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21/12/2017 | FRANCE | N°17/00899

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 21 décembre 2017, 17/00899


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 DECEMBRE 2017



N° RG 17/00899



AFFAIRE :





[O] [S] épouse [F]





C/



SAS BSH ELECTROMENAGER













Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 22 Septembre 2016 par la Cour de Cassation de PARIS sur un appel rendu le 9 Avril 2015 par la Cour d'appel de PARIS suite à un juge

ment rendu le 26 Novembre 2013 par le tribunal de grande instance de MEAUX

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Bertr...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 DECEMBRE 2017

N° RG 17/00899

AFFAIRE :

[O] [S] épouse [F]

C/

SAS BSH ELECTROMENAGER

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 22 Septembre 2016 par la Cour de Cassation de PARIS sur un appel rendu le 9 Avril 2015 par la Cour d'appel de PARIS suite à un jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le tribunal de grande instance de MEAUX

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation () du 22 Septembre 2016 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS le 9 Avril 2015

Madame [O] [S] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assistée de Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017033 et de Me Fabienne VAN DER VLEUGEL de la SCP VDV AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MEAUX

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS BSH ELECTROMENAGER agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 341 911 790

[Adresse 2]

[Adresse 2]

assistée de Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20170133 et de Me Jean-noël BOST, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R114

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2017, Madame Patricia GRASSO, Présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO ;

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte du 15 octobre 2008, M. [F] et son épouse Mme [S] se sont portés chacun caution solidaire du remboursement de toutes les sommes découlant de l'achat de matériel électroménager par la société DESC, à l'égard de la société BSH électroménager, dans la limite de 160.000 euros.

Par jugement du 6 janvier 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société DESC. La société BSH électroménager a déclaré sa créance le 28 janvier 2009 à hauteur de la somme de 283.521,07 euros, ramenée à la somme de 263.621,07 euros par déclaration rectificative du 31 mars 2009.

Par acte d'huissier du 20 juillet 2009, la société BSH électroménager a assigné Mme [F] devant le tribunal de grande instance de Meaux pour la voir condamner à payer la somme de 160.000 euros en sa qualité de caution de la société DESC.

Par jugement rendu le 26 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Meaux a :

-condamné Mme [F], en sa qualité de caution de la société DESC, à payer à la société BSH électroménager la somme de 160.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2009, date de présentation du courrier de mise en demeure,

-ordonné l'exécution provisoire de la décision,

-condamné Mme [F] à payer à la société BSH électroménager la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [F] aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise et dit que Me [V] [I] pourra recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision suffisante, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration en date du 25 février 2014, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt rendu le 9 avril 2015, la cour d'appel de Paris a:

-infirmé le jugement en toutes ses dispositions,

-déclaré nul l'engagement de caution souscrit le 15 octobre 2008 par Mme [F],

-débouté la société BSH électroménager de ses demandes,

-condamné la société BSH électroménager à payer à Mme [F] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toutes autres demandes des parties,

-condamné la société BSH électroménager aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société BSH électroménager s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt rendu le 22 septembre 2016, la Cour de cassation a:

-cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

-remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles,

-condamné Mme [F] aux dépens,

-rejeté la demande de Mme [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée à payer à la société BSH Electroménager la somme de 3.000 euros.

Elle a reproché à la cour d'appel d'avoir annulé l'acte de caution au motif que la formule manuscrite prévue par l'article L 341-2 du code de la consommation figurait sous et non sur la signature de Mme [F], alors que celle-ci avait en réalité apposé ensuite son paraphe sous la dite formule .

Le 30 janvier 2017, Mme [S] a saisi la cour d'appel de Versailles.

Dans ses conclusions transmises le 28 mars 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [F], appelante, demande à la cour de:

À titre principal,

-prononcer l'annulation du cautionnement en date du 15 octobre 2008,

À titre subsidiaire,

-dire et juger que la société BSH électroménager est déchue du droit de se prévaloir de l'acte de cautionnement en date du 15 octobre 2008 en tant qu'il est disproportionné,

En tout état de cause,

-débouter société BSH électroménager de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-condamner la société BSH électroménager à payer à Mme [F] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société BSH électroménager aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Ricard, conformément à l'article 699 code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, Mme [F] fait valoir:

-à titre principal que la signature sur l'acte de caution n'est pas la sienne au motif que les pièces produites montrent que sa signature est différente ;

