COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JANVIER 2018
R.G. N° 16/02993
AFFAIRE :
[Y] [U]
C/
SA SOPRA STERIA GROUP venant aux droits de la Société STERIA
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 21 Mars 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 15-00556/N
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL BERNARD - VIDECOQ
la SELAS DF ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Y] [U]
SA SOPRA STERIA GROUP
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Y] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Emilie VIDECOQ de la SELARL BERNARD - VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2002
APPELANT
****************
SA SOPRA STERIA GROUP venant aux droits de la Société STERIA
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Eve DREYFUS de la SELAS DF ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1814 substituée par Me Mathieu julien SIMONET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2237
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Mme [B] [O] [O] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Sylvie CACHET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET
M. [Y] [U] a été embauché par la société Stéria, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Sopra Stéria Group (ci-après, la 'Société' ou 'Stéria') le 1er mars 2008, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicien principal, position 3.2, coefficient 450.
La convention collective applicable est la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils e des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite SYNTEC.
Cet emploi correspond à des fonctions de conception ou de gestion élargie nécessitant 'la connaissance du mode de résolution de problèmes complets courants pouvant être traités avec des méthodes habituelles et dont l'agent possède la pratique, mais nécessitant, en raison de leur nombre et leur variété une expérience diversifiée'.
Suite à une dépression, M. [U] a été reconnu travailleur handicapé pour la période du 30 août 2010 au 29 août 2015, par décision de la maison départementale des personnes handicapées de Seine Saint-Denis, en date du 18 mai 2011.
A compter du mois de mai 2012, M. [U] a été placé en situation d'inter-contrat, c'est-à -dire, dans l'attente d'une mission.
La charte inter-contrat Stéria rappelle que la période d'inter-contrat, intrinsèque au métier de service, se définit comme une période de latence entre deux missions.
Au cours des périodes d'inter-contrat il revient :
- à la Société d'accomplir les démarches nécessaires afin de pouvoir proposer au collaborateur une mission correspondant à son profil ;
- au salarié d'être pro-actif dans la recherche d'une mission et de s'entraîner aux entretiens et à la présentation de la clientèle afin de pouvoir être repositionné sur une mission le plus rapidement possible.
Tant qu'il reste en inter-contrat, le salarié qui n'accomplit pas de prestation de travail continue cependant d'être rémunéré par Stéria.
Selon la Société, M. [U] aurait refusé trois missions :
- le 16 avril 2013, auprès de Rail Solutions, faisant valoir que la mission comportait des astreintes incompatibles avec les préconisations médicales ; que pourtant son employeur s'était assuré auprès du docteur [S] de la possibilité de retenir la mission, laquelle n'aurait exigé, quelques mois après le démarrage de la mission, qu'une fois par mois, un travail en soirée compensé par une arrivée plus tardive le matin ;
- en juin 2013, une proposition d'administrateur fonctionnel chez EDF, en faisant valoir qu'il aurait eu besoin d'une information complémentaire, ce que le client déniait et en faisant en sorte d'établir au cours de l'entretien que la mission ne le motivait pas ; qu'il souhaitait aller vers un poste de chef de projet ; qu'à l'issue de cet entretien négatif, M. [U] a été placé en arrêt de travail ;
- fin septembre 2013, une mission dans le cadre du projet TOIP.
Il est établi qu'entre le 19 décembre 2012 et le 22 août 2013, M. [U] a bénéficié de :
- trois arrêts maladie (19 décembre 2012 au 25 janvier 2013 ; 27 juin 2013 au 11 juillet 2013 ; 12 juillet 2013 au 25 juillet 2013) ;
- deux périodes de congés (29 avril 2013 au 30 mai 2013 ; 8 août 2013 au 22 août 2013).
Le 3 juin 2013, le médecin du travail, le docteur [S], déclarait M. [U] apte avec aménagement de poste :
'Contre indication médicale au travail posté et aux astreintes.
Contre indication médicale à un temps de trajet en transport en commun journalier de plus de 2h/2h15.
Transport adapté à mettre en place si le temps de trajet en transport en commun journalier dépasse 2h'.
Le 8 octobre 2013, alors qu'il se trouvait donc toujours en inter-contrat, M. [U] s'est vu proposer par Mme [C], 'ressource manager', une mission ponctuelle, chez Natixis, sur laquelle la société souhaitait le positionner, pour une durée de 33 jours.
La mission, devant démarrer le 14 octobre 2013, consistait à la mise à jour de Windows XP sur l'ensemble des postes de travail(environ 600) et comprenaient quatre techniciens, outre M. [U].
