La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2017 | FRANCE | N°15/02861

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 21 novembre 2017, 15/02861


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A
6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 21 NOVEMBRE 2017
R. G. No 15/ 02861
AFFAIRE :
Joëlle X...épouse Y...AJ Totale

C/ Société EPISENS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
No RG : 14/ 1039
Copies exécutoires délivrées à :
Joëlle X...épouse Y...
la SCP MOREL CHADEL MOISSON
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société EPISENS
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE <

br>AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dan...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A
6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 21 NOVEMBRE 2017
R. G. No 15/ 02861
AFFAIRE :
Joëlle X...épouse Y...AJ Totale

C/ Société EPISENS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
No RG : 14/ 1039
Copies exécutoires délivrées à :
Joëlle X...épouse Y...
la SCP MOREL CHADEL MOISSON
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société EPISENS
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Joëlle X...épouse Y...... comparante en personne (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/ 011280 du 14/ 09/ 2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE **************** Société EPISENS 4 rue Portefoin 75003 PARIS représentée par Me Patrick CHADEL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0105

INTIMEE ****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, Madame Sylvie BORREL, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORDFAITS ET PROCÉDURE,
La société Episens, petite entreprise de moins de 11 salariés, réalise des études de marché qualitatives pour le compte d'enseignes diverses, appliquant la convention collective dite Syntec, Mme Y..., embauchée de manière ponctuelle en contrat à durée déterminée sans contrat écrit à compter du 3 janvier 2000, était chargée de recrutement de panels de consommateurs rémunérés pour des études de marché, avec un salaire horaire de 31, 81 € brut. Elle travaillait à son domicile. Son dernier jour de travail était le 21 janvier 2010.

Le 7 juin 2014 Mme Y..., qui revendique la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a saisi le conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt. Par jugement du 28 avril 2015, dont Mme Y...a interjeté appel, le conseil a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée, en l'absence de contrat écrit, mais l'a déboutée de toutes ses demandes, visant la prescription de son action en paiement de salaires, tout en constatant que son action relative à la rupture de son contrat de travail n'était pas prescrite.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 5 septembre 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :
Mme Y..., maintenant globalement ses demandes en appel, sollicite :
*Au titre de l'exécution de son contrat de travail à son domicile :- la condamnation de la société à lui payer la somme de 4 824, 62 € à titre d'indemnité de sujétion,- celle de 9 735, 87 € à titre d'indemnité forfaitaire pour le coût du local, du matériel et du téléphone,- celle de 28 947, 72 € à titre d'indemnité de travail dissimulé ;

*Au titre de son licenciement non causé après requalification en contrat à durée indéterminée sur la base d'un salaire de référence de 4 824, 62 € brut/ mois (31, 81x151, 67) :- la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :-4 824, 62 € tant à titre d'indemnité de requalification, que pour non respect de la procédure de licenciement, absence de visite médicale d'embauche et donc non respect de son obligation de sécurité, non respect de la mensualisation de son salaire,-172 347, 66 € à titre de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, outre les congés payés afférents et subsidiairement celle de 48 609, 09 € sur la base du SMIC,-57 895, 44 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,-9 649, 24 € à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents-12 061, 62 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, Enfin, elle sollicite la remise d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi.

La société Episens, ci-après la société, conclut in limine litis à un sursis à statuer, dans l'attente de la plainte pour escroquerie au jugement déposée entre les mains du doyen des juges d'instruction de Paris de la part de plusieurs anciens employeurs de Mme Y...(la plainte de la société devant le procureur de Paris a été classée sans suites). A titre subsidiaire elle demande la confirmation du jugement, invoquant la prescription, et le débouté de Mme Y...et sa condamnation à lui payer la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles. Sinon elle estime que la requalification ne peut être ordonnée que sur la base d'un temps partiel (sur la base de 275 €/ mois, moyenne des 3 derniers salaires), car elle travaillait pour d'autres sociétés et n'occupait pas un emploi permanent.

