COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 17 JANVIER 2018
R.G. N° 16/00655
AFFAIRE :
[B] [B]
C/
Association LE COLOMBIER
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Encadrement
N° RG : 14/01483
Copies exécutoires délivrées à :
AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI
Me Pierre NAITALI
Pôle emploi
Copies certifiées conformes délivrées à :
[B] [B]
Association LE COLOMBIER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Me Philippe ROZEC de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045 substitué par Me Vincent MANIGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045
APPELANT
****************
Association LE COLOMBIER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Pierre NAITALI, avocat au barreau d'ANGERS substitué par Me Thomas VIOLEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire GIRARD, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
A compter du 23 février 1998, M. [B] [B] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de comptable par l'association Le Colombier assurant la gestion d'établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées ainsi qu'une entreprise adaptée installée à [Localité 2] (95).
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapés du 15 mars 1966.
A compter du 3 janvier 2005, M. [B] [B] a été promu cadre technique (statut de cadre) et a occupé les fonctions d'adjoint technique au sein de l'entreprise adaptée.
A compter du 1er janvier 2008, M. [B] a été nommé directeur adjoint de l'entreprise adaptée.
Par arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 31 mars 2010, M. [U] [F] a été désigné comme administrateur provisoire de l'entreprise adaptée.
Par avenant à son contrat de travail signé par cet administrateur provisoire à effet au 1er mai 2010, M. [B] a été nommé directeur de l'entreprise adaptée.
En décembre 2010, M. [B] et deux autres associés (dont M. [T]) ont créé la SAS GLC. M. [B], qui était associé minoritaire, a alors été désigné comme président de cette société.
Par acte de cession du 24 décembre 2010, à effet au 1er janvier 2011, M. [F], ès qualités, a transféré les activités et le patrimoine de l'entreprise adaptée à la société GLC, avec reprise des contrats de travail attachés à cette entreprise.
Le 27 janvier 2011, la société GLC et M. [B] ont signé un contrat de travail à durée indéterminée embauchant ce dernier en qualité de directeur général de la société.
Par arrêt du 16 février 2011, la cour d'appel de Versailles a dit que l'arrêté du 31 mars 2010 nommant M. [F] en qualité d'administrateur provisoire de l'entreprise adaptée était constitutif d'une voie de fait.
Par décision du 28 septembre 2011, le Conseil d'Etat, dans le cadre d'un référé-liberté engagé par l'association Le Colombier, a ordonné la suspension de l'exécution d'une décision implicite du préfet du Val-d'Oise transférant à la société GLC l'activité de l'entreprise adaptée.
Par jugement du 9 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Pontoise a constaté que l'acte de cession de l'entreprise adaptée à la société GLC en date du 24 décembre 2010 était irrégulier et inopposable à l'association Le Colombier, dit que le transfert en retour de l'activité de l'entreprise adaptée à l'association Le Colombier sera effectif au 1er mai 2012 et ordonné une expertise.
Au début de l'année 2012, M. [T] a été désigné comme président de la société GLC en lieu et place de M. [B], puis a présenté sa démission le 24 avril 2012.
Par ordonnance du 26 avril 2012, le président du tribunal de commerce de Pontoise a désigné Me [Q] [E] en qualité d'administrateur provisoire de la société GLC.
Du 25 juin au 6 juillet 2012, M. [B] a été placé en arrêt de travail pour maladie.
Le 1er juin 2012, l'entreprise adaptée s'est installée dans de nouveaux locaux à [Localité 3] (95).
Du 30 juillet au 1er septembre 2012, M. [B] a pris des congés payés.
A compter du 1er septembre 2012, M. [B] a été à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie, prolongé par la suite jusqu'au 28 septembre 2012.
Le 5 septembre 2012, est intervenu le transfert de l'activité et du patrimoine de l'entreprise adaptée au profit de l'association Le Colombier.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 11 septembre 2012, l'association Le Colombier a adressé à M. [B] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 septembre 2012, assortie d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 28 septembre 2012, l'association Le Colombier a notifié à M. [B] son licenciement pour faute grave.
