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14/12/2017 | FRANCE | N°15/05096

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 14 décembre 2017, 15/05096


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 DECEMBRE 2017



R.G. N° 15/05096



AFFAIRE :



[H] [N]





C/

SAS BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles



N° RG : F 14/00350





Copies ex

écutoires délivrées à :



Me Christine CAMBOS

la SELARL Pech de Laclause - Bathmanabane & Associés





Copies certifiées conformes délivrées à :



[H] [N]



SAS BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS



POLE EMPLOI



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 DECEMBRE 2017

R.G. N° 15/05096

AFFAIRE :

[H] [N]

C/

SAS BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Versailles

N° RG : F 14/00350

Copies exécutoires délivrées à :

Me Christine CAMBOS

la SELARL Pech de Laclause - Bathmanabane & Associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

[H] [N]

SAS BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Christine CAMBOS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0106 - N° du dossier 140102

APPELANT

****************

SAS BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS

[Adresse 2]

Guyancourt

[Adresse 2]

représentée par Me Pascal BATHMANABANE de la SELARL Pech de Laclause - Bathmanabane & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J086 substituée par Me Sandra CASTINEIRAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J086

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

M. [H] [N] a été engagé par la SAS Bouygues Travaux Publics en qualité d'ingénieur travaux par contrat à durée indéterminée du 7 septembre 2009 à effet du 14 septembre 2009, position A2.

M. [N] a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2013 à un entretien préalable à un licenciement devant avoir lieu le 22 novembre 2013. À la suite, il a été sanctionné le 18 décembre 2013 d'une mise à pied disciplinaire de 2 jours.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 janvier 2014, M. [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 7 février 2014, l'employeur a contesté le bien fondé de la prise d'acte de rupture.

Le 3 avril 2014, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour demander la requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, réclamer paiement des indemnités de rupture, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, paiement des heures supplémentaires effectuées et non réglées, une indemnité pour travail dissimulé et des rappels de salaire conventionnel outre une indemnité pour perte de chance d'utilisation du DIF.

Par jugement contradictoire du 28 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission non équivoque,

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Bouygues Travaux Publics de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [N] aux éventuels dépens.

Le 16 novembre 2015, M. [N] formait régulièrement appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions du 06 septembre 2017, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [N] demande à la cour de :

- requalifier sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

en conséquence,

- condamner la SAS Bouygues Travaux Publics à lui verser les sommes suivantes :

. 4.494,62 euros au titre de l'indemnité de conventionnelle de licenciement,

. 10.372,20 euros au titre de l'indemnité de préavis (3 mois) ,

. 1.037,22 euros au titre des congés payés y afférents,

. 27.659,20 euros au titre de l'indemnité pour prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur (soit environ 8 mois) ,

. 20.744,20 euros pour travail dissimulé, soit 6 mois de salaire,

. 8.401,40 euros au titre des heures supplémentaires,

. 11.106,20 euros au titre de l'augmentation conventionnelle des salaires dus et des avantages en nature à compter du 14 septembre 2012,

. 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. intérêt légal à compter de l'introduction de l'instance,

- confirmer le jugement entrepris au sujet du véhicule de fonction.

Dans ses dernières conclusions du 03 octobre 2017, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la SAS Bouygues Travaux Publics demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que M. [N] n'apporte aucunement la preuve de griefs réels et, en tout état de cause, suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat de travail ,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement grave ,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes ,

- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,

A titre subsidiaire et à défaut :

- fixer le salaire moyen de M. [N] à 3.377,30 euros bruts ,

En conséquence,

- constater que M. [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice supérieur à celui qui serait indemnisé par l'indemnité légale de six mois de salaire ,

- limiter le montant de l'indemnisation allouée à M. [N] aux sommes suivantes :

. 20.263,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

. 4.390,49 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ,

. 10.131,90 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 1.013,19 euros au titre des congés payés afférents ,

- débouter M. [N] de sa demande relative au DIF, celui-ci étant portable,

Sur les autres demandes de M. [N] :

- constater que M. [N] n'étaye aucunement sa demande d'heures supplémentaires,

- constater que M. [N] n'étaye pas davantage sa demande au titre du travail dissimulé ,

- constater que M. [N] ne précise aucunement sa demande de rappel de salaire pour augmentation dans la classification, celui-ci ayant bénéficié d'une rémunération supérieure à celle du niveau de la classification qu'il revendique ,

- constater que seuls les cadres de catégorie B2 disposent d'un véhicule de fonction constitutif d'un avantage en nature ,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ,

- débouter M. [N] de sa demande de rappel d'avantage en nature à hauteur de 2.192 euros bruts ,

En tout état de cause :

- débouter M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ,

- constater la faute lourde de M. [N] dans l'entretien de son véhicule de service ,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au sujet du véhicule de fonctions ;

- condamner en conséquence et à titre reconventionnel M. [N] à lui verser la somme de 5.965,72 euros.