Les parties, qui avaient accepté lors de l'audience du 5 septembre 2017 de tenter une médiation, ne sont finalement pas parvenues à un accord.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer :
La société sollicite un sursis à statuer, invoquant sa plainte pénale en date du 15 juillet 2016 avec constitution de partie civile, pour escroquerie au jugement, auprès du doyen des juges d'instruction de Paris, associée à celle d'autres employeurs de Mme Y..., les sociétés Philomarque, ABC, Mix factory, et Sky consulting. Elle soutient que Mme Y..., en assignant ses employeurs devant différents conseils de prud'hommes pour la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein, et prétendant être à leur disposition permanente, ce qui est incompatible, pourrait être poursuivie pour escroquerie au jugement.
Mme Y...s'oppose au sursis à statuer, invoquant la règle de l'article 4 du code de procédure pénale, lequel dispose :

" L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. "

L'article 2 du code de procédure pénale dispose : " L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6. "

Or, il résulte de l'article 4, aliné 3, du code de procédure pénale que la mise en mouvement de l'action publique, par le dépôt d'une plainte pénale avec constitution de partie civile, n'imposent pas la suspension du jugement des actions à fin civile autres que celle en réparation du dommage causé par l'infraction, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil.

En l'espèce, la réparation du préjudice éventuel de la société pour escroquerie alléguée au jugement, n'impose pas le sursis à statuer de la cour, laquelle est principalement saisie par Mme Y...d'une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, demandes propres à chacune des relations contractuelles, seule une infime partie des demandes pouvant avoir une influence sur l'issue du litige pénal, à savoir les demandes de rappel de salaire relatives aux périodes interstitielles et celles relatives à l'indemnité de sujétion et le remboursement de frais professionnels.
Par ailleurs, sur cette infime partie, le préjudice de la société ne peut être établi que si la cour retient l'argument de droit du travail de Mme Y...selon lequel elle se trouvait à la disposition permanente de la société, de sorte que c'est la solution du litige civil qui détermine en partie la solution du litige pénal, et non l'inverse. En effet, il s'agirait de savoir si Mme Y...est en mesure d'obtenir que chacun des conseils des prud'hommes saisi par elle juge qu'elle était en même temps à la disposition permanente de toutes les sociétés pour lesquelles elle a travaillé, ce qui est fortement improbable d'un point de vue juridique. Le conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt a d'ailleurs débouté Mme Y...de toutes ses demandes de rappel de salaire relatives aux périodes interstitielles entre deux contrats, en raison de la prescription. D'autres conseils ont également débouté Mme Y...de ce chef, et la cour la déboutera aussi, comme indiqué plus bas. Le raisonnement est le même pour les demandes de Mme Y...relatives à l'indemnité de sujétion et le remboursement de ses frais professionnels, où à l'évidence chacune des sociétés employeurs à domicile de Mme Y...sur une longue période pourrait contribuer à l'indemniser, à proportion de la durée d'emploi, chacune des sociétés concernées ne pouvant être tenue à indemnisation pour le montant global des demandes.

Mme Y...n'a d'ailleurs jusqu'à présent pas obtenu d'indemnisation de ces chefs de la part des différents conseils de prud'hommes, au vu des jugements produits.
La cour rejettera donc la demande de sursis à statuer.
Sur les actions en requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail :
Sur la prescription :
La société soulève la prescription des actions de Mme Y..., tant en ce qui concerne la requalification que la rupture du contrat de travail et les demandes indemnitaires afférentes. Concernant ses demandes relatives à l'exécution, la rupture de son contrat de travail et la requalification de la relation contractuelle, qui se prescrivaient par 30 ans avant la loi du 17 juin 2008 en vigueur au 18 juin 2008, laquelle a ramené la prescription à 5 ans, Mme Y...estime qu'elle n'encourt pas la prescription.

Il y a lieu de distinguer la prescription de l'action en requalification des contrats et celles liées à l'exécution ou la rupture du contrat de travail, qui obéissaient à la prescription trentenaire de l'article 2224 du code civil, réduite à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 puis à 2 ans par la loi du 14 juin 2013 (modifiant ainsi l'article L. 1471-1 du code du travail), de la prescription concernant les actions en paiement de rappel de salaire qui se prescrivaient par 5 ans jusqu'à la loi du 17 juin 2008 puis par trois ans à partir de la loi du 14 juin 2013. Par ailleurs, l'article L. 7423-1 du code du travail, qui n'a pas été modifié par les lois de 2008 et 2013 susvisées, dispose que les actions des travailleurs à domicile relatives aux frais d'atelier et frais accessoires se prescrivent par 5 ans.

