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23/11/2017 | FRANCE | N°15/03918

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 23 novembre 2017, 15/03918


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 NOVEMBRE 2017



R.G. N° 15/03918



AFFAIRE :



[H] [G]





C/

SAS BULL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

SECTION ENCADREMENT

N° RG : 13/02707





Copies exécut

oires délivrées à :



la SCP BERNARD ET YVAN BARTHOMEUF

la SCP FROMONT BRIENS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[H] [G]



SAS BULL







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/03918

AFFAIRE :

[H] [G]

C/

SAS BULL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

SECTION ENCADREMENT

N° RG : 13/02707

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP BERNARD ET YVAN BARTHOMEUF

la SCP FROMONT BRIENS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[H] [G]

SAS BULL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [G]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Yvan BARTHOMEUF de la SCP BERNARD ET YVAN BARTHOMEUF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0407

APPELANT

****************

SAS BULL

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107 substitué par Me Mélanie GSTALDER C219 PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

Vu le jugement rendu contradictoirement le 6 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de [Localité 3] dans l'instance opposant M. [H] [G] à la société BULL qui a :

- jugé le licenciement prononcé à l'encontre de M. [H] [G] justifié avec cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [G] de sa demande de requalification du licenciement,

- condamné la SAS BULL à payer à M. [H] [G] les sommes de :

5 351,21 euros pour le rappel de rémunération variable 2013,

535,12 euros au titre des congés payés afférents,

856 euros au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de toutes les dispositions,

- débouté M. [H] [G] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS BULL de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS BULL aux éventuels dépens.

Vu la déclaration d'appel faite au nom de M. [H] [G] en date du 21 juillet 2015.

Vu les conclusions écrites déposées au nom de M. [H] [G] et développées oralement par son avocat pour entendre :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 3] en date du 6 juillet 2015

en ce qu'il a condamné la société BULL à payer à M. [G] les sommes de :

- 5.351,21 € de rappel de rémunération variable du 1er semestre 2013,

- 535,12 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

- 856 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- infirmer partiellement le jugement et statuant à nouveau, condamner la société BULL SAS à payer à M. [H] [G] :

- la somme nette de 267.444 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme nette de 106.977 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé, exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur et comportement déloyal de l'employeur,

- les sommes brutes de 8.956,03 € à titre de rappel de solde sur rémunération variable, outre 895,60 € à titre du congé payés y afférents,

- la somme nette de 8.911,54 € à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, le tout avec intérêt au taux légal à compter du 6 novembre 2013, date de la convocation des parties devant le bureau de conciliation,

Subsidiairement,

- condamner la société BULL SAS à payer à M. [H]

[G] la somme nette de 8.914,80 € à titre d'indemnité pour licenciement

irrégulier avec intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2014, date des conclusions

devant le conseil de prud'hommes de [Localité 3] ;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;

- condamner, ajoutant au jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 3] du 6 juillet 2015, la société BULL SAS à payer à M. [H] [G] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société BULL SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions écrites déposées au nom de la société BULL et développées oralement à l'audience par son avocat, qui demande de :

- confirmer jugement du conseil de prud'hommes de VERSAILLES en date du 6 juillet 2015 en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [G] fondé sur une cause réelle et sérieuse et jugé que le harcèlement moral dont M. [G] se prévalait n'était pas démontré,

- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé à M. [G] la somme de 856 € au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et en ce qu'il a condamné la société à verser à Monsieur [G] la somme de 5 351,21 € et 535,12 € de congés payés afférents au titre du premier semestre 2013.

