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22/12/2017 | FRANCE | N°17/057071

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1a, 22 décembre 2017, 17/057071


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 97C

ARRET No

DU 22 DECEMBRE 2017

R.G. No 17/05707

AFFAIRE :

Meriem Y...
C/
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DES HAUTS DE SEINE

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

Décision déférée à la cour : Décision rendue le 15 Juin 2017 par la Conseil de l'ordre des avocats de NANTERRE

Expéditions exécutoires
délivrées le :
à :

Me Alain NICOLAS

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DES HAUTS DE SEINE

Me David LEVY

PROCUREUR Général

Exp

éditions
délivrées le :

Meriem Y...

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VENDREDI VINGT DEUX DECEMBRE DEUX MILLE DI...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 97C

ARRET No

DU 22 DECEMBRE 2017

R.G. No 17/05707

AFFAIRE :

Meriem Y...
C/
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DES HAUTS DE SEINE

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

Décision déférée à la cour : Décision rendue le 15 Juin 2017 par la Conseil de l'ordre des avocats de NANTERRE

Expéditions exécutoires
délivrées le :
à :

Me Alain NICOLAS

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DES HAUTS DE SEINE

Me David LEVY

PROCUREUR Général

Expéditions
délivrées le :

Meriem Y...

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VENDREDI VINGT DEUX DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

DANS L'AFFAIRE

ENTRE :

Madame Meriem Y...
née le [...]        à ALGER (ALGERIE)
[...]                                      

Comparante en personne
Assistée de Me Alain NICOLAS, avocat au barreau de NANTERRE

APPELANTE

ET :

CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DES HAUTS DE SEINE
[...]                                       

Comparant en la personne de Me Jacques C..., ancien bâtonnier, avocat au barreau de NANTERRE

INTIME

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX, représenté par Maître Pascal EYDOUX, président
[...]                       

Représenté par Me David LEVY, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE

PROCUREUR Général
[...]                       

Comparant en la personne de M. Fabien BONAN, avocat général

PARTIE INTERVENANTE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue à l'audience solennelle du 08 novembre 2017, la cour étant composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Madame Agnès TAPIN, conseiller,
Madame Christel LANGLOIS, conseiller,

Assistés de Madame Sabine MARÉVILLE, greffier

**************************************
Vu la décision en date du 15 juin 2017 du Conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine qui a refusé l'inscription au tableau de Mme Meriem Y....

Vu l'appel interjeté le 20 juillet 2017 par Mme Y....

Vu l'intervention volontaire du Conseil National des Barreaux.

Vu les dernières conclusions de Mme Y... en date du 6 novembre 2017 qui demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et pour le moins mal fondée l'intervention volontaire accessoire du Conseil National des Barreaux et, en conséquence, rejeter ses conclusions et subsidiairement le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter M. le Procureur Général de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer en toutes ses dispositions la décision de refus d'inscription de Mme Y... rendue le 15 juin 2017,

Et statuant à nouveau,
- dire et juger que Mme Meriem Y... sera inscrite au BARREAU des Hauts de Seine dès après sa prestation de serment devant la cour avec toutes les conséquences administratives et de droit,

- condamner le conseil de l'Ordre du BARREAU des Hauts de Seine aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine en date du 7 novembre 2017 qui demande à la cour de :

- débouter Mme Y... de l'ensemble de ses demandes,

- dire infondée sa demande d'infirmation de la décision du conseil de l'Ordre du BARREAU des Hauts de Seine du 15 juin 2017 ayant refusé son inscription au tableau,

- confirmer la décision du 15 juin 2017 ayant refusé son inscription au tableau.

Vu les conclusions en intervention volontaire accessoire du Conseil National des Barreaux reçues le 8 novembre 2017 qui demande à la cour de :

- déclarer recevable son intervention au soutien du conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine,

- confirmer la décision du conseil de l'ordre du barreau des Hauts de Seine en date du 15 juin 2017 rejetant la demande d'inscription au tableau de ce barreau de Mme Y....

Vu l'avis du Ministère public tendant à la confirmation de la décision.