L'employeur, par l'intermédiaire de M. [I], s'est inquiété de la compatibilité de la mission avec les contre indications médicales concernant M. [U].
Mme [C] lui a répondu positivement, indiquant qu'il s'agissait seulement de 'manipuler les postes de travail pour les brancher sur le banc de masterisation et/ou les rendre aux utilisateurs'.
Le 16 octobre 2013, M. [U] commence sa mission. Il dit avoir constaté que, en réalité, il devait déballer des palettes et des cartons, procéder au flash du code barre, le tout dans un local dédié se trouvant à un niveau différent et enfin porter de nouveau les machines pour les ranger. De plus la durée des trajets quotidiens préconisée par le médecin du travail serait dépassée.
Il adresse un courriel en ce sens à la Société.
M. [U] dit avoir été victime, le 17 octobre 2013, durant l'exécution de sa mission, d'un accident du travail: des salariés ayant entassé des cartons en hauteur suivant les instructions qu'ils avaient reçues, il recevait 40 kilos de cartons sur la tête et l'épaule.
M. [U] a été transporté par les pompiers aux urgences de l'hôpital [Établissement 1], où il lui a été diagnostiqué des cervicalgies et des lombalgies ; le collier cervical mis en place par les pompiers a été maintenu ; le compte rendu des urgences mentionne : 'pas d'arrêt de travail' ; toutefois, le certificat médical initial délivré par le service des urgences en prescrit un.
La société a effectué une déclaration d'accident du travail le 18 octobre 2013, mentionnant :
'Chute soudaine de plusieurs cartons sur la tête et le corps. Les cartons étaient situés en face de la victime empilés à une hauteur de 2 mètres 50. Chaque carton pèse environ 10 kilos'.
Suite à cet accident, M. [U] a été placé en arrêt de travail à compter du 18 octobre 2013 jusqu'au 14 avril 2014 et du 25 juin 2014 au 7 juillet 2014.
Des soins lui seront prescrits jusqu'au 15 janvier 2015.
Un taux d'incapacité permanente partielle de 3% a été fixé par le médecin conseil en raison d'un syndrome post commotionnel avec douleurs du rachis cervico-dorso-lombaire persistantes sur état antérieur.
La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine (CPAM) a pris en charge l'accident au titre des risques professionnels.
Lors de la réunion du comité d'hygiène et de sécurité de l'entreprise (CHSCT) du 24 octobre 2013, le représentant de la direction M. [N], a confirmé qu'au titre de la mission, il était demandé à M. [U] de faire de la manutention alors que sa fonction était technicien principal 3.2 :
'Le salarié a mentionné des cartons avec du matériel informatique, il y a eu livraison importante de cartons qu'il a fallu entreposer par eux-mêmes, des cartons lui sont tombés sur la tête. Il a été déséquilibré et il a chuté en se cognant contre une armoire de brassage'.
Le 28 novembre 2013, un droit d'alerte était déclenché par un délégué du personnel dans les termes suivants :
- 'Les faits subis par M. [U] au préalable de l'accident de travail sur le site client Natixis le 17 octobre 2013 et qui selon le salarié l'avait poussé à bout pour accepter la mission 'manutention' ;
- la gestion par Stéria de l'accident du travail concernant M. [U] (pour l'accident du travail, je suis également mandaté par le CHSCT avec Mme [V] et M. [J] : absence de visite commune préalable, absence de plan de prévention, conditions de travail,...) ;
- la situation actuelle du salarié et respect de ses droits légaux'.
Le 9 décembre 2013, M. [U] a porté plainte auprès du procureur de la République pour atteinte à son intégrité.
Par décision du 12 décembre 2013, la CPAM a pris en charge de nouvelles lésions constatées le 6 décembre 2013.
Après une enquête sur l'accident du travail de M. [U], l'inspecteur du travail a dressé le 19 décembre 2013, un procès-verbal à l'encontre de la société Stéria, ayant relevé que la société avait commis les quatre infractions suivantes :
- emploi de travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité ;
- emploi de travailleur à une activité de manutention de charges sans respect des règles de prévention des risques ;
- exécution de travaux par entreprise extérieure sans inspection préalable commune ;
- exécution de travaux par entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalables.
Par courrier du 19 décembre 2013, l'inspecteur du travail a indiqué à l'employeur qu'à la suite de l'enquête menée sur les causes de l'accident du travail dont M. [U] avait été victime, il avait relevé deux non-conformités au regard des textes sur la sécurité du travail :
- l'absence de formation des salariés aux gestes et postures adoptées pour les opérations de manutention ;
- l'absence de réalisation d'un plan de prévention des risques qu'elle doit établir avec ses clients, l'attention de Stéria ayant été attirée sur ce point par l'administration du travail, dès 2011.