-à titre subsidiaire elle prétend que l'acte est nul en application de l'article L341-2 du Code de la consommation qui impose de faire précéder la signature de la mention manuscrite, alors que dans l'acte de caution, la signature est apposée au dessus de la mention manuscrite et que le seul paraphe en bas de page ne peut être considéré comme une réitération de la signature ;

-que la société BSH Electroménager n'a pu obtenir son consentement que par violence et par dol au visa de l'article 1109 du Code civil parce qu'en premier lieu la société DESC était en position de dépendance économique vis-à-vis de la société BSH Electroménager qui a tiré profit de la situation pour contraindre les époux [F] à s'engager, alors que la société DESC était déjà en état de cessation des paiements et qu'en second lieu la société BSH Electroménager s'est rendue coupable de réticence dolosive à son égard, n'ignorant pas la situation obérée de la société DESC puisque c'est en raison de la fragilité de la trésorerie et des retards de paiement qu'elle a demandé la caution des époux [F] alors qu'elle-même, épouse du président de la société DESC, n'avait pas connaissance de la situation ;

-à titre plus subsidiaire, elle estime que la société BSH Electroménager a commis une faute en sollicitant son engagement alors que la société DESC était déjà en état de cessation des paiements et que son préjudice doit être fixé au montant de la condamnation à son encontre; qu'elle se prévaut également de la disproportion en application de l'article L341-4 du Code de la consommation, en soulignant que la fiche de renseignements ne contient aucune indication sur un patrimoine éventuel lui appartenant, qu'elle percevait en 2008 un revenu annuel de 19.393 euros et qu'elle était endettée à hauteur de 81.825 euros et 565.100 euros auprès de la Lyonnaise de Banque et de 78.000 euros auprès du CIC.

Dans ses conclusions transmises le 16 mai 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société BSH Electroménager, intimée, demande à la cour de :

-débouter Mme [F] de son appel, confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

-condamner Mme [F] au paiement de la somme de 160.000 euros avec intérêt de droit à compter du 17 mars 2009, date de présentation du courrier de mise en demeure,

-ordonner la capitalisation des intérêts.

-condamner Mme [F] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [F] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel et de cassation, et en ce compris les frais d'expertise, les frais d'inscription de l'hypothèque provisoire, et de radiation éventuelle, dont distraction au profit de maître Bertrand Rol, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement, et si la cour considérait l'engagement de caution valable mais sa disproportion établie au jour de la conclusion du contrat,

-ordonner la production par Mme [F] en vertu des dispositions de l'article 11 du code de procédure civile et ce au besoin sous astreinte de ses déclarations de revenus depuis 2007.

Au soutien de ses demandes, la société BSH Electroménager fait valoir :

-que le rapport d'expertise doit être entériné,

-que la mention manuscrite prévue par la loi a bien été apposée, que le texte est conforme aux dispositions de l'article L 341-2 du code de la consommation et que s'il figure sous la signature, est immédiatement suivie du paraphe, de sorte que ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de cette mention ne s'en est trouvée affectée  ;

-que la signature de Madame [F] n'est pas constante et que seul un expert peut apporter une appréciation sérieuse de sorte que la mention manuscrite respecte les dispositions de l'article L341-2 du Code de la consommation, que la signature est apposée en haut du texte à l'intérieur d'un cadre et que le paraphe, qui constitue une signature abrégée, apposé en bas de page doit être considéré comme une réitération de la signature,

-que sur la violence alléguée, le rapport de l'administrateur judiciaire révèle qu'il n'existait pas de dépendance économique de la société DESC à son égard et que M. [F] souhaitant présenter un plan de redressement, était demandeur à la poursuite des relations commerciales ;

-que Mme [F] ne prouve pas le dol par réticence dolosive allégué et qu'elle avait au contraire connaissance des difficultés de la société DESC,

-que s'agissant de la faute reprochée à son encontre, Mme [F] invoque les mêmes motifs que pour la violence et le dol allégués sans démontrer l'existence d'une faute ;

-que sur la disproportion, les garanties figurant sur la fiche de renseignements ne présentaient aucune anomalie apparente et étaient proportionnées à l'engagement pris, puisque les époux [F] disposaient de revenus annuels de 110.500 euros et de deux biens communs évalués à 710.000 euros et 105.000 euros , et lors de l'engagement de caution, elle n'a eu connaissance que des engagements de caution de M. [F] du 28 janvier 2008 à hauteur de 78.000 euros à l'égard du CIC et du 13 février 2008 pour 50.000 euros à l'égard de GE Facto France, les époux [F] ayant délibérément dissimulé leur situation réelle.

