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14/12/2017 | FRANCE | N°16/01057

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 14 décembre 2017, 16/01057


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2017



R.G. N° 16/01057



AFFAIRE :



[V] [L]





C/

Société PUBLICIS MEDIA FRANCE venant aux droits de la SA VIVAKI PERFORMANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : En

cadrement

N° RG : 15/00803





Copies exécutoires délivrées à :



Me Samuel GAILLARD



la SELARL ACTANCE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[V] [L]



Société PUBLICIS MEDIA FRANCE venant aux droits de la SA VIVAKI PERFORMANC...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2017

R.G. N° 16/01057

AFFAIRE :

[V] [L]

C/

Société PUBLICIS MEDIA FRANCE venant aux droits de la SA VIVAKI PERFORMANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 15/00803

Copies exécutoires délivrées à :

Me Samuel GAILLARD

la SELARL ACTANCE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[V] [L]

Société PUBLICIS MEDIA FRANCE venant aux droits de la SA VIVAKI PERFORMANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Samuel GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0318

APPELANT

****************

Société PUBLICIS MEDIA FRANCE venant aux droits de la SA VIVAKI PERFORMANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Eliane CHATEAUVIEUX de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substituée par Me Marion ROBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CACHET, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Sylvie CACHET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Adrien CROUZET,

Suivant contrat à durée indéterminée du 29 janvier 2001, M. [V] [L] a été engagé par la société Publicis Conseil, puis muté en qualité de directeur 'marques et stratégies' auprès de la société Vivaki Performance à effet du 1er janvier 2005 et enfin, nommé directeur général de l'agence Optimedia le 1er octobre 2011, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 13 824 euros.

La société a pour activité principale la publicité et la communication. Elle applique la convention collective nationale de la publicité.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 mars 2015, M. [V] [L] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2015.

Par courrier du 19 mars 2015, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 mars 2015, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Par jugement du 24 février 2016 , le conseil de prud'hommes de Nanterre a condamné la société Vivaki Performance à payer à M. [V] [L] les sommes suivantes :

- 32'000 euros au titre du bonus 2014 ;

- 11'218 euros à titre d'indemnité complémentaire conventionnelle de licenciement;

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. [V] [L] a interjeté appel de cette décision par acte du 8 mars 2016.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Vivaki Performance à lui payer les sommes suivantes :

- 40'000 euros ou subsidiairement 37'333,33 euros au titre du bonus qui lui est dû pour l'année 2014 et qui devait lui être versé avec la paye de mars 2015 ;

- 20'000 euros ou subsidiairement 18'666,66 euros au titre du paiement prorata temporis du bonus du pour l'année 2015 et qui lui aurait été versé avec la paye de mars 2016 ;

- 15'775,71 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 21'843 euros à titre d'indemnité compensatrice des 300 actions gratuites du groupe Publicis qui lui avaient été attribuées dans le cadre du plan ' LTIP ' 2012 ;

Il sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Vivaki Performance ou, à titre subsidiaire, dire que le licenciement qui lui a été notifié est sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 205 743,96 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10 001,62 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites attribuées dans le cadre du plan ' LTIP ' 2013 ;

- 8971,04 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites attribuées dans le cadre du plan ' LTIP ' 2014 ;

- 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande enfin que l'ensemble des condamnations soit assorti d'intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de la société à l'audience de conciliation.

La société Publicis Media France SA venant aux droits de la société Vivaki Performance demande à la cour à titre principal, d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 32'000 euros au titre du bonus 2014 et 11 218 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] [L] du reste de ses demandes.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter les condamnations prononcées à son encontre à la somme de un euro symbolique au titre du bonus 2014 et 2015 et 80'000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle conclut au rejet de la demande au titre de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites dans le cadre des plans ' LTIP '2013 et 2014 et des demandes formulées au titre de l'article 700, de la condamnation aux intérêts au taux légal et aux entiers dépens.