Le 6 novembre 2014, le médecin du travail est intervenu au sein de la société Stéria et a déclenché un droit d'alerte collectif au titre de l'article L. 4624-3 du code du travail, concernant la prise en charge des risques psychosociaux dans l'entreprise.
Les soins de M. [U] se sont poursuivis jusqu'au 15 janvier 2015, date de sa consolidation.
A compter du mois de mars 2015, M. [U] s'est engagé syndicalement et a été élu délégué du personnel sur le site de [Localité 1].
Par lettre recommandée avec avis de réception du 18 mars 2015, le conseil de M. [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, d'un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'entreprise Stéria lors de l'accident du travail dont il a déclaré avoir été victime le 17 octobre 2013.
Le 23 novembre 2015, la Société n'ayant pas déféré à la mise en demeure préalable de l'inspecteur du travail de procéder à une évaluation des risques psychosociaux et d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan d'action de lutte contre ces risques, l'inspecteur du travail a dressé un nouveau procès-verbal d'infraction, à l'encontre de la Société pour inexécution par chef d'entreprise de mise en demeure de remédier à une situation dangereuse.
Devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, M. [U] s'est vu reconnaître un taux d'incapacité permanente partielle de 12% par jugement en date du 1er décembre 2015.
M. [U] précise qu'il est toujours suivi au centre de douleurs de l'hôpital [Établissement 2].
M. [U] a demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine ('TASS') de :
- dire et juger que la société Stéria avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident dont il avait été victime le 17 octobre 2013 ;
- majorer au maximum la rente d'accident du travail à la suite du dit accident ;
- nommer tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission de l'examiner et donner à la juridiction tout élément permettant de déterminer les conséquences dommageables du dit accident ;
- condamner la société Stéria à verser à M. [U] une provision de 5 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
- dire et juger que la CPAM devrait faire l'avance des dits fonds ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner la société Stéria à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Stéria a demandé au tribunal de :
- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [U] au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux entiers dépens de l'instance.
La CPAM a déclaré s'en rapporter à justice sur le mérite de la reconnaissance de la faute inexcusable ; elle a rappelé que la faute du salarié peut éventuellement exclure celle de l'employeur.
La CPAM a précisé que M. [U] ne perçoit pas de rente ; que son taux d'incapacité permanente partielle avait été fixé à 3% pour syndrome post commotionnel sur un état antérieur lourd ; que la décision du TCI ne lui a pas été notifiée ; qu'une régularisation sera opérée si l'incapacité permanente partielle est supérieure à 10%.
Enfin, la CPAM a demandé à ce qu'en cas d'expertise médicale ordonnée, la mission soit limitée compte tenu de l'état antérieur et a demandé au tribunal de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le principe de la demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la société Stéria ; dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait reconnue :
- ordonner une expertise médicale à l'effet de procéder à l'évaluation des préjudices subis par M. [U], limitée aux seuls préjudices visés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et au préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire ;
- lui donner acte de ce que les sommes allouées en réparation des préjudices personnels seront versées directement par la caisse qui en récupérera le montant auprès de la société Sopra Stéria Group en qualité d'employeur.
Par un jugement du 21 mars 2016, le TASS a débouté M. [U] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable, considérant qu'il échouait à démontrer que son employeur pouvait avoir conscience de la situation de danger dans laquelle il se trouvait ; que ce faisant, l'absence de mesures prises invoquées, telles que notamment la formation aux gestes et postures, ne peut être reprochée à la société.
C'est ainsi que le TASS a notamment :
- a dit M. [U] mal fondé en son recours et l'en a débouté ;
- débouté M. [U] de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté M. [U] de sa demande d'application d'exécution provisoire ;
- condamné M. [U] à verser à la Sopra Stéria Group venant aux droits de Stéria la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens la procédure étant sans frais et sans représentation obligatoire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Par acte en date du 18 mai 2016, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
Par ailleurs, en date du 17 mai 2016, le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Créteil a informé M. [U] que sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 27 janvier 2016 venait de donner lieu à l'ouverture d'une information confiée à un juge d'instruction au tribunal de grande instance de Créteil.
Enfin, par jugement en date du 15 mai 2017, le conseil de prud'hommes, que M. [U] avait saisi, a débouté l'intéressé de l'ensemble de ses demandes.