****************************

Mme Meriem Y..., de nationalité Algérienne, est titulaire d'une licence en droit décernée par la faculté d'Alger est détentrice du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat (CAPA) délivré en Algérie et est inscrite au grand tableau des avocats du BARREAU d'Alger depuis le 19 juillet 2007.

Par courrier du 14 Décembre 2015, elle a sollicité auprès du BARREAU des Hauts-de-Seine son inscription auprès de ce BARREAU qui a prononcé la décision déférée.

Aux termes de ses écritures précitées, Mme Y... souligne que la durée d'étude pour l'obtention de sa licence en droit est de 4 ans et que celle-ci est reconnue comme une maitrise en droit par le ENIC-NARIC France selon la nomenclature relative au niveau de diplôme.

Elle rappelle que sa demande était fondée sur l'article 15 alinéa 3 du Protocole judicaire franco-algérien du 28 août 1962 - ci-après dénommé le Protocole -, sur l'article 55 de la Constitution de la République française relatif à l'autorité des traités ou accords régulièrement approuvés et sur l'article 19 de l'ordonnance du 30 mai 2008 portant transposition de la directive 2005/36/CE du parlement européen et du conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Elle relate ses démarches et rappelle la procédure.

Elle affirme que les courriers du BARREAU des Hauts-de-Seine du 10 mars 2016 puis du 31 mars 2017 ont énoncé des motifs différents, tous erronés.

Elle soutient que l'intervention volontaire accessoire du Conseil National des Barreaux est irrecevable.

Elle rappelle l'article 330 alinéa 2 du code de procédure civile et conteste son intérêt à intervenir.

Elle cite l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 et fait valoir que les « demandes d'inscription à la profession d'avocat » ne font pas partie de ses prérogatives, celles-ci revenant aux différents Barreaux.

Elle souligne qu'elle a sollicité son inscription au BARREAU des Hauts de Seine sur le fondement de l'article 15 alinéa 3 du Protocole du 28 août 1962 et affirme que ce protocole supplante toute loi ou tout règlement interne de sorte qu'il n'y a pas lieu de débattre à nouveau sur les compétences de l'intervenant volontaire édictées par la loi du 31 décembre 1971.

Elle fait valoir que les demandes d'inscription d'avocats algériens doivent être sollicités auprès du seul BARREAU et que le Conseil National des Barreaux n'a aucune qualité à intervenir lors de demandes faites par eux et ne peut se substituer à ce BARREAU.

Elle estime que l'intervenant volontaire ne peut considérer que cet accord « opprime son droit de se prononcer sur les demandes d'inscription » et ne peut se prévaloir d'un droit quelconque face à l'absence de sa désignation par le Protocole, qui prime sur la loi ou la règlementation.

Elle en conclut qu'il n'a pas d'intérêt à protéger et/ ou à conserver un droit.

Subsidiairement, elle conteste ses moyens.

Elle conteste la compétence exclusive du Conseil National des Barreaux pour connaître sa demande.

Elle affirme que s'il était exclusivement compétent quant à l'accès à la profession d'avocat, la réussite à l'examen se solderait par une inscription automatique.

Elle relève que tel n'est pas le cas, la décision finale quant à l'accès à la profession revenant exclusivement au BARREAU choisi par le candidat et le Conseil n'ayant aucun pouvoir hiérarchique sur les Barreaux.

Elle estime sans incidence l'affirmation du Conseil National des Barreaux aux termes de laquelle celui-ci l'a autorisée, le 14 décembre 2013, à se présenter à l'examen de contrôle des connaissances aux motifs qu'elle a été induite en erreur sur la nécessité de passer un tel examen, qu'elle n'a eu aucune réponse lorsqu'elle a demandé à connaître la suite réservée à sa requête et que la décision ne lui a jamais été notifiée contrairement à ce que prescrit l'article 2 de l'arrêté du 7 janvier 1993 fixant le programme et les modalités de cet examen.

Elle réfute son interprétation du Protocole, celui-ci conférant de plein droit aux avocats français et algériens ayant acquis cette qualité dans leur pays d'origine de solliciter leur inscription à un BARREAU de l'autre pays.

Elle reproche à l'intimé et à l'intervenant volontaire de rattacher le Protocole à des conditions nouvelles édictées par une loi interne non prévue et contraire au principe de réciprocité.