À titre reconventionnel, elle demande la condamnation de M. [V] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA COUR

Sur le bonus 2014 et 2015 :

M. [V] [L] soutient que tous les documents de référence des cinq dernières années du groupe Publicis font clairement état d'une politique, d'un usage consistant à verser un bonus aux hauts cadres selon des modalités déterminées par le comité de rémunération du groupe.

La société réplique qu'aucune clause contractuelle ou conventionnelle ne prévoyait le versement d'un bonus et qu'il n'y a pas d'engagement unilatéral de l'employeur; que le comité a émis de simples lignes directrices pour calculer la partie variable d'une rémunération; enfin, qu'une prime pour être considérée comme résultant d'un usage doit réunir trois critères: elle doit concerner toute une catégorie de personnel, elle doit être répétée et périodique et présenter un certain caractère de fixité dans son montant ou dans son mode de détermination, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur ce,

S'il est constant que ni le contrat de travail ni la convention collective applicable ne prévoient de bonus ou de prime, M. [L] a néanmoins perçu les sommes suivantes mentionnées sur les bulletins de paye du mois de mars (de l'année N+ 1) comme ' bonus':

- bonus 2009 : 10 000 euros,

- bonus 2010 : 25 000 euros,

- bonus 2011 : 40 000 euros,

- bonus 2012 : 32 000 euros,

- bonus 2013 : 40 000 euros.

Le bonus 2014 est quant à lui évoqué dans le courriel du 11 février 2015 de Mme M., directrice des ressources humaines, qui énumère les conditions liées à l'offre de poste à Hong Kong et qui indique ' prime 2014 : prise en charge chez nous '.

La cour observera que durant cinq années consécutives, M. [L] a bien perçu un ' bonus' et qu'au titre de l'année 2014, celui-ci n'était pas remis en cause avant son licenciement.

La cour rappellera que la part variable d'une rémunération doit être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, préalablement définis et contrôlables par le salarié. L'imprécision quant aux conditions d'attribution des compléments individuels de salaire ne font que renforcer l'engagement de l'employeur et non l'exonérer de son obligation.

Le document de référence 2011 ' Rapport financier annuel' de Publicis Groupe évoque, sans aucune ambiguïté, cette volonté de faire bénéficier ses salariés d'une rémunération variable :

' Le Comité examine plus généralement les systèmes de rémunération incitative en vigueur pour les cadres de haut niveau dans le Groupe. D'une manière générale, la partie variable de la rémunération est liée à la performance annuelle et dépend de l'atteinte de résultat d'objectifs individuels définis à l'échelle de l'entité considérée, selon des modalités liées à l'histoire et aux décisions propres de ces entités. Suivant la recommandation du Comité, une harmonisation des systèmes a été menée avec la mise en place, depuis 2006, d'un nouveau système de calcul des enveloppes globales de bonus( bonus pool ) à l'échelle des réseaux, dont le Comité a validé les principes.... le Comité a examiné l'application du système pour la détermination des bonus pool depuis 2006 '.

Le document de référence 2014 indique :

' Publicis Groupe encouragera l'implication des salariés les plus moteurs en liant fortement leur rémunération annuelle et leur bonus à long terme à l'obtention de résultats en termes de croissance et de marge...

... Le comité a pris connaissance de la politique de bonus en fonction des résultats du Groupe comme de chacun des grands réseaux et a été consulté sur un nouveau mécanisme de bonus pour le Groupe....'.

Contrairement à ce que soutient la société, il résulte des rapports financiers annuels, déposés auprès de l'Autorité des marchés financiers, une volonté explicite de récompenser les hauts cadres méritants par l'attribution de bonus et cela depuis au moins l'année 2006.

La société, pour sa part, ne justifie pas que les bonus octroyés le sont à titre exceptionnel et pour des bénéficiaires choisis individuellement et de façon discrétionnaire.

