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16/01/2018 | FRANCE | N°16/08256

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 16 janvier 2018, 16/08256


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DA

Code nac : 35A



12e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 16 JANVIER 2018



R.G. N° 16/08256



AFFAIRE :



[M] [M]

...



C/

[T] [A] [L]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Novembre 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2015F0765



Expéditions exécut

oires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure DUMEAU



Me Pierre GUTTIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DA

Code nac : 35A

12e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 16 JANVIER 2018

R.G. N° 16/08256

AFFAIRE :

[M] [M]

...

C/

[T] [A] [L]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Novembre 2016 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2015F0765

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure DUMEAU

Me Pierre GUTTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [M]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41975

Représentant : Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1668

Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 41975

Représentant : Me Isaline POUX de la SELARL IP ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1668

APPELANTS

****************

Monsieur [T] [A] [L]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 4] - ROYAUME UNI

de nationalité Britannique

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 16000397

Représentant : Me Stéphane MICHELI de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014

SA KAPA REYNOLDS (DA signifiée le 11.01.2017 et conclusions signifiées le 16.02.2017 à personne habilitée)

N° SIRET : 378 528 863

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillante

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Novembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François LEPLAT, Conseiller F.F. Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

FAITS :

La société anonyme Kapa Reynolds, fondée par Monsieur [L] pour l'activité de négoce, d'importation et l'exportation de divers produits et matériels de grande consommation, a embauché Monsieur [M] [M] et Monsieur [I] [M] comme directeurs commerciaux avant de les nommer administrateurs, Monsieur [M] [M] étant nommé directeur général délégué le 7 novembre 2012. Monsieur [L] avait alors cédé à Monsieur [M] [M] et à Monsieur [I] [M] 38 % des parts sociales qu'il détenait dans sa société sous la condition de promesses, consenties par le premier le 5 mai 1998, et par le second le 22 septembre 2000, de vendre leurs parts à première demande de Monsieur [L] selon qu'ils quittaient l'entreprise ou que plus de 51 % des parts étaient cédés à un tiers.

Alors que Monsieur [L] a fait valoir ses droits à la retraite à la fin de l'année 2012, et qu'il ne s'est pas accordé avec Messieurs [M] sur la valeur de la cession de ses parts sociales, ces derniers lui ont notifié, le 31 mai 2012, leur rétractation de leur promesse de vente. Le conseil d'administration de la société a révoqué le 3 octobre 2013 le mandat d'administrateur de Monsieur [M] [M], l'assemblée générale n'a pas renouvelé son mandat de directeur général délégué, et la société a procédé aux licenciements de Monsieur [M] [M] le 14 novembre 2013, et de Monsieur [I] [M] le 4 avril 2014, ce dernier ayant démissionné de ses fonctions d'administrateur le 12 février 2015.

Monsieur [L] ayant levé le 18 décembre 2013 son option d'achat de l'intégralité des actions détenues par Messieurs [M], et ces derniers s'étant opposés à la cession, Monsieur [L] les a assignés le 31 juillet 2015 devant le tribunal de commerce de Versailles pour voir déclarer valides les promesses unilatérales de vente et condamner Monsieur [M] [M] à céder ses 24 376 actions au prix de 181 699 euros et Monsieur [I] [M] à céder ses 6 546 actions au prix de 33 892 euros, outre leur condamnation à payer 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 4 novembre 2016 qui a :

- constaté l'absence de la société Kapa Reynolds,

- dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par Messieurs [M] et [I] [M] et l'a déclarée mal fondée,

- condamné Monsieur [M] [M] à céder à Monsieur [L] les 24 376 actions de la société Kapa Reynolds qu'il détient, au prix de 181 699 euros,

- condamné Monsieur [I] [M] à céder à Monsieur [L] les 5 646 actions qu'il détient de la société Kapa Reynolds, au prix de 33 892 euros,

- ordonné la retranscription des cessions sur les registres de mouvements de titres de la société Kapa Reynolds,

- condamné Messieurs [M] et [I] [M] à payer chacun à Monsieur [L] la somme de un euro à titre de dommages et intérêts,

- condamné Messieurs [M] et [I] [M] à payer chacun à Monsieur [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

- condamné Messieurs [M] et [I] [M], chacun par moitié aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 21 novembre 2016 par Messieurs [M] et [I] [M] ;

* *

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 26 septembre 2017 pour Messieurs [M] et [I] [M] aux fins de voir, au visa des articles 1443, 1444 et 1448 du code de procédure civile, 1170, 1174, 1424, 1832, 1134 alinéa 3 et 544 et suivants du code civil, 1er du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, L.1331-2 du code du travail :

- infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnations des frères [M] au paiement de dommages et intérêts,