Elle rappelle la suprématie des protocoles internationaux et fait valoir que les gouvernements français et algériens n'ont pris aucune initiative conjointe pour le dénoncer ou en suspendre l'exécution.

Elle en conclut que la décision querellée constitue une violation des accords internationaux et des engagements entre Etats.

Elle conteste que le Protocole renvoie au droit interne le soin de fixer les conditions d'accès permanent à la profession d'avocat.

Elle réitère que l'autorité, supérieure, du Protocole est conditionnée par le principe de réciprocité et en conclut que les demandes d'inscription d'avocats algériens à un BARREAU en France doivent être soumises aux mêmes conditions légales que les demandes d'inscription formées par des avocats français à un BARREAU en France.

Elle ajoute que les « Accords d'Evian » prévoient que les ressortissants algériens résidant en France ont les mêmes droits que les nationaux français.
Elle nie toute obligation de détention du Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat - ci-après CAPA - français.

Elle relève que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ne mentionne pas l'existence d'un CAPA « français », rappelle des professions nécessitant un diplôme d'Etat - et donc français - et relève qu'aucun texte n'oblige le candidat à la profession d'avocat de détenir un diplôme français.

Elle ajoute que les « Accords d'Evian » prévoient, dans leur article 5, que les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme et de scolarité sont valables de plein droit dans les deux pays.

Elle en conclut que ses diplômes, licence en droit Bac+4 et CAPA, acquis en Algérie sont valables de plein droit en France.

Elle se prévaut d'une décision de la CEDH du 13 février 2003 condamnant la France pour avoir refusé l'inscription d'une algérienne à l'ordre des médecins alors même que le code de la santé publique exige un diplôme français.

Elle conteste les critiques du Conseil National des Barreaux concernant l'application effective et réciproque par les autorités algériennes du Protocole et se prévaut d'un courrier du BARREAU d'Alger du 28 mars 2016 confirmé par le président du Conseil National des Barreaux d'Algérie.

Elle estime contradictoires les arrêts prononcés par la Cour de cassation.

Elle soutient qu'un texte international liant la France organise l'équivalence de plein droit du CAPA français et du CAPA algérien.

Elle cite les « Accords d'Evian » et les déclarations gouvernementales qui y sont intégrées notamment la Déclaration de principes relative à la coopération culturelle.

Elle rappelle l'article 5 précité d'où il résulte que ses diplômes obtenus en Algérie sont valables de plein droit en France.

Elle affirme que les études et connaissances requises pour obtenir le CAPA algérien sont équivalentes à celles requises pour obtenir le CAPA français.

Elle se prévaut de l'arrêt de la CEDH.

Elle cite également la Convention sur la reconnaissance des études, des diplômes et des grades de l'enseignement supérieur dans les Etats arabes et les Etats européens riverains conclue en 1976.

Elle déclare que le CAPA y est considéré comme un diplôme.

Elle conteste, compte tenu de la suprématie des engagements internationaux, le moyen aux termes duquel le droit interne ne reconnait l'équivalence d'aucun CAPA obtenu en dehors de l'Union européenne.

Elle estime inopposable la décision de la Halde et critique la présentation qui en est faite par l'intervenant.

Elle qualifie de hors contexte l'arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat.

Elle conteste l'avis du Procureur Général.

Elle relève qu'il reconnait que l'article 15 alinéa 3 du Protocole s'applique de plein droit à sa demande.

Elle relève également qu'il reconnait que la deuxième partie de cet article - « sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée » peut donner lieu à interprétation.

Elle réfute sa lecture de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Elle fait valoir que cet article s'applique uniquement au non titulaire du CAPA et, donc, pas à elle qui dispose d'un CAPA valide de plein droit en France selon la déclaration gouvernementale intégrée aux « Accords d'Evian ».

Elle conteste, pour les motifs ci-dessus que le CAPA mentionné soit le CAPA français et ajoute qu'en application de l'article 5 susvisé, le CAPA qu'elle a obtenu en Algérie est valable en France.

Elle estime que la décision de la CEDH clôt « définitivement le chapitre de l'exigence afférente à l'obligation de détenir le CAPA français ».

Aux termes de ses écritures précitées, l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine déclare s'en remettre aux motifs retenus dans sa décision et aux conclusions de l'intervenant volontaire.