M. [U] a relevé appel de cette décision.
Par ses conclusions écrites, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
- juger que l'accident du travail du 17 octobre 2013 et dû à la faute inexcusable de l'employeur ;
Avant dire droit sur le préjudice,
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire qui sera confiée à l'expert du choix du tribunal ;
- dire que la mission de l'expert sera d'examiner M. [U], de dire quels sont ses postes de préjudice et de les évaluer dans le respect du principe du contradictoire ;
- fixer le délai dans lequel l'expert devra déposer son rapport ;
- dire que les frais de l'expertise seront avancés par l'employeur ou, à défaut, la CPAM ;
- ordonner à l'employeur de verser à M. [U] une provision de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;
- condamner l'employeur à payer à M. [U] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ses conclusions écrites, la société demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 21 mars 2016 ;
- condamner M. [U] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Eve Dreyfus, avocat.
La CPAM, oralement, s'en rapporte quant à la faute inexcusable et émet les réserves d'usage quant aux demandes du salarié, rappelant par ailleurs son droit à bénéficier, le cas échéant, d'une action récursoire à l'encontre de l'employeur.
Il est à préciser que ce dossier avait été convoqué à une audience prise en magistrat rapporteur et qu'il a été renvoyé, à la demande du conseil du salarié, en audience collégiale.
Vu les conclusions déposées, tant pour M. [Y] [U] que pour la société Stéria, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties,
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience collégiale du 9 novembre 2017,
MOTIFS
A l'appui de son appel, M. [U] fait valoir que l'employeur a commis une faute inexcusable, que le signalement du risque auprès de l'employeur a été effectué par ses soins, par courriel, adressé le 16 octobre 2016, soit la veille de l'accident, qu'aucune réponse n'y a été apportée et qu'il a été maintenu dans des conditions de travail dangereuses.
Il souligne qu'il existe ainsi une présomption de faute inexcusable de l'employeur.
M. [U] soutient également que la Société n'a pas respecté ses obligations de prévention spécifiquement mises à sa charge, que l'inspecteur du travail a bien relevé que la société avait commis quatre infractions aux règles de sécurité : absence de formation, absence de mise en oeuvre des règles de prévention en matière de manutention, absence d'inspection préalable des locaux, absence de plan de prévention.
De plus, M. [U] explique qu'il a été affecté à une tâche ne relevant pas de sa qualification de technicien principal, s'agissant de manutention.
Par ailleurs, M. [U] conteste que la Société ait pu avoir des difficultés à le positionner sur une mission de sa compétence, surtout si c'est un reproche lié à son indisponibilité du fait de ses arrêts maladie, ce qui serait discriminatoire. Il soutient que la Société affirme sans preuve qu'il aurait refusé plusieurs missions.
S'agissant de la mission en cause, M. [U] conteste qu'il ait été indiqué qu'il 'ne s'occuperait que d'intégration'. Il souligne que l'accident s'est produit 'sur le site de Charenton, qui est un autre site que celui qui était inscrit dans l'ordre de mission à [Localité 2] correspondant au lieu de masterisation/installation de OS Windows'. M. [U] en veut pour preuve la déclaration de M. [N], représentant de la direction, devant la réunion du CHSCT du 23 octobre 2013.
M. [U] reproche, en outre, à la Société, de s'appuyer sur un courriel rédigé par M. [P], selon lequel les salariés auraient utilisé la salle d'intégration en lieu et place de la salle de stockage. En tout état de cause, M. [U] n'a commis aucune faute qui permettrait d'exonérer la Société de sa responsabilité dans l'accident.
Enfin, la Société ne démontrer aucune intention frauduleuse dans la production par M. [U] de photographies 'le montrant en situation avant et après l'accident de travail'.
S'agissant de sa demande d'expertise et de la demande de provision, M. [U] indique avoir souffert 'de cervicalgies et de douleurs lombaires intenses ayant nécessité un arrêt de travail de plus de 8 mois' (souligné comme dans l'original des conclusions) et que les soins se sont poursuivis jusqu'au 15 janvier 2015, pour des douleurs tant physiques que morales.
La société Stéria soutient notamment, pour sa part, qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la société fait valoir que les salariés n'ont pas respecté les consignes données relativement au stockage des cartons.
La société ajoute que, compte tenu de la mission qui était confiée à M. [U] et qui ne comportait aucune manutention, la société Stéria n'avait pas à mettre en oeuvre de règles particulières de protection.
En revanche, M. [U] avait pris l'initiative, 'en violation des instructions de son employeur', de modifier les modalités de stockage des ordinateurs en les faisant entreposer, en piles, directement dans la salle d'intégration. Il a ainsi 'commis une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, l'exposant seul à un danger dont il avait conscience dans le seul but d'engager la responsabilité de son employeur'.