- se déclarer incompétent au profit du tribunal arbitral,

- prononcer la nullité des promesses unilatérales de cession d'actions,

- prononcer subsidiairement la nullité de la promesse unilatérale de cession d'actions de Monsieur [I] [M],

- dire que les promesses ont été régulièrement rétractées et que Monsieur [L] a accepté ces rétractations,

- dire que Monsieur [L] n'a pas exécuté les promesses de bonne foi,

- débouter la société Kapa Reynolds et Monsieur [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [L] à payer à Messieurs [M] et [I] [M] la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

* *

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 5 septembre 2017 pour Monsieur [T] [L] aux fins de voir, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil :

- confirmer le jugement corrigé d'une erreur matérielle sur le nombre d'actions détenues par Monsieur [I] [M] qui est de 6 546 au lieu de 5 646,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à 1 euro la condamnation de Messieurs [M] à titre de dommages et intérêts,

- condamner Monsieur [M] [M] et Monsieur [I] [M] à régler chacun la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

subsidiairement,

- condamner Monsieur [M] [M] à régler à titre de dommages et intérêts en réparation de la rétractation de la promesse unilatérale de vente du 5 mai 1998 les sommes de 1 308 738 euros au titre des dividendes et de 428 963 euros au titre des rendements à tirer des dividendes,

- condamner Monsieur [M] [M] à régler à titre de dommages et intérêts en réparation de la rétractation de la promesse unilatérale de vente du 22 septembre 2000, les sommes de 278 560 euros au titre des dividendes et de 75 815 euros au titre des rendements à tirer des dividendes,

- condamner solidairement Monsieur [M] [M] et Monsieur [I] [M] à régler à titre de dommages et intérêts en réparation de la rétractation de la promesse unilatérale de vente des 5 mai 1998 et 22 septembre 2000, les sommes de 6 000 000 euros au titre de la perte de chance de céder la société Kapa Reynolds, de 10 000 euros au titre des frais engagés et de 50 000 euros au titre du préjudice moral,

en tout état de cause,

- condamner solidairement Messieurs [M] à régler à une indemnité de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

1. Sur l'exception de compétence du tribunal arbitral

Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa compétence, Messieurs [M] soutiennent de la clause compromissoire qui stipule que 'Tous les litiges auxquels la présente promesse de vente pourra donner lieu, notamment au sujet de sa validité ou de son exécution, seront résolus par voie d'arbitrage', qu'elle ne permet à la juridiction de l'Etat, ni de déduire qu'elle est manifestement nulle, tandis que son interprétation ressortit de la seule compétence du tribunal arbitral, ni de conclure à sa nullité, alors que cette sanction attachée au défaut de désignation des arbitres dans les conditions de l'article 1443 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue de du décret n°2011-48 du 13 janvier 2011, n'a pas été reprise dans sa nouvelle rédaction ;

Mais considérant que l'article 3, 1° du décret du 13 janvier 2011 dispose que l'article 1143 du code de procédure civile ne s'applique que lorsque la convention d'arbitrage a été conclue après le premier jour du quatrième mois suivant sa publication (1er mai 2011) ;

Et considérant que dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du décret, l'article 1443, alinéa 2, énonce que la clause compromissoire doit, à peine de nullité, soit désigner le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation, et tandis que la clause déférée ne vise ni l'une ni l'autre de ces conditions pour sa mise en oeuvre, il en résulte qu'elle est manifestement inapplicable et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception.

2. Sur la validité des promesses unilatérales de vente des actions

Considérant qu'aux termes des promesses de vente qu'ils ont passées avec Monsieur [L], il est stipulé que Monsieur [M] et [I] [M] '[s'engagent] irrévocablement dans l'hypothèse où :- soit le contrat de travail et/ou le mandat [les] liant à la société KAPA REYNOLDS viendrait à prendre fin pour quelque motif que ce soi, y compris le décès, - soit un ou plusieurs blocs de contrôle de la société REYNOLDS dépassant 51 % serait cédé à un tiers extérieur, à céder à première demande et sans délai à Monsieur [T] [L] (...) la totalité des actions dont il est et sera titulaire dans le capital de KAPA REYNOLDS au moment de la rupture dudit contrat de travail et/ou du mandat' ;

Que les modalités de détermination du prix de cession des promesses de vente est déterminé selon les formules : 'A) Fin de contrat de travail et/ou mandat avant le 31 décembre 2002 P-1 VMXN/C. B) Fin de contrat de travail et/ou mandat avant le 31 décembre 2002 P - (3XVM+2VP +1VR) X N/C ; VM est la valeur mathématique de la société déterminée sur la base de l'actif net comptable des derniers comptes sociaux qui auront été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires à la date de l'exercice de la promesse par M. [L] ; il sera expressément tenu compte de l'impôt société sur les provisions en sursis d'imposition ; VP est la valeur de productivité de la société correspondant au résultat net moyen des trois derniers exercices dont les comptes auront été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires à la date de l'exercice de la promesse par M. [L], capitalisé à 20 % ; VR est la valeur de rendement de la société représentée par le dividende moyen versé au titre des trois derniers exercices dont les comptes auront été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires à la date de l'exercice de fa promesse par M. [L], affecté d'un coefficient de capitalisation de 51%' ;

