COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JANVIER 2018
R.G. N° 17/02216
AFFAIRE :
Association CENTRE CHIRURGICAL MARIE LANNELONGUE
C/
[B] [D]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Avril 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE-BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 12/01696
Copies exécutoires délivrées à :
la SELAS NORMA AVOCATS
Me Françoise FELISSI
Copies certifiées conformes délivrées à :
Association CENTRE CHIRURGICAL MARIE LANNELONGUE
[B] [D]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Association CENTRE CHIRURGICAL MARIE LANNELONGUE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Claire MATHURIN de la SELAS NORMA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0066
APPELANTE
****************
Monsieur [B] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0380
INTIME
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Sylvie CACHET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET
L'association centre chirurgical Marie Lannelongue (ci-après , le 'CCML' ou 'l'association'), est une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901, qui assure la gestion d'un centre chirurgical privé, situé au sein de la commune du [Localité 1], dans le département des [Localité 2]. Des interventions de greffe du coeur y sont notamment pratiquées.
M. [B] [D] a été embauché par cette association le 22 juin 2004, en qualité d'aide-soignant de nuit, coefficient 351, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La convention collective applicable est la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (dite FEHAP) du 31 octobre 1951.
M. [D] était affecté au sein du service J2, de nuit, qui accueille une vingtaine de patients atteints de pathologies cardiaques nécessitant des interventions chirurgicales lourdes et ceux en post opératoire.
La moyenne de la rémunération perçue au cours des douze derniers mois était de 2 783,23 euros.
M. [D] relate que les conditions de travail étaient difficiles, en raison d'un manque de personnel et du comportement inacceptable de la hiérarchie, qui pouvait tenir des propos injurieux et avoir une attitude agressive.
M. [D] et ses collègues en ont avisé Mme [R], directrice des ressources humaines ( DRH), par courrier du 31 mars 2010, auquel la direction a répondu par courrier du 27 avril 2010.
Il lui aurait été tenu rigueur de cette dénonciation, notamment lors de son évaluation du 18 juillet 2011, qui dénonçait des faits du 1er juin 2011 dont il dira qu'il n'avait pas connaissance.
Le 23 juillet 2011, il aurait été surpris par un cadre de soin en train de dormir pendant son service.
Le 1er août 2011, M. [D] a été placé en arrêt maladie.
Le 05 août 2011, M. [D] a informé la DRH, la directrice des soins et le comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT) de différents incidents.
Il a été convoqué à deux reprises, et pour la première fois le 19 août 2011, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire mais ne s'y est pas rendu. La direction indique, à ce titre, ne pas avoir donné de suite en raison de l'arrêt maladie de M. [D], qui aurait été prolongé jusqu'en mars 2012.
Le 05 avril 2012, il ne s'est pas présenté sur son lieu de travail.
Le 11 avril 2012, il lui est reproché par un cadre infirmier un manque de sérieux dans la continuité des soins à une patiente, ce qu'il contestera par courrier du 28 avril 2012.
Par courrier du 04 mai 2012, une alerte est adressée à la nouvelle DRH relative à l'organisation du travail. Une réunion a été organisée à ce titre, le 07 juin 2012.
M. [D] a pris des congés payés du 26 mai 2012 au 06 juillet 2012.
S'estimant victime de harcèlement de la part, notamment, de Mmes S. et C., et confronté à la carence de son employeur, M. [D] prend acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 08 juillet 2012.
L'association a répondu à ce courrier dans les termes suivants :
'A l'appui de cette décision de rompre le contrat, vous alléguez à notre encontre un nombre de faits difficilement synthétisables vu leur nombre et leur contenu, relatés sur un courrier de 23 pages.
Nous contestons la réalité et le sérieux de tous vos griefs.
Nous mettons dès aujourd'hui à votre disposition votre attestation d'assurance chômage, votre certificat de travail ainsi que votre solde de tout compte'.
C'est dans ces conditions que M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt, le 23 octobre 2012 ; le bureau de jugement s'est mis en partage de voix ; l'affaire a été renvoyée à l'audience de départage du 13 février 2014 ; M. [D] a sollicité que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la condamnation de son employeur, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :
. 5 572,46 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 557,24 euros brut au titre des congés payés afférents ;
. 11 145 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
. 34 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 29 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;
. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association a conclu au débouté des demandes adverses et a sollicité à titre reconventionnel 5 341,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement de départage en date du 10 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt a considéré que les pièces produites par M. [D] étaient insuffisantes à rapporter la preuve de faits précis susceptibles de laisser présumer qu'il aurait été victime de harcèlement moral ; qu'en revanche elles établissaient clairement qu'à tout le moins, M. [D] avait été victime de souffrance au travail et que son état de santé s'était dégradé ; qu'il était également établi que l'employeur avait été alerté à plusieurs reprises par courriers, individuel ou collectif, de conditions de travail dégradées ; qu'il apparaissait que l'employeur n'avait pas pris la pleine mesure des difficultés rencontrées par le personnel et particulièrement par M. [D] ; qu'il n'avait pas été donné suite avec diligence aux plaintes reçues de sorte qu'une situation délétère de travail s'était mise en place ; que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en matière de santé et de sécurité au travail ; que ce manquement était suffisamment grave pour justifier de la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'elle produirait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, il serait fait droit aux demandes afférentes et accessoires.