Cette volonté unilatérale suffit à créer une obligation qui s'impose à la société, d'autant que les critères de calcul de cette part variable ne sont pas définis de manière précise et que la cour constate effectivement des différences de montant perçu par M. [L] selon les années, non explicitées par la société si ce n'est d'évoquer 'son pouvoir discrétionnaire', inopérant en l'espèce.

En conséquence, la cour constatera que la demande de M. [L] au titre du bonus 2014 est fondée mais contrairement au calcul effectué par le conseil, il y aura lieu de lui attribuer la moyenne des bonus perçus depuis sa nomination comme directeur général de l'agence Optimedia le 1er octobre 2011, soit la somme de 27 000 euros (10 000 euros ( proratisation du bonus 2011 sur 3 mois au poste de directeur général )+32 000 euros+40 000 euros/3).

Comme l'a très justement énoncé le conseil, le bonus 2015 ne sera pas accordé, M. [L] ayant été dispensé d'activité à partir de février 2015 et le mois de janvier 2015 ayant été pour grande partie consacré légitimement à sa recherche de poste au sein du groupe.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :

M. [V] [L] soutient que le calcul du montant de l'indemnité de licenciement doit prendre en compte les 12 derniers mois qui précèdent l'envoi de la lettre de notification de licenciement ce qui implique d'inclure dans l'assiette de calcul, le bonus 2013 (perçu au mois de mars 2014).

La société expose que le bonus 2013 correspond à la période allant du mois de janvier 2013 au mois de décembre 2013 alors que l'assiette de calcul de l'indemnité correspond à la période d'avril 2014 à mars 2015 et doit donc en être exclu.

Sur ce,

Le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où l'employeur manifeste, par l'envoi de la lettre recommandée de licenciement, sa volonté de résilier le contrat de travail, en l'espèce le 31 mars 2015, date de l'envoi du recommandé.

En l'absence de dispositions conventionnelles pour le calcul de l'assiette de l'indemnité conventionnelle, il y a lieu d'appliquer l'article R. 1234-4 du code de travail qui dispose :

le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° soit le 12e de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement ;

2° soient le tiers des trois derniers mois

La formule la plus avantageuse est le 12ème de la rémunération des 12 derniers mois (du 1er avril 2014 au 31 mars 2015) dans laquelle il convient d'inclure le bonus 2014 qui aurait été perçu en mars 2015 et qui correspond à la période de janvier 2014 à décembre 2014, qu'il convient donc de proratiser, soit un salaire de référence de 15 502 euros.

La convention collective prévoit qu'il est alloué, pour une période d'ancienneté jusqu'à 15 ans, 33% des derniers appointements perçus par l'intéressé par année complète de présence.

M. [L] a une ancienneté de 14 ans et 5 mois, soit 14 années complètes de présence.

Il a donc droit à une indemnité conventionnelle de licenciement :

33/100X 5 502 X 14 = 71 619,24 euros

M. [L] a perçu la somme de 65 792 euros, il conviendra de lui allouer un rappel d'indemnité de 5 824,24 euros.

Sur le bénéfice des actions gratuites LTIP 2012

M. [V] [L] expose qu'il ne pouvait être privé de l'attribution définitive des actions gratuites qu'il devait pouvoir acquérir le 17 avril 2015 dans le cadre du plan LTIP 2012, soit durant la période du préavis dont il avait été dispensé de l'exécution.

La société s'y oppose en indiquant que ces actions sont attribuées au terme d'une période d'acquisition de 3 ans et sous réserve des conditions définies par le règlement du plan.

Sur ce,

Le règlement du plan d'attribution gratuite d'actions LTIP 2012 dispose que 'pour recevoir, à l'issue de la période d'acquisition, les actions attribuées dans le cadre du plan, le bénéficiaire devra conserver la qualité de salarié pendant toute la période d'acquisition....

... en cas de licenciement ou de démission au cours de la période d'acquisition, le bénéficiaire perd le droit de recevoir les actions dès la date de notification du préavis, ou, en cas d'absence de préavis ou de dispense d'exécution du préavis, à la date de son départ effectif de la société'.

