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18/01/2018 | FRANCE | N°17/03368

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 18 janvier 2018, 17/03368


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 88G

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 JANVIER 2018



R.G. N° 17/03368



AFFAIRE :



SAS KIMBERLY CLARK





C/

CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DEPARTEMENT C3S









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Mai 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 15/00165





Co

pies exécutoires délivrées à :



la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS



Me Lionel ASSOUS-LEGRAND



CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DEPARTEMENT C3S







Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS KIMBERLY CLARK







le ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JANVIER 2018

R.G. N° 17/03368

AFFAIRE :

SAS KIMBERLY CLARK

C/

CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DEPARTEMENT C3S

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Mai 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 15/00165

Copies exécutoires délivrées à :

la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS

Me Lionel ASSOUS-LEGRAND

CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DEPARTEMENT C3S

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS KIMBERLY CLARK

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS KIMBERLY CLARK

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent CHETCUTI de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1702 substituée par Me Anne Laure BENOIST, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1702

APPELANTE

****************

CAISSE NATIONALE DU REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS DEPARTEMENT C3S

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0759

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET

Kimberly Clark est un groupe américain spécialisé dans la production et la commercialisation de produits destinés à l'hygiène personnelle et aux soins à partir de papier transformé à l'état de base.

Ce groupe dispose d'une filiale en France, la société Kimberly Clark SAS (ci-après 'la Société'), qui a pour activité principale la fabrication d'articles en papier à usage sanitaire ou domestique.

La société réalise notamment des prestations de service de façonnage au profit d'une société du groupe, Kimberly Clark Europe Limited, établie au Royaume-Uni (ci-après, 'KCL').

Les produits fabriqués par la société Kimberly Clark SAS sont ensuite distribués sur le territoire français par cette dernière en son nom mais pour le compte de la société Kimberly Clark Europe Limited, conformément aux conditions prévues par le contrat de commissionnaire liant ces deux sociétés.

Pour la détermination de la contribution sociale de solidarité des sociétés (ci-après 'C3S') de l'année 2010, la société a fait, selon elle, application des dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, en vertu desquelles l'assiette de la C3S des commissionnaires qui s'entremettent dans une livraison de biens ou de services est constituée par le seul montant de leur commission, sous réserve du respect de certaines conditions, qu'elle considère remplir.

La caisse nationale du régime social des indépendants (ci-après, le 'RSI') a contesté l'application de ce régime et a considéré que la société aurait dû inclure dans l'assiette de la C3S non pas seulement le montant de sa commission, mais l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé.

Cette position a été confirmée par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci-après, le TASS), par un jugement en date du 2 mai 2017 (RG 15/00165/N).

Dans ce jugement, le TASS a rejeté la demande de la société Kimberly Clark SAS, en considérant notamment que l'

article 273 octies du code général des impôts prévoit que le commissionnaire agit en vertu d'un mandat préalable sans jamais devenir propriétaire des biens, il rend compte à son commettant du prix auquel il a traité l'opération avec l'autre contractant, et il est rémunéré exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services.

Afin de refuser l'application des dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, le TASS se fonde sur le contrat de commissionnaire conclu entre la société Kimberly Clark SAS et KCL, le 18 décembre 2000, qui énonce, en son article 6.1.c, que le :

commettant facturera au commissionnaire le montant du chiffre d'affaires net généré par le commissionnaire duquel les sommes suivantes sont soustraites :

i. 2,1% du chiffre d'affaires net ;

ii. un pourcentage cible du chiffre d'affaires net prévisionnel, servant à rembourser les dépenses d'exploitation et actualisé régulièrement au cours de l'année ;

iii. des déductions commerciales hors facture faisant partie du chiffre d'affaires net seront remboursées séparément par le commettant après avoir été minorées du taux de commission exposé en détail ci-dessus ;

iv. un ajustement final, effectué afin de rembourser les dépenses d'exploitation effectives raisonnablement exposées par le commissionnaire au cours de l'année précédente, avec une marge de +/- 0,1% par rapport au chiffre d'affaires net.

Le tribunal en déduit que la rémunération perçue par la Société ne respecte pas les conditions cumulatives posées par l'article 273 octies du code général des impôts (rémunération fixée préalablement et exclusivement d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services) et que le régime spécifique des C3S prévu pour les commissionnaires à l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable à l'égard de la Société au titre des cotisations dues pour l'année 2010.

C'est ainsi que le tribunal a condamné la société à verser au RSI la somme de 186 175 euros.

Le 4 juillet 2017, la société Kimberly Clark SAS a interjeté appel du jugement susvisé.