C'est ainsi que le CPH a :
- dit que la prise d'acte de la rupture par M. [B] [D] de son contrat de travail le liant avec l'association centre chirurgical Marie Lannelongue devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné en conséquence l'association à verser à M. [D] les sommes de :
(avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2012)
. 5 572,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et 557,24 euros au titre des congés payés afférents ;
. 11 145 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
(avec intérêts au taux légal à compter du jugement)
. 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- ordonné le remboursement par l'association aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [D] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de trois mois dans les conditions prévues à l'article L. 1235-2/3/11 du code du travail et dit que le secrétariat greffe en application de l'article R. 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné l'association à verser à M. [D] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
- condamné l'association aux dépens.
C'est dans ces conditions qu'en date du 30 avril 2015, l'association a interjeté appel du présent jugement.
Suite à un arrêt de la 5e chambre sociale de la cour d'appel de Versailles du 07 octobre 2016, la radiation de l'affaire a été ordonnée.
Par la suite, l'affaire a été réinscrite au rôle de la cour.
Par ses conclusions écrites, l'association demande à la cour de :
- dire et juger que M. [D] n'a pas été victime de harcèlement moral au sens des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ; en conséquence :
- confirmer le jugement du 10 avril 2015 rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt, en ce qu'il a considéré que la preuve d'agissements de harcèlement moral n'était pas démontrée ;
- débouter M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- dire et juger que l'association n'a commis aucun manquement grave à l'encontre de M. [D], et n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;
En conséquence :
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de M. [D] doit produire les effets d'une démission ;
- infirmer le jugement du 10 avril 2015 rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt, en ce qu'il a considéré que la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail ;
- condamner M. [D] à rembourser la somme de 34 209,99 euros perçue dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;
- condamner M. [D] à la somme de 5 341,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- condamner M. [D] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par ses conclusions écrites, M. [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 10 avril 2015 par le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt en ce qu'il a requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en conséquence :
- confirmer la condamnation de l'association à verser à M. [D] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; en revanche, réformer ledit jugement sur le quantum et porter cette indemnité à 34 000 euros ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association à verser à M. [D] la somme de 11 145 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association à verser à M. [D] la somme de 5 572,46 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association à verser à M. [D] la somme de 557,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger que l'association a commis des actes de harcèlement moral à l'encontre de M. [D] ;
En conséquence :
- condamner l'association à verser à M. [D] la somme de 29 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier du chef du harcèlement moral ;
En tout état de cause :
- condamner l'association à verser à M. [D] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- assortir les condamnations à intervenir de l'intérêt légal.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'aux explications orales complémentaires rappelées ci-dessus, et aux pièces déposées par les parties.
MOTIFS
A l'appui de son appel, l'association fait notammment valoir que la Cour de cassation a jugé que les tensions, en partie imputables à celui qui s'en plaint, ne peuvent caractériser un harcèlement moral, que le salarié ne rapporte au débat aucun élément de preuve de l'existence d'un harcèlement.
L'association ajoute qu'elle n'a pas commis de manquement grave et qu'aucun manquement grave n'a été démontré par M. [D].
Sur la mauvaise organisation du service, l'association affirme que les surcharges de travail, liées à l'activité de l'entreprise et s'imposant à l'ensemble du personnel ne peuvent caractériser l'existence d'un harcèlement moral ; qu'elle gère l'absentéisme comme toute institution de santé, par du recours à l'intérim afin de préserver la continuité des services et donc des soins donnés aux patients ; que M. [D] ne saurait démontrer l'existence de dysfonctionnements majeurs dans la gestion de l'établissement qui justifieraient la rupture immédiate de son contrat de travail ; qu'il ne peut démontrer également qu'il aurait fait l'objet d'un traitement différencié par rapport aux autres aides-soignants, pouvant caractériser l'existence d'un harcèlement moral.
S'agissant des propos injurieux des patients, l'association affirme que ces événements ne lui sont pas imputables et que des procédures sont mises en oeuvre à ce titre.
S'agissant de l'attitude des supérieurs hiérarchiques du salarié, l'association affirme que M. [D] a toujours accusé, dans le cadre de 'lettre fleuves', la hiérarchie de harcèlement et de discrimination.