L'article L. 1234'5 du code du travail dispose quant à lui :

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payées comprises.

Il est constant en l'espèce, que la période d'acquisition des actions gratuites au titre du LTIP 2012, prenait fin le 17 avril 2015 soit au cours du préavis de M. [L] dont il était dispensé l'exécution.

Or, en application des dispositions légales, aucune mesure discriminatoire ne peut être opérée à l'encontre du salarié qui est dispensé de l'exécution du préavis, toute clause contraire devant être considérée comme inopérante.

En conséquence et le conseil ayant omis de statuer sur ce point, il sera attribué à M. [L] le bénéfice des 300 actions acquises au titre du LTIP 2012, dont la valeur était au 31 décembre 2013 de 66,51 euros soit la somme de 19 953 euros.

Sur la résiliation judiciaire

M. [V] [L] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail alléguant des manquements de l'employeur à ses obligations.

Il estime avoir été évincé d'une part importante de ses responsabilités de co-directeur général adjoint ( co DGA) de Zenith Optimedia du fait de la nomination de M. [U] comme seul directeur général le 5 décembre 2013 puis avoir été purement et simplement remplacé dans ses fonctions de directeur général de l'agence Optimedia du fait de l'arrivée de sa remplaçante Mme [V], à compter du 16 février 2015.

La société Vivaki Performance fait valoir que M. [L] ne démontre pas l'existence de manquements suffisamment graves à ses obligations et notamment son éviction par la nomination d'un directeur général de Zenith Optimedia. Bien au contraire, elle démontre que M. [L] s'est positionné en rivalité et en opposition avec M. [U].

Enfin, M. [L] étant en recherche d'un autre poste à l'international, la société ne pouvait attendre avant de recruter sa remplaçante au regard de l'importance de ce poste.

Sur ce,

M. [U], anciennement directeur de l'agence Zenith, a été nommé directeur général de Zenith Optimedia France.

Les mails versés aux débats par M. [L] et qui précèdent cette nomination, laissent transparaître son inquiétude, son incertitude voire son désarroi face à ce qui se révèle être la promotion en interne d'un autre salarié.

Son supérieur hiérarchique, M. [X] lui répond le 12 novembre 2013 en ces termes : ' lors de notre dernier rendez-vous, je t'ai également fait des propositions (que tu as refusées, peut-être à juste titre) et on a conclu sur ta volonté/ton désir de poursuivre ta mission à la tête d'OPTIMEDIA, en acceptant certaines contraintes matricielles.

Je sais que c'est difficile et j'essaye de raccourcir au max cette période de transition'.

M. [L], contrairement à ses allégations, ne démontre pas en quoi la nomination de M. [U] l'a évincé de son poste, ne justifiant à aucun moment avoir été co DGA de Zenith Optimedia.

La cour rappellera que M. [L] est directeur général de Optimedia qui fait partie intégrante au même titre que Zenith, Perfomics, et Newcast du groupe Zenith Optimedia . M. [U] sera par ailleurs remplacé à son poste de directeur de l'agence Zenith au mois de juin 2014.

M. [X], président de Zenith Optimedia France et Mme [D], DRH, confirment que M. [L] s'est positionné et maintenu en totale opposition avec M. [U] dont il a visiblement mal supporté la promotion.

Pièce n°3 Mme [D]: ' il était perceptible pour beaucoup que l'agence ne pourrait fonctionner sainement et avec efficacité, menée par un patron d'agence à ce point en opposition, ostensiblement fermé à toute collaboration avec le nouveau DG' .

En second lieu, M. [L] invoque son éviction du compte l'Oréal et donc de ses fonctions de directeur de l'agence Optimeda. Il verse aux débats divers courriels qu'il a échangés et où il livre son sentiment qu'il ' s'agit d'un prétexte pour l'évincer de Zenith Optimedia France ' .

