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05/12/2017 | FRANCE | N°16/07533

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 05 décembre 2017, 16/07533


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



VM

Code nac : 39H



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 5 DECEMBRE 2017



R.G. N° 16/07533



AFFAIRE :



SAS TENNIS D'AQUITAINE





C/

SAS AGORESPACE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2014F00253



Expéditions exéc

utoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT



Me Bertrand ROL





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affair...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

VM

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 DECEMBRE 2017

R.G. N° 16/07533

AFFAIRE :

SAS TENNIS D'AQUITAINE

C/

SAS AGORESPACE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 27 Septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2014F00253

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Bertrand ROL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TENNIS D'AQUITAINE

N° SIRET : 308 36 5 0 144

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/07539 (Fond)

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20160408

Représentant : Me Antoine GILLOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0178

APPELANTE

****************

SAS AGORESPACE

N° SIRET : 391 543 691

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 16/07539 (Fond)

Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20161118

Représentant : Me François GREFFE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0617

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François LEPLAT, Conseiller FF de Président,

Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Tennis d'Aquitaine et Agorespace sont deux sociétés concurrentes spécialisées dans la conception, la fabrication et la commercialisation de terrains omnisports, notamment pour des collectivités locales.

Le 2 novembre 2005, la société Agorespace a engagé M. [K] [T] en qualité de directeur commercial. Elle a procédé à son licenciement le 24 avril 2010. Les parties ont ensuite signé un accord transactionnel le 20 mai 2010.

Le 30 septembre 2010, la société Tennis d'Aquitaine a signé un contrat d'agent commercial avec M. [T].

Sur requête de la société Agorespace craignant des pratiques de concurrence déloyale de son ancien salarié et de la société Tennis d'Aquitaine, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a désigné, les 24 mars et 19 avril 2011, deux huissiers de justice ayant pour mission de se rendre au domicile de M. [T] et au siège de la société Tennis Aquitaine afin de se faire remettre divers documents se rapportant à l'activité de cette société (liste de clients, factures, offres et devis). Deux constats ont été dressés par les huissiers le 27 juin 2011.

Par acte d'huissier du 27 janvier 2014, la société Agorespace a assigné la société Tennis d'Aquitaine aux fins d'obtenir réparation de son préjudice du fait d'actes de concurrence déloyale.

Par jugement du 27 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que la société Tennis d'Aquitaine a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Agorespace,

- condamné la société Tennis d'Aquitaine au paiement de la somme de 100.000 euros à ce titre, déboutant la société Agorespace du surplus de sa demande,

- débouté la société Tennis d'Aquitaine de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Tennis d'Aquitaine au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les appels interjetés le 19 octobre 2016 par les sociétés Tennis d'Aquitaine et Agorespace. Vu l'ordonnance de jonction des deux instances.

Vu les dernières écritures signifiées le 13 septembre 2017 par lesquelles la société Tennis d'Aquitaine demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre,

Statuant à nouveau :

- Constater l'inexistence et en tout état de cause le caractère non fondé des actes de concurrence déloyale et parasitaires allégués par la société Agorespace,

En conséquence,

- Dire la société Agorespace non fondée en son action et en toutes ses demandes et l'en débouter purement et simplement,

- Constater le caractère abusif et dénigrant de l'action engagée par la Agorespace et la condamner en conséquence à régler a la société Tennis d'Aquitaine sur le fondement de l'article 1240 du code civil, une somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Très subsidiairement,

- Constater que la société Agorespace ne rapporte strictement aucune preuve des préjudices qu'elle allègue et la débouter en conséquence de ses demandes,

En tout état de cause :

- Condamner la société Agorespace à régler à la société Tennis d'Aquitaine une somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Agorespace aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.