L'association fait valoir que les pièces produites par le salarié ne permettent pas de caractériser l'existence d'un harcèlement, que ses accusations se fondent seulement sur deux attestations, alors que ces mêmes salariés auraient engagés également des contentieux prud'homaux, leurs témoignages étant dès lors dénués de crédibilité ; que les accusations reposent sur les propres affirmations du salarié, et qu'elles sont infondées.
L'association affirme par ailleurs que l'attitude de M. [D] a toujours été victimisante, ne se remettant jamais en question, manquant de professionnalisme, manquant de solidarité avec le reste de l'équipe ; que toute réaction de l'association est mal perçue par le salarié, tout incident est interprété comme une injustice et procurerait immanquablement une souffrance au travail ; qu'aucun manquement grave de la part de l'employeur ne peut être reconnu ; que la prétendue souffrance au travail dénoncée par le salarié découle en réalité d'une perception erronée de la réalité.
L'association conclut qu'elle a toujours répondu aux alertes de son salarié, qu'elle a toujours fait preuve de clémence, de patience.
M. [D] soutient en particulier, pour sa part, qu'il a été contraint d'exercer sa profession d'aide-soignant dans un environnement de travail particulièrement dégradé. Il explique qu'il a dénoncé cette situation, à de nombreuses reprises, sans que son employeur ne réagisse, laissant la situation se détériorer. La charge de travail accrue et l'accroissement de la tension au travail ont eu pour conséquence d'affecter son état de santé, tel qu'en atteste son médecin traitant et les nombreux mois d'arrêt maladie.
M. [D] indique que l'ensemble du personnel s'est plaint de difficultés d'organisations de la clinique au sein de laquelle il était imposé une augmentation de la cadence, au détriment parfois de la qualité de soins, s'accompagnant d'un PSE, et d'une diminution constante des effectifs, d'une augmentation d'heures supplémentaires, d'une fatigue excessive du personnel, que le Syndicat Sud a dénoncé une détérioration des conditions de travail.
A ce titre, M. [D] indique que des dysfonctionnements ont été constatés dans l'organisation du service J2, qu'au cours de la relation de travail, les conditions de travail n'ont cessées de se dégrader, sans que l'employeur ne prenne aucune mesure pour tenter d'y remédier, malgré les nombreuses alertes des salariés.
Pour ce faire, M. [D] précise que le sous-effectif était constamment dénoncé, que le manque de personnel, non compensé par l'embauche d'intérimaires, crée indéniablement un stress important ainsi qu'une charge excessive de travail qu'il devait subir.
M. [D] indique également l'attitude de certains membres du personnel et d'encadrement qui étaient dénoncés, notamment que certains salariés de l'équipe de jour refusaient de répondre aux sonnettes des patients, considérant que leur travail quotidien était terminé, ou n'assistaient pas à la réunion de transmissions, de sorte qu'aucune transmission sur les patients n'était réalisée, laissant l'équipe de nuit dépourvue d'information et entraînant un risque dans le traitement des patients ; que cette absence de communication a été dénoncée à la DRH par ses soins et par ses collègues, aux termes d'un rapport d'événements indésirables du 4 mai 2012.
M. [D] allègue encore que les propos injurieux et racistes de certains patients ont accentué la dégradation de l'environnement de travail et produit à ce titre, des attestations.
Selon lui, la direction n'a rien fait, n'a pas réagi et n'a apporté aucune solution.
S'agissant plus spécialement du comportement de Mesdames S. et C., surveillantes de nuit, M. [D] explique qu'elles n'ont pas hésité à adopter à son égard et à l'égard d'autres salariés, une attitude agressive, agissements corroborés par les attestations qu'il verse. : 'Mesdames (S. et C.) sont complaisantes avec certains et procèdent à des rigueurs excessives avec les autres.'
'Des brimades, abus d'autorité, manque de respect, favoritisme, chantage, agressions verbales, pressions de toutes sortes (...) elles faisaient courir des rumeurs au sein des services sur des aides-soignants qu'elles n'aimaient pas'.
Une nouvelle fois, le salarié explique que malgré le signalement opéré à la direction, aucune enquête n'a été menée afin de faire cesser ces agissements, de sorte qu'elles ont continué à manifester une agressivité à son encontre.
M. [D] fait également état du comportement de Mme L., infirmière du service J2, de l'animosité qu'elle a pu manifester à son égard, par exemple, quand il lisait un document la lumière allumée, elle éteignait la lumière et disait : 'Tu veux me faire croire que tu ne vois rien là ! Tu as vraiment envie de faire chier ce soir ! C'est quoi ces aides-soignants ! (...).'