Il cite les articles 15-3 du Protocole et 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Aux termes de ses écritures, le Conseil National des Barreaux fait valoir que, compte tenu de la nature des missions qui lui sont confiées par l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, il a intérêt à intervenir.

Il rappelle qu'il a, aux termes de l'article 8.2 alinéa 1 du règlement intérieur, le droit d'ester en justice.

Il expose que les articles 21-1 et 11 de la loi du 31 décembre 1971 et 100 du décret du 27 novembre 1991 lui confient la compétence exclusive de se prononcer sur les demandes des avocats inscrits à un barreau en dehors de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen qui désirent devenir avocats en France et qui ne sont pas titulaires du CAPA français.

Il en conclut que les pouvoirs publics lui ont confié exclusivement la compétence de se prononcer sur les demandes des avocats inscrits à un barreau en dehors de l'Union européenne qui désirent devenir avocats en France et qui ne sont pas titulaires du CAPA français.

Il ajoute que les autres voies d'accès à la profession d'avocat relèvent de la compétence des conseils de l'ordre.

Il soutient donc que le conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine a respecté cette répartition des compétences en fondant son rejet sur ces articles.

Il déclare qu'en conséquence, son intervention a pour objet de rappeler cette répartition des compétences.

Il soutient que la demande de Mme Y... entre dans le champ de sa compétence exclusive dans la mesure où elle est inscrite au tableau d'un BARREAU d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne et où elle n'est pas titulaire du CAPA français.

Il relève qu'il l'a autorisée par décision du 14 décembre 2013, intervenue sur requête de Mme Y..., à se présenter à l'examen de contrôle des connaissances en droit français prévu par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 devant l'école de formation professionnelle des Barreaux de la cour d'appel de Paris. Il indique qu'il appartenait à ladite école, en application de l'article 3 de l'arrêté du 7 janvier 1993, d'en aviser Mme Y....

Il en conclut que son intervention au soutien de l'intimé est recevable.

Sur le fond, il soutient que les accords internationaux liant la France et l'Algérie ont été respectés.

Il fait valoir que le Protocole franco algérien du 28 août 1962 renvoie au droit interne le soin de fixer les conditions d'accès à la profession d'avocat.

Il distingue son article 15 alinéa 3 qui concerne l'établissement permanent de l'article 16 relatif à la prestation occasionnelle de services.

Il soutient que l'article 15 alinéa 3 pose le principe de l'accès permanent à la profession d'avocat par les ressortissants des Etats signataires mais qu'il le soumet à la condition impérative du respect des conditions posées par la législation de l'autre Etat signataire.

Il en infère qu'il renvoie au droit interne de chacun des Etats signataires le soin de fixer les règles d'accès à sa profession d'avocat.

Il considère donc qu'il impose aux avocats algériens souhaitant devenir avocats en France de respecter les conditions posées par le droit français pour l'accès à la profession d'avocat.

Il affirme qu'il résulte des articles 11 de la loi du 31 décembre 1971 et 100 du décret du 27 novembre 1991, combinés, que toute personne ne possédant pas le CAPA français et qui est inscrite en qualité d'avocat au tableau d'un barreau d'un Etat n'appartenant pas à l'Union Européenne doit demander au Conseil National des Barreaux l'autorisation de se présenter à un examen de contrôle des connaissances en droit français.

Il estime que tel est le cas de Mme Y....

Il soutient que la condition de l'application réciproque du protocole ou d'autres accords franco-algériens n'est pas en cause.

Il distingue la condition de réciprocité posée par l'article 55 de la Constitution française et celle posée par l'article 11. 1 de la loi du 31 décembre 1971.

En ce qui concerne celle posée par la Constitution, il fait valoir que l'autorité supra législative du Protocole, et donc son applicabilité, a toujours été reconnue.

Il précise que les arrêts prononcés le 16 février 1994 ne sont pas applicables, ceux-ci étant fondés sur le décret du 9 juin 1972, abrogé par le décret du 27 novembre 1991.

Il estime donc que l'intimé n'a pas refusé d'appliquer ce protocole et n'en a pas méconnu la portée.