SUR CE,

au titre du salaire conventionnel :

[H] [N] a été engagé en qualité d'ingénieur travaux, statut cadre, position A2 de la convention collective ; il reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier d'une évolution de carrière alors que la convention prévoit que le salarié ne peut rester dans la classification A2 pendant plus de 3 ans alors qu'il est resté à ce niveau plus de 4 ans. Il affirme qu'il n'a pas bénéficié de formation, qu'il a reçu une délégation de pouvoirs contraire à sa classification et enfin qu'il effectuait les tâches décrites dans le niveau B1 de sorte qu'il réclame une augmentation de salaire pour la période d'octobre 2012 à janvier 2014 de 8 914,20 euros outre celle de 2192 euros au titre de l'avantage en nature dont il n'a pas bénéficié.

M. [N] reconnaît son embauche le 14 septembre 2009 par la SAS Bouygues Travaux Publics au niveau A2, à la suite de l'obtention de son diplôme d'ingénieur en génie civil délivré par l'école Polytech d'[Localité 1] en 2009 (pièce56)  ; il verse la convention collective nationale des cadres des entreprises de travaux publics à laquelle son contrat de travail était soumis qui précise que cette position A2, niveau d'entrée des jeunes débutants diplômés de grandes écoles, est accordée aux « cadres débutants (qui) ne peuvent passer plus de 3 ans en tout dans ces 2 positions » (A1 et A2) ;

La SAS Bouygues Travaux Publics reconnaît qu'elle n'a pas fait passer son salarié au niveau B1 au mois d'octobre 2012, à l'issu de la période de 3 ans mentionnée dans la convention collective applicable ; elle s'en défend au motif que M. [N] lui-même n'a pas présenté une telle demande au cours de son exercice professionnel et serait d'ailleurs titulaire d'un diplôme bac+3 et non pas d'un niveau DESS ou DEA, alors que pour passer en position B1, le salarié doit être titulaire d'un diplôme d'une grande école ou d'un DESS-DEA ;

Mais contrairement à ce que soutient la SAS Bouygues Travaux Publics, M. [N] était titulaire d'un diplôme d'ingénieur correspondant à bac+5, (niveau DESS-DEA) et de toutes façons, il devait accéder à la position B1 après 3 ans d'exercice à la position A2à laquelle l'employeur l'avait placé ; enfin, il n'appartient pas au salarié de réclamer l'application des dispositions conventionnelles mais c'est bien à l'employeur de lui faire bénéficier en temps et en heure des dispositions plus favorables de la convention collective à laquelle il a soumis son contrat de travail ; en conséquence, depuis octobre 2012, M. [N] était ingénieur travaux position B1.

M. [N] conclut qu'il lui est dû une augmentation de 8 914,20 euros au titre de son salaire de base, sans aucune justification de cette réclamation, alors que la SAS Bouygues Travaux Publics le conteste, au motif qu'il a perçu, au titre de l'année 2013, un salaire annuel brut de 36 395,80 euros et affirme, sans être contesté, que cette rémunération était supérieure au minimum conventionnel fixé à 34 400 euros pour l'échelon B1; en conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit au rappel de salaire conventionnel réclamé par M. [N].

[H] [N] réclame en outre l'octroi d'un véhicule de fonction dont il dit que son employeur l'a privé depuis octobre 2012 ; il évalue cet avantage à la somme de 2 192 euros (137 euros/mois) ; la SAS Bouygues Travaux Publics le conteste au motif que seuls les cadres de catégorie B2 pouvaient en bénéficier tandis que M. [N] avait un véhicule de service à usage strictement professionnel ; en effet, dans le contrat de travail, il était mentionné une mise à disposition d'un véhicule de service ; en pièce 26, la SAS Bouygues Travaux Publics verse les bénéficiaires d'un véhicule de fonction et il n'est pas contesté que M. [N] n'était ni Maître Bâtisseur, ni ingénieur principal, ni conducteur de travaux principal et n'avait aucune des qualifications des chefs de service mentionnés ; dès lors, il ne peut prétendre à un tel avantage dont il convient de le débouter.