M. [D] relève qu'il a averti la direction mais qu'elle n'a pas pris de mesure et qu'il a en conséquence informé le CHSCT de la dégradation de ses conditions de travail et a sollicité le médecin du travail.
M. [D] considère qu'il ressort de ces éléments que le harcèlement moral est avéré, notamment en raison des mauvaises conditions de travail liées à d'importants dysfonctionnements, à un sous effectif mais également à des injures et des comportements inacceptables de dénigrement de la part de collègues de travail et de supérieurs hiérarchiques ; que l'association aurait d'ailleurs reconnu ces dysfonctionnements sans jamais apporter de solutions concrètes.
Au surplus, M. [D] affirme que l'association n'a pas réagi aux alertes et a manqué à son obligation de sécurité de résultat et produit à ce titre différents courriers adressés à la direction.
En conséquence, sa prise d'acte doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ses demandes sont bien fondées.
Sur ce
A titre préliminaire, la cour indique que, compte tenu de la longueur de la lettre par laquelle M. [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, cette lettre ne sera pas citée ici en son entier mais la cour y renvoie expressément pour plus ample précision sur les faits dénoncés par ce salarié à l'appui de sa cause.
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne la cessation du contrat.
Il appartient au salarié d'apporter la preuve des manquements de l'employeur et de ce qu'ils présentent un caractère réel et sérieux. Il appartient au juge de prendre en compte l'ensemble des manquements dénoncés par le salarié, qu'ils l'aient été ou non dans la lettre de prise d'acte, et de restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux.
La prise d'acte produit, selon que les griefs invoqués par le salarié apparaissent fondés ou non, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d'un licenciement nul lorsque les conditions en sont remplies ' ce qui serait le cas ici, s'agissant d'un salarié protégé), ou ceux d'une démission.
La cour doit donc procéder à l'examen préalable des griefs soulevés à l'encontre de son employeur par M. [D], le harcèlement moral puis le manquement à l'obligation de sécurité, étant tout de suite précisé que certains des griefs invoqués pour le premier pourraient servir à démontrer le second.
La cour examinera les griefs allégués par M. [D] dans l'ordre dans lequel il les a présentés.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de sa demande, M. [D] invoque tout d'abord le 'sous effectif': '... au sein du service de nuit, les situations de sous effectif étaient légion'.
La cour ne peut que constater que ce grief est infondé, s'agissant d'une accusation générale d'un comportement qui, en tout état de cause, ne vise aucunement M. [D] personnellement, ce dernier n'apportant aucun élément d'aucune sorte de nature à permettre de considérer que le service J2, auquel il appartient, aurait été victime de sous-effectif au motif qu'il en est membre. Au contraire, M. [D] s'emploie à relever que le sous-effectif est général et chronique au sein de l'association.
S'agissant de 'l'attitude de certains membres du personnel et d'encadrement', M. [D] indique tout d'abord que l'équipe de nuit du service J2 'devait (...) faire face au comportement de certains salariés de l'équipe de jour lorsqu'ils étaient amenés à se rencontrer chaque fin de journée pour les transmissions d'information relatives aux patients' (souligné comme dans l'original des conclusions).
Sur ce point également, la cour doit constater qu'il s'agit du reproche d'une défaillance structurelle, qui ne vise en aucune manière spécialement M. [D]. Ce dernier précise d'ailleurs lui-même avoir rédigé un rapport, avec 'ses collègues' (en gras comme dans l'original), le 4 mai 2012, à l'attention de la direction des ressources humaines.
S'agissant du comportement de Mmes S. et C., M. [D] souligne qu'elles n'ont 'pas hésité à adopter à (son) égard et d'autres salariés, une attitude agressive' (en gras comme dans l'original).
Il leur reproche, par exemple, d'être 'complaisantes avec certains et (de procéder) à des rigueurs excessives avec les autres' (attestation de Mme H.), ou des 'brimades, abus d'autorités, manque de respect, favoritisme, chantage, agressions verbales, pressions de toutes sortes' (en gras dans l'original; attestation de Mme V.).
Il ajoute avoir adressé une lettre, le 31 mars 2010, avec Mmes T. et Lx. pour dénoncer les 'agissements répétitifs de (Mme S.) d'attitudes, comportements, propos, injures, pressions assimilables à du harcèlement moral' (en gras dans l'original) 'lesquels ont pour conséquence la dégradation de (leurs) conditions de travail et celles de (leurs) collègues'.
Ce courrier est antérieur de plus de deux ans à la rupture du contrat de travail et ne saurait la fonder.
En tout état de cause, les faits dénoncés traduiraient une défaillance structurelle de l'employeur, M. [D] n'en étant pas une victime particulière mais une des victimes.