*****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 octobre 2017 .

L'audience de plaidoirie a été fixée au 22 novembre 2017 et le délibéré au 21 décembre suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'authenticité de l'acte de caution

Devant le tribunal de grande instance de Meaux, Mme [F] a soulevé un incident aux fins de désignation d'un expert en écritures avec pour mission : « de déterminer si la mention manuscrite précédant la signature (non existante) a bien ou non été écrite de la main de Mme [F] ».

Par jugement avant dire droit en date du 3 novembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Meaux a désigné Mme [E] en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 25 février 2013 et a conclu en ces termes : « Mme [O] [S] épouse [F] est bien la rédactrice et la signataire de l'acte de cautionnement » après avoir noté « un déguisement partiel des écrits réalisés lors de la réunion contradictoire ».

En appel, Mme [F] maintient sa contestation sur la signature apposée sur l'engagement de caution du 15 octobre 2008.

Dans son rapport, Mme [E] a constaté que les signatures de Mme [F] sont très variables mais conservent des constantes dans la construction et qu'elle indiquait que les particularités de la signature contestée se retrouvent dans les signatures de comparaison.

Au vu de ce rapport et des éléments de comparaison étudiés par l'expert, il est établi que Mme [F] est bien la signataire de l'engagement de caution du 15 octobre 2008.

Sur la validité de l'acte de cautionnement

L'article L 341-2 du Code de la Consommation dispose que :

" Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

"En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."

Sur l'acte de cautionnement litigieux, Mme [F] a inscrit cette formule de sa main, et a apposé sa signature au dessus dans le cadre prévu à cet effet dans l'imprimé qui lui était proposé par la société BSH Electroménager.

Toutefois, elle a également apposé son paraphe sous la formule manuscrite répondant aux exigences légales.

Le paraphe est une forme de signature rapide admise dans les usages commerciaux de sorte que par l'existence de ce paraphe s'ajoutant à la signature, ni le sens, ni la portée, ni, en conséquence, la validité de la mention légale ne s'est trouvée affectée du fait que la signature entière figurait au dessus, rien n'établissant en outre que Mme [F] ait tracé cette signature avant et non après avoir recopié la formule.

L'acte de caution sera donc déclaré valide.

Sur le consentement de Mme [F]

Madame [F] se fonde sur les dispositions cumulées des articles 1130, 1131, 1137, 1140 et 1143 du Code Civil.

L'article 1130 du Code civil dispose que :

« L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »

L'article 1131 du Code civil rappelle que :

« Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat. » L'article 1137 du Code civil précise que :

« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie »

L'article 1140 du Code civil précise que :

« Il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

L'article 1143 du Code civil ajoute que :

« Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

Toutefois, la rédaction de ces textes est issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, et ils ne sont pas applicables en l'espèce, l'article 9 alinéa 2 de ladite ordonnance prévoyant expressément que "Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne" alors que l'engagement de caution des époux [F] étant daté du 15 octobre 2008.

En tout état de cause, il incombe à la partie qui prétend que son consentement a été vicié, d'apporter la preuve d'un tel vice.

- Sur la violence

Selon Mme [F], la société BSH Electroménager, principal fournisseur de la société DESC en électroménager "de marque Siemens ou Bosch notamment, aurait exploité sa position de force à son égard en exigeant des cautions personnelles et solidaires, ce dont elle aurait été directement la victime, "les revenus du foyer dépendant de la poursuite de l'activité de DESC avec BSH".

Cependant, il résulte du "rapport et bilan économique, social, et environnemental" rédigé le 24 février 2009 par l'administrateur judiciaire qu'il n'existait aucune position de force de la société BSH Electroménager non plus que de dépendance économique de la société DESC, dès lors que si la société BSH Electroménager était effectivement un important fournisseur de la société DESC en électroménager, il n'en était pas le seul et que de sérieuses perspectives de redressement existaient puisque le dirigeant lui-même prévoyait encore à la date du rapport, c'est-à-dire le 24 février 2009 la présentation d'un plan par voie de continuation.