Vu les dernières écritures signifiées le 17 février 2017 au terme desquelles la société Agorespace demande à la cour de :

-infirmer le jugement du 27 septembre 2016 en ce qu'il n'a retenu que deux des griefs invoqués par la société Agorespace à l'encontre de la société Tennis d'Aquitaine et en ce qu'il a fixé le préjudice subi par la société Agorespace à la somme de 100.000 euros,

- dire que la société Tennis d'Aquitaine s'est livrée au préjudice de la société Agorespace à des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,

- condamner en conséquence la société Tennis d'Aquitaine à payer à la société Agorespace les sommes suivantes :

* au titre de la concurrence déloyale la somme provisionnelle de 1.000.000 euros et nommer tel Expert qu'il plaira à la Cour de désigner pour évaluer le surplus des dommages et intérêts dus.

*la somme de 500.000 euros en réparation de la désorganisation de son entreprise,

* au titre de la concurrence parasitaire, la somme de 600.000 euros,

- ordonner en outre et ce à titre de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir dans dix journaux aux frais de la société Tennis d'Aquitaine et dire que le coût de chacune de ces publications ne saurait être inférieur à 5.000 euros HT ;

- condamner la société Tennis d'Aquitaine au paiement de la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Tennis d'Aquitaine aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur les actes de concurrence déloyale reprochés à la société Tennis d'Aquitaine

Le premier juge a retenu que la société Tennis d'Aquitaine avait commis deux types d'agissements caractérisant des actes de parasitisme au préjudice de la société Agorespace, à savoir d'une part l'imitation de slogans publicitaires, d'autre part la collecte de documents émanant de son concurrent. Il a toutefois estimé que les quatre autres griefs allégués par la société Agorespace n'étaient pas caractérisés.

La société Agorespace reprend devant la cour l'ensemble des griefs qu'elle formait initialement à l'encontre de la société Tennis d'Aquitaine.

La société Tennis d'Aquitaine soutient pour sa part qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de la société Agorespace.

Les différents agissements fautifs reprochés par la société Agorespace à la société Tennis d'Aquitaine sont les suivants :

- création d'une confusion dans l'esprit de la clientèle (imitation du modèle de terrain multisports au moyen des documents transmis par un ancien salarié, imitation d'un slogan publicitaire et des documents commerciaux),

- dénigrement (critique du modèle de la société Agorespace)

- désorganisation (prospection de certaines communes bretonnes, démarchage des distributeurs de la société Agorespace, non-respect de la norme EN 15312).

1-1- sur les actes de concurrence par imitation des produits, engendrant un risque de confusion pour la clientèle

a) sur l'imitation par la société Tennis d'Aquitaine des modèles de terrain multisport "Classic" et "First" de la société Agorespace, entrainant une confusion dans l'esprit de la clientèle

Le premier juge a considéré que la recherche, par la société Tennis d'Aquitaine - au moyen des documents transmis par M. [T] à compter de son arrivée en septembre 2010 - d'une confusion avec les produits de la société Agorespace n'était pas démontrée, en ce que la société Tennis d'Aquitaine commercialisait déjà en 2003 un terrain multisports présentant de fortes similitudes avec celui de la société Agorespace.

La société Agorespace critique cette argumentation, soutenant que son modèle de terrain est largement antérieur (1991) à celui de la société Tennis d'Aquitaine, et que l'imitation "quasi-servile" de celui-ci résulte bien des courriels adressés par M. [T] à la société Tennis d'Aquitaine, de sorte que la recherche, à partir de 2011, d'une confusion pouvant être commise par la clientèle ne fait aucun doute. Elle ajoute que les autres terrains concurrents n'ont aucun point commun avec les terrains Agorespace.