M. [D] reproche également à Mme C. d'avoir rédigé, le 1er juin 2011, un rapport dénonçant son refus d'accueillir un patient au sein du service et de ne pas lui en avoir donné connaissance avant son entretien d'évaluation du 18 juillet 2011, précisant avoir contesté ce rapport par courrier du 1er août 2011 'tout en alertant le CHSCT'.
Il s'agit ici également d'un fait ancien et M. [D] n'explique en rien ce qu'il est advenu de sa contestation ni si une quelconque sanction aurait été prise à son encontre à la suite de ce rapport, la cour relevant que, comme le souligne M. [D] lui-même, le CHSCT n'a jamais répondu, ce qui ne peut être reproché à l'association.
M. [D] dénonce également le comportement d'une infirmière du service. Il lui reproche d'avoir, le 18 juillet 2011, éteint la lumière de la salle dans laquelle il se trouvait alors qu'il lisait, puis de lui avoir mal parlé après qu'il avait rouvert l'interrupteur ; de l'avoir ignoré 'ostensiblement' ; d'avoir cherché à le 'pousser à la faute'.
M. [D] a dénoncé ces agissements par courrier du 5 août 2011 à la direction des ressources humaines puis, en l'absence de réponse, au CHSCT et au médecin du travail.
La cour ne peut que constater que, comme M. [D] l'indique lui-même, ni le CHSCT ni le médecin du travail n'ont répondu à ce courrier.
En tout état de cause, il s'agit de faits remontant à de nombreux mois, M. [D] n'établissant en aucune manière en quoi cette infirmière l'aurait, en particulier, 'poussé à la faute'.
M. [D] conclut sa dénonciation du harcèlement moral en soulignant que non seulement le médecin du travail ne lui a pas répondu mais n'a, 'de manière très surprenante pas effectué d'étude sérieuse de (sa) situation, malgré ses nombreuses plaintes, mais (ce médecin) a surtout violé le secret médical en enfreint à ses règles (sic) de déontologie en prenant l'initiative de contacter le Médecin Psychiatre de (M. [D]) pour tenter de démontrer sa 'paranoïa''.
La cour ne peut que considérer que l'association ne saurait être en aucune manière responsable d'une quelconque carence ou faute du médecin du travail, à la supposer avérée.
D'une manière générale, à supposer même que l'on puisse considérer qu'un comportement général de l'employeur puisse constituer un harcèlement moral à l'égard d'un salarié déterminé, force est de constater que tous les faits ci-dessus invoqués, lorsqu'ils sont datés, sont antérieurs au mois de septembre 2011, alors que M. [D] a été placé en arrêt maladie du 1er août 2011 au 30 janvier 2012.
Le seul fait postérieur aux dates ci-dessus est celui mentionné plus haut, lorsque M. [D] déplore que, alors qu'avec deux de ses collègues, il avait dénoncé, par courrier en date du 4 mai 2012, 'une nouvelle fois, de graves dysfonctionnements au sein du service de nuit', la direction se soit contentée de répondre, le 9 mai, qu'une réunion serait organisée et qu'elle l'ait été pendant ses congés à lui. Il l'avait signalé à son employeur mais la date n'avait pas été modifiée.
La cour ne peut que constater que, encore une fois à supposer même que cette circonstance soit établie, elle ne saurait constituer un harcèlement moral.
Il résulte de tout ce qui précède que, M. [D] n'établissant pas de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, il doit être débouté de sa demande à cet égard.
Sur le manquement de l'association à son obligation de sécurité
M. [D] fait ici valoir qu'avec ses collègues, ils 'n'ont eu de cesse d'alerter leur employeur sur les disfonctionnements au sein de leur service, sur les brimades qu'ils subissaient et les conséquences que cela entrainait sur leur santé et ce sans le moindre succès' (sic).
M. [D], relie le harcèlement moral dont il s'estime victime aux 'mauvaises conditions de travail liés à d'importants dysfonctionnements à un sous effectif mais également à des injures et des comportements inacceptable de dénigrement de la part de collègues de travail et de supérieurs hiérarchiques' (sic), considère que l'association a reconnu ces dysfonctionnements et que, n'ayant pas réagi, elle a manqué d'autant plus à son obligation de sécurité de résultat.