Par conséquent :

- débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [G] à verser à la société BULL 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Considérant que le 31 janvier 1995, M. [H] [G] a été embauché en CDI en qualité d'ingénieur par la société BULL à effet du 3 avril 1995 ; qu'en 2010, il avait la responsabilité de l'activité «'Services Business Intelligence'» (BI) ;

Que le 20 mars 2013, Monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 29 mars, reporté plusieurs fois jusqu'au 8 juillet 2013 ;

Que le 31 juillet 2013, la SAS BULL a notifié à Monsieur [G], par lettre recommandée avec accusé de réception, son licenciement pour insuffisances professionnelles ;

Que ce dernier a contesté son licenciement et saisi le conseil de prud'hommes du litige ;

Sur le licenciement

Considérant, sur la cause du licenciement, qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Considérant que l'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

Considérant en l'espèce, et à titre liminaire, que la lettre de licenciement notifiée à M. [H] [G] invoque le motif d'une 'insuffisance professionnelle' ; qu'elle énonce et développe des griefs qui se rapportent à :

- une incapacité à piloter l'activité services BI,

- une absence de gestion et de suivi de la relation éditeurs et intégrateurs,

- une incapacité à développer l'activité du centre de services (CDS) de [Localité 4],

- et une incapacité à manager, organiser et développer l'équipe services BI,

Que si la lettre de licenciement précise les situations de fait au soutien de ces griefs, le caractère parfois récurrent des insuffisances invoquées et rappelle les attentes ou demandes de la hiérarchie du salarié, il n'est pas, comme le prétend à tort l'appelant, reproché en réalité à M. [G] des comportements volontaires et fautifs s'analysant en un licenciement disciplinaire ; que par suite, la prescription alléguée des faits invoqués par l'employeur n'était pas acquise au moment de l'engagement de la procédure de licenciement ;

S'agissant de l'incapacité à piloter l'activité services BI, la société BULL fait tout d'abord état d'une incapacité à définir et mettre en oeuvre la stratégie de l'activité BI ;

Qu'elle fait état à ce titre d'écarts et dégradations régulières et anormales, par M. [G], des 'estimés' ou AEC (affaires en cours) de l'activité BI par rapport au budget fixé, mais également par rapport aux semestres précédents ;

Qu'elle justifie d'un écart à la baisse de 23% entre le chiffre d'affaires de l'année 2012 par rapport au budget fixé ainsi que d'une baisse du chiffre d'affaires réalisé en 2012 de 8% par rapport à 2011 et d'une marge brute diminuée de 15% ;

Qu'au premier semestre 2013, elle constatait une nouvelle revue à la baisse des 'estimés' concernant le chiffre d'affaire de l'activité et une nouvelle diminution du chiffre d'affaires (29% par rapport au premier semestre 2012) ;

Que dans le cadre de leurs échanges de courriels, M. [R], son supérieur hiérarchique, s'étonnait, notamment le 7 décembre 2012, de dégradations anormales mettant en cause leur crédibilité auprès du management de l'entreprise ; qu'il ressort d'autres courriels du 9 janvier 2013 que M.[G] avait déjà à cette date diminué les données budgétées quelques semaines auparavant ;

Que si M. [G], sans contester les données chiffrées susvisées, estime que les objectifs pour 2012, dans un contexte de dégradation du marché, étaient inatteignables, la société BULL rappelle que ce dernier était impliqué dans le processus d'établissement du budget, et indique que d'autres de ses homologues (unités opérationnelles 'INFOR' et 'SAP') n'ont pas connu les mêmes dérapages par rapport au budget ;

Que la société BULL fait aussi état d'une incapacité à optimiser et améliorer les propositions commerciales et techniques pour augmenter le taux des avant-ventes gagnées ;

Qu'elle souligne à cet égard que son activité dépend, en majorité, du nombre d'appels d'offres qu'elle est susceptible de remporter ;

Que force est de constater que les résultats afférents aux propositions d'avant-vente sur la période durant laquelle M. [G] dirigeait l'activité BI ne sont que de 2 appels d'offre remportés sur un total de 9 répondus ;

Que par exemple, dans le cadre d'un appel d'offre EDF, bien que cette dernière avait prévenu qu'il n'y aurait aucune prime au sortant, l'offre BULL n'était pas retenue après l'analyse technique des réponses transmises, liée non seulement à une application MIREOR mais encore à de nombreux autres points techniques ; que si les processus des appels d'offre impliquait de nombreux acteurs, il demeure que le dispositif opérationnel de réponse pour ces avant-ventes était sous la responsabilité de M. [G] ;