Considérant que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à céder à Monsieur [L] les parts sociales qu'ils détenaient dans la société Kapa Reynolds, Messieurs [M] concluent à la nullité de leur promesses de vente, d'une première part, en ce qu'elles expriment une condition potestative de Monsieur [L] d'exercer l'option par la décision de les licencier et de révoquer ou de ne pas renouveler leurs mandats sociaux ;

Que de deuxième part, ces promesses ont pour effet de les exclure abusivement de la société, alors qu'elles portent atteinte à leur droit de rester associés, qu'elles n'ont pas été insérées dans les statuts de la société et qu'elle ne prévoient pas des motifs d'exclusion de façon suffisamment précise, ni les conditions de leur mise en oeuvre dans le respect des droits de la défense ;

Que de troisième part, la méthode de fixation du prix stipulée aux promesses porte atteinte à leur droit de propriété de Messieurs [M] en ce que leur départs contraints permettent à Monsieur [L] de racheter leurs actions à la valeur léonine représentant à peine 36% de leur valeur d'acquisition, et ceci, la société Kapa Reynolds étant valorisée au montant minimum de 13,6 millions d'euros de sorte que les 38% du capital détenu par Messieurs [M] représenterai plus de 5 168 000 euros ;

Que de quatrième part, la méthode de fixation du prix contrevient aux dispositions de l'article L.1331-2 du code du travail qui prohibe les amendes ou autres sanctions pécuniaires, et cela d'autant plus qu'aux termes de son arrêt du 23 juin 2016, la cour d'appel de Versailles a jugé le licenciement de Monsieur [M] [M] sans cause réelle et sérieuse ;

Que de cinquième part, Monsieur [I] [M] relève que sa promesse de vente n'a pas été consentie par son épouse à laquelle il est uni sous le régime de la communauté légale depuis le 11 septembre 1997, contrevenant ainsi à l'article 12 des statuts de la société Kapa Reynolds sur la transmission des actions ;

Que de sixième part, Messieurs [M] soutiennent que 'Monsieur [L] n'a pas exécuté les promesses de bonne foi', concluant, en substance, que leur participation au capital de la société a été uniquement suscitée dans l'intérêt de la famille de Monsieur [L], que ce dernier s'est livré à une gestion anormale et opaque de l'entreprise, avec le dessein de lui permettre de se constituer une retraite au détriment des intérêts de la société fortement déficitaire et dont le chiffre d'affaires avait chuté de 38 % en 2014, que l'éviction de Messieurs [M] a été entreprise pour acquérir leurs titres à vil prix, cherchant à les asphyxier financièrement, le non renouvellement du mandat de directeur général délégué de Monsieur [M] [M] comme son licenciement étant abusifs, que l'assemblée générale pour l'approbation des comptes annuels s'est tenue le 3 octobre 2013 sans que Messieurs [M] aient été préalablement convoqués, Monsieur [M] [M] ayant ultérieurement découvert que le fils de Monsieur [L] avait perçu des rémunérations en liquide versées par une société chinoise RFI co Ltd, au profit de laquelle Monsieur [G] avait décidé sans justification, d'abandonner une créance de 425 000 euros, Messieurs [M] ayant par ailleurs obtenu du juge des référés du tribunal de commerce de Versailles la désignation d'un mandataire de justice avec mission de contrôler les contrats conclus par la société Kapa Reynolds ;

Mais considérant, d'une première part, que les décisions de licenciement, de révocation et de non renouvellement des mandats d'administrateur ou de directeur général sont prises par la société Kapa Reynolds ou son conseil d'administration, et non par Monsieur [L], débiteur personnel des promesses unilatérales de vente des actions ;

Considérant, de deuxième part, qu'en ayant acquis des actions de la société après avoir été salariés de l'entreprise, puis promus aux fonctions de dirigeant commercial avant d'obtenir des mandats d'administrateurs et de directeur général délégué, il se déduit la commune intention de Messieurs [M] et de Monsieur [L] d'inscrire la promesse de vente dans la perspective de leur association à la gestion ainsi qu'à l'intéressement au développement de la valeur de l'entreprise, en contrepartie de leur activité au profit de cette entreprise ;

Considérant de troisième part, que la méthode pour la détermination de la valeur de l'action convenue aux promesses de vente au moment de la levée de l'option n'est pas corrélée à ces décisions et ne contrevient pas au risque de disparition ou de dépréciation des actions du pacte social tel qu'il s'évince de l'article 1844-1 du code civil ;