M. [D] vise expressément:
. un courrier, resté sans réponse, qu'il avait adressé, avec deux collègues, le 31 mars 2010, pour dénoncer, entre autres les agissements répétitifs de Mme S. et la 'souffrance quotidienne qu'il ressentait depuis plusieurs mois' ;
. un courrier en date du 12 mai 2010 dans lequel il 'dénonçait à nouveau des actes de harcèlement moral de la part de (Mme S.) et le fait qu'aucune enquête n'ait été diligentée malgré ses précédents courriers', resté sans réponse ;
. son entretien annuel, le 18 juillet 2011, au cours duquel il s'est plaint de l'absence de dialogue avec les équipes de jour et de leurs rapports conflictuels, demandant l'organisation de réunions de service pour résoudre de problème, demande restée sans réponse ;
. le courrier du 5 août 2011, adressé en copie à la 'Direction des Soins Infirmiers' ainsi qu'au CHSCT, dénonçant 'encore une fois' à la DRH 'la violence et le harcèlement moral dont il était victime' ;
. le courrier du 4 mai 2012, adressée à la nouvelle DRH, dans lequel, avec deux collègues, il dénonçait de 'graves dysfonctionnements au sein du service' et notamment des problèmes de transmission entre les équipes de jour et les équipes de nuit; une réunion avait finalement été organisée mais organisée alors qu'il se trouvait en congés ;
. ce qu'il avait déploré par courrier du 26 mai 2012, mais la date de la réunion n'avait pas été modifiée ;
M. [D] conclut que ces nombreuses démarches d'alerte 'n'ont eu aucune suite, l'employeur choisissant d'ignorer ces faits, de même que l'Inspection du Travail et le CHSCT' et la médecine du travail.
La carence fautive de son employeur l'avait contraint à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, alors que son état de santé s'était dégradé: il avait dû être arrêté entre le 1er août 2011 et le 30 janvier 2012.
Le CCML, pour sa part, après avoir rappelé que, à plusieurs reprises, 'et notamment dans les mois qui ont précédé la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Monsieur [D] des incidents dans la gestion de ses patients ont été constatés', souligne que 'tout incident est interprété par Monsieur [D] comme une injustice et, selon lui, il procurerait immanquablement une souffrance au travail' (en gras dans l'original des conclusions).
Elle considère, en revanche, avoir systématiquement répondu aux alertes de M. [D] :
. En 2006, lorsque M. [D] se plaint du comportement de Mme S, il a immédiatement été reçu, assisté d'un représentant du personnel, par le directeur général ;
. en novembre 2008, lorsque M. [D] écrit le 10 pour se plaindre de Mme O., il est reçu le 12 novembre par la cadre de soins ;
. lorsque le 29 janvier 2010, trois salariés dont M. [D] se sont plaints du comportement de Mme S., une enquête a été diligentée immédiatement qui n'a pas permis, dit la Société, de corroborer les accusations de M. [D] ;
. en juin 2010, M. [D] a de nouveau dénoncé des faits de harcèlement de la part de Mme S. ; il a été immédiatement reçu par la directrice des ressources humaines ;
. le 4 mai 2012, lorsque trois salariés dont M. [D] se plaignent de dysfonctionnements au sein de leur équipe, une réunion de service a immédiatement été organisée par la directrice des ressources humaines, en présence de représentants des équipes de jour et de nuit.
Le CCML ajoute que M. [D] a été reçu à plusieurs reprises par le médecin du travail, lequel a pris soin de prendre attache avec le médecin psychiatre qui suit M. [D].
L'inspection du travail, alertée par M. [D], n'est pas intervenue.
Quant au CHSCT, que M. [D] avait saisi le 11 août 2011, il n'a conduit aucune action.
Sur ce
La cour souhaite indiquer, à titre préliminaire, que les éléments soumis à son appréciation peuvent laisser penser qu'effectivement, il existait au sein du CCML une situation de sous-effectif de nature à faire peser sur les salariés une charge importante de travail, sans doute plus importante qu'elle n'avait pu l'être par le passé.
Mais cette situation n'emporte pas par elle-même une mise en danger de ces salariés : encore faut-il établir qu'elle était susceptible de mettre, voire a effectivement mis, en danger un ou plusieurs salariés de l'entreprise.
Par ailleurs, la cour n'entend pas suggérer, de quelque manière que ce soit, dans ce qui suit, que M. [D] ne ressent pas une véritable souffrance de sa situation.
Mais ce qui importe est de vérifier si cette souffrance peut-être le résultat de l'action, ou de l'inaction, de son employeur, de vérifier si cet employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Dans cette perspective, il importe de noter que le Centre chirurgical Marie Lannelongue opère dans un cadre réglementé, notamment en ce qui concerne le nombre de personnes dont la présence est indispensable dans les différents services, notamment les services de nuit.
M. [D] n'apporte aucun élément d'aucune sorte de nature à laisser penser que, de ce point de vue, le CCML ne respectait pas la réglementation.
La cour doit par ailleurs relever que M. [D] n'est en rien fondé à invoquer, à l'encontre de son employeur, le fait que ni le médecin du travail, ni l'inspection du travail, ni le CHSCT n'aient initié une quelconque action à la suite de ses différentes plaintes.