Concernant l'action en requalification des contrats et celles liées à l'exécution ou la rupture du contrat de travail, le délai de prescription court à compter de la fin de la relation contractuelle, soit le 21 janvier 2010 ; les dispositions de la loi du 17 juin 2008, réduisant de 30 à 5 ans la durée de la prescription, se sont appliquées à Mme Y...à compter du 18 juin 2008. Ses actions ayant été engagées par la saisine du conseil le 7 juin 2014, soit moins de 5 ans avant le 21 janvier 2015, ses actions n'étaient pas prescrites. Puis la loi du 14 juin 2013 en vigueur à compter du 17 juin 2013, ramenant ce délai de prescription de 5 à 2 ans, à une date où les actions de Mme Y...n'étaient pas encore prescrites selon la loi antérieure, a, de par ses dispositions transitoires, rallongé la prescription de 2 ans à compter du 17 juin 2013, sans que la prescription totale dépasse le délai de prescription antérieur (de 5 ans) soit janvier 2015 (5 ans après le point de départ de la prescription en janvier 2010). Or Mme Y...a bien saisi le conseil avant janvier 2015, de sorte que son action en requalification et ses demandes liées à la rupture de la relation contractuelle ne sont pas prescrites. Il en va de même des demandes de rappel de salaire et d'indemnité de requalification, mais aussi de l'indemnité de travail disssimulé, qui sont le prolongement de son action en requalification.

En application de l'article L. 7423-1 du code du travail, qui prévoit une prescription de 5 ans jamais modifiée, l'action de Mme Y...relative à l'indemnité de sujétion et à ses frais professionnels n'est pas non plus prescrite.
Concernant la prescription applicable aux demandes de rappels de salaire, qui a été réduite de 5 ans à 3 ans par la loi du 14 juin 2013, le raisonnement est le même que plus haut ; en effet, l'action de Mme Y...n'est pas prescrite car elle a saisi le conseil le 7 juin 2014, alors que son action se prescrivait en janvier 2015. Le jugement sera donc infirmé en ce que le conseil a jugé les actions prescrites.

Sur l'action en requalification :
En application des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi (principalement pour absence d'un salarié, accroissement temporaire d'activité, ou emploi à caractère saisonnier) et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif et comporter notamment le nom et la qualification de la personne remplacée, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Ces dispositions d'ordre public ne peuvent être contournées par l'employeur.

Mme Y..., vu l'absence de contrat écrit, sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2000 jusqu'au 21 janvier 2010, selon 94 fiches de paie. La société ne conteste pas l'absence d'écrit, tout en indiquant qu'il était d'usage de recourir aux contrats à durée déterminée dans les activités d'enquête et de sondage, de sorte que les contrats à durée déterminés verbaux seraient valables.

Or, contrairement à ce que soutient la société, le fait de payer à Mme Y...des indemnités de précarité, ne permet pas d'établir l'existence d'un contrat à durée déterminée, faute de respecter les prescriptions des articles susénoncés, par l'absence de tout contrat de travail écrit lequel doit notamment mentionner le motif et la durée du recours. En outre, la société n'établit pas que la fonction de chargée de recrutement (de panels de consommateurs) de Mme Y...était habituellement pourvue par des contrats à durée déterminée d'usage, qui ne concernaient que les enquêteurs, et ce sous réserve que ces derniers pourvoient des emplois non liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Enfin, la durée et la régularité de l'emploi de Mme Y...tend à établir que son emploi était indispensable à l'activité normale et permanente de la société, puisque le recrutement de panels de consommateurs était nécessaire et préalable à la réalisation d'enquêtes et de sondages. En conséquence, la cour ordonne la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2000 jusqu'au 21 janvier 2010, confirmant le jugement.