Par ses conclusions écrites, la société demande à la cour de :

- annuler le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre numéro 15-00165/N rendu le 2 mai 2017 ;

- prononcer le dégrèvement des rappels de C3S mis à la charge de la société Kimberly Clark au titre de l'année 2010, soit la somme de 186 175 euros ;

- condamner le RSI au versement d'intérêts moratoires ;

- condamner le RSI au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'État aux entiers dépens (sic).

Par ses conclusions écrites, la caisse nationale du régime social des indépendants demande à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel de la société Kimberly Clark SAS ;

- confirmer le jugement rendu le 2 mai 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, au titre de la C3S 2010, en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Kimberly Clark SAS à verser à la caisse la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Kimberly Clark aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux explications orales développpées par les parties à l'audience, et aux pièces respectivement déposées par les parties.

MOTIFS

La Société développe deux moyens : d'une part, elle soutient que le RSI ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale renvoyant aux dispositions de l'article 273 octies du code général des impôts, lesquelles auraient été abrogées. D'autre part, et en tout état de cause, la Société estime qu'elle remplit les conditions nécessaires au bénéfice de l'assiette réduite au titre de l'activité de commissionnaire, et plus précisément la condition relative à la rémunération.

A l'appui de son appel, la Société rappelle la notion de commissionnaire, le régime de C3S applicable aux commissionnaires, et fait en particulier valoir que le RSI reconnaît que, aux termes du contrat de commissionnaire, la Société ne devient jamais propriétaire des produits vendus en France, qu'elle agit en son nom mais pour le compte de KCL, de telle sorte que seule est contestée la condition relative à la rémunération.

A cet égard, la Société conteste la position du RSI, qui, selon elle, lui oppose une interprétation restrictive de l'assiette spécifique de la C3S due par les commissionnaires.

La Société ajoute que, depuis le décret du 30 mars 2007, l'article 273 octies du code général des impôts est devenu sans objet ; qu'il n'existe donc plus en tant que tel dans l'ordonnancement juridique, ce qui rend caduque la référence qui y était faite par l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale.

La Société rappelle également le caractère préalable et exclusif de la commission perçue par ses soins. Elle tient, en outre, à souligner que, le contrat de commissionnaire distingue deux types de flux financiers : la rémunération du service d'intermédiaire et le remboursement des dépenses engagées par le commissionnaire au nom du commettant. Le chiffre d'affaires réalisé par elle-même devait ainsi être rétrocédé à KCL, après déduction de la commission de la Société, égale à 2,10% du chiffre d'affaires net et de divers ajustements liés aux dépenses d'exploitation et aux déductions commerciales.

La Société ajoute que le contrat applicable à compter de 2011 ne fait aucune référence au remboursement par KCL des déductions commerciales octroyées par la Société (comme c'était le cas dans le contrat applicable jusqu'en 2010), ce qui est de nature à démontrer que la déduction commerciale ne constitue pas une modalité de rémunération de la société.

Ainsi, au titre de son activité d'entremise, la Société est rémunérée par une commission dont le taux est déterminé de manière préalable en fonction du prix des produits.

La Société en conclut que, dans la mesure où les autres conditions pour bénéficier du statut de commissionnaire sont également remplies, elle doit bénéficier des dispositions de l'article L.651-5 du code de la sécurité sociale pour le calcul de la C3S acquittée en 2010.

En réplique, le RSI rappelle que l'appelante développe deux moyens : d'une part, elle soutient que le RSI ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale renvoyant aux dispositions de l'article 273 octies du code général des impôts, lesquelles auraient été abrogées. D'autre part, et en tout état de cause, la Société estime qu'elle remplit les conditions nécessaires au bénéfice de l'assiette réduite au titre de l'activité de commissionnaire, et plus précisément la condition relative à la rémunération.

Le RSI soutient que ces moyens ne sont pas fondés au regard des éléments suivants :

- les dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale renvoyant à l'article 273 octies du code général des impôts sont applicables ;

- la société ne saurait prétendre au bénéfice de l'assiette réduite au titre de son activité de commissionnaire ;

- la défaillance de la société dans l'administration de la preuve est caractérisée.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 651-3 du code de la sécurité sociale, le montant de la C3S est égale à 0,16% du montant du chiffre d'affaires déclaré par les entreprises pour les besoins de la TVA.

L'article L. 651-5 du même code, dans sa version applicable au présent litige (il s'agit de dispositions en vigueur jusqu'au 1er janvier 2011), prévoit une dérogation pour les commissionnaires, pour lesquels la C3S est calculée non pas sur la base du chiffre d'affaires mais sur le montant de la commission perçue :

Le chiffre d'affaires des intermédiaires mentionnés au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis du code général des impôts, et qui bénéficient des dispositions de l'article 273 octies du même code, est diminué de la valeur des biens ou des services qu'ils sont réputés acquérir ou recevoir. Dans le cas d'entremise à la vente, les commettants des intermédiaires auxquels cette disposition s'applique majorent leur chiffre d'affaires du montant des commissions versées.