Enfin, M. [N] ne réclamant rien au titre de la délégation de pouvoirs, il n'y a pas lieu de statuer dessus.

au titre de la durée du travail  :

M. [N] a été embauché sous le régime du forfait en heures, devant accomplir 1607 heures sur l'année civile avec un horaire de référence hebdomadaire de 37 heures, et le bénéfice de 11 jours de réduction du temps de travail par année civile complète comprenant les jours pris collectivement. Il affirme que le régime auquel l'a soumis son employeur ne respectait pas les dispositions légales en vigueur de sorte que ce forfait en heures puis en jour ne peut qu'être annulé. Il réclame le paiement des heures supplémentaires accomplies de jour et celles travaillées de nuit qu'il a effectuées entre le 9 septembre 2013 et le 3 novembre 2013 pour un montant total de 10 923,80 euros, sous déduction de la partie réglée (2 522,40 euros), soit la somme de 8 401,40 euros.

Il apparaît qu'au cours du mois de mai 2013, la SAS Bouygues Travaux Publics a modifié unilatéralement le forfait du salarié pour le fixer en jours, soit 217 jours ; la SAS Bouygues Travaux Publics soutient qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle contenue dans les bulletins de salaire à compter du mois de mai 2013, sans que son forfait en heures n'ait été modifié ; cependant, il résulte tant de l'entretien annuel réalisé fin 2013 par le supérieur hiérarchique au cours duquel celui-ci a mentionné que M. [N] bénéficiait d'un forfait-jour que des annexes à ses bulletins de salaire à compter de mai 2013 que sous la rubrique « modulation » n'était plus inscrit le nombre d'heures de travail mais le nombre de jours de travail de sorte que, contrairement à ce que prétend la SAS Bouygues Travaux Publics, elle a, au cours du deuxième trimestre 2013, modifié le forfait de son salarié sans recueillir son consentement et sans contrôler son temps de travail ni suivre sa charge de travail ; dès lors, ce forfait doit être annulé et le salarié peut réclamer le paiement des heures de travail effectivement réalisées.

S'il résulte du texte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.

M. [N] verse en pièce 18 un relevé des heures qu'il indique avoir accomplies quotidiennement et verse des attestations de collègues (pièces 20 à 26) qui affirment sa présence aux heures indiquées, particulièrement lors des nuits et des week-ends concernant le chantier SNCF - PRA du Havre ; ces pièces contiennent des éléments suffisamment précis quant aux horaires prétendument réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; il étaye donc sa demande,

La SAS Bouygues Travaux Publics se contente de contester les heures alléguées, sans verser la moindre pièce mentionnant les heures accomplies de sorte que la cour retient les seules pièces fournies par le salarié et condamne la SAS Bouygues Travaux Publics à verser à M. [N] la somme de 5 322,36 euros compte tenu des contestations retenues au titre des majorations de nuit à 100% et non 200% comme le prévoit la pièce 25 versée par l'employeur.

[H] [N] demande la condamnation de la SAS Bouygues Travaux Publics au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ; en effet, la SAS Bouygues Travaux Publics a unilatéralement modifié le calcul des heures de travail de son salarié, sans l'en informer, de sorte qu'elle a arrêté de calculer le temps de travail de ce dernier et a volontairement dissimulé le nombre exact des heures travaillées ; il convient de faire droit à la demande présentée, pour le montant réclamé, la SAS Bouygues Travaux Publics ne contestant pas, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité sollicitée.

sur la dégradation brutale de ses conditions de travail :

Le salarié reproche à l'employeur d'avoir, à la fin du chantier SNCF, tenu des propos dégradants et porté des appréciations négatives sur son travail telles qu'elles résultent de son appréciation annuelle qui s'est déroulée, indique le salarié, une semaine après l'entretien préalable à la suite du pré-accident ; il reproche en outre à son employeur de l'avoir humilié à compter du 2 novembre 2013 en le convoquant le 5 novembre en entretien pour le 22 novembre pouvant aller jusqu'au licenciement, pour lui notifier seulement le 18 décembre la sanction de mise à pied disciplinaire, alors qu'il avait été destinataire, comme de très nombreuses personnes, le 4 novembre 2013, d'un mail de félicitations du client SNCF sur le déroulement des travaux au cours du week-end précédent ; puis son employeur a décidé de lui confier des tâches d'un niveau inférieur après le « presqu'accident » du 2 novembre, ne correspondant plus à la délégation de pouvoir reçue et l'affectant à la tâche la plus subalterne, voire ingrate, de la fonction d'ingénieur travaux, tâche pour laquelle il avait été embauché ;

Si effectivement l'employeur a émis des réserves sur l'exercice professionnel de M. [N] lors de l'entretien annuel fin 2013 sans que celui-ci ne conteste les mentions portées dans cette évaluation, et si la réponse de l'employeur au « presqu'accident » s'est faite attendre pour le salarié menacé de licenciement le 5 novembre, il apparaît que la sanction disciplinaire finalement prononcée, qu'il ne conteste pas devant la juridiction, était d'une rigueur bien moindre que celle initialement envisagée.