Au moment de la rupture du contrat de travail, l'association Le Colombier employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle versée à M. [B] s'élevait à 7 142,82 euros brut.
Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency (section encadrement) le 17 juillet 2014.
Par jugement du 6 janvier 2016, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'association Le Colombier ;
- dit que le licenciement de M. [B] repose sur une faute grave ;
- débouté M. [B] de l'intégralité de ses prétentions ;
- condamné M. [B] à payer une somme de 1 200 euros à l'association Le Colombier sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté l'association Le Colombier du surplus de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné M. [B] aux dépens.
Le 29 janvier 2016, M. [B] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 17 novembre 2017, M. [B] demande à la cour de :
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'association Le Colombier ;
- dire son licenciement abusif ;
- condamner l'association Le Colombier à lui payer les sommes de :
* 162'555,25 euros nets de charges sociales, de CSG et de CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
* 42'856,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 4 285,67 euros au titre des congés payés y afférents,
* 71'428,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 3 851,31 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 385,13 euros au titre des congés payés y afférents,
* 42'856, 96 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure,
- assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal,
- condamner l'association Le Colombier aux dépens.
Aux termes de ses conclusions du 27 mars 2017, soutenues oralement à l'audience, l'association Le Colombier demande à la cour de :
- dire que le conseil de prud'hommes de Montmorency était incompétent au profit du tribunal de grande instance de Pontoise ;
- subsidiairement dire que le licenciement pour faute grave est fondé ;
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner M. [B] au paiement d'une amende civile de 3 000 euros pour procédure abusive et à lui payer une somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamner M. [B] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [B] aux dépens.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience ;
Vu la lettre de licenciement ;
SUR CE :
Sur la compétence de la juridiction prud'homale :
Considérant que l'association Le Colombier soutient que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour connaître du litige l'opposant à M. [B] au motif qu'il est devenu uniquement mandataire social de la société GLC à compter de janvier 2011, qu'il n'a alors plus été placé sous la subordination de la société ni exercé des fonctions techniques de directeur de l'entreprise adaptée distinctes de ce mandat social, lequel n'avait pas pris fin lors du retour de l'entreprise adaptée le 5 septembre 2011 ; que le contrat signé le 27 janvier 2011 nommant M. [B] directeur général est fictif et ne constitue qu'une convention de rémunération de son mandat social ; qu'elle ajoute qu'aucune suspension de son contrat de travail existant lors du transfert de l'entreprise adaptée à la société GLC en janvier 2011 ne peut être retenue, la conclusion du contrat du 27 janvier 2011 constituant une novation de ce contrat de travail ;
Que M. [B] soutient qu'il était directeur général salarié de la société GLC et que l'association Le Colombier l'a d'ailleurs reconnu comme tel lors du retour de l'entreprise adaptée en septembre 2012 ; qu'en tout état de cause, à supposer que son mandat de président de la société GLC ait absorbé les fonctions de directeur salarié de l'entreprise adaptée, seule une suspension du contrat de travail en résultait et ce pour la seule durée du mandat ;
Considérant qu'en l'absence de convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui a cessé d'être lié à la société par un lien de subordination est suspendu pendant le temps où il est mandataire ; qu'il incombe à la partie qui soutient qu'il a été mis fin au contrat de travail par la nomination du salarié à des fonctions de mandataire social d'en rapporter la preuve ; qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en invoque le caractère fictif d'en apporter la preuve ;
Qu'en l'espèce, l'association Le Colombier n'apporte nullement la preuve de l'existence d'une convention expresse prévoyant que la signature du contrat du 27 janvier 2011 entre M. [B] et la société GLC a mis fin au contrat de travail en qualité de directeur de l'entreprise adaptée transféré à cette société au 1er janvier 2011 ;