La société ne conteste pas cette décision de ' le sortir du compte l'Oréal' mais la justifie notamment au regard des conclusions d'un audit mené en novembre 2014 auprès des dirigeants de l'Oréal qui pointe les insuffisances et les dysfonctionnements chez Zenith Optimedia.

M. [X] indique à ce titre que ' la relation avec le client l'Oréal, premier client de l'agence et extrêmement structurant s'était fortement dégradée comme le confirment les conclusions du rapport d'audit de novembre 2014. Ce rapport, conduit pendant plusieurs mois auprès de 36 dirigeants chez L'Oréal était très alarmiste et je me devais de prendre une décision pour éviter un risque majeur d'altérer la relation avec le client, voire de le perdre, ce qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour le groupe Zenith Optimedia'.

Il ressort effectivement du pouvoir de direction de l'employeur de réorganiser les missions dévolues à ses salariés lorsqu'il se base sur des éléments objectifs comme un rapport d'audit.

Sur ce point également, M. [L] échoue à démontrer le manquement par son employeur à ses obligations.

Enfin, il fait valoir que sa remplaçante a été recrutée alors que lui même n'avait pas libéré son poste. Il verse des courriels qu'il a adressés à ses supérieurs dans lesquels il indique analyser cette arrivée ' comme venant officialiser cette destitution de ses fonctions ', rappelle leur présence à tous les deux le 23 février 2015 dans les locaux de la société et la dispense d'activité qui lui a été finalement octroyée en fin de cette journée.

Si le déroulement de ces faits n'est pas contesté par la société, elle réplique néanmoins qu'en février 2015, M. [L] s'était engagé très loin dans le processus d'acceptation d'un poste basé à Hong Kong, s'étant même déplacé pour y rencontrer l'équipe, proposition qu'il a refusée en dernière minute.

Le 11 février 2015, il envoyait un mail à Mme [D] rédigé en ces termes: ' après quelques jours passés à découvrir HK et à passer du temps avec l'équipe, je suis heureux de partager avec vous mon empressement quant à sauter le pas s'agissant de cet important changement. Après avoir brièvement parlé avec chacun de vous j'ai cru comprendre que certains sujets étaient encore en discussion entre vous. J'espère pouvoir avoir l'ensemble des informations prochainement ainsi que mon contrat. Comme je reviens vendredi matin à [Localité 3], on peut organiser un RDV avec [Z] et/ou [W] sur la version finale. Puis je prendrai le week-end pour prendre la décision importante et finale avec mon compagnon'.

Puis, le lundi 16 février 2015, il indiquait à son supérieur et à la directrice des ressources humaines par voie de mail : ' je tiens avant tout à vous remercier de cette offre de poste à HK.

La nécessité d'une prise de décision rapide, certaines inconnues persistantes quant aux conditions contractuelles de la proposition, ma situation familiale mais surtout le poste et la fonction proposée m'obligent à décliner cette offre. Je comprends parfaitement l'urgence dans laquelle est notre bureau HK'd'autant plus après ma visite sur place'mais tu sais comme moi que nous parlons de manière concrète de cette opportunité depuis seulement trois semaines...'.

Il terminait en ces termes : « Etant d'ores et déjà évincé de mon poste et mes fonctions depuis le 6 janvier de manière quelque peu cavalière et cette proposition était la seule alternative concrète proposée et recevable, je pense malheureusement que la seule solution envisageable est de passer par une négociation sur la rupture de mon contrat de travail.... L'arrivée d'[N] V. venant officialiser cette destitution de mes fonctions, comment voyez-vous les choses me concernant ' Dès son arrivée je vous propose de me dispenser de travail pendant la période des négociations (tout en étant rémunéré) ».