Que la société BULL invoque encore une incapacité du salarié à anticiper, gérer et suivre la production et l'aboutissement de plusieurs projets, sans toutefois apporter d'éléments probatoires suffisants à ce titre, tandis que M. [G] justifie d'une marge 'service' positive pour le projet 'EPILOG' et du contexte particulièrement complexe du projet 'CG93" ;

sur l'absence de gestion et de suivi de la relation éditeurs et intégrateurs : que si des plans d'action conjoints ont été proposés, la société BULL remarque que les contacts avec ces partenaires (par exemple, 5 rendez-vous avec SAP en 2012/2013, 5 avec Microsoft, 3 avec IBM, 3 avec MICROPOLE UNIVERS) étaient inférieurs au rythme des contacts habituels, ce qu'elle rapproche de l'absence d'appels d'offre remportés en partenariat avec ces éditeurs ;

S'agissant de l'incapacité à développer l'activité du centre de services (CDS) de [Localité 4] : que la responsabilité personnelle du salarié n'est pas clairement démontrée alors que ce centre de services, qui visait à mutualiser des ressources, avait été créé à l'initiative de M. [H] et relevait de MM. [A] et [D] ;

Sur l'incapacité à manager, organiser et développer l'équipe services BI ; que si M. [G] produit plusieurs attestations de collaborateurs soulignant ses qualités humaines et relationnelles, la société BULL justifie de ses absences répétées à des réunions planifiées avec les ressources humaines pour les managers des unités opérationnelles, ainsi que de relances de sa hiérarchie s'agissant de la réalisation des entretiens annuels, de la rémunération variable des membres de son équipe ou encore la gestion des congés ; que par ailleurs, dès 2011, la société avait été alertée par les représentants du personnel de dysfonctionnements managériaux dans l'équipe BI de [Localité 5] ; que s'il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable que Mme [O] convenait que les personnes citées n'étaient pas directement rattachées à M. [G] mais à ses managers, les représentants du personnel réclamaient à nouveau, 7 mois plus tard, l'organisation d'une réunion de recadrage avec les managers concernés et le responsable de l'entité pour faire cesser la situation ;

Considérant, compte-tenu des éléments susvisés, qu'il y a lieu de retenir que l'insuffisance professionnelle invoquée par la société BULL à l'encontre de M. [G] est établie, de sorte que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le jugement ayant statué en ce sens et rejeté par suite les demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail sera donc confirmé de ces chefs ;

Sur le harcèlement moral, l'obligation de sécurité et l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Considérant qu'au titre de sa demande formée au titre d'un harcèlement moral, outre d'une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat, de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail et d'un comportement déloyal de l'employeur, M. [G] soutient avoir été l'objet d'une action de déstabilisation concertée et déloyale de la part de sa direction et invoque plus précisément:

- à titre liminaire, la dégradation des conditions d'exercice de l'activité et des conditions de vie au travail sur le site de [Localité 5] où il travaillait,

- l'assignation directe par M. [R], son supérieur hiérarchique, d'objectifs individuels aux collaborateurs de Monsieur [G] et la prise de décisions d'affectation sans l'en informer,

- un traitement discriminatoire au titre de sa rémunération variable, avec l'attribution d'un taux d'atteinte des objectifs de Monsieur [G] de 36% de la part variable pour le second semestre 2012, alors que ses propres collaborateurs se voyaient reconnaître un taux d'atteinte de près de 100 %,

- une pression permanente, avec une augmentation constante et excessive du chiffre d'affaires,

- un refus de ses propositions d'affectation d'un collaborateur supplémentaire pour faire face aux objectifs de croissance de 20% de l'activité BI qu'il estime irréalistes, suivi d'un changement du management à son égard , comprenant des annonces brutales, un double langage et une violence psychologique à son encontre, l'ayant conduit à se retrouver en état de choc, avec reconnaissance de la qualification d'accident du travail et près de 3 mois d'arrêt de travail, situation constitutive en outre d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en matière de santé ;