Il faut relever que M. [U] prenait soin de se faire prendre en photographie à côté des piles de cartons qu'il avait fait entreposer.
La Société explique ensuite, s'agissant de sa connaissance alléguée de l'existence d'un risque, que le salarié ne lui a fait part d'aucune situation de danger à laquelle lui ou les autres salariés auraient été exposés, mais qu'il n'attendra que quelques heures après l'envoi de son courriel du 16 octobre 2013 pour mettre en scène son accident, plaçant son employeur dans l'impossibilité d'agir.
Enfin, la société affirme que M. [U] a procédé à des manoeuvres mensongères. Dès réception de son ordre de mission, il avait demandé si la mission comportait de la manutention. Il avait pris soin de se faire prendre en photographie avant la prétendue chute des cartons, qu'il avait lui-même fait entreposer dans la salle d'intégration, puis après la 'soit-disant chute'. Aucun dommage matériel n'avait été constaté à la suite ce cette chute.
M. [U] avait saisi le TASS d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable 18 mois après l'accident invoqué.
Enfin, la société affirme qu'aucune lésion objective médicalement constatée n'a été reliée directement à l'accident qui serait survenu le 17 octobre 2013.
La CPAM s'en remet à la cour quant à la faute inexcusable.
Sur la faute inexcusable Â
Sur la présomption de faute inexcusable
Aux termes de l'article L. 4131-4 du code du travail :
Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
En l'espèce, M. [Y] [U] fait valoir que le 16 octobre 2013, veille de l'accident, il a adressé un courriel à son employeur, signalant le risque auquel il allait être exposé et qui s'était matérialisé.
Le courriel de M. [U] se lit notamment de la façon suivante : 'Les contenues dans l'ordre de mission disponible sur atom ne correspondent pas à la mission' (sic). M. [U] écrit ensuite que la mission semble se dérouler sur trois sites et non pas deux et qu'il 'n'est pas mentionné sur l'ordre de mission que des trajets en bus RATP étaient nécessaires pour réaliser la mission entre ces sites'.
Il ajoute avoir effectué les trajets, en voiture ou en bus, accompagné de trois 'techniciens Stéria' et un technicien d'une autre société 'intervenant sur le projet du déploiement pour faire essentiellement de la manutention, déballage des palettes, portage des cartons contenant des unités centrales entre le niveau -1 et la salle d'intégration qui se trouve au niveau 2 du bâtiment de Natixis Charenton. Après, il faut ensuite scanner et enregistrer les codes barres des différentes machines et les porter à nouveau pour les ranger en hauteur dans des espaces disponibles'.
La cour ne peut que constater que, contrairement à ce que soutient M. [U] , ce courriel ne fait aucunement part à son employeur d'un quelconque risque qu'il encourrait.
Les prescriptions du médecin du travail sont en effet claires : 'Contre indication médicale au travail posté et aux astreintes.
Contre indication médicale à un temps de trajet en transport en commun journalier de plus de 2h/2h15.
Transport adapté à mettre en place si le temps de trajet en transport en commun journalier dépasse 2h'.
Rien dans ces prescriptions n'interdit que M. [U] puisse procéder à de la manutention.
Quant à la durée des trajets, ce qu'écrit M. [U] n'indique en aucune manière à son employeur que leur durée quotidienne totale excéderait la limite de 2h (en transport en commun) ou 2h15 par jour.
Ainsi, il n'est en rien établi que la mission confiée aurait été contradictoire avec les recommandations du médecin du travail.
Au demeurant, la formulation retenue par M. [U] ne permettait pas à l'employeur de considérer que M. [U] lui-même aurait dû procéder à de la manutention, puisqu'il précise lui-même que ce sont trois autres techniciens de Stéria et un d'une société tierce qui y procéderaient.
En tout état de cause, alors que c'est à 11h20, le 15 octobre 2013, qu'il avait été demandé à M. [U] de valider sa 'prise de connaissance' de son ordre de mission, il a adressé le courriel ci-dessus le lendemain, 16 octobre 2013, à 22h22, ce qui en tout état de cause ne permettait pas à son employeur de prendre une quelconque mesure avant le début effectif de la mission, le matin du 17 octobre 2013.
M. [U] n'est ainsi aucunement fondé à invoquer une présomption d'accident du travail.
Sur la faute inexcusableÂ
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié / la salariée (la conscience étant appréciée par rapport à un employeur normalement diligent) et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.
La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants-droit d'en apporter la preuve. L'appréciation de la conscience du danger relève de l'examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l'activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.
Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droits a droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies dans les articles suivants et notamment à une majoration de la rente allouée, outre depuis une décision du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel, la réparation de préjudices non couverts en tout ou partie par le Livre IV du code précité.
En l'espèce, il est constant que l'accident déclaré le 17 octobre 2013 a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie.
Il est également constant que M. [U] a obtenu du tribunal de l'incapacité la reconnaissance d'un taux d'incapacité permanente partielle de 12% , selon la consultation médicale annexée à la décision : ' (compte tenu) d'un syndrome douloureux rachidien, d'un syndrome post-commotionnel, et d'un état antérieur, l'ensemble des séquelles imputables à l'accident justifie de 12%'.
La cour de céans ne peut que s'étonner de cette décision, dès lors que la consultation médicale elle-même ne fait état d'aucun élément qui ne s'expliquerait pas par le seul état antérieur de M. [U], tel que le médecin, auteur de la consultation, le décrit lui-même. Ainsi qu'il sera indiqué ci-après, cette consultation est en contradiction avec les éléments médicaux du dossier, tels que soumis à la cour par M. [U].
Toujours est-t-il que, dans le cas présent, il est vérifié que M. [U] a été pris en charge par les pompiers (bulletin d'intervention daté 17 octobre 2013 à 18h13), pour une affection indéterminée, qu'une minerve cervicale lui a été posée (M. [U] se faisant photographier à ce moment-là ) puis qu'il a été transporté au service des urgences de l'hôpital [Établissement 1] de [Localité 2].
Ce service a noté : '...chute d'une pile de 5 cartons (40kg) posée devant le patient + choc contre l'armoire derrière lui. Pas de TC, pas de PC.'.
La conclusion de l'examen est la suivante : 'Cervicalgies et lombalgies après avoir été heurté par des cartons tombant au travail
Pas de lésion à la radio. RAD (renvoi au domicile) avec antalgiques
pas d'arrêt de travail
AT faite (...)
Non-Admission'
La cour relève deux points : d'une part, l'annotation suivante : 'MdV (mode de vie) : travaille dans la manutention' figure sur ce compte-rendu ; d'autre part, les radiographies pratiquées n'ont montré aucune lésion.
La cour note, en outre, que malgré la conclusion que l'état de santé de M. [U] ne nécessitait pas d'arrêt de travail, le même service des urgences a délivré, le même jour, à l'intéressé un certificat médical initial prévoyant un arrêt jusqu'au 25 octobre 2013 pour des douleurs cervicales et lombaires.
Le traitement médical prescrit, pour cinq jours, comprend du paracétamol et un relaxant musculaire.
Dès le 26 octobre 2013, le médecin généraliste (docteur [W]) va délivrer des arrêts de travail pour (en lettres majuscules dans l'original) 'Polytraumatisme Rachis cervical et lombaire Lumbago Cervicalgie Bisaccralgie (Syndrome) post commotionnel'.
L'arrêt de travail est ensuite régulièrement prolongé.
Le 06 décembre 2013, c'est un psychiatre qui le prolonge pour 'Polytraumatisme (rachis cervical + lombaires) syndrome post commotionnel avec état dépressif majeur'.
Après cette date, c'est ce psychiatre qui renouvellera l'arrêt, jusqu'au 25 juin 2014, date à laquelle il est à nouveau prolongé par le docteur [W]. Le traitement médical comprend exclusivement un antidépresseur, un antipsychotique et un hypnotique (benzodiazépine). Or, il faut le souligner ici, ce traitement n'est en aucune façon lié à un éventuel accident : ainsi qu'il résulte des pièces fournies par M. [U], ce traitement est relatif au traitement de l'affection de longue durée dont il souffre par ailleurs.
La cour note, en outre, que l'IRM du rachis cervical pratiquée le 15 novembre 2013 conclut: 'Cet examen permet d'éliminer une quelconque lésion traumatique du rachis cervical. Un(e) codiscarthrose cervicale pluriétagée avec débord disco-ostéophysique postéro-médian, paramédian et foraminal gauche en C5-C6 venant rétrécir le foramen C5-C6 gauche. Débord discal postéro-médian en C6-C7 venant laminer l'espace liquidien péri-médullaire antérieur. Absence de signe de myélomalacie surajoutée'.
La cour ne peut donc que s'étonner que des médecins aient pu prescrire des arrêts de travail pour un traumatisme cervical (entre autres) alors qu'un examen aussi précis qu'une IRM, pratiqué un mois après l'accident allégué, a permis de l'écarter définitivement.
Quelques jours après, c'est une IRM du rachis lombaire qui est pratiquée.