En ce qui concerne la condition de réciprocité posée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, il l'estime sans incidence, Mme Y... ne remplissant pas les conditions de qualification précitées.

Il soutient qu'aucun texte de droit international liant la France ou aucun texte de droit français n'organise une reconnaissance de l'équivalence de plein droit du CAPA obtenu en Algérie.

En ce qui concerne les textes de droit international, il fait valoir que ni les accords d'Evian ni le Protocole ne posent une règle quant à une éventuelle validité de plein droit du CAPA obtenu en Algérie avec le CAPA délivré en France par les Centres Régionaux de Formation à la Profession d'Avocat, CRFPA, ne prévoient la reconnaissance en droit français du CAPA délivré par les autorités algériennes ou n'organisent l'équivalence des deux CAPA.

Il considère que demander l'application prioritaire du protocole pour obtenir la reconnaissance de plein droit de l'équivalence du CAPA algérien avec le CAPA français « mène à une impasse » dès lors que l'article 15 alinéa 3 du protocole renvoie pour l'application du principe qu'il pose à la loi interne de chaque partie.

Il fait également valoir que l'article 5 de la déclaration de principes relative à la coopération culturelle ne peut s'appliquer, les programmes, la scolarité et les examens des deux CAPA étant différents, le droit enseigné n'étant pas le même.

Il ajoute que les Etats n'ont conclu aucun accord particulier pour la profession d'avocat et la reconnaissance ou l'équivalence des diplômes de droit.

Il fait enfin valoir que la Convention du 17 décembre 1976 est inapplicable, l'assimilation des diplômes délivrés étant conditionnée et le droit français n'ayant pas posé le principe d'une reconnaissance ou d'une équivalence d'un CAPA obtenu en dehors de l'Union européenne avec le CAPA français.

En ce qui concerne le droit interne, il fait valoir que la référence au CAPA faite par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ne concerne que le CAPA français.

Il estime qu'il ne peut en être autrement, s'agissant d'un texte qui régit une situation de droit interne et qui fixe les conditions pour l'accès à une profession règlementée en France.

Il souligne qu'elle ne peut porter sur un CAPA obtenu à l'étranger, la loi française ne pouvant règlementer un droit étranger ou le comportement d'un Etat souverain.

Il ajoute que dès lors que la loi prévoit des exceptions au principe de la possession d'un CAPA français pour l'accès à la profession d'avocat, elle doit définir un point de référence pour les étrangers qui ne peut être que le CAPA français.

Il déclare qu'aucun texte ou aucune décision de justice n'ont posé le principe de l'équivalence d'un CAPA obtenu en dehors de l'Union européenne avec le CAPA délivré par les CRFPA en France.

Il se prévaut d'une délibération de la HALDE en date du 17 décembre 2007 concernant un avocat de nationalité ivoirienne titulaire du CAPA obtenu en Côte d'Ivoire qui estimait que ce CAPA était équivalent au CAPA français.
Il fait valoir qu'il résulte de l'arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat que le CAPA délivré en Algérie est l'équivalent du Master 1 délivré en France.

Aux termes de son avis, le Ministère public relève que l'article 15 alinéa 3 du décret du 29 août 1962 s'applique de plein droit à l'appelante, seule l'interprétation du "sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée" pouvant donner lieu à interprétation.

Il relève également que, parmi ces conditions légales, ainsi que l'imposent l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 100 du décret du 27 novembre 1991, figure l'obligation pour tout avocat non titulaire du CAPA et non ressortissant de l'Union européenne, de subir un examen de contrôle des connaissances du droit français.

Il soutient que sans qu'il soit besoin de l'écrire expressément, la condition prévue par les textes évoque implicitement mais sans ambiguïté qu'il ne peut s'agir que du CAPA français tel que prévu par les textes du droit français, et que le traitement national dont se réclame l'appelante, et qui s'applique à tout citoyen français titulaire de certains diplômes et ayant une certaine expérience professionnelle dans le domaine du droit, impose à ces personnes non titulaires du CAPA de passer ledit examen de contrôle des connaissances.

Il en conclut que la cour, après avoir confirmé la décision de refus d'inscription au tableau de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine de Mme Y... doit rappeler que cette inscription devra être acceptée après que cette dernière a passé avec succès l'examen de contrôle des connaissances.

