentionnel si la cour devait requalifier la relation de travail.
Au regard des circonstances de l'espèce et de la jurisprudence relativement complexe en matière de salariat dans un cadre religieux, l'association a de bonne foi estimé qu'il n'y avait pas lieu de déclarer l'emploi de M. [G].
Ce dernier sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, faute de preuve d'un élément intentionnel.
Sur les demandes accessoires :
La capitalisation des intérêts sera ordonnée.
L'association devra remettre à M. [G] l'intégralité des bulletins de paie conformes à sa rémunération (en calculant pour chaque mois l'équivalent du montant brut à partir du salaire net réellement perçu) pour chaque mois de 8 juillet 2011 au 1er juillet 2013, et un certificat de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, la cour se réservant la liquidation de cette astreinte, sur simple requête, le cas échéant.
Il sera alloué la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens devant le conseil et la cour seront mis à la charge de l'association.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
DIT que M. [G] a travaillé au sein de l'association Avicenne Limay dans le cadre d'un contrat de travail à temps complet du 8 juillet 2011 au 1er juin 2013, le contrat ayant pris fin à l'issue du préavis le 1er juillet 2013 ;
CONDAMNE l'association Avicenne Limay à payer à M. [G] les sommes suivantes :
- 1.555 euros net à titre d'indemnité de préavis d'un mois, outre celle de 155 euros net au titre des congés payés afférents,
- 616,81 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2014 ;
- 1.555 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,
- 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ces sommes portant avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
DIT que l'association Avicenne Limay devra remettre à M. [G] l'intégralité des bulletins de paie conformes à sa rémunération pour chaque mois du 8 juillet 2011 au 1er juillet 2013, et un certificat de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, la cour se réservant la liquidation de cette astreinte ;
DÉBOUTE M. [G] de ses autres demandes ;
CONDAMNE l'association Avicenne Limay à payer à M. [G] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens devant le conseil et la cour d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,