Il ressort de l'ensemble de ces échanges que la direction de la société a sérieusement et loyalement proposé à M. [L] une réorientation suite notamment à son positionnement face à la promotion de M. [U] et les difficultés mises en évidence dans la gestion du compte l'Oréal et qu'il était acquis par le salarié depuis au moins le début de l'année 2015 qu'il ne resterait pas à son poste. Il ne peut dès lors formuler le grief à son employeur d'avoir recruté une remplaçante avec laquelle la cohabitation n'a pas été sciemment organisée par la société qui pensait la mutation à Hong Kong sur la voie de la résolution.

En conséquence, M. [L] ne justifie pas que la société a manqué à ses obligations et il sera débouté de sa demande de résiliation judiciaire.

Sur le licenciement

L'insuffisance à remplir son emploi constitue un motif de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs, vérifiables et qui sont imputables au salarié, ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise. Elle est constituée non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution de celles-ci, caractérisée notamment par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant. L'insuffisance résulte non d'un manquement volontaire, mais, par exemple, d'une incapacité à accomplir un travail, ou d'une inadaptation professionnelle à l'emploi exercé.

Selon l'article L 1235-1 du code du travail,

en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche à M. [L] des insuffisances constatées mais aussi de son refus de se ressaisir et d'accepter les propositions de mobilité qui lui étaient faites :

- l'agence Optimédia a exposé un bilan décevant en termes de ' new business' en 2013 et 2014 ;

- la mauvaise gestion du portefeuille de clients, en particulier la société L'Oréal ;

- une dégradation de la situation internationale ;

- un défaut d'utilisation des ressources du groupe ;

- le non-respect des délais fixés ;

- un management déficient des équipes de travails ;

- des divergences de vues avec la politique du groupe et notamment avec M. [U] ;

- le refus de quatre postes proposés.

M. [L] conteste l'insuffisance professionnelle alléguée par son employeur, rappelant qu'il avait perçu l'intégralité de son bonus 2013 et reçut les félicitations personnelles du président dans une lettre du 11 mars 2014.

Il indique que les revenus d' Optimedia ont connu une progression de près de 20 % depuis sa nomination en qualité de directeur général.

Il rappelle que de nombreux prospects ont été affectés à la nouvelle agence Blue 449 et ce au détriment d'Optimedia.

Il conteste l'allégation de sa mauvaise gestion du compte L'Oréal, en indiquant là encore que les revenus de ce compte n'ont cessé d'augmenter alors que les investissements en termes de ressources humaines n'ont pas été accordés. S'il admet avoir eu des divergences de vues avec M. [U], il indique n'avoir jamais dénigré ce dernier auprès de ses équipes comme à l'extérieur.

Sur ce,

La société justifie que l'agence Optimedia n'a réalisé qu'un chiffre d'affaires en 2014 de 17,013 millions d'euros au lieu des 19, 012 millions d'euros escomptés et a enregistré une 'décroissance ' de 5% alors que l'agence Zenith connaissait dans le même temps une croissance de 3%, mais elle ne démontre pas en quoi cela est du à l'insuffisance professionnelle de M. [L].

Elle échoue également à apporter la démonstration de la responsabilité de M. [L] dans la perte de clients tels que GrandVision, H'M, PMU digital et France Galop, si ce n'est, en procédant, par affirmations.

Dans le même temps, elle admet la signature de plusieurs contrats même si elle minimise leur impact en indiquant qu'il s'agissait de contrats peu structurants et d'envergure limitée.

De la même façon, elle reproche la mauvaise gestion du compte l'Oréal à M. [L] sur la base d'un audit dont les conclusions versées au dossier sont d'ordre très générales et nuancées. En effet, le rapport souligne que ' ZO est solide dans l'implémentation et dans l'exécution du quotidien d'achat d'espaces... la performance d'achat est perçue positivement '.

En tout état de cause, la cour retiendra que l'audit ne met à aucun moment M. [L] personnellement en position de mauvais gestionnaire du client l'Oréal, le rapport soulignant :

' la prestation Digitale de ZO fait débat au sein de l'Oréal: elle est jugée différemment selon la maturité des affaires/experts de l'Oréal dans ce domaine et selon les interlocuteurs dédiés chez ZO'.