En outre Mme [F], qui a reconnu devant l'expert judiciaire, être intervenue à deux contrats de cautionnement antérieurs donnés par son mari et consentis au profit du CIC et de GE FACTO France les 28 janvier et 13 février 2008, connaissait parfaitement la situation de la société DESC dont son époux était président et dont elle suivait l'évolution et avait un intérêt direct et personnel à la poursuite de son activité de la société DESC.

L'intimée établi que M. [F] avait plusieurs sources de revenus :

-gérant depuis avril 2006 de la société MN Developpement (holding radiée en n 2014), CA 2008 connu : 36. 000 €,

-gérant depuis décembre 2006 de la Soc des Comptoirs Barbès (commerce de détail d'équipement du foyer, radiée depuis août 2010), CA 2007 connu : 268.000 €,

-gérant depuis avril 2007 de la société MN Distribution (commerce interentreprises de meubles, tapis, appareils d'éclairage, radiée depuis février 2011), CA 2008 connu : 865.000 €,

-affaire en nom depuis juillet 2005 exercée à PUY SAINT VINCENT, (location de terrains et autres biens immobiliers), CA non connu .
Il ne peut donc être sérieusement soutenu que l'engagement de caution signé par Mme [F] était de nature à mettre en péril les ressources du foyer.

Enfin, il a été vu ci dessus que Mme [F], a pu apprécier le sens et la porté de son engagement et dans le contexte de l'existence d'impayés et dans le souci d'une bonne gestion, la société BSH Electroménager ne pouvait continuer à honorer les commandes de la société DESC que sous condition d'obtention d'une garantie.

La preuve de la violence par abus de position dominante n'est donc pas rapportée.

- Sur la réticence dolosive

S'agissant de la réticence dolosive, l'appelante reproche à la société BSH Electroménager de lui avoir volontairement caché la situation financière difficile de la société DECS.

Cependant, comme il a été indiqué ci-dessus la situation de la société DESC n'apparaissait nullement comme irrémédiablement compromise et son président, M. [F], époux de l'appelante croyait fermement en ses perspectives de redressement.

La preuve de la réticence dolosive n'est donc pas rapportée et le consentement de Mme [F] a été libre.

Sur la déchéance de la société BSH Electroménager à se prévaloir de l'acte de caution

-sur les fautes de la société BSH Electroménager

Pour soutenir l'existence de fautes de la part de la société créancière qui seraient à l'origine de son engagement de caution, Mme [F] reprend en réalité les faits allégués qui soutenaient son moyen relatif à la réticence dolosive, c'est à dire qu'elle reproche à la société BSH Electroménager de lui avoir caché la situation financière obérée de la société DECS.

La cour reprend sur ce point les motifs ci-dessus tirés de l'examen du "rapport et bilan économique, social, et environnemental" rédigé le 24 février 2009 par l'administrateur judiciaire dont il résulte qu'il existait de sérieuses perspectives de redressement existaient puisque le dirigeant lui-même prévoyait encore à la date du rapport, c'est-à-dire le 24 février 2009 la présentation d'un plan par voie de continuation et ceux relatifs à la parfaite connaissance qu'avait Mme [F] de la situation réelle de la société que présidait son époux.

-sur le caractère disproportionné de la caution

Aux termes de l'article L 341-4 ancien du code de la consommation :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Un créancier professionnel n'a pas à vérifier, en l'absence d'anomalie apparente, la consistance des biens et revenus déclarés par la caution.

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus, la disproportion s'appréciant au regard de l'endettement global de la caution à la date de la souscription mais également à la date à laquelle la caution est appelée.

Lorsque des époux communs en bien s'engagent simultanément dans un acte unique en termes identiques en qualité de caution pour la garantie de la ou des mêmes dettes, leur engagement s'apprécie tant au regard de leurs biens et revenus propres que de ceux de la communauté.

En l'espèce, le revenu déclaré par M. et Mme [F] lors de leur engagement de caution de la société DECS était de 91.062 € pour monsieur et 19.303 € pour madame, soit un total de 110.365 euros correspondant aux revenus de 2008 figurant sur leur avis d'imposition.

À cette somme s'ajoute un revenu provenant d'un investissement locatif ("résidence tourisme") pour 16.666 €, ce qui porte le revenu annuel net global pour l'année 2008 à 127.166 € et le revenu mensuel à 10.597 €.