Si elle conclut à un '(a)spect de protrusion marquée du disque L4-L5', elle ne fait état d'aucun traumatisme ; au contraire, elle mentionne que les 'disques inter somatiques L4-L5 et L5-S1 sont dégénératifs, en hyposignal T1 et en T2'.
En d'autres termes, les lombalgies et sciatalgies invoquées par M. [U] sont en rapport avec une dégénérescence des disques et non avec un quelconque choc.
Il est par ailleurs constant que M. [U] souffre de douleurs de la main droite (canal carpien), lesquelles sont en tout état de cause sans aucun rapport avec l'accident allégué.
Enfin, lorsque la cour a demandé à M. [U] de quels préjudices il sollicitait l'indemnisation, il a été incapable de le préciser, son conseil soutenant que c'est l'expertise qui permettrait de le déterminer, tandis que M. [U] pouvait indiquer qu'il ressentait des douleurs depuis le côté droit du cou jusque dans l'avant bras droit.
Or, la cour l'a indiqué plus haut, les cervicalgies et les douleurs en résultant, telles que montrées par M. [U] lui-même, résultent de causes non traumatiques.
Quant aux infiltrations épidurales dont M. [U] a souligné qu'il en bénéficiait, il résulte des pièces soumises par lui à la cour qu'elles concernent les protrusions discales L4-L5 mentionnées plus haut.
En d'autres termes, l'analyse des pièces médicales ne permet pas de conclure à un quelconque traumatisme, ce qui conduit à mettre en cause les circonstances mêmes de l'accident décrit par M. [U].
La cour n'a pu constater qu'avec le même étonnement que le conseil de prud'hommes que M. [U] ait eu la possibilité de produire des photographies le mettant en situation avant que l'accident en cause ne se produise, prenant bien soin de montrer au photographe son badge avec son nom, se montrant devant une pile de cartons d'une hauteur supérieure à la sienne, se montrant transportant un grand carton.
M. [U] reproche ainsi à son employeur de l'avoir contraint à accepter cette mission, dans le cadre de laquelle il s'est vu obligé à faire de la manutention, alors que son niveau de technicien principal devait l'en épargner.
La cour constate que M. [U] déforme les faits, à tous égards, y compris dans sa présentation du compte-rendu de la réunion du CHSCT du 24 octobre 2013.
A cette occasion, divers reprochent sont adressées à la direction (M. [N]), notamment pour ne pas avoir procédé à une visite commune préalable de chantier. Mais ce qui concerne les circonstances de l'accident ou la manutention à laquelle M. [U] aurait dû procéder n'est que le reflet des écrits ou dires de ce dernier.
De plus, les échanges de courriels avec M. [U] démontrent que la mission confiée à ce dernier ne correspondait pas pleinement à ses qualifications mais qu'il s'agissait d'une mission urgente à laquelle il lui était demandée de contribuer, sachant qu'il se trouvait en intercontrat, la Société s'engageant par ailleurs à l'affecter à une mission plus en phase avec son niveau dès lors que la situation s'y prêterait.
La cour rappelle que, contrairement à ce que soutient M. [U], il est exact qu'il a fait des difficultés pour différentes missions qui lui avaient été proposés et que, outre ses nombreux arrêts de travail et ses congés, il s'est trouvé, par sa faute, en situation d'intercontrats pendant une période assez longue. La Société était donc d'autant plus fondée à le solliciter pour une mission comme celle en cause ici.
Il est certes, exact que l'inspection du travail a reproché à la Société d'avoir l'habitude de ne pas procéder à l'élaboration de plans de prévention des risques, ainsi que de ne pas avoir formé ses salariés 'aux geste et postures à adopter pour les opérations de manutention (...) L'ensemble de vos techniciens réalisant des opérations de 'cascading' sont en particulier sont concernés'.
L'inspecteur du travail se réfère, sur ce point et à juste titre, aux dispositions de l'article R. 4541-8 du code du travail:
L'employeur fait bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles :
1° D'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque définis par l'arrêté prévu à l'article R. 4541-6 ;
2° D'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.
Mais, d'une part, comme la cour l'a rappelé ci-dessus, l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail n'exclut en aucune mesure le port de charges.
D'autre part, comme précédemment indiqué, le rôle confié à M. [U] lui-même n'était pas de procéder à de la manutention, quand bien même il en fallait nécessairement un minimum, mais de réaliser la mise à jour des différents postes concernés par la demande du client Natixis.
Comme il l'a lui-même écrit dans son courriel du 16 octobre 2013, il était loin d'être seul affecté à cette mission : il était accompagné de trois autres techniciens de la Société et d'un technicien d'une société tierce, et ce sont eux qui devaient, pour l'essentiel, procéder à la manipulation des cartons, lesquels contenaient notamment des ordinateurs de bureau.