Cette requalification ouvre droit, en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, à la perception d'une indemnité de requalification d'au moins un mois de salaire, qui sera fixée à la somme de 1500 € (soit environ 2 mois de salaire), au vu de la durée de la précarité dans l'emploi, et portera intérêts à compter de l'arrêt.
*Sur la requalification à temps partiel ou total et la détermination du salaire de référence :
Selon l'article L. 3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, outre les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail prévue par le contrat.
L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.
En l'espèce, vu l'absence de tout contrat écrit, il appartient à l'employeur de renverser la présomption de travail à temps complet. La société fait valoir que Mme Y...ne se trouvait pas à sa disposition permanente, puisqu'elle travaillait pour d'autres sociétés dans la même période.

Mme Y...soutient qu'elle se trouvait à la disposition permanente de la société et dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail.
Or, au vu des fiches de paie, il apparaît que Mme Y...a travaillé pour la société selon le rythme suivant :-58 jours répartis sur 11 mois entre janvier et décembre 2000,-66 jours répartis sur 11 mois entre février et décembre 2001,-114 jours répartis sur 11 mois entre janvier et décembre 2002,-159 jours répartis sur 11 mois entre janvier et décembre 2003,-61 jours répartis sur 7 mois entre février et novembre 2004,-65 jours répartis sur 9 mois entre février et novembre 2005,-49 jours répartis sur 10 mois entre janvier et décembre 2006,-27 jours répartis sur 9 mois entre février et décembre 2007,-28 jours répartis sur 7 mois entre janvier et octobre 2008,-16 jours répartis sur 5 mois entre février et décembre 2009,-1 jour le 21 janvier 2010. Vu le nombre de jours travaillés, le temps de travail était un temps partiel, qui permettait à Mme Y...de travailler pour d'autres sociétés, comme cela ressort des pièces produites par la société (bulletins de salaires, jugements de conseils de prud'hommes de Paris, Evry et Boulogne Billancourt) :- En 2002 et novembre 2007, elle a travaillé pour la société Senzo.- En 2005 elle a travaillé au cours de 7 mois pour la société Philomarque, ce qui lui a rapporté en moyenne 1400 € net par mois, 37 jours sur 3 mois pour la société Meaning Conseil.- En 2006, elle a travaillé en février et mars pour la société Tns Sofres.- Entre juin 2005 et juin 2006, elle a travaillé pour la société Abc.- En 2007 de manière plus ponctuelle, soit 4 jours pour la société Fieldwork, outre 58 jours sur 6 mois pour la société Meaning Conseil.- En 2008 elle a travaillé 41 jours au cours de 7 mois pour la société Meaning Conseil, ce qui lui a rapporté en moyenne 2 600 € net par mois.- En décembre 2009 elle a travaillé pour la société Meaning Conseil, ce qui lui a rapporté 3 584 € net, et en 2009 3 mois pour la société Mix factory, ce qui lui a rapporté en moyenne 848 € net par mois.

Si la société fait valoir à juste titre que Mme Y...n'a jamais produit ses avis d'imposition, la liste de ses employeurs et ses avis de paiement Pôle Emploi, les pièces susvisées permettent d'établir de manière évidente que Mme Y...ne se tenait pas à la disposition permanente de la société, et qu'en outre elle n'a jamais demandé plus de travail à la société, que cela soit par courriels ou par lettres. Dès lors, le contrat de travail étant à temps partiel, la demande de rappel de salaire au titre du temps plein sera rejetée.

Sur le salaire de référence :
Mme Y...sollicite que ce salaire soit fixé à la somme de 4 824, 62 € brut/ mois (31, 81 € x 151, 67 h) sur la base d'un temps complet. La société soutient que Mme Y...était rémunérée sur le nombre de personnes recrutées et non sur le temps passé, soit 31, 81 € par personne, et qu'elle ne quantifie pas le temps passé à ce recrutement, l'important étant qu'elle se constitue un fichier de personnes qu'elle utilisait au fur et à mesure de ses missions. Elle propose de fixer le salaire moyen à la moyenne des 3 derniers mois, soit 275, 76 € brut/ mois.