Cette absence de réaction apparaît bien au contraire comme un indice du manque de caractère sérieux des allégations de M. [D].
La cour doit souligner, en particulier, que le certificat médical produit par M. [D], en date du 16 février 2012, émanant du docteur [O], psychiatre, est dénué de toute valeur probante : ce médecin, qui évite de fournir la moindre indication sur une pathologie dont M. [D] serait atteint, indique seulement que 'les troubles que présente M. [D] sont réactionnel aux conditions de travail' (sic), sans apporter aucun élément d'aucune sorte à l'appui de cette affirmation.
Cela est d'autant plus inacceptable qu'il est par ailleurs acquis, comme il a pu en convenir lui-même, que M. [D] souffre de paranoïa, pathologie grave s'il en est.
Le fait que M. [D] ait été reçu par un cabinet spécialisé dans la gestion et la prévention des risques psychosociaux n'est pas davantage déterminant, même si ce cabinet indique sans ambiguïté aucune que M. [D] a pu ressentir un mal-être : M. [D] indique lui-même être suivi tant par un psychiatre que par un psychologue.
De plus, contrairement à ce que M. [D] suggère en produisant les plannings prévisionnels pour la période d'avril à août 2012 inclus, il n'est pas possible d'en inférer un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'égard de M. [D].
Outre qu'il s'agit de prévisionnels et non de réalisés (ainsi, M. [D] apparaît sur le planning du mois d'août, alors qu'il a été placé en arrêt de travail dès le 1er août, ce qui ne l'empêche pas de reprocher à son employeur d'avoir été seul trois nuit consécutives, les 3, 4 et 5 août 2012), il résulte de ces plannings que M. [D] se serait trouvé seul une nuit en avril et deux nuits en mai 2012.
Pour regrettable que soit cette situation, et si elle fait peser un risque sur le bien-être des patients hospitalisés, il demeure que M. [D] n'apporte aucun élément permettant de constater que sa santé physique ou morale s'en est trouvée menacée.
Les attestations produites par M. [D] ne sont pas davantage convaincantes. Outre leur caractère général, insuffisamment précis notamment quant aux circonstances de temps et de lieu, elles montrent que certaines collègues de M. [D] se sont plaintes d'autres responsables que Mme S. et, surtout, se plaindre du comportement des malades ou des visiteurs, comme le fait M. [D], ce qui, on l'a déjà dit, ne saurait être reproché à l'employeur.
L'attestation de Mme V. est particulièrement éclairante : cette ancienne aide-soignante au CCML confirme les difficultés, que la cour qualifiera de structurelles en résumé de ce qu'elle décrit, que devaient affronter les aides-soignants compte-tenu de l'insuffisance des effectifs et de la charge de travail. Mme V. fait également état d'un harcèlement moral en référence à la 'dégradation des conditions de travail'. De façon significative, Mme V. déplore également les injures verbales, accusations à torts, manque de respect et propos racistes ' de la part de patients aussi, des brimades, abus d'autorité, manque de respect, favoritisme, chantage, agressions verbales, pressions de toutes sortes de la part de Mesdames ([H] C). et (Z. K.), surveillantes de nuit, de Mme (MN.P.) infirmière chef (..) et de Mme (C.M.) Directrice de soins infirmiers et de comportements répétitifs de la part de certains collègues de travail Mesdames (L.), (O.) et (N.C.) aides soignantes de nuit (..) et de Madame (S.) infirmière de nuit (..)'. Mais, ce faisant, l'attestation de Mme V. ne s'appuie sur aucun fait précis, à l'exception d'un entretien professionnel du 20 octobre 2010, lequel, outre qu'il ne la concerne qu'elle, est plus de 18 mois antérieur à la prise d'acte.
Le compte-rendu de l'évaluation de juillet 2011 démontre, certes, qu'il existait un problème de gestion des ressources humaines au sein du CCML, au moins au sein du service auquel M. [D] était affecté. Mais cette évaluation montre aussi que, si M. [D] sait participer à l'accueil des personnels intérimaires, il est responsable comme d'autres de l'absence de dialogue entre les équipes de jour et les équipes de nuit, il ne remplit pas les dossiers/les fiches de suivi, il ne range pas les dossiers, et qu'il a fait l'objet d'un 'rapport' le 1er juin 2011.
M. [D] a contesté ce 'rapport'en faisant valoir qu'il n'avait pu obtenir une copie, qu'au demeurant on ne saurait lui reprocher d'avoir contesté une décision médicale, puisque cela ne relève pas de sa compétence et que le téléphone (le 'DEC') fonctionne mal ce qui avait été signalé à plusieurs reprises. M. [D] a adressé cette contestation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée, dans des termes voisins (même si la seconde contient d'autres éléments), le 30 juillet 2011, à la directrice des soins infirmiers et, le 1er août 2011, à la directrice des ressources humaines, dont il adressera copie au CHSCT et à la directrice des soins infirmiers,
avant d'adresser un nouveau courrier, le 5 août 2011, à la directrice des ressources humaines et au CHSCT pour se plaindre du harcèlement qu'il subit de la part de Mme L., puis de demander au médecin de travail, par courrier du 11 août 2011, d'être reçu en raison de ce harcèlement.