********************************

A l'audience, les parties ont développé oralement leurs écritures précitées.

********************************

Sur la recevabilité de l'intervention du Conseil National des Barreaux

Considérant que le Conseil National des Barreaux intervient volontairement pour appuyer les prétentions du conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine ;

Considérant que, conformément à l'article 330 alinéa 2 du code civil, il doit démontrer qu'il a « intérêt, pour la conservation de ses droits » à soutenir cette partie ;

Considérant que l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 dispose qu'il a compétence pour « arrêter la liste ... des candidats admis à subir les épreuves de l'examen de contrôle des connaissances prévu au dernier alinéa de l'article 11 pour l'accès à la profession d'avocat » ;

Considérant que l'alinéa mentionné dispose : « L'avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français ... » ;

Considérant que, dans sa décision querellée, le conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine a refusé l'inscription de Mme Y... au motif que celle-ci devait satisfaire à cet examen ;

Considérant que le Conseil National des Barreaux est chargé d'arrêter la liste des candidats admis à subir ces épreuves ;

Considérant qu'il a donc, quel que soit le mérite de ses prétentions, intérêt à soutenir l'intimé ;

Considérant que son intervention est, en conséquence, recevable ;

Sur le fond

Considérant que l'article 15 alinéa 3 du Protocole franco algérien du 28 août 1962 est ainsi rédigé :
« A titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée. Ils peuvent avoir accès à toutes les fonctions dans les organismes professionnels dans le cadre de la législation en vigueur dans chacun des deux pays » ;

Considérant que, conformément à l'article 55 de la Constitution française, ce protocole a une valeur supérieure à celle des lois et règlements et est applicable ;

Considérant qu'il s'applique donc à la demande de Mme Y... ;

Mais considérant qu'il résulte des propres termes de cette disposition que les citoyens concernés doivent « satisfaire aux conditions légales requises pour » une telle inscription dans le pays où l'inscription est demandée ;

Considérant que cette obligation résulte du Protocole lui-même ; que celui-ci n'a donc pas besoin d'être dénoncé ou modifié pour que cette obligation s'impose ;

Considérant que la réciprocité n'est nullement remise en cause par ce renvoi aux conditions requises dans le « pays d'accueil », cette obligation s'imposant aux citoyens de chacun des deux pays et étant, donc, réciproque ;

Considérant que l'identité de droits entre les ressortissants algériens résidant en France et les nationaux français est sans incidence sur l'obligation pour eux, en l'espèce, conformément au Protocole, de satisfaire aux » conditions légales requises » en France ;

Considérant que le Protocole subordonne donc expressément l'inscription au BARREAU au respect de conditions légales du pays dans lequel l'inscription est demandée et, ainsi, au respect de la législation de ce pays ; qu'il renvoie en conséquence expressément à la législation interne de ce pays ;

Considérant qu'il ne contient aucune réserve quant à la date de cette règlementation ; que ces conditions peuvent donc résulter d'une loi postérieure à cet accord ;

Considérant qu'une loi interne, même postérieure au Protocole, peut donc, en application de celui-ci, subordonner l'inscription à une condition ;

Considérant que l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 précité impose à l'avocat ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen - et donc à un avocat algérien - de subir des épreuves de contrôle des connaissances « en droit français » s'il n'est pas titulaire du CAPA ;

Considérant que cet article ne vise pas expressément, contrairement à des dispositions concernant d'autres diplômes, un CAPA « français » soit délivré par des autorités françaises ;

Mais considérant que l'article 11 est inclus dans le chapitre sur l'organisation et l'administration de la profession ; qu'il fixe les conditions d'accès à la profession d'avocat ; que, parmi ces conditions, figure, sauf exception non applicable en l'espèce, celle d'être titulaire du CAPA ;

Considérant, d'une part, que, fixant les conditions d'accès à une profession règlementée en France, le CAPA visé ne peut s'entendre que du CAPA « français » ;

Considérant, d'autre part, que la loi française ne peut réglementer un CAPA « étranger » ;

Considérant, enfin, que l'économie du texte qui prévoit des exceptions et qui permet à un avocat étranger non ressortissant de l'Union européenne de passer un examen de contrôle des connaissances en droit français renvoie à l'obtention d'un CAPA nécessairement délivré en France ;