La société Tennis d'Aquitaine conteste toute imitation du modèle Agorespace, et toute possibilité de confusion dans l'esprit de la clientèle. Elle fait valoir qu'elle a créé son terrain multisports en 2003, bien avant l'arrivée de M. [T], ajoutant que s'il existe certaines ressemblances, celles-ci se retrouvent également dans tous les terrains multisports d'autres concurrents, en raison d'impératifs techniques, notamment imposés par les cahiers des charges des collectivités territoriales dans le cadre des appels d'offres. Elle ajoute qu'il ne peut y avoir aucune confusion dans l'esprit du public, dès lors que les terrains sont essentiellement vendus, non pas à des consommateurs moyens, mais à des professionnels avisés qui ne se laissent pas abuser par quelques ressemblances.

Il convient en premier lieu d'observer que la société Tennis d'Aquitaine justifie de la réalisation d'un premier terrain multisports en 2003 dans la ville de Martignas (33), bien avant le début de la collaboration de M. [T] en septembre 2010. Depuis la création de ce terrain « City stade » en 2003, il n'est pas contesté qu'il n'a subi que des modifications techniques mineures, sans que soit établie l'existence d'un lien entre ces modifications et les documents transmis par M. [T].

Sur les documents transmis par M. [T]

Sur ce point, la société Agorespace reproche uniquement à la société Tennis d'Aquitaine et à ses dirigeants : "d'être parvenus à présenter à sa/leur clientèle un modèle qui se confond avec celui, notoirement connu d'Agorespace", en sollicitant M. [T] pour qu'il leur transmette des documents confidentiels (liste de clients des départements bretons, plans, documents divers...).

La société Tennis d'Aquitaine, tout en reconnaissant avoir réceptionné une liste de clients de la société Agorespace et quelques plans établis par cette dernière, soutient d'une part que ces faits sont uniquement imputables à M. [T], rappelant que la société Agorespace a introduit une procédure prud'homale à son encontre, d'autre part que les plans litigieux sont largement diffusés par la société Agorespace à ses clients ou sous-traitants et qu'elle n'en a jamais tiré aucun avantage, les modifications de son terrain, réalisé en 2003, n'ayant aucun lien avec ces quelques documents.

Force est ici de constater qu'hormis le courriel du 24 mai 2011 - dont on peut considérer qu'il répond à une sollicitation du dirigeant de la société Tennis d'Aquitaine - les autres courriels ont été rédigés par M. [T] à sa seule initiative, de sorte qu'il est seul en cause. S'agissant de ce courriel du 24 mai 2011 par lequel M. [T] transmet deux documents techniques (lexique technique et notices de montage) émanant de la société Agorespace, cette dernière ne démontre pas que ce lexique ou ces notices - ni d'ailleurs les autres plans transmis au moyen d'autres courriels - aient été utilisés par la société Tennis d'Aquitaine et lui aient permis d'imiter le modèle Agorespace, voire même d'apporter à son modèle créé en 2003 des modifications qui seraient la copie du modèle Agorespace.

Contrairement à ce que soutient la société Agorespace, il n'est donc pas démontré que les documents transmis par M. [T] - dans des conditions que le conseil de prud'hommes actuellement saisi aura seul qualité pour juger - aient été utilisés, de quelque manière que ce soit par la société Tennis d'Aquitaine.

Sur le grief tiré de l'imitation du modèle de terrain multisports

S'il est exact qu'il existe de nombreux points de ressemblance entre les produits Agorespace et Tennis d'Aquitaine, ces derniers se retrouvent également dans d'autres produits de la concurrence, et notamment les deux frontons situés aux extrémités du terrain (frontons similaires des sociétés Kompan, Camif et Kaso), les mini-buts brésiliens intégrés dans la palissade (similaires chez 5 autres concurrents), les palissades et main courantes (similaires chez 4 autres concurrents), les angles coupés (similaires chez 3 autres concurrents, Gama, Kaso et Jem)....(cf : pièces numéro 37 de la société Tennis Aquitaine, et numéro 130 de la société Agorespace). Il apparaît ainsi que le modèle de terrain multisports de la société Agorespace ne présente pas de spécificités particulières par rapport à la dizaine d'autres modèles de ses concurrents qui sont tous plus ou moins semblables.