L'article 273 octies du code général des impôts se lisait:

Pour les intermédiaires mentionnés au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée [*TVA*] afférente aux biens ou aux services qui font l'objet des opérations d'entremise et que ces personnes sont réputées avoir personnellement acquis ou reçus est effectuée par imputation sur la taxe due au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance, sous réserve que les conditions suivantes soient simultanément remplies :

1. L'opération d'entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ;

2. Il est rendu compte au commettant du prix auquel l'intermédiaire a traité l'opération avec l'autre contractant ;

3. L'intermédiaire qui réalise ces opérations d'entremise doit agir en vertu d'un mandat préalable et ne jamais devenir propriétaire des biens ;

4. Il ne s'agit pas d'opérations :

a) Qui sont effectuées en vertu d'un contrat de commission à l'achat ou à la vente portant sur des déchets neufs d'industrie ou des matières de récupération ;

b) Ou qui aboutissent à la livraison de produits imposables par des personnes qui ne sont pas redevables de la taxe, à l'exception des opérations portant sur les objets d'occasion et les animaux vivants de boucherie et de charcuterie ;

c) Ou qui sont réalisées par des personnes établies en France qui s'entremettent dans la livraison de biens ou l'exécution des services par des redevables qui n'ont pas établi dans la Communauté européenne le siège de leur activité, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence habituelle.

Cet article a été déclaré 'sans objet' par décret n°2007-484 du 30 mars 2007: c'est à juste titre que la Société précise qu'il était devenu obsolète, sur le plan fiscal, dès lors qu'il avait eu pour but, à cet égard, de prendre en compte le décalage d'un mois en matière de taxe à la valeur ajoutée, qui n'avait plus lieu d'être suite à l'adoption de la loi du 22 juin 1993 qui avait supprimé ce décalage.

La Société souligne que les dispositions de cet article ont été insérées aux alinéas 5 à 8 de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 2012. Elle en déduit qu'entre le décret du 30 mars 2007 et le 31 décembre 2012, l'article 273 octies 'n'existait donc plus en tant que tel dans l'ordonnancement juridique et rendait de ce fait caduque la référence qui y était faite par l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale'. Partant, le non-respect des dispositions de cet article ne peut être opposé à une entreprise.

Cette interprétation, contestée par le RSI, est erronée et c'est à juste titre que le premier juge l'a décidé dans le jugement entrepris.

En effet, il importe de relever que l'article 273 octies du code général des impôts n'a pas été abrogé : par le décret susvisé du 30 mars 2007, cet article a été déclaré 'sans objet', en tant qu'article du code général des impôts, en l'espèce uniquement parce que, du point de vue de la taxe à la valeur ajoutée, il était devenu dénué de toute pertinence et de toute portée.

Mais, pour ne pas avoir été abrogé, le principe que pose cet article, à savoir que pour bénéficier des dispositions de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, ce que revendique la Société, il faut que l'opération d'entremise soit rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services.

Il ne fait aucun doute que, en ce sens, l'article 273 octies du code général des impôts demeure applicable.

La Cour de cassation, dans une affaire distincte (2e Civ., 25 avril 2013, pourvoi n° 12-15.898, Bull. 2013, II, n°86), a fait expressément référence à l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version renvoyant à l'article 273 octies du code général des impôts et statué de la manière suivante :

attendu que la commission versée par un intermédiaire à la vente agissant en nom propre au tiers qu'il se substitue constitue non pas la valeur du bien qu'il est réputé avoir reçu de son commettant pour le vendre, mais une charge d'exploitation ; que cette commission, qui n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 651-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, ne peut donc être déduite du chiffre d'affaires de l'intermédiaire pour le calcul de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle (souligné par la cour)

La présente cour relève que, dans ses conclusions en vue de cet arrêt, l'avocat général a, pour sa part, expressément utilisé l'expression de 'intermédiaires opaques', qui est précisément celle employée (à juste titre) par le conseil de la Société lors de ses explications orales, pour rappeler la réponse faite par le ministère de la Santé et des solidarités à une question écrite posée portant sur le risque de soumettre deux fois à la contribution le même chiffre d'affaires dans le cas de sociétés de groupe. L'avocat général relevait en cette occasion que l'analyse de la société qui avait formé le pourvoi tendait à confondre la notion de commission avec celle de biens ou services alors que l'article L. 651-5 les distingue. Selon l'avocat général, cette distinction ressort de la réponse faite par le ministère de la Santé et des solidarités, lequel avait rappelé, au sujet des intermédiaires opaques que la base d'imposition incluait tous les éléments de la transaction: 'Les seconds sont regardés comme ayant personnellement acquis et livré le bien, ou ayant personnellement reçu ou fourni le service, lorsqu'ils s'entremettent, soit dans une opération de livraison de bien, soit dans une opération de prestation de service ; la base d'imposition est alors égale au montant totale de la transaction, et ce depuis le 1er janvier 1993. Le chiffre d'affaires des intermédiaires opaques est diminué de la valeur des biens ou des services qu'ils sont réputés acquérir ou recevoir, pour l'assujettissement à la C3S' (Question no65283 - réponse publiée au JO le 11/4/2006 p. 4016).