Considérant, de quatrième part, qu'aucune disposition légale, ni les clauses des statuts de la société Kapa Reynolds ne subordonnent la souscription à des promesses de vendre les actions librement négociables, ou leur transmission, aux autres moyens que Messieurs [M] invoquent ;

Et considérant enfin, que le surplus des affirmations de Messieurs [M] n'est pas de nature à suppléer la preuve qui leur incombaient de rapporter la fraude avec laquelle Monsieur [L] a levé les options de rachat des actions, de sorte que par ces motifs, les promesses sont licites, la valorisation des actions régulière et le jugement doit être confirmé en ce qu'il retenu leur validité, sous la seule rectification de l'erreur matérielle du nombre d'actions détenues par Monsieur [I] [M] fixé à 5 646 au lieu de 6 546.

3. Sur la validité des rétractations des promesses de vente des actions

Considérant que pour voir infirmer le jugement qui a écarté les rétractations de leurs promesses unilatérales de vente des actions, et dont ils se prévalent pour s'opposer à l'exécution forcée, Messieurs [M] soutiennent les avoir régulièrement dénoncées avant que Monsieur [L] ne lève son option d'achat, et contestent par ailleurs la nature irrévocable des promesses en relevant que 'Monsieur [Q] avait transféré ses actions à son épouse, laquelle en a ensuite fait don à ses trois filles, lesquelles ont ensuite cédé leurs titres aux frères [M] sans que Monsieur [L] ne s'y oppose' ;

Considérant que pour écarter la rétractation des promesses unilatérales de vente de Messieurs [M], les premiers juges n'ont pu retenir le principe de leur irrévocabilité, et Monsieur [L] ne peut invoquer l'application de l'article 1124 du code civil disposant, dans sa version issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que 'La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis', alors d'une part, qu'aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, et d'autre part, qu'en suite de l'arrêt de la 3ème chambre civile de la cour de cassation du 15 décembre 1993 numéro 91-10199, il est tenu pour droit que 'tant que le bénéficiaire n'a pas déclaré acquérir, l'obligation de la promettante ne constituait qu'une obligation de faire et que la levée d'option, postérieure à la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d'acquérir' ;

Mais considérant, que lorsqu'ils ont dénoncé la rétractation de leur engagement le 31 mai 2012, Messieurs [M] étaient toujours employés de la société Kapa Reynolds, et alors que d'après les termes de leur promesse unilatérale de vente, Messieurs [M] se sont '[engagés] à conserver la propriété de toutes les actions KAPA REYNOLDS [qu'ils détenaient] ou [détiendraient] pendant la durée de [leur] contrat de travail et/ou de [leur] mandat [les liant] à la société KAPA REYNOLDS', il en résulte que leur rétractation sont nulles, de sorte que par ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, il convient de confirmer le jugement qui a ordonné l'exécution de la cession à Monsieur [L] des actions détenues par Monsieur [M] [M] et [I] [M] dans la société Kapa Reynolds au prix, non contesté, déterminé par les promesses.

4. Sur la demandes de dommages et intérêts

Considérant que pour voir condamner Messieurs [M] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, au lieu de celle de un euro reconnue par les premiers juges, Monsieur [L] se prévaut de ce que leur résistance à exécuter leur promesse de cession de leurs titres a retardé de plusieurs années son départ à la retraite ainsi que la perception des gains que cette cession lui aurait permis de réaliser, et d'autre part, l'a contraint de se porter personnellement caution à hauteur de 400 000 euros auprès de la banque de la société dès 2014 et de gager un contrat d'assurance-vie de 700 000 euros ;

Mais considérant que ces faits n'excèdent pas les aléas auxquels sont normalement confrontés les actionnaires majoritaires des sociétés dans leur relation à des salariés dont la valeur des titres qui leur sont cédés dépend de leur maintien dans l'entreprise, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de débouter Monsieur [L] de sa demande.

5. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'en suite des motifs adoptés ci-dessus, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; qu'en cause d'appel, il est équitable de condamner solidairement Messieurs [M] à verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Réputé contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- fixé à 5 646 le nombre d'actions détenues par Monsieur [I] [M],

- condamné Monsieur [M] [M] et Monsieur [I] [M] à payer à Monsieur [L] un euro à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Condamne Monsieur [I] [M] à céder à Monsieur [L] les 6 546 actions de la société Kapa Reynolds au prix de 33 892 euros  ;

Ordonne la retranscription de cette cession sur le registre de mouvements de titres de la société Kapa Reynolds ;

Déboute Monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne solidairement Monsieur [M] [M] et Monsieur [I] [M] à verser à Monsieur [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François Leplat, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 16/08256
Date de la décision : 16/01/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°16/08256 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-16;16.08256 ?
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