Il existe en outre de nombreuses différences entre le modèle Agorespace et le modèle Tennis d'Aquitaine, notamment dans l'aspect général du terrain, à savoir la différence de forme des frontons (rectangulaire, ou semi hexagonal, avec lattes de bois positionnés de manière distincte..), mais également le support du fronton (jambes de force cintrées pour Tennis d'Aquitaine, et cadre rectangulaire pour Agorespace....)...

Dès lors qu'il n'existe pas d'originalité du modèle Agorespace, et que tous les modèles de terrain de sports présentent de larges similitudes, la preuve de l'imitation alléguée n'est pas rapportée. Il convient au surplus de noter que la clientèle de ces produits est essentiellement composée de professionnels avisés, à savoir les collectivités territoriales, qui sont parfaitement en capacité de reconnaître les différences entre les différents modèles, de sorte que le risque de confusion entre ces derniers n'est pas établi.

b) sur l'imitation des slogans, et du contenu rédactionnel des documents commerciaux d'Agorespace

La société Agorespace reproche à la société Tennis d'Aquitaine d'avoir imité ses slogans, notamment : « dessine moi un agorespace », « 1000 activités à inventer »...., et le contenu de sa documentation commerciale, notamment par la remise, au moment de la livraison, d'un dépliant sur les règles des différents jeux.

La société Tennis d'Aquitaine fait observer que l'imitation d'une idée, ou d'une publicité, n'est répréhensible qu'à condition de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle, ce qui n'est pas établi au regard du caractère avisé de la clientèle. Elle ajoute que les comparaisons opérées par la société Agorespace sont inopérantes, dès lors qu'elles ne portent pas sur les catalogues des mêmes années, qu'elles visent des mots nécessaires et usuels pour définir les produits présentés et qu'elles ne présentent aucune originalité.

S'agissant de la documentation commerciale, la cour constate en premier lieu que la comparaison de deux catalogues, l'un de l'année 2007 (Agorespace) et l'autre de l'année 2012 (Tennis d'Aquitaine) n'est pas significative, en ce que les clients potentiels ne risquent pas de confondre des produits présentés en 2007 avec d'autres présentés en 2012. En outre, les termes comparés, bien que similaires, correspondent soit à la description nécessaire du produit ( "mini-buts brésiliens", "main-courante insérée dans un profil aluminium", "sans chrome ni arsenic", "intégration dans l'environnement ou le paysage"," vivre ensemble", "angles coupés et fluidité du jeu", "panneaux ajustables ou règlables"), soit à des termes banals pour ce type de produit ("appropriation du terrain", « jouer au sport »...) de sorte que, contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge, la similitude d'expressions, au surplus à 5 ans d'intervalle, n'apparaît pas fautive.

S'agissant du document de la société Tennis d'Aquitaine sur les « activités sportives et les règles » (pièce 36 de la société Agorespace), ce dernier ne présente aucune similitude avec celui de la société Agorespace (pièce 37 de cette dernière). Le format et la présentation de ces deux documents sont tout à fait différents. Le document de la société Agorespace est très illustré, avec une présentation en couleurs très soignée, alors que le document de la société Tennis d'Aquitaine est beaucoup plus utilitaire et austère, présentant essentiellement du texte et une seule illustration, de sorte qu'il ne peut être qualifié d'imitation.

S'agissant enfin du slogan « dessine moi un agorespace » qui aurait été imité par la société Tennis d'Aquitaine en ce qu'elle utilise le slogan « design moi un city stade », la société Agorespace se contente d'affirmer que cette imitation générerait « nécessairement » une confusion dans l'esprit de la clientèle sans jamais le démontrer. Force est ici de constater que le slogan « design moi un city stade » n'est utilisé qu'à une seule reprise dans un catalogue de la société Tennis Aquitaine de l'année 2011 (sur 96 pages), alors que le slogan de la société Agorespace n'était utilisé que dans la brochure de l'année 2007. En outre, comme le fait justement observer la société Tennis d'Aquitaine, ce slogan s'inspire clairement de l'expression tirée du livre le Petit Prince d'Antoine de Saint Exupéry : « dessine moi un mouton » - sans doute car il s'agit de terrain de sports destinés principalement à de jeunes enfants ou adolescents - de sorte que cette expression renvoie à l'évidence à cette oeuvre, sans qu'il existe de risque de confusion dans l'esprit de la clientèle.

Contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge, l'utilisation de l'expression « design moi un city stade » ne caractérise donc pas une imitation fautive.

1- 2 ' sur les actes de concurrence par dénigrement

critique du modèle Agorespace et affirmations mensongères

La société Agorespace reproche à la société Tennis Aquitaine de se livrer à des critiques de son modèle, laissant entendre que ce dernier présenterait de graves inconvénients : risque d'accident, fragilité, qualité médiocre.

La société Tennis d'Aquitaine conteste tout fait de dénigrement, indiquant qu'elle n'a jamais cité la société Agorespace dans les pièces supposées dénigrantes, ajoutant que le premier juge a fort bien estimé que les critiques étaient exprimées au titre de la présentation d'un avantage d'une solution technique par rapport à une autre, et ce de manière générique.

Pour justifier d'actes de dénigrement, la société Agorespace produit aux débats deux devis de la société Tennis d'Aquitaine (pièces numéros 137 et 145).

S'il est exact, comme l'a relevé le premier juge que les critiques formulées dans les documents Tennis d'Aquitaine sont le plus souvent exprimées au titre de la présentation d'un avantage technique, les photographies comparatives des avantages/inconvénients ne permettant pas, le plus souvent, d'identifier la société Agorespace, la cour observe toutefois que deux photographies générales (dans le document portant le numéro 145) permettent très clairement d'identifier le modèle Agorespace, étant rappelé que les concurrents sont assez peu nombreux sur le marché (cf : pièce 37 de la société Tennis d'Aquitaine).

Il s'agit des photographies figurant en page 6 et 7 de l'annexe technique 1 du modèle « city stade » de la société Tennis d'Aquitaine (pièce numéro 145). Il est mentionné que le modèle ' clairement identifié comme étant celui d'Agorespace - présente un longeron en bois sans accroche sur la structure porteuse, ce qui entraine des vibrations et nuisances sonores amplifiées lors des frappes sur le fronton. Il est également indiqué que l'extrémité oblique du longeron peut être dangereuse au niveau sécurité, car c'est une « incitation à la grimpe couplé à un effet toboggan ». Il résulte de ce document intitulé « annexe technique 1 » qu'il s'agit d'un mémoire remis par la société Tennis d'Aquitaine avec les devis qu'elle établit, de sorte que ce document est susceptible d'être remis à de nombreux clients qui constateront ainsi les désavantages du modèle Agorespace ' qui même s'ils constituent une réalité d'un point de vue technique ' n'en sont pas moins constitutifs de dénigrement en ce qu'ils jettent le discrédit sur les produits de la société Agorespace.

Il s'agit donc bien ici d'actes de concurrence déloyale, contrairement à ce qu'a pu estimer le premier juge.

1- 3 - sur les actes de concurrence par désorganisation de la société Agorespace

* désorganisation du réseau : sur la sollicitation prétendue des distributeurs exclusifs d'Agorespace

Il est reproché à la société Tennis d'Aquitaine d'avoir sollicité, au cours des mois de janvier à mars 2011, les distributeurs exclusifs de la société Agorespace en Grande Bretagne, Belgique et Norvège.

La société Tennis d'aquitaine soutient que les trois seuls documents produits ne sont que de banals courriels de prospection, ce qui ne permet pas de caractériser un démarchage systématique et déloyal. Elle ajoute que la société Agorespace ne justifie que de deux contrats d'exclusivité.