Considérant, en conséquence, que la condition prévue par ce texte évoque sans ambiguïté la détention d'un CAPA délivré par les CRFPA ;

Considérant, par conséquent, que le Protocole renvoie l'inscription au BARREAU au respect des conditions de la législation du pays dans lequel l'inscription est demandée soit, s'agissant de la France, à la détention d'un CAPA « français » ;

Considérant que l'article 5 de la Déclaration de principe relative à la coopération culturelle intégrée dans les « Accords d'Evian » énonce que « les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examens sont valables de plein droit dans les deux pays » ;

Considérant que cette disposition a, comme les traités, une valeur supra légale ;

Mais considérant que les « programmes » ne peuvent être identiques, le droit enseigné étant différent ; que les diplômes relatifs à l'exercice de la profession d'avocat ne sont donc pas délivrés « dans les mêmes conditions de programme » ;

Considérant que cette disposition n'est, dès lors, pas applicable ;

Considérant que l'alinéa 2 de cet article prévoit que « des équivalences entre les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans des conditions différentes de programme, de scolarité et d'examens seront établies par voie d'accords particuliers » ;

Considérant qu'aucun « accord particulier » n'est intervenu ;

Considérant qu'il ne résulte pas de cette Déclaration une équivalence des CAPA ;

Considérant que la Convention sur la reconnaissance des études, des diplômes et des grades de l'enseignement supérieur dans les Etats arabes et les Etats européens riverains conclue le 17 décembre 1976 prévoit l'assimilation des diplômes délivrés en l'espèce en Algérie à un diplôme de l'Etat en l'espèce français mais précise que « suivant la portée donnée à la reconnaissance, ces droits ont trait soit à la poursuite des études, soit à l'exercice d'une activité professionnelle, soit à ces deux fins à la fois » ;

Considérant que cette assimilation n'est donc pas automatique ;

Considérant que le droit français-auquel renvoie cette disposition - n'a pas posé le principe d'une reconnaissance ou d'une équivalence du CAPA obtenu dans un des Etats concernés avec le CAPA délivré en France ;

Considérant que Mme Y... n'est donc pas, par équivalence, titulaire du CAPA exigé ;

Considérant, en conséquence, qu'elle ne remplit pas les conditions lui permettant d'être inscrite dans un BARREAU sans devoir se présenter au préalable à l'examen de contrôle des connaissances en droit français prévu par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Considérant que la décision du Conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine sera donc confirmée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Déclare recevable l'intervention volontaire du Conseil National des Barreaux,

Confirme la décision prise par le Conseil de l'Ordre des avocats du BARREAU des Hauts de Seine,

Condamne Mme Y... aux dépens.

 
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1a
Numéro d'arrêt : 17/057071
Date de la décision : 22/12/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 22 décembre 2017 par la 1ère chambre de la cour d'appel de Versailles, RG n° 17/05707 AVOCAT - Barreau. - Inscription au tableau. - Conditions particulières. - Ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. - Obligation de subir avec succès les épreuves du CAPA. L'inscription au barreau d'un avocat algérien est régie par l'article 15 alinéa 3 du Protocole franco algérien du 28 août 1962 selon lequel les citoyens de chacun des deux pays peuvent demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée. L'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 impose à l'avocat ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen de subir des épreuves de contrôle des connaissances en droit français s'il n'est pas titulaire du CAPA. Ce texte, ainsi que l'obligation, sauf exception non applicable en l'espèce, d'être titulaire du CAPA, renvoient à l'obtention d'un CAPA nécessairement délivré en France. Le CAPA obtenu en Algérie ne porte pas sur le droit français et ne suit pas le même programme de scolarité et d'examen et ne constitue donc pas un diplôme équivalent au sens de l'article 5 de la Déclaration de principe relative à la coopération culturelle intégrée dans les «Accords d'Evian », étant observé en outre qu'aucun accord particulier d'équivalence dont la possibilité est prévue par l'alinéa 2 de cet article, n'a été convenu. La décision de refus d'inscription prise par le Conseil de l'Ordre des avocats du Barreau des Hauts de Seine sera donc confirmée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-12-22;17.057071 ?
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