Considérant que la société BULL soutient que M. [G] n'établit aucun fait laissant présumer qu'il aurait été victime de harcèlement, qu'il ne peut assimiler les observations qui lui ont été faites sur la qualité de sa prestation à du harcèlement moral, qu'il n'a jamais sollicité l'intervention des représentants du personnel ou de l'inspection du travail préalablement à l'engagement de la procédure de licenciement, qu'il ne produit pas d'élément médical d'un médecin présent sur le lieu de travail établissant un lien avec son état de santé et sa situation professionnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que M. [G] produit tout d'abord une délibération du CHSCT en février 2012, une expertise pour risque grave, outre une enquête de l'inspection du travail ;

qu'il apparaît toutefois à cet égard que M. [G] n'a pas été personnellement et directement concerné par les risques soulevés par le CHSCT de Saint-Ouen,' que le courrier de l'inspection du travail concerne 3 autres salariés de l'établissement de Saint-Ouen d'un niveau hiérarchique inférieur au sien et qu'en revanche, le management de son entité avait été visé par des plaintes du personnel, lequel était sous la responsabilité de M. [G], ainsi qu'il ressort des motifs susvisés ; que la dégradation de ses conditions d'exercice d'activité et conditions de vie au travail n'est dans ces conditions pas établie par le salarié ;

Que M. [G] produit également les éléments suivants :

- des échanges de courriels relatifs à l'assignation directe par M. [R], son supérieur hiérarchique, d'objectifs individuels aux collaborateurs de Monsieur [G], ainsi qu'à un groupe de travail;

- des tableaux et pièces mentionnant l'attribution d'un taux d'atteinte des objectifs de Monsieur [G] de 36% de la part variable pour le second semestre 2012, alors que ses propres collaborateurs se voyaient reconnaître un taux d'atteinte entre 66% et 103 %,

- un courriel de son supérieur justifiant la demande de croissance d'année en année,

- des courriels dans lesquels il formule des propositions d'organisation et de postes à pourvoir,

- des attestations de salariés faisant part du choc émotionnel ressenti par M. [G] le 20 mars 2013, qualifié de 'danger grave et imminent' par le CHSCT à cette date, des certificats et éléments médicaux justifiant d'hypertension artérielle, d'arrêts de travail, de la reconnaissance de la qualification d'accident du travail et des échanges relatifs à son activité professionnelle et avec la direction des ressources humaines et relatifs à la procédure de licenciement ;

Que ces faits, établis par M.[G], pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que la société BULL relève et justifie que :

- M. [G] était dans l'incapacité de respecter les délais fixés pour manager son équipe, notamment pour la fixation des objectifs, ce qui a conduit sa hiérarchie à fixer elle-même les objectifs, étant observé qu'il ressort du courriel de M.[R] du 3 octobre 2012 que celui-ci ajoutait au surplus être à sa disposition pour en discuter et le cas échéant apporter des modifications, outre que s'agissant de l'affectation de Mme [T], le courriel produit par l'appelant est elliptique et n'apporte aucun élément précis concernant une décision d'affectation ;

- M. [G] et ses collaborateurs n'étaient pas évalués sur les mêmes critères de sorte qu'il n'est pas anormal qu'ils n'aient pas obtenu les mêmes résultats ;

- que la fin de l'année 2012 a révélé l'insatisfaction de la direction concernant la prestation de M. [G] et l'incapacité de celui-ci à redresser la situation ; que la société lui a proposé un changement d'affectation, ce qui a donné lieu à plusieurs entretiens avec la direction des ressources humaines ; que l'offre de poste faite à M. [G] a été refusée par celui-ci ; qu'à son retour d'arrêt de travail, en date du 17 juin 2013, la suspension du contrat de travail prenant fin, le salarié a retrouvé son poste, la société lui ayant préalablement indiqué par écrit qu'elle reportait l'entretien préalable compte-tenu de son arrêt maladie ; que sans méconnaître le choc émotionnel ressenti par M. [G] le 20 mars 2013 dans le cadre de la procédure de licenciement et ses suites médicales ayant notamment conduit à un arrêt de travail, il n'est pas pour autant caractérisé d'agissement répréhensible de l'employeur dans le cadre de la mise en oeuvre du licenciement dans un contexte d'insuffisance professionnelle ;