Le contenu très sommaire des deux courriels adressés par la société Tennis d'Aquitaine à deux distributeurs exclusifs s'apparente à des faits de prospection normaux dans le cadre de la libre concurrence, et ne permet pas de retenir l'existence d'un démarchage déloyal.

* sur la prospection des communes bretonnes

La société Agorespace reproche à la société Tennis d'Aquitaine d'avoir prospecté des communes situées en [Localité 1], dont le nom figurait sur la liste des clients Agorespace que M. [T] lui a communiquée le 13 octobre 2010.

Il est constant que M. [T] a communiqué à la société Tennis d'Aquitaine une liste de clients dans les départements bretons, certains noms se retrouvant dans une liste que M. [T] avait lui-même établie lorsqu'il travaillait pour la société Agorespace, les similitudes de ces deux listes étant pour le moins troublantes.

Cette transmission de liste de clients - si elle peut éventuellement être reprochée à M. [T] dans le cadre de l'instance prud'homale - ne caractérise pas toutefois un fait fautif pour la société Tennis d'Aquitaine, dès lors qu'il n'est pas justifié qu'elle en ait fait usage, aucun élément ne permettant en effet de démontrer un démarchage illicite.

* sur le démarchage des communes d'[Localité 2], de [Localité 3], d'[Localité 4] et de [Localité 5]

La société Agorespace reproche à la société Tennis d'Aquitaine d'avoir démarché - au cours du mois de septembre 2010 - 4 communes de manière déloyale, en ce que les offres faites par M. [T] étaient strictement conformes à celles que ce dernier avait faites du temps de sa collaboration avec la société Agorespace, sauf en ce qui concerne le prix qui était moins élevé.

La société Tennis d'Aquitaine soutient que la société Agorespace ne peut prétendre que ces communes étaient "ses clientes", dès lors que la vente d'un terrain multisports est en général unique et qu'elle se fait en outre sur appel d'offres, auquel chacune des sociétés peut répondre dans le cadre du jeu normal de la concurrence. Elle ajoute que M. [T] travaillait en toute autonomie et indépendance, dans le cadre d'un contrat d'agent commercial.

Les quelques pièces communiquées par la société Agorespace, en ce qu'elles émanent de ses collaborateurs et ne sont corroborées par aucun élément extérieur (notamment aucune offre qui permettrait de procéder à des comparaisons et de constater l'éventuelle copie) n'ont pas une valeur probante suffisante pour établir la réalité de démarchages réalisés dans des conditions déloyales, étant au surplus observé que le contenu de ces attestations est formellement contesté par certains élus des communes concernées (notamment quant au dénigrement qu'aurait opéré M. [T]). L'existence d'un démarchage déloyal n'est donc pas démontrée.

* sur le non-respect par la société Tennis d'Aquitaine de la norme NF EN 15312

La société Agorespace reproche à la société Tennis d'Aquitaine de se prévaloir, auprès de sa clientèle, du respect de la norme NF EN 15312, alors qu'en réalité elle ne la respecte pas (ainsi que cela ressort de trois constats d'huissier) ce qui lui permet de proposer des prix inférieurs à ceux de la concurrence.

La société Tennis d'Aquitaine conteste le non-respect de la norme, et affirme à son tour - au moyen de quatre autres constats d'huissier - que la société Agorespace ne respecte pas elle-même la norme, contrairement à ce qu'elle affirme dans ses documents commerciaux. Elle produit en outre un certificat de conformité de ses installations établi par l'APAVE le 4 mars 2016 (à la suite de plusieurs interventions réalisées par l'APAVE en juillet 2014, mai 2015 et février/mars 2016).

Le premier juge a rejeté le grief tiré du non-respect de la norme litigieuse, au motif principalement que les trois constats d'huissier produits par la société Agorespace n'avaient pas été réalisés de manière contradictoire.