Qu'ensuite, l'association intimée n'apporte pas non plus la preuve que le mandat de président de la société GLC confié à M. [B] a absorbé les fonctions de directeur salarié de l'entreprise adaptée occupées par ce dernier au 1er janvier 2011 ni les fonctions de directeur général de la société GLC confiées par le contrat de travail apparent du 27 janvier 2011, puisqu'elle se borne pour démontrer l'absence de lien de subordination entre M. [B] et cette société et l'absence d'exercice de fonctions techniques de directeur distinctes du mandat social de président à s'appuyer sur les statuts de la société signés le 10 janvier 2012 qui sont seulement concomitants de la cessation du mandat social confié à M. [B], laquelle est intervenue selon les dires même de l'association Le Colombier à la mi-janvier 2012, étant relevé par ailleurs qu'il est constant que M. [B] n'était qu'associé minoritaire de la société GLC ;
Qu'enfin et en toutes hypothèses, la cessation du mandat de président confié à M. [B] est intervenue à la mi-janvier 2012, lors de la nomination de M. [T] comme président à compter de cette date ;
Qu'il résulte de ce qui précède que M. [B] avait bien la qualité de salarié de la société GLC lors du transfert de l'entreprise adaptée à l'association Le Colombier, pour lequel l'application de l'article L.1224-1 du code du travail n'est pas contesté, et qu'il était donc bien salarié de l'association lorsqu'elle a décidé de procéder à son licenciement, ainsi d'ailleurs qu'elle l'avait reconnu dans une lettre du 27 août 2012 envoyée à l'intéressé et en procédant ensuite à son licenciement sans réserve ;
Que dans ces conditions, le conseil de prud'hommes a à bon droit rejeté l'exception d'incompétence soulevée devant lui ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;
Sur le bien-fondé du licenciement :
Considérant que la lettre de licenciement de M. [B] pour faute grave qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
'(...) Depuis la reprise de l'activité, nous avons découvert de nombreux dysfonctionnements et manquements graves à vos obligations contractuelles.
En application de votre contrat de travail, il vous appartient de vous assurer de la bonne gestion de l'entreprise adaptée, de la sécurité des salariés, de l'entretien du matériel ainsi que d'un agencement des locaux conforme à la législation en vigueur.
- Déménagement incomplet :
Le 1er juillet 2012 vous avez déménagé les locaux de l'entreprise adaptée de [Localité 2] à [Localité 3] suivant un contrat de bail signé le 14 février 2012. Force est de constater que l'intégralité du matériel et des documents administratifs n'ont pas été déménagés sur le nouveau site. Sont notamment restés sur le site de [Localité 2] un Fenweek, un pont élévateur, le standard téléphonique ainsi que les aménagements du local phyto et du local carburant. Or, ce matériel était nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise adaptée et notamment l'entretien du matériel et le respect de la législation.
De surcroît, la boîte à archives consacrées au registre de sécurité a été laissée dans les bureaux de l'ancien site. Elle n'a pas été retrouvée depuis. Vous n'êtes pas sans savoir l'importance de ce registre de sécurité qui doit notamment pouvoir être produit à la demande de l'inspection du travail.
Me [E], administrateur judiciaire de la SAD GLC, avait pourtant attiré votre attention sur la nécessité de finaliser le déménagement.
Rien n'a été fait. Au contraire lors de votre dernière visite fin juillet, vous avez ordonné au secrétariat de désinstaller le logiciel de comptabilité et de gestion commerciale.
En tout état de cause, il vous appartenait, en votre qualité de directeur général, de vous assurer du bon déroulement du déménagement.
- Inadaptation des locaux
Lors de la prise de possession des locaux par l'association Le Colombier le 5 septembre 2012, il a été constaté des manquements graves dans l'aménagement des locaux et dans l'organisation des conditions de travail des salariés.
En effet, il n'existait aucune ligne de téléphone/fax ni d'accès Internet. Seul était disponible un téléphone portable ! Il est inconcevable de pouvoir assurer la bonne gestion d'une entreprise tant vis-à-vis des clients que de l'administration dans de telles conditions.
Cette situation a causé un préjudice important quant à l'activité, l'entreprise n'étant pas joignable. Le Foyer [Établissement 1] et la [Établissement 2] s'est notamment plaint de cette situation le 12 septembre 2012.
De même, il n'y avait pas d'électricité dans les bureaux du rez-de-chaussée. Vous n'avez donné aucune consigne afin de pallier à cette situation.