Que l'intimé souligne justement que le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec les observations légitimes de l'employeur adressées à un collaborateur dans l'exercice de son pouvoir de direction ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que ces même faits ne caractérisent pas plus de violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat que de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail qu'enfin de comportement déloyal de l'employeur ;

Que dans ces conditions, la cour rejettera la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé, exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur et comportement déloyal de ce dernier ;

Sur le rappel de rémunération variable

Considérant que les premiers juges ont justement retenu que M.[G] percevait une rémunération composée d'un salaire fixe et d'une rémunération variable définie chaque année en fonction d'objectifs à atteindre, que la société BULL a appliqué le calcul de la partie variable selon ces termes jusqu'en 2012, notamment 36% de la part variable pour le second semestre 2012, qu'il n'existait pas pour le premier semestre 2013 d'objectifs fixés par la SAS BULL ou acceptés par M. [G], et que celui-ci ne justifie pas de sa demande pour le second semestre 2013, de sorte que la totalité de la part variable au titre du premier semestre 2013 est due, soit 6'647,47 € ' 1 296,26 € perçus = 5'351,21'€ ;

Qu'au surplus le traitement discriminatoire ou injustifié au titre de la rémunération variable invoqué par M. [G] n'est pas établi, ainsi qu'il résulte des motifs précédents ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société BULL à payer à M. [G] les sommes de 5 351,21 euros pour le rappel de rémunération variable du premier semestre 2013 et 535,12 euros au titre des congés payés afférents ;

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Considérant que compte tenu des motifs précédents concernant la rémunération variable sera retenu un salaire brut mensuel moyen de 8 191 € ; que l'indemnité conventionnelle de licenciement se calcule comme suit :

- avril 1995 à avril 2002 (7 ans)': 8 191 x 1/5 x 7 = 11'467 €

- avril 2002 à novembre 2013 (11 ans et 7 mois)': 8 191 x 3/5 x 11 = 54'060 €

8 191 x 3/5 x 7/12 = 2 867 €

soit une indemnité globale de 68 394 € ;

Qu'en conséquence, la société BULL sera condamnée à payer à M. [G] la somme de 3.723 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, le jugement étant infirmé en son quantum de ce chef ;

Sur l'indemnité pour licenciement irrégulier

Considérant que M. [G] formule une demande d'indemnité pour licenciement irrégulier d'un montant de 8.914,80 euros en soutenant que l'entreprise avait dès octobre 2012 décidé d'une séparation et de le remplacer et de lancer une 'chasse' à cette fin ; qu'il ajoute que tous les motifs figurant dans la lettre de licenciement n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable ;

Que si le compte-rendu d'entretien préalable rédigé par M. [J], représentant du personnel et conseiller du salarié, rapporte des propos de M. [R] en ce sens, ces propos ne comprennent pas le terme de 'licenciement' et concernent plus précisément le poste de'patron' de l'activité BI et mentionnent également l'éventualité que M. [G] en devienne l'adjoint ;

Que la société BULL a proposé à M. [G] un changement d'affectation ; qu'au terme de son arrêt de travail, celui-ci a repris son poste le 17 juin 2013, après que M. [E] [E] a assuré son intérim ;

Que le compte-rendu d'entretien préalable produit développe plusieurs situations d'insuffisance professionnelle reprochés ; qu'il est avéré que la procédure de licenciement a en effet été mise en oeuvre au motif d'une insuffisance professionnelle ;

Que dans ces conditions, M. [G] sera débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier ;

Sur les autres demandes

Considérant que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts

Considérant que l'équité commande de faire droit à l'indemnité pour frais irrépétibles de procédure présentée par M. [G] dans la limite de 1.000 euros en sus de la somme allouée en première instance qui a été bien évaluée ;

Considérant que la société BULL sera déboutée en sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure et condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées, et y ajoutant

Condamne la société BULL à payer à M. [H] [G] les sommes suivantes :

- 3.723 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1.000 euros à titre d'indemnité complémentaire pour frais irrépétibles de procédure,

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société BULL aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Hélène PRUDHOMME, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03918
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°15/03918 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;15.03918 ?
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