La question du respect de la norme EN 15312 est un débat très technique qui ressort de la seule compétence d'un expert, et non pas de celle d'un huissier de justice, au surplus dans le cadre d'un constat qui n'est pas réalisé de manière contradictoire.

La seule production de constats d'huissier, au demeurant extrêmement discutés, n'est pas suffisante pour établir le non-respect de la norme tel qu'il est allégué. Ce grief ne peut donc être imputé à la société Tennis d'Aquitaine.

En conclusion, il apparaît que les seuls actes de concurrence déloyale qui peuvent être imputés à la société Tennis d'Aquitaine sont les actes de dénigrement résultant de l'insertion, dans une annexe technique de deux photographies permettant d'identifier clairement le modèle Agorespace, avec des commentaires mettant en cause ses qualités.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de la société Tennis d'Aquitaine, et ce même si le fait fautif retenu par la cour (dénigrement) est différent de celui retenu par le premier juge (imitation de la publicité, et parasitisme au regard des documents remis par M. [T] à la société Tennis d'Aquitaine).

II - Sur le préjudice allégué par la société Agorespace

La société Agorespace soutient que son préjudice résulte :

- des marchés perdus du fait de la violation des normes et de l'imitation de son modèle, sollicitant à ce titre réparation de son préjudice à hauteur d'une somme provisionnelle de 1 million d'euros, dans l'attente de l'organisation d'une mesure d'expertise pour évaluer le surplus des dommages.

- du trouble commercial causé à l'entreprise, sollicitant à ce titre paiement d'une somme de 500.000 euros,

- de la concurrence parasitaire, sollicitant à ce titre paiement d'une somme de 600.000 euros au titre des marchés perdus.

La société Tennis d'Aquitaine soutient que, par sa demande, la société Agorespace sollicite en réalité trois fois la réparation d'un même préjudice, dont elle ne justifie nullement, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande.

La violation des normes et l'imitation du modèle n'étant pas démontrés, pas plus que la concurrence parasitaire, tous faits supposés être seuls à l'origine des pertes de marchés, il ne peut être fait droit aux demandes en paiement des sommes de 1 million d'euros et de 600.000 euros.

S'agissant du trouble commercial, qui pourrait éventuellement être la conséquence du dénigrement, seul fait fautif retenu par la cour - ce qui n'est toutefois pas démontré - force est ici de constater que la société Agorespace ne procède que par affirmation, sans même indiquer quelle serait la nature de ce trouble, et sans fournir le moindre document permettant d'en apprécier la valeur pécuniaire.

Il apparaît dès lors que la société Agorespace ne justifie nullement de l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec le seul fait de dénigrement qui est retenu à l'encontre de la société Tennis d'Aquitaine, de sorte que le jugement déféré sera infirmé quant à la demande indemnitaire formée.

S'agissant de la demande de publication du jugement dans 10 journaux aux frais de la société Tennis d'Aquitaine, le seul fait de dénigrement retenu à son encontre sur un unique document commercial ne justifie pas une telle publication.

III - Sur la demande reconventionnelle formée par la société Tennis d'Aquitaine

La société Tennis d'Aquitaine reprend devant la cour la demande reconventionnelle qu'elle avait formée en première instance, pour obtenir paiement d'une somme de 200.000 euros au motif du caractère abusif et dénigrant de l'action engagée par la société Agorespace.

Compte tenu de la solution donnée au présent litige, et de la faute retenue à l'encontre de la société Tennis Aquitaine, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Les dépens seront mis à la charge de la société Tennis d'Aquitaine qui succombe au moins partiellement, en ce qu'une faute est retenue à son encontre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de la société Tennis d'Aquitaine, et en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens et de frais irrépétibles,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Déboute la société Agorespace de sa demande indemnitaire,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Tennis d'Aquitaine aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François LEPLAT, Conseiller faisant fonction de Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 16/07533
Date de la décision : 05/12/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°16/07533 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-05;16.07533 ?
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