Il expose encore qu'il a finalement été muté en région PACA au poste formateur sécurité ; sans démontrer que cette tâche était subalterne et alors qu'il reconnaît qu'elle correspondait à sa fonction d'ingénieur-travaux pour laquelle il avait été recruté, M. [N] n'apporte aucun élément matériel permettant de relever la dégradation brutale de ses conditions de travail ou présumer du harcèlement moral dont il parle dans ses écritures, cette mutation ayant été acceptée par lui et ne correspondant pas à la « double peine » qu'il mentionne dans ses écritures. Il ne justifie pas de la dégradation brutale de ses conditions de travail reprochée.

sur la rupture du contrat de travail :

Alors, le 24 janvier 2014, M. [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; il demande à la cour de dire qu'elle doit recevoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, en lui imposant sans aucune concertation et sans lui demander son accord un changement dans le décompte de son temps de travail, en ne lui réglant pas les heures supplémentaires que celui-ci avait accomplies pour suivre un chantier important pour le client SNCF au cours des mois de septembre à novembre 2013, en ne lui accordant pas depuis octobre 2012 l'échelon auquel son ancienneté dans l'entreprise lui donnait droit, la cour constate que la SAS Bouygues Travaux Publics a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles rendant impossible le maintien du contrat de travail ; dès lors la prise d'acte de la rupture doit prendre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture :

Compte tenu du montant du salaire mensuel de M. [N] après réintégration des heures supplémentaires allouées, il convient de condamner la SAS Bouygues Travaux Publics à lui verser l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents telles que réclamées par le salarié.

Celui-ci sollicite en outre une indemnité pour perte de chance d'utiliser son DIF mais à défaut de justifier de cette perte, la cour ne peut que le débouter de ce chef de réclamation.

Compte tenu de ces éléments, de l'âge du salarié lors de la rupture, du montant de son salaire mensuel moyen et vu son ancienneté dans l'entreprise, et alors qu'il ne donne à la cour aucun renseignement sur sa situation personnelle et professionnelle à la suite de son départ de la SAS Bouygues Travaux Publics à l'exception des pièces 57 et 58 desquelles il résulte qu'il était salarié entre mars 2014 et décembre 2015, la cour évalue son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 21 000 euros

sur la demande reconventionnelle de la SAS Bouygues Travaux Publics :

L'employeur demande à la cour de constater la faute lourde du salarié dans l'entretien de son véhicule de service et réclame sa condamnation à lui verser la somme de 5 965,72 euros au titre du remboursement des réparations nécessaires, ce véhicule étant hors d'usage lors de sa restitution par le salarié et produit une expertise qui fait état de la nécessité de procéder à des réparations du dit véhicule mis en circulation en octobre 2009 et restitué par M. [N] à son départ de l'entreprise ;

Celui-ci justifie que le 23 janvier 2014, il a été dans la nécessité de faire procéder au remorquage du véhicule en raison d'une panne « moteur » survenue sur l'autoroute à A6B à 17 heures ; si des désordres ont été décelés sur ce véhicule, la SAS Bouygues Travaux Publics ne justifie pas qu'ils résultaient d'un défaut d'entretien de la part du salarié, rien dans l'expertise contradictoire versée aux débats ne le démontrant ; la SAS Bouygues Travaux Publics ne caractérise pas la faute lourde reprochée ; il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

La SAS Bouygues Travaux Publics qui succombe au principal de ses demandes supportera la charge des dépens ; il apparaît inéquitable de laisser à M. [N] la charge de ses frais irrépétibles, sauf à les modérer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de qualification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse

et statuant à nouveau

dit que la prise d'acte de la rupture du 24 janvier 2014 prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

en conséquence,

condamne la SAS Bouygues Travaux Publics à verser à M. [N] les sommes suivantes :

4 494,62 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

10 372,20 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 037,22 euros au titre des congés payés y afférents

21 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5 322,36 euros au titre des heures supplémentaires

20 744,20 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

Ordonne le remboursement par la SAS Bouygues Travaux Publics, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. [N] dans la limite de 6 mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

déboute les parties du surplus de leurs réclamations

condamne la SAS Bouygues Travaux Publics aux dépens de première instance et d'appel

condamne la SAS Bouygues Travaux Publics à payer à M. [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Hélène PRUDHOMME, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05096
Date de la décision : 14/12/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°15/05096 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-14;15.05096 ?
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