Il est juste d'observer que l'arrêt ci-dessus référencé et les conclusions de l'avocat général y afférentes ont été prises dans le cadre d'un litige portant sur des cotisations de C3S dues par une société au titre des années 2005 à 2007.

Mais il demeure que cette décision est intervenue postérieurement à la loi du 17 décembre 2012, qu'il n'est fait aucune mention de l'évolution de la loi dans le temps, qu'en tout état de cause, si l'on avait dû suivre le raisonnement de la société Kimberly Clark SAS, la Cour de cassation aurait dû effectuer une distinction entre la période antérieure à la publication du décret susvisé et la période postérieure, ce qu'elle n'a pas fait.

En tout état de cause, la présente cour considère que faute d'avoir été abrogées, les dispositions de l'article 273 octies, en tant que renvoi y opéré par l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale, demeurent applicables.

Il appartient dès lors à la Société de démontrer qu'elle remplit les conditions posées par ces dispositions pour bénéficier de l'assiette spécifique applicable en matière de C3S.

Or, comme le premier juge l'a expliqué, la Société ne remplit pas ces conditions, qui sont cumulatives: il faut à la fois que le taux global de la commission versée à la Société ait été fixé préalablement et que la rémunération perçue par la Société ait été fixée exclusivement d'après le prix de vente des biens (ou des services).

En effet, si le contrat de commissionnaire prévoit une rémunération, elle est fixée dans les termes de l'article 6.1 du contrat, rappelés ci-dessus.

Or, cette rémunération ne peut être considérée comme fixée 'préalablement' dans la mesure où si, en apparence, elle correspond au chiffres d'affaires net dont est déduit une somme qui s'élève à 2,1% de ce chiffre, d'autres éléments interviennent qui sont indéterminés ou susceptibles de faire l'objet de contestation entre les parties, voire d'être contestée par un tiers, qu'il soit organisme social ou juge.

En effet, le contrat prévoit un 'pourcentage cible du Chiffre d'Affaire Net prévisionnel' pour ce qui est du calcul des dépenses d'exploitation, expression particulièrement vague car elle cumule à la fois le prévisionnel et une cible, à propos desquels aucune précision n'est fournie.

Bien plus, le contrat fait état de 'déductions commerciales hors facture faisant partie du Chiffre d'affaires Net (qui) seront remboursées séparément', ce qui revient à dire que le chiffre d'affaire net n'est pas une base de calcul solidement déterminée, le montant de ces déductions étant nécessairement ignoré (quand bien même la Société peut faire observer, à juste titre, que de telles déductions commerciales devraient effectivement être remboursées à la Société par KCL).

En outre, le contrat prévoit un ajustement final, qui est indéterminé puisqu'il s'agit de déduire non pas les 'dépenses d'exploitation effectives', ce qui pourrait être admis, mais ces dépenses lorsqu'elles sont 'raisonnablement exposées', ce qui est, par définition, sujet à interprétation sinon à contestation, d'autant que rien, dans le contrat, ne précise sur quelles bases ce caractère 'raisonnable' sera apprécié ni par qui précisément.

Il résulte, en tout état de cause, directement de la formulation même du contrat de commissionnaire que la rémunération n'est pas fixée, loin s'en faut, exclusivement en fonction du prix de vente des biens.

Enfin et au surplus, la cour doit souligner que le RSI n'est aucunement démenti, au contraire, lorsqu'il fait valoir que la Société ne produit 'aucune facture, ni aucune reddition de comptes'.

Le jugement sera donc confirmé qui a débouté la société Kimberly Clark SAS de ses demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour devra rappeler à la Société que la présente procédure est exempte de dépens.

La Société sera condamnée à payer au RSI une indemnité d'un montant de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine, en date du 2 mai 2017 (RG 15-00165/N) en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Condamne la société Kimberly Clark SAS à payer à la caisse nationale du régime social des indépendants la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Mme Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03368
Date de la décision : 18/01/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/03368 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-18;17.03368 ?
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