COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 08 NOVEMBRE 2017
R.G. N° 15/05592
AFFAIRE :
[V] [I]
C/
Me [K] [Z] - Mandataire liquidateur de la SARL SYLBER FROID
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : Encadrement
N° RG : 15/00157
Copies exécutoires délivrées à :
SCP ROUCH ET ASSOCIÉS
SCP HADENGUE & ASSOCIÉS
Me Claude-Marc BENOIT
Copies certifiées conformes délivrées à :
[V] [I]
Me [K] [H] ME [K][Z] - Mandataire liquidateur de la SARL SYLBER FROID
AGS CGEA IDF OUEST
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [V] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Assisté de Me Henri ROUCH de la SCP ROUCH ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 335
APPELANT
****************
Me [Z] [K] (SELARL [H]) - Mandataire liquidateur de la SARL SYLBER FROID
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué par Me Carine COOPER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 640
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953 substitué par Me Christel ROSSE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 67
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire GIRARD, président chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire GIRARD, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [V] [I] a été embauché par la société Sylber Froid selon contrat à durée indéterminée à temps plein à raison de 39 heures hebdomadaires du 4 janvier 1999 à effet au 1er janvier 1999 en qualité de directeur commercial moyennant une rémunération mensuelle brute qui était en dernier lieu de 8 520,96 euros. M. [V] [I] détenait des parts de la société à hauteur de la moitié du capital social.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des professionnels du froid. La société Sylber Froid employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.
Par procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 1999, M. [V] [I] a été désigné gérant de la société puis, par procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 14 septembre 2006, M. [V] [I] a démissionné de ses fonctions de gérant et a été remplacé par M. [N] [G] auquel il avait succédé précédemment.
Par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sylber Froid et nommé la SELARL [H] prise en la personne de Me [K] [Z] en qualité de mandataire liquidateur.
M. [V] [I] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2014 pour motif économique, sous réserve de sa qualité de salarié.
Souhaitant que la qualité de salarié lui soit reconnue et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [V] [I] a saisi le 17 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Poissy (section encadrement) qui a, par jugement du 17 novembre 2015 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties :
- débouté M. [V] [I] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Me [K] [Z], mandataire liquidateur de la société Sylber Froid, de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [I] aux dépens.
M. [V] [I] a régulièrement relevé appel de la décision le 26 novembre 2015.
Aux termes de ses conclusions du 10 juin 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [V] [I] demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- constater l'existence d'un lien de subordination,
- fixer au passif de la société Sylber Froid les sommes suivantes :
* 20 961,48 euros à titre de rappel de salaire des mois de juillet à septembre 2014,
* 2 096,15 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,
* 20 652,88 euros (portée à 25'562,88 euros lors de l'audience) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 2 056,28 euros (portée à 2 556,29 euros lors de l'audience) au titre des congés payés sur préavis,
* 11 713,40 euros à titre de paiement des congés payés,
* 29 255,29 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que l'AGS CGEA Ile -de-France Ouest sera tenue de garantir la créance salariale,
- statuer sur ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de ses conclusions du 9 décembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la SELARL [H] prise en la personne de Me [K] [Z], mandataire liquidateur de la société Sylber Froid, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement,
- dire que M. [V] [I] ne justifie pas de l'exercice d'une prestation de travail sous lien de subordination,
- débouter M. [V] [I] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- limiter à la somme de 14 941,67 euros le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et à la somme de 11 757 euros le rappel de salaire à fixer au passif,
En tout état de cause,
- débouter M. [V] [I] de toute demande de condamnation,
- fixer l'éventuelle créance allouée au passif de la société,
- dire que les sommes fixées sont brutes de charges et cotisations sociales.
Aux termes de ses conclusions du 12 décembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, l'UNEDIC AGS CGEA, partie intervenante, demande à la cour de :
A titre principal,
- débouter M. [V] [I] de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- dire l'AGS non tenue de garantir les indemnités de rupture,
- fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
- dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L. 3253-19 du code du travail,
- exclure de l'opposabilité la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter la demande d'intérêts au taux légal,
- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 3 octobre 2017,
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la qualité de salarié
M. [V] [I] reproche aux premiers juges d'avoir inversé la charge de la preuve en estimant qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un lien de subordination et en affirmant qu'il serait gérant de fait, lui-même désignant M. [N] [G] comme étant le gérant.
Le mandataire liquidateur de la société Sylber Froid sollicite la confirmation de la décision déférée, contestant l'existence de tout lien de subordination.
Il appartient à celui qui revendique l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve et d'établir l'existence d'une activité rémunérée et d'un lien de subordination qui se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
M. [V] [I] dont la demande de prise en charge par les AGS a été refusée par le juge commissaire conteste tout pouvoir de représentation de la société Sylber Froid et affirme qu'il n'avait ni procuration, ni signature sur les comptes bancaires. Pour justifier de ses prétentions, il verse aux débats plusieurs attestations d'anciens employés de la société Sylber Froid (Mmes et M M. [Q], [B], [D], [X], [K], [T] et [E]) affirmant unanimement ne pas avoir reçu d'ordres de M. [V] [I] mais uniquement de M. [N] [G], étant précisé que certaines attestations sont en totale contradiction avec les faits pourtant établis en ce qui concerne les salariés embauchés alors que M. [V] [I] était effectivement le gérant de la société et comme tel, donneur d'ordres, de telle sorte que la cour ne reconnaît pas de valeur probante à toutes ces attestations rédigées dans les mêmes termes. Le mandataire liquidateur verse par ailleurs aux débats une lettre de licenciement pour inaptitude signée le 20 juillet 2011 par M. [V] [I] qui mentionne sa qualité de directeur, justifiant ainsi de l'usage de son pouvoir de direction, alors que lui-même ne rapporte la preuve d'aucun lien de subordination comme il lui en incombe au soutien de son allégation selon laquelle il était salarié.