Il résulte en outre des pièces soumises aux débats que l'équipe de Stéria, dont M. [U] était le plus gradé des membres, disposait de deux locaux distincts : un local pour stocker le matériel devant être mis à jour et un local pour procéder à cette mise à jour.
Or, si l'on en croit les explications de M. [U] et les photographies qu'il soumet à la cour, les cartons ont été entreposés dans le lieu où la mise à jour devait être faite.
Mais, même en ce cas, la cour doit relever que M. [U] n'avait aucune raison de se livrer à de la manutention de cartons au sens strict (étant souligné que, sur l'une des photographies qu'il produit, le grand carton qu'il porte est manifestement vide ; lorsqu'il porte effectivement un carton plein, celui-ci est de taille beaucoup plus petite) : le local disposait d'étagères métalliques, sur lesquelles ont voit bien que des dizaines d'ordinateurs de bureau sont rangés, tandis qu'on voit, sur une autre photographie, la table sur laquelle il devait être procédé à leur mise à jour.
Ainsi, M. [U] n'aurait eu qu'à prendre un ordinateur, le poser sur la table, procéder aux opérations nécessaires et reposer la machine sur une étagère à l'endroit qu'il aurait jugé approprié.
M. [U] n'avait donc pas de manipulation, au sens de transport et rangement d'un nombre important de cartons lourds, à faire et la cour estime révélateur que, devant le service des urgences, M. [U] ait tenu à se présenter comme travaillant dans la manutention.
De plus, M. [U] a laissé les opérations se dérouler dans le plus grand désordre.
Les photographies montrent que les cartons vides sont empilés n'importe comment tandis que des cartons, semble-t-il pleins, sont entassés sans que soient respectées les plus élémentaires précautions, la plus élémentaire logique, pour procéder à cet empilement.
Plus encore, les photographies montrent que le couloir laissé entre ces cartons pleins et les armoires métalliques (que M. [U] serait venu heurter) est encombré de fils électriques/câbles de connexion et alors que le passage entre les cartons et les armoires est étroit.
Ainsi, seule la faute de M. [U] et d'autres techniciens permet d'expliquer que des cartons aient été entreposés dans un local où ils ne devaient pas l'être, local mis dans un désordre avéré, que ces cartons, empilés à trop grande hauteur et de façon incohérente, aient pu basculer et qu'ils aient ainsi, éventuellement, pu faire tomber M. [U] contre une armoire métallique, ce qui aurait engendré les douleurs alléguées (étant rappelé qu'il n'y a eu aucun traumatisme, comme démontré plus haut).
De plus, la cour ne peut que constater que, alors que M. [U] a pris soin de se faire prendre en photographie portant des cartons, a pris soin de photographier des piles de carton devant lesquelles il s'est placé pour montrer qu'elle dépassait sa propre hauteur, a pris soin de faire prendre deux photographies alors qu'il se trouve allongé avec une minerve autour du cou, il ne produit aucune photographie des lieux après la chute alléguée. Or, vu les circonstances qu'il décrit, un ou plusieurs cartons auraient nécessairement été endommagés.
La cour doit, en outre, souligner ici que M. [U] ne produit aucune attestation d'un des autres techniciens qui était nécessairement présent, sinon sur les lieux mêmes, du moins à proximité immédiate du lieu de l'accident invoqué et ce, alors qu'il a mentionné un salarié de la société tierce comme témoin, dans la déclaration qu'il a remplie à l'attention de son employeur.
Dans ces conditions, il importe peu qu'aucun plan de prévention n'ait été dressé préalablement, aucune visite commune n'ait été organisée, étant précisé que les pièces soumises par M. [U] montrent que ce plan était en cours d'élaboration.
A supposer qu'un accident se soit réellement produit, ce que M. [U] n'établit pas formellement, force est de conclure qu'il résulterait exclusivement de plusieurs fautes commises par lui-même ou par ses collègues, fautes dont M. [U] était d'autant plus conscient des conséquences éventuelles qu'il a pris soin de se faire photographier devant la pile de cartons le dépassant en hauteur.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision du premier juge de débouter M. [U] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
La cour devra rappeler que la présente procédure est exempte de dépens.
M. [U] sera condamné à payer à la société Stéria une somme de 1 000 euros, en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d'équité ne conduit à condamner la Société à payer à M. [U] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne M. [Y] [U] à payer à la société Sopra Stéria Group SA une indemnité d'un montant de 1 000euros, en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [U] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,