La qualité du travail de M. [L] est par ailleurs soulignée par Mme L., chief media, Digital ' Consumer Officer France L'Oréal en ces termes le 22 janvier 2015 :

« Cher [V],

Nous avons appris que tu allais évoluer au sein du groupe Publicis.

Je tenais, en mon nom et au nom du groupe L'Oréal, à te présenter tous nos v'ux de réussite dans tes nouvelles fonctions.

Nous sommes nombreux à te remercier chaleureusement pour toutes ces années que tu as passées à nos côtés, pour ton implication totale, pour ta contribution majeure au projet de nos marques, pour ton professionnalisme et ta précieuse vision positive ».

De même, Mme C., DRH Monde Zenith Optimedia confirme que ' [V] [L] a démontré une indéniable connaissance du secteur luxe, qui lui a permis de tisser des liens stratégiques avec la division luxe de notre client de L'Oréal en France'.

Si la décision de répondre aux points négatifs soulevés dans l'audit par le retrait de M. [L] du compte l'Oréal ressort du pouvoir d'appréciation de l'employeur et n'est pas constitutif d'un manquement, cette décision ne saurait à elle seule fonder le grief de mauvaise gestion de ce compte.

Les autres griefs évoqués à l'appui de l'insuffisance professionnelle découlent des affirmations de M. [X] et Mme [D] sans être corroborés par d'autres éléments objectifs, si ce n'est la production d'un mail relançant M. [L] sur la transmission d'un reporting, insuffisant à lui seul pour emporter la conviction de la cour ;

De même, le témoignage de Mme L. qui relève l'insuffisance managériale de M. [L] ne peut être sérieusement retenu, celle ci ayant été licenciée peu de temps auparavant.

La cour constatera que la société échoue à démontrer l'insuffisance professionnelle de M. [L].

En revanche, comme cela a été évoqué lors de l'étude de la demande de résiliation judiciaire, il résulte des courriels rédigés par le salarié et des réponses qui lui ont été apportées, tant par le président que par la directrice des ressources humaines, qu'il n'a pas su collaborer avec M. [U], nouveau directeur général du groupe Zenith Optimedia, ce que lui même reconnaît dans son courrier de contestation de son licenciement: 'ce point 'd'incompatibilité'constitue certainement le point le plus sensé des griefs adressés même si je n'ai jamais dénigré [R] [U] auprès de qui que ce soit. Nos divergences de point de vue n'étaient certainement pas publiques puisque contingentées aux CoDir ou autres instances décisionnelles....

Et qu'en tout état de cause j'ai fait le maximum pour ménager et ne pas impliquer mes équipes dans nos relations compliquées'.

L'attitude adoptée par M. [L] à l'égard du directeur général du groupe, auquel il n'hésite pas à écrire le 31 mars 2014 ' comme tu peux l'imaginer, je ne cautionne pas du tout tes manières' est un grief fondant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, une agence ne pouvant valablement évoluer et fonctionner avec de telles divergences de vue entre deux dirigeants qui placent les autres salariés, inévitablement, dans une position ingérable et préjudiciable à la conduite de leurs missions.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point et M. [L] sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

L'équité conduira à débouter chacune des parties de leur demande relative à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 24 février 2016 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. [V] [L] de ses demandes de résiliation judiciaire, d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages intérêts pour perte de chance d'acquérir des actions gratuites au titre des LTIP 2013 et 2014.

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la société PUBLICIS MEDIA FRANCE SA à verser à M. [V] [L] les sommes suivantes :

- 5 824,24 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 19'953 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites attribuées dans le cadre du plan LTIP 2012 ;

Rappelle que les sommes ayant un caractère de salaire bénéficient des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les autres sommes à compter de la décision les allouant ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [L] aux dépens.

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier en pré-affectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 16/01057
Date de la décision : 14/12/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°16/01057 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-14;16.01057 ?
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