En ce qui concerne les revenus 2007 qui auraient dus être justifiés lors de l'engagement signé le 15 octobre 2008, ils se sont révélés supérieurs aux revenus de 2008 selon l'avis d'imposition de 2008 pour une somme de 167.050 euros (salaire : 142.051 € + revenus résidence secondaire : 24.999 €) soit 13.920 € mensuels.

Le patrimoine déclaré était constitué de :

-la maison de [Localité 2] pour une valeur de 710.000 €,

-l'appartement de [Localité 3] pour une valeur de 105.000 €,

soit un patrimoine global de 815.000 €.

Le seul passif que la société BSH Electroménager reconnaît avoir connu résultait des engagements de caution auxquels Mme [F] avait consenti à l'égard du CIC le 28 janvier 2008 à hauteur de 78.000 € et à l'égard de GE FACTO France le 13 février 2008 à hauteur de 50.000 €.

Mme [F] se prévaut au titre de l'endettement du ménage des prêts suivants :

-un prêt émanant de la Lyonnaise de Banque concernant la maison de [Localité 2] souscrit le 30 avril 2007 par les époux [F] pour le montant aujourd'hui évoqué de 565.100 euros,

-un prêt immobilier concernant le bien sis à Puy Saint Vincent souscrit le 4 avril 2005 par les époux [F] pour un montant de 81.825 euros.

La solvabilité de la caution au moment de la conclusion de son engagement devant s'apprécier au regard de ses biens et revenus ainsi que de ses charges, en l'espèce, compte tenu de l'amortissement partiel des prêts immobilier et de la valeur du patrimoine immobilier, l'engagement était donc sensiblement égal au montant des avoirs (revenus plus patrimoine) et donc proportionné.

En tout état de cause et de surcroît, il résulte de la combinaison des articles 1315 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

L'intimée soutient qu'au moment où elle l'a appelée, le patrimoine de Mme [F] lui permet de faire face à son obligation.

Mme [F] n'a pas répondu sur ce point car elle n'a défendu dans ses écritures que la disproportion au jour de son engagement, et n'a considéré que ses propres revenus.

Pour apprécier si le patrimoine de Mme [F] lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, il résulte des articles L. 626-11 du code de commerce et L. 341-4 du code de la consommation que la cour doit se placer au jour où la caution a été assignée et considérer tant ses biens et revenus propres que de ceux de la communauté, compte tenu de l'engagement de chacun des deux époux pour la même dette.

Les procédures ont été initiées le 20 juillet 2009.

En termes de revenus, M. [F], à l'appui de sa demande de délais devant le tribunal de commerce de Meaux, a versé aux débats sous le numéro 5 une fiche de paie laissant apparaître un salaire net de 5.621, 38 € depuis le 1er juin 2009.

À cette même date, au vu des pièces produites par l'intimée, il semble toujours exercer son activité immobilière à Puy Saint Vincent et être dirigeant des sociétés MN Développement, MN Distribution, et du SOC Comptoirs Barbès.

Les activités établies par l'intimée pour chacun des époux à compter de 2010 ne peuvent être prises en compte car postérieures à l'assignation.

Sur sommation d'avoir à communiquer les déclarations des revenus 2006 à 2016 et les avis d'imposition correspondants, Mme [F] n'a communiqué que les seuls avis d'imposition qui révèlent le patrimoine suivant :

- jusqu'à l'année 2009, une résidence de tourisme,

- jusqu'à l'année 2013, la résidence principale,

- en 2014, 2015 et 2016, des capitaux mobiliers.

La résidence de tourisme et la maison ont été vendues ce qui a permis de désintéresser les créanciers inscrits réduisant ainsi le passif.

La société BSH Electroménager établit donc que la situation de Mme [F] bénéficiait, en juin 2009, date de son assignation en justice, d'une amélioration de nature à établir le caractère proportionné de son engagement lorsqu'il a été appelé.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a notamment condamné Mme [F], en sa qualité de caution de la société DESC, à payer à la société BSH Electroménager la somme de 160.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2009, date de présentation du courrier de mise en demeure.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, l'appelante ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes des dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [O] [S] épouse [F] à payer à la société BSH Electroménager la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [O] [S] épouse [F] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00899
Date de la décision : 21/12/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°17/00899 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-21;17.00899 ?
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