Sont également produits par le mandataire liquidateur :
- le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Sylber Froid du 28 juin 1999, présidée par M. [N] [G] et acceptant la démission de celui-ci de ses fonctions de gérant de la société, élisant M. [V] [I] aux fonctions de gérant,
- le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société Sylber Froid du 14 septembre 2006, présidée par M. [V] [I] en sa qualité de gérant associé, nommant en qualité de gérant en remplacement de M. [V] [I], gérant nommé lors de la constitution de la société et démissionnaire, M. [N] [G].
- le livre d'entrées et sorties du personnel de la société Sylber Froid qui mentionne, s'agissant de M. [V] [I], une entrée en tant que gérant le 1er janvier 1999 et une sortie le 30 juin 1999, puis, à compter du 1er juillet 2003, une nouvelle entrée en qualité de gérant sans que soit mentionnée de date de sortie. La cour observe que la mention de la qualité de directeur commercial portée sur le contrat de travail litigieux est en contradiction avec les mentions de gérant portées en 1999 et 2003 sur le livre d'entrées et sorties du personnel, étant précisé que la présomption de salariat en présence d'un contrat de travail apparent, n'est qu'une présomption simple. Il sera par ailleurs relevé qu'aucun avenant au contrat de travail justifiant de ces diverses modifications de l'emploi de M. [V] [I] n'a été produit par celui-ci.
La cour relève par ailleurs que les bulletins de paie de M. [V] [I] mentionnent, à titre de date d'ancienneté, le 1er juillet 2003 et, à titre de fonction, celle de directeur commercial, en contradiction avec le registre unique du personnel mentionnant une embauche au 1er juillet 2003 en qualité de gérant. Il est en outre observé qu'aux termes de ses conclusions, M. [V] [I] indique avoir été gérant jusqu'en septembre 2006 tandis que, dans son courrier adressé au mandataire judiciaire le 20 octobre 2014, il affirmait avoir été le gérant de la société Sylber Froid de 2003 jusqu'au 28 février 2007 (cette date est par ailleurs confirmée par Mme [E] dans son attestation) et depuis, salarié actionnaire à hauteur de 50%, étant précisé qu'il l'était à hauteur de 55% lors de l'assemblée générale extraordinaire du 28 juin 1999 ainsi qu'il résulte des mentions portées sur le procès-verbal versé aux débats. M. [N] [G] (que M. [V] [I] qualifie de gérant de la société) était lui-même actionnaire à hauteur de 45% alors qu'il occupe, aux termes du registre unique du personnel, le poste de technicien depuis le 1er janvier 1999.
La cour considère qu'en tout état de cause, M. [V] [I], qui était actionnaire majoritaire de la société Sylber Froid et gérant entre 1999 et 2006, ne pouvait être embauché à compter du 1er juillet 2003, ainsi qu'il est mentionné sur le registre du personnel et sur ses bulletins de salaire, étant précisé qu'il était dans le même temps gérant majoritaire de la SARL [V] Froid Distribution constituée par acte sous seing privé du 3 décembre 1998, ayant le même objet social et le même siège social que la société Sylber Froid et dont M. [V] [I], qui détenait à l'origine 100% des parts, a cédé à M. [N] [G] le 27 juin 2003 45% de ses parts. M. [V] [I] était également le gérant d'autres sociétés concurrentes, telles qu'en témoignent les fiches société.com produites par le mandataire liquidateur : les sociétés Sierco, Frigorif Air et Sylber Froid SL, société étrangère. La fiche BODACC de la société Froid Machines Industrielles créée le 1er mars 2013 permet par ailleurs d'apprendre que l'épouse de M. [V] [I], Mme [I] [I], en est la gérante.
Au surplus, les bulletins de paie de M. [V] [I] font état d'une rémunération brute de 8 099,60 euros en février 2014 tandis que, compte tenu des difficultés économiques, celui-ci explique avoir accepté ensuite une baisse de sa rémunération brute qui n'était alors plus que de 3 742,35 euros en mars et avril 2014, 3 884,88 euros en mai et juin 2014, 3 919,56 euros en juillet 2014 augmentée subitement à 8 597,04 euros en août 2014, juste avant la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Versailles à la suite de la déclaration de cessation des paiements effectuée par la société Sylber Froid le 12 septembre 2014 au greffe. La cour observe qu'aucun avenant concernant la baisse de la rémunération de M. [V] [I] n'a, non plus, été versé aux débats et que l'événement est lui-même peu compatible avec le statut de salarié tel que revendiqué.
Enfin, la cour relève qu'aucune cotisation n'a été versée auprès des ASSEDIC avant la période suspecte, les bulletins de salaire n'en faisant état qu'à compter du mois de mai 2014 et ce, jusqu'au dépôt de bilan en septembre 2014.
Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que M. [V] [I] ne rapporte la preuve d'aucun lien de subordination ni ne justifie de sa qualité de salarié, de telle sorte qu'il sera débouté de l'ensemble de ses demandes. La décision déférée sera confirmée sur ces points.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge M. [V] [I].
Seule la demande formée en cause d'appel par la SELARL [H] prise en la personne de Me [K] [Z], mandataire liquidateur de la société Sylber Froid au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu le 17 novembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Poissy (section encadrement) en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [I] à payer à la SELARL [H] prise en la personne de Me [K] [Z], mandataire liquidateur de la société Sylber Froid, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande sur ce même fondement,
Condamne M. [V] [I] aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,