La cour retiendra la moyenne des 12 derniers mois de salaire avant la fin des relations contractuelles en janvier 2010, soit de février 2008 à décembre 2009, calculé comme suit : 8729, 06 : 12 = 727, 42 € brut/ mois

En effet, la moyenne des 3 derniers mois est inférieure à celle des 12 derniers mois : soit mai et octobre 2009 et décembre 2009, soit 1463 € brut à diviser par 3 égale 487, 67 € brut.
Sur le travail dissimulé :
L'indemnité de travail dissimulé prévue par les articles L 8223-1 et 8221-5 du code du travail, suppose que soit établie à la charge de l'employeur l'intention de dissimuler un emploi salarié ou des heures de travail d'un salarié déclaré.
Mme Y...dénonce à la fois :- le fait d'avoir été employée dès le 3 janvier 2000 et durant tout le mois de janvier 2000, et non seulement le 14 janvier 2000 (selon son bulletin de paie) comme l'a déclaré la société à l'époque, précisant qu'elle a recruté 8 personnes sur 33 rencontrées, ce qui lui a pris plus d'une semaine de travail et non 2 jours comme le soutient désormais la société,- le fait qu'elle travaillait en réalité en août chaque année (de 2000 à 2010), sans avoir de bulletins de paie, et ce en raison de la fermeture habituelle de la société,- le fait qu'entre janvier 2007 et janvier 2010, elle a travaillé plus que les jours mentionnés sur certains bulletins de paie, précisant qu'un recrutement d'un groupe de personnes (pour un panel) requiert 2 à 3 semaines de travail,- et le fait que la société ait employé bien plus de 2 personnes, contrairement à ce qu'elle soutient dans ses conclusions de 1ère instance, soit au moins 7 personnes précisant leur nom et fonction.

La société soutient que Mme Y...ne rapporte pas la preuve des faits dénoncés, et en tout état de cause n'a jamais protesté pendant 14 ans, alors que la société a toujours établi des bulletins de paie et cotisé auprès des organismes sociaux en fonction des salaires versés, ce qui est effectivement établi.
Or, la demande de Mme Y...porte en réalité sur les modalités et montants de sa rémunération, s'agissant d'une contestation d'un paiement de salaire fonction du nombre de personnes recrutées pour les pannels d'enquêtes et sondages et non d'un paiement au nombre d'heures ou de jours de travail effectifs ; autrement dit, Mme Y...estime avoir été sous-payée, son salaire n'étant pas le reflet de ses heures réelles de travail. Sur ce point, faute de donner des éléments sur un non respect éventuel des usages ou dispositions conventionnelles (convention collective) relatifs aux règles de détermination du salaire en fonction du temps de travail, qui permettraient d'en déduire un travail dissimulé par dissimulation d'activité (nombre d'heures de travail), la demande de Mme Y...ne peut qu'être rejetée. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de sujétion et de frais professionnels pour le travail à domicile :
En application de l'article L. 7423-1 du code du travail, Mme Y...sollicite au titre des trois dernières années une indemnité de sujétion et le remboursement de frais professionnels liés à son travail effectué exclusivement à partir de son domicile, ce que ne conteste pas la société, laquelle soutient que c'est Mme Y...qui a souhaité cette organisation, et qu'en outre elle se servait du même matériel pour travailler avec ses autres employeurs. Cette indemnité de sujétion couvre les frais fixes du local utilisé (part du loyer de son appartement dde 54 m2 dans lequel elle avait aménagé un bureau de 14m2), que Mme Y...évalue à 35, 82 €/ mois sur les 3 dernières années (36 mois), soit 1289, 52 €. Elle y ajoute les frais de téléphone et d'internet de 250 €/ mois, soit 5400 € sur 3 ans. Quant aux autres frais liés au matériel informatique et téléphonique et au mobilier, elle les chiffre à 9 735, 87 €, et en justifie par la production des factures (voir pièces 34 80 92)