Il est totalement anormal que des salariés puissent travailler dans de telles conditions.
Par ailleurs, l'entreprise adaptée est amenée à utiliser des produits antiparasitaires à usage agricole et à stocker du carburant dans le cadre de ses missions. Or, aucun local phytosanitaire n'a été aménagé et ce au mépris de la législation en vigueur. De par votre précédent poste de directeur adjoint au sein de l'entreprise adaptée Le Colombier vous n'étiez pas sans ignorer de l'importance de ce local.
Il en est de même du local carburant totalement inexistant.
Les extincteurs sont également inexistants ou non conformes en l'absence de révision.
Il était de votre responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires dans le cadre du déménagement afin que les locaux soient en conformité compte tenu de la présence de produits dangereux.
De surcroît les salariés ne bénéficiaient d'aucun local de repos, ces derniers devant se satisfaire d'un paravent les séparant du matériel entreposé et des carburants stockés.
Il n'est pas admissible que les salariés dans la majorité sont handicapés, subissent des conditions de travail aussi déplorables.
- Absence d'entretien du matériel et du suivi des autorisations
Lors de l'inventaire du matériel le 5 septembre 2012 par le commissaire-priseur nous avons eu à déplorer un manque d'entretien et de suivi des véhicules et du matériel.
Les contrôles techniques des véhicules et camions n'ont pas été effectués. Tel est notamment le cas pour le véhicule Peugeot partner qui devait être fait avant le 2 juillet 2012 et le véhicule Iveco pour le 27 juillet 2012.
Il en est de même pour l'entretien courant des véhicules et ce alors même qu'ils étaient utilisés quotidiennement par les salariés.
Vous leur avez délibérément fait courir un risque ce qui n'est pas admissible.
Le commissaire-priseur a constaté qu'une part importante du matériel est hors service.
Ainsi, M. [H] s'est plaint du manque d'entretien du matériel agricole depuis le mois de mai 2012.
Il en va de même en ce qui concerne les permis de travail sur la zone aéroportuaire, de la carte de déchetterie et de gasoil. Vous ne vous êtes pas assuré de leur continuité dans le cadre du transfert d'activité mettant ainsi l'entreprise adaptée dans une situation délicate dans l'exécution des missions confiées.
Cette situation a entraîné une grande insatisfaction de certains clients et entraîné la rupture de contrats commerciaux.
Il vous appartenait à votre retour d'arrêt maladie le 9 juillet 2012 de pourvoir en toute urgence à ces manquements.
Or, vous n'avez pris aucune disposition en ce sens, vous désintéressant manifestement du sort de l'entreprise ainsi que des travailleurs handicapés.
- Absence de suivi des chantiers et de gestion du personnel :
Depuis la reprise de l'activité nous recevons des courriers de résiliation de contrats de clients du fait de leur insatisfaction des prestations fournies depuis plusieurs mois.
Tel est notamment le cas des foyers [Établissement 1] et [Établissement 2], la Résidence [Établissement 3], [Établissement 4] et de la ville d'[Localité 4]. Il en résulte d'ores et déjà une perte financière annuelle pour l'entreprise de 36 383,02 € H.T .
Le hameau du Val Parisis nous a également informés que les factures de juillet et août 2012 ne seraient pas honorées, les travaux n'ayant pas été effectués.
Sans compter l'appel d'offres du Val Horizon auquel vous n'avez pas pris la peine de répondre, contrat de 5 400 € H.T annuels.
Monsieur [H] dans son mail du 14 septembre 2012 à l'entreprise adaptée, se plaint de l'absence de suivi des chantiers ainsi que de l'absence de gestion du personnel. Il fait notamment état des sites Alcatel et Ville d'Eaubonne où les haies n'ont pas été taillées et les massifs dans un état déplorable.
Vous avez ainsi volontairement affaibli la situation financière de l'entreprise adaptée dans le cadre du transfert d'activité, et ce alors même que dans un même temps, et en violation de votre obligation de loyauté, vous avez créé une activité concurrente sous l'appellation G2L ENVIRONNEMENT.