La cour ne peut que relever que, depuis le 1er août 2011, M. [D] a été placé en arrêt de travail.
Il refusera de se rendre à l'entretien préalable fixé au 30 août 2011 puis refusera de se rendre à la contre-visite médicale prévue le 1er septembre 2011, au motif que son 'état de santé est incompatible avec tout déplacement' ces jours-là.
La cour ne peut que constater que M. [D] ne justifie en aucune manière de cette affirmation.
Il est symptomatique que, par courrier du 22 novembre 2011, M. [D] ait reproché au médecin du travail d'avoir contacté téléphoniquement son médecin psychiatre et de lui avoir demandé si M. [D] n'était pas 'paranoiaque' et de lui avoir transmis des informations 'totalement erronées', reproches que rien ne vient corroborer.
Le 28 avril 2012, M. [D] va écrire un longue lettre à la cadre infirmière pour dénoncer l'attitude des membres de l'équipe de jour à l'encontre de l'équipe de nuit et dénoncer 'l'attitude ambivalente, méprisante et le manque de respect total de (Mme S.) à (son) égard', sollicitant l'organisation d'une réunion de service.
Le 4 mai 2012, M. [D] écrira de nouveau à cette cadre infirmière pour dénoncer, avec deux autres collègues, des dysfonctionnements liés à la prise en charge des patients dans sa globalité.
La cour ne peut que constater que la direction de l'entreprise organisera rapidement une réunion, mais M. [D] viendra se plaindre qu'elle se déroule 'pendant (son) absence en CJO)'.
La cour note également que, dans son courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, M. [D] se pose en évaluateur de la qualité de la performance des uns et des autres, distribuant à l'envi les reproches, dénonçant l'organisation (plutôt : la désorganisation) de tel ou tel service, dénonçant l'absence de réponses à ses plaintes, qu'elles soient adressées à l'inspection du travail, à la DRH, à la médecine du travail, se vantant d'avoir 'toujours favorisé le dialogue', faisant remonter ses griefs à plus de sept années, évoquant longuement un incident l'ayant opposé à un infirmier de nuit.
Enfin, la cour observe que M. [D] n'a pas hésité à déposer plainte auprès des services de police au motif qu'un patient, relevant d'une opération chirurgicale cardiaque lourde, s'est agité et lui aurait volontairement donné un coup de pied à l'oreille alors que le personnel soignant le forçait à se recoucher, ajoutant que ce patient avait dû être immobilisé par ceinture de contention mais avait 'toute sa tête et ne souffr(ait) pas de troubles psychologiques'.
De tout ce qui précède, la cour retient que si, sans aucun doute, la situation que décrit M. [D] en termes d'effectif et d'organisation du travail est loin d'être dénuée de fondements, si sans doute les aide-soignants, notamment ceux travaillant la nuit, peuvent avoir la perception d'un certain manque de considération, s'il peut en résulter un sentiment d'injustice pour M. [D], il demeure qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en ce qui concerne M. [D], ne peut être établi.
M. [D] doit donc être débouté de l'intégralité de ses demandes, sa prise d'acte produisant les effets d'une démission.
Le jugement entrepris, pour ce qui concerne la prise d'acte et ses conséquences, doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
M. [D] sera condamné à rembourser à l'association Centre chirurgical Marie Lannelongue la somme de 34209,99 euros qu'il a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire, en outre celle de 5341,48 euros au titre du préavis qu'il n'a pas exécuté.
Sur les dépens et sur la demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
M. [D], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens.
Aucune considération d'équité ne conduit à condamner une partie à payer à l'autre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [D] de sa demande au titre d'un harcèlement moral ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [B] [D] de sa demande de voir reconnaître un manquement de l'association Centre chirurgical Marie Lannelongue à son obligation de sécurité ;
Décide que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [B] [D] produit les effets d'une démission ;
Déboute M. [B] [D] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne M. [B] [D] à payer à l'association Centre chirurgical Marie Lannelongue :
. la somme de 34209,99 euros qu'il a perçue dans le cadre de l'exécution provisoire ;
. la somme de 5341,48 euros au titre du préavis, qu'il n'a pas exécuté ;
Condamne M. [B] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Déboute M. [D] et l'association Centre chirurgical Marie Lannelongue de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas,greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,