La société estime en effet qu'une telle indemnisation ne peut être réclamée plusieurs fois, en se cumulant avec les sommes réclamées à ces autres employeurs, Mme Y...réclamant 300 €/ mois au titre de l'indemnité de sujétion tant à la société Meaning Conseil que la société Philomarque, alors qu'elle réclame aussi à la société la somme de 134 €/ mois sur les 36 derniers mois soit 4 824 €.
Or, si l'indemnité de sujétion et le remboursement des frais professionnels sont justifiés dans leur principe, leur évaluation doit prendre en compte le temps respectif que Mme Y...a passé avec chacun de ses employeurs pour lesquels elle travaillait aux mêmes périodes (cf plus haut).
*Sur l'indemnité de sujétion :
Elle couvre les frais fixes, liés à l'occupation d'une pièce de son logement soit 14m2 et à la consommation d'électricité, notamment liés au matériel informatique utilisé. L'année 2007, elle a travaillé 27 jours pour la société Episens et 62 jours pour 2 autres sociétés, de sorte qu'il lui sera alloué la moitié de 134 euros, soit 603 € (67 x 9 mois). L'année 2008, elle a travaillé 28 jours pour la société Episens et 41 jours pour une autre société, de sorte qu'il lui sera alloué 92 euros sur les 134 par mois, soit 644 € (92 x 7 mois). L'année 2009, elle a travaillé 16 jours pour la société Episens et environ 80 jours (4 mois) pour deux autres sociétés, de sorte qu'il lui sera alloué 27 euros sur les 134 par mois, soit 135 € (27 x 5 mois), ce qui donne au total la somme de 1382 € à titre d'indemnité de sujétion au titre des années 2007 à 2009.

*Sur les frais professionnels :
Les frais de téléphone, qui sont justifiés par des factures, seront retenus, au vu de la part respective moyenne du travail de Mme Y...pour la société Episens par rapport aux autres sociétés sur cette période de 3 ans, à hauteur de la moitié de 250 €, soit 125 par le nombre de mois travaillés, soit 21 mois, ce qui donne une somme de 2 625 €. Les autres frais (achat siège et armoire, répondeur professionnel, ordinateur et imprimante, deux téléphones, frais de prises téléphoniques) représentent la somme de 3149 €, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société à hauteur de 1500 €, au vu de cette part respective moyenne du travail de Mme Y.... Il sera donc alloué la somme globale de 4 125 € à Mme Y....

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2014, date d'accusé de réception par la société de sa convocation en bureau de jugement.
Le jugement sera donc infirmé de ces chefs.
Sur l'absence de visite médicale d'embauche et le manquement à l'obligation de sécurité :
Mme Y...estime avoir subi un préjudice, du fait du stress occasionné par le travail isolé à son domicile et des contraintes de temps pour réaliser le recrutement de nombreuses personnes, outre son statut précaire. Si la société ne conteste pas l'absence de visite médicale d'embauche, elle invoque l'absence de preuve d'un préjudice.

Au vu des attestations produites par Mme Y..., qui font état du stress lié à ses conditions de travail pendant 10 ans (travail le soir, certaines fins de semaine, selon un rythme fatiguant), il apparaît que la société aurait dû respecter l'obligation d'organiser une visite médicale d'embauche, et même une visite périodique tous les 2 ans, ce qui n'a pas été fait et ce qui n'a pas permis à Mme Y...de bénéficier de conseils de prévention du stress. Vu l'absence de visite médicale d'embauche et le non respect de l'obligation de sécurité et de santé au travail, il sera alloué à Mme Y...la somme de 300 € à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'absence de mensualisation :
La société conclut au rejet de cette demande, car Mme Y...était payée régulièrement à chaque fin de mission et ne s'en est jamais plainte,
L'article L. 3242-1 du code du travail dispose que l'obligation de mensualisation des salaires ne s'applique pas aux salariés travaillant à domicile, de sorte que de Mme Y...sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts de ce chef, comme l'a jugé le conseil qui sera confirmé.
Sur les demandes relatives à la rupture :
Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer. (Cass 23 septembre 2014 no13-14-896)