L'ensemble de ces manquements n'est pas acceptable compte tenu des responsabilités qui vous ont été confiées et de la nécessité impérieuse de veiller à la sécurité et aux conditions de travail des travailleurs handicapés.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise (...)' ;
Considérant que M. [B] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que :
- l'ensemble des faits reprochés est prescrit ;
- les faits reprochés ne sont pas établis et ne lui sont en tout état de cause pas imputables, l'administrateur provisoire l'ayant dépossédé de l'ensemble de la gestion quotidienne de l'entreprise adaptée et lui-même étant par ailleurs absent pour maladie ou en congés payés pendant la majeure partie de la période en cause ;
- l'association Le Colombier avait décidé de le remplacer à son poste dès le mois de mai 2012 ;
Que l'association Le Colombier soutient que le licenciement repose sur une faute grave, les faits reprochés n'étant pas prescrits et étant imputables à M. [B] ;
Considérant sur la prescription, qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'il ressort des pièces versées aux débats et notamment d'un courrier adressé par l'administrateur provisoire à M. [B] le 7 août 2012 et de l'inventaire du matériel attaché à l'entreprise adaptée établi le 5 septembre 2012 que tant l'administrateur provisoire qui était alors l'employeur de M. [B] que l'association Le Colombier n'ont eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits mentionnés dans la lettre de licenciement que postérieurement au 11 juillet 2012 ; que l'engagement de la procédure de licenciement étant intervenu le 11 septembre 2012, les faits en cause dans la lettre de licenciement ne sont ainsi pas prescrits ;
Considérant sur la faute grave reprochée à M. [B], qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier un licenciement ;
Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment des statuts de la société GLC du 10 janvier 2012 en vigueur au moment des faits reprochés à M. [B], qu'au sein de cette société par actions simplifiées qui ne dispose d'aucun conseil d'administration, le président a pour mission de diriger et d'administrer la société et qu'à ce titre il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans les limites de l'objet social et qu'il peut se faire assister dans ses fonctions par un directeur général ; que ces mêmes statuts prévoient que le directeur général est chargé de la gestion quotidienne de la société (gestion des ressources humaines, gestion financière, politique commerciale) et que ces prérogatives exactes sont précisées dans la décision de nomination ; qu'aucune décision venant préciser ces prérogatives n'est versée aux débats par l'association Le Colombier ;
Qu'il ressort également de l'ordonnance du 26 avril 2012 du président du tribunal de commerce de Pontoise désignant Me [Q] [E] en qualité d'administrateur provisoire de la société GLC, que ce dernier a reçu pour mission de gérer et d'administrer la société avec les pouvoirs les plus étendus selon les lois et usages du commerce, de prendre toute mesure utile en considération de la situation active et passive de la société et a été autorisé à se faire assister de toute personne compétente de son choix ;
Que l'association Le Colombier ne verse aucune pièce définissant les instructions données par Me [E] à M. [B], qui n'avait ainsi qu'une mission d'assistance de l'administrateur provisoire, venant établir ses responsabilités dans les domaines visés par la lettre de licenciement et notamment à l'occasion du déménagement de l'entreprise ;
Qu'il ressort enfin et en toutes hypothèses des pièces versées aux débats, et notamment de courriels adressés par M. [B] ou son secrétariat à Me [E] ainsi que de rapports d'activités établis par M. [B] et un autre cadre de la société GLC à l'intention de Me [E], dont la teneur n'est pas sérieusement contestée par l'intimée, que Me [E] assurait depuis sa désignation la direction et la gestion quotidienne de la société GLC et exerçait donc les pouvoirs de direction générale antérieurement dévolus M. [B] y compris ceux en cause dans la lettre de licenciement ;
Qu'il résulte donc de ce qui précède que l'imputablilité des faits reprochés à M. [B] n'est pas établie ;
Que par ailleurs, aucun élément du dossier ne vient démontrer que la société G2L Environnement créée par M. [B] a eu une quelconque activité ;
Qu'il résulte donc de ce qui précède que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Considérant sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, qu'aux termes de l'article 10 de l'annexe 6 de la convention collective, le cadre licencié qui compte plus de deux années d'ancienneté a droit à une indemnité de licenciement égale à un demi mois de salaire par année de service en qualité de non-cadre, l'indemnité perçue à ce titre ne pouvant dépasser six mois de salaire et un mois par année de service en qualité de cadre ; que la fictivité du contrat de travail conclu le 27 janvier 2011 avec la société GLC n'ayant pas été démontrée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il y a lieu de prendre en compte la rémunération versée à M. [B] et l'ancienneté acquise en application de cette convention ; que par suite, eu égard à sa rémunération moyenne mensuelle de 7 142,82 euros brut et à son ancienneté acquise depuis son embauche le 23 février 1998 dans ses fonctions de non-cadre puis de cadre, il y a lieu d'allouer à l'intéressé une somme de 71'428,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, dont le calcul n'est au demeurant pas contesté par l'association intimée ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Considérant sur l'indemnité compensatrice de préavis, que par application des articles 9 et 2.3 de l'annexe 6 de la convention collective, la durée du préavis de M. [B] en tant que cadre de direction était de six mois ; qu'il est donc fondé à réclamer l'allocation d'une somme de 42'856,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 4 285,69 au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Considérant sur les dommages et intérêts liés à la rupture, que M. [B] était employé au moment de la rupture dans une association comptant au moins 11 salariés et avait une ancienneté supérieure à deux années ; qu'il est donc fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur version applicable au litige, qui ne peut être inférieure au montant des salaires des six derniers mois ; qu'eu égard à son âge (né en 1957), à son ancienneté (plus de 14,5 ans), à sa rémunération, à sa situation postérieure à la rupture (chômage sans justification de recherches d'emploi), il y a lieu d'allouer au salarié à ce titre une somme de 50 000 euros net de charges sociales et CSG et CRDS ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Considérant sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, il y a lieu d'allouer à M. [B] une somme de 3 851,31 euros et 385,13 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité :
Considérant en premier lieu que s'il ressort des pièces versées aux débats qu'en septembre 2010 l'association Le Colombier a refusé à M. [B] de prendre 16 jours de congés payés effectifs et s'est bornée à lui verser une indemnité de congés payés correspondante, le privant ainsi de son droit au repos effectif, l'appelant ne justifie d'aucun préjudice résultant de ce manquement ;
Qu'en deuxième lieu, M. [B] n'établit pas avoir été obligé de travailler pendant son arrêt de travail du 25 juin au 6 juillet 2012 ni pendant ses congés payés du mois d'août 2012 du fait de son employeur ;
Qu'en troisième lieu, si l'association Le Colombier ne justifie pas du respect du droit au repos hebdomadaire de M. [B] pendant l'été 2012, ce dernier pour sa part ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;
Qu'il résulte de ce qui précède, qu'il y a lieu de débouter M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de l'obligation de sécurité ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;
Sur les intérêts :
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et, à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire ;
Sur les demandes reconventionnelles pour procédure abusive formées par l'association Le Colombier :
Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le débouté des demandes formées par l'association Le Colombier à ce titre ;
Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail :
Considérant, qu'en application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'association Le Colombier à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié depuis son licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant qu'eu égard à la solution du litige il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il statue sur ces deux points ;
Que l'association Le Colombier, partie succombante, sera condamnée à verser à M. [B] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il statue sur l'exception d'incompétence, déboute M. [B] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et l'association Le Colombier de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [B] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne l'association Le Colombier à verser à M. [B] [B] les sommes suivantes :
- 50 000 euros net de charges sociales et de CSG et CRDS ;
- 42'856,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 285,69 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 71'428,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3 851,31 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 385,13 euros au titre des congés payés y afférents,
Rappelle que les sommes allouées à M. [B] [B] portent intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et, à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire,
Condamne l'association Le Colombier à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement perçues par M. [B] [B] depuis son licenciement à hauteur de six mois,
Condamne l'association Le Colombier à verser à M. [B] [B] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne l'association Le Colombier aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,