En l'espèce, Mme Y...soutient que la gérante Mme Z...lui aurait indiqué oralement que du fait des difficultés économiques de la société, elle ne pouvait plus lui donner de travail, évoquant un dépôt de bilan imminent, mais par la suite Mme Y...a appris que la société avait déménagé, se portait bien et se développait à l'international.
La société ne justifiant pas de la raison pour laquelle elle a cessé de donner du travail à Mme Y...après janvier 2010, et le fait que cette dernière n'ait entamé son action qu'en juin 2014 n'est pas un argument pertinent. En effet, au cours de l'année 2010, Mme Y...a maintenu le contact avec la société, en faisant des courriels en février et juin, la société indiquant par courriel du 17 juin 2010 qu'elle subissait une période d'inactivité inquiétante depuis quelques mois, et qu'elle invisageait de vendre ses locaux surdimensionnés. Or, par la suite Mme Y...apprendra, en consultant les bilans de la société, que la société, bien qu'ayant enregistré une baisse de son chiffre d'affaires (de 437 000 en mars 2010 à 236 400 euros en mars 2011) n'avait pas fait faillite, et que ses résultats s'étaient même redressés au 31 mars 2012 (356 800 euros de chiffre d'affaires et 63 700 euros de résultat net) pour cependant chuter à nouveau en mars 2013. En tout état de cause, la société n'a jamais justifié de manière légale la rupture des relations contractuelles avec Mme Y..., cette rupture non motivée du contrat de travail produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse fin janvier 2010.

En application de l'article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, l'indemnité au titre du non respect de la procédure de licenciement est due, indépendamment de l'effectif de la société, car cette dernière n'a pas du tout appliqué le formalisme de la procédure de licenciement, et notamment l'assistance du salarié par un conseiller du salarié. La somme de 727, 42 euros sera donc allouée à Mme Y..., la cour infirmant ainsi le jugement.

En outre, la société sera condamnée à lui payer les sommes suivantes, sur la base d'un salaire de référence de 727, 42 euros pour une ancienneté de 10 ans 2 mois préavis inclus :
- Au titre de l'indemnité de préavis de 2 mois, la somme de 1454, 84 euros brut (727, 42 x 2), outre celle de 145, 48 euros au titre des congés payés afférents,- au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit 0, 25 de mois par année de présence, la somme de 1848, 91 euros, calculée comme suit : 727, 42 x 0, 25 x 10 = 1818, 60 et 727, 42 x 0, 25 x 2/ 12 = 30, 31 ; ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2014.- au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 10 000 euros, au vu de son salaire, de son ancienneté d'environ 10 ans, des circonstances de la rupture à un âge (48 ans) où il est plus difficile de retrouver un emploi, et de sa période d'inscription comme demandeur d'emploi depuis février 2010 à mai 2017 avec perception d'allocations chômage de 2011 à 2014 (aucune indemnisation depuis, étant arrivée en fin de droit). La cour note d'ailleurs qu'elle a obtenu l'aide juridictionnelle totale, mais a souhaité finalement se défendre seule.

Sur les demandes accessoires :
La société devra remettre à Mme Y...un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :
Rejette la demande de sursis à statuer ;
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 28 avril 2015, sauf en ce que le conseil a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et a rejeté les demandes au titre du travail dissimulé, des rappels de salaire, de la mensualisation, et statuant à nouveau :
Rejette l'exception de prescription ;
Dit que la rupture contractuelle a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe le salaire moyen de référence, pour un travail à temps partiel, à la somme de 727, 42 euros brut/ mois,
Condamne la société Episens à payer à Mme X...divorcée Y..., les sommes suivantes :-1 500 euros à titre d'indemnité de requalification,-1 382 euros à titre d'indemnité de sujétion et 4125 euros de frais professionnels au titre des années 2007 à 2009,-727, 42 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-1454, 84 euros brut à titre d'indemnité de préavis et 145, 48 euros brut au titre des congés payés afférents,-1848, 91 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2014,

-10 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,-300 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect de la visite d'embauche et de l'obligation de sécurité, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société Episens de remettre à Mme X...divorcée Y...une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;
Condamne la société Episens au dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame HAMIDI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/02861
Date de la décision : 21/11/2017
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-11-21;15.02861 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award