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26/10/2017 | FRANCE | N°16/07976

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 26 octobre 2017, 16/07976


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78A



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 OCTOBRE 2017



R.G. N° 16/07976



AFFAIRE :



SCI OCEANE





C/



Caisse de Crédit Mutuel LA CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 12 Mai 2016 par la Cour de Cassation de PARIS sur l'appel de l'arrêt rendu le 5 Février 2015 par la 1

6ème chambre suite au jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE en date du 25 Septembre 2014

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 15-15.969



Expéditions exécutoires

Expédi...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78A

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 OCTOBRE 2017

R.G. N° 16/07976

AFFAIRE :

SCI OCEANE

C/

Caisse de Crédit Mutuel LA CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 12 Mai 2016 par la Cour de Cassation de PARIS sur l'appel de l'arrêt rendu le 5 Février 2015 par la 16ème chambre suite au jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE en date du 25 Septembre 2014

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 15-15.969

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dimitri DEBORD, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Robert DUPAQUIER de la SELARL CAP TOUT DROIT, avocat au barreau de VAL D'OISE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 12 Mai 2016 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 16ème chambre de la cour d'appel de VERSAILLES le 5 Février 2015 suite au jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PONTOISE le 25 Septembre 2014

SCI OCEANE, société civile immobilière immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 423 765 296, prise en la personne de son représentant local domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assistée de Me Dimitri DEBORD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 331 et de Me Hervé BROSSEAU, Plaidant, avocat au barreau de NANCY

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Caisse de Crédit Mutuel LA CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

N° SIRET : 478 83 4 9 300

[Adresse 2]

[Adresse 2]

assistée de Me Robert DUPAQUIER de la SELARL CAP TOUT DROIT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 15 - N° du dossier B3.00099

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Septembre 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRASSO, Président et Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,

Madame Céline MARILLY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,

FAITS ET PROCEDURE,

Suivant acte notarié du 20 août 1999, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie - la CRCAM - a consenti à la société civile immobilière (SCI) Océane un prêt hypothécaire n° 06604137801 d'un montant de 91.469,41 euros (600.000 francs) destiné à l'acquisition d'une maison d'habitation située [Adresse 3], Ce bien été vendu le 14 mars 2001 par la SCI Océane.

Par acte notarié du 9 avril 2001, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie a consenti à la SCI Océane un second prêt hypothécaire n° 06604137802 de 111.287,78 euros destiné à l'acquisition d'une maison d'habitation située [Adresse 4].

Par acte du même jour, il a été procédé au transfert du privilège de prêteur de deniers inscrit au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie du bien situé à [Localité 1] sur le bien situé à [Localité 2].

A la suite d'impayés à partir de l'année 2007, agissant en vertu de la copie exécutoire du second prêt constaté par l'acte notarié du 9 avril 2001, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie a fait délivrer le 10 février 2014 à la SCI Océane un commandement de payer valant saisie immobilière d'une propriété bâtie située [Adresse 4], à l'angle de la [Adresse 4] et de la [Adresse 5], cadastrée section [Cadastre 1] et [Cadastre 2], lui appartenant, afin d'obtenir paiement de la somme de 155.257,31 euros arrêtée au 20 septembre 2013.

Ledit commandement a été publié le 9 avril 2014 à la conservation des hypothèques de [Localité 3] volume 2014 S 28.

Par acte du 16 mai 2014, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie a assigné la SCI Océane à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise du 31 juillet 2014.

Le même jour, elle a déposé au greffe du juge de l'exécution :

-le cahier des conditions de la vente,

-une copie de l'assignation délivrée au débiteur,

-un état hypothécaire certifié à la date de la publication du commandement de payer valant saisie.

Par jugement d'orientation rendu le 25 septembre 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise a :

-dit que les intérêts concernant le prêt n° 06604137801 seront calculés au taux légal et non pas au taux conventionnel à compter de la date de déchéance du terme sur les échéances impayées et sur le capital restant dû,

-rejeté l'incident pour le surplus,

-dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie concernant le prêt n° 06604137802 s'élève à la somme de 98.800,54 euros arrêtée à la date de déchéance du terme avec intérêts au taux conventionnel jusqu'au parfait paiement,

-ordonné la vente aux enchères publiques des biens et droits immobiliers situés à [Adresse 4] à l'angle de la [Adresse 4] et de la [Adresse 5], cadastrés section [Cadastre 1] et [Cadastre 2], appartenant à la SCI Océane sur la mise à prix de 200.000 euros à l'audience du jeudi 11 décembre 2014 à 14h,

-désigné en qualité de séquestre le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val d'Oise,

-désigné la SCP Tristant le Peillet Darcq, huissier de justice à [Localité 4], aux fins de faire procéder à la visite des lieux à tout acquéreur potentiel,

-dit que ledit huissier de justice fera procéder dans les lieux par tout expert de son choix à l'établissement ou à l'actualisation si nécessaire, des diagnostics d'amiante, termites, plomb (si construction antérieure à 1948), performance énergétique, gaz, électricité, risques naturels et technologiques majeurs,

-dit que l'huissier de justice commis pourra se faire assister pour ces deux interventions, si besoin est, du commissaire de police ou de la gendarmerie ou de deux témoins majeurs conformément à l'article L. 142-1 du code des procédures civiles d'exécution et d'un serrurier requis,

-alloué à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit que le présent jugement sera mentionné en marge de la publication du commandement en date du 10 février 2014 publié le 9 avril 2014 volume 2014 s n° 28 à la conservation des hypothèques de [Localité 3],

-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente ;

Le 9 octobre 2014 et le 4 novembre 2014, la SCI Océane a formé appel de la décision ;

Par arrêt contradictoire du 5 février 2015, la cour d'appel de Versailles a :

-déclaré recevables la requête à jour fixe, l'assignation à jour fixe et la déclaration d'appel de la SCI Océane,

-confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a :

*déclaré valable le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 février 2014 et dit n'y avoir lieu à ordonner sa mainlevée,

*ordonné la vente aux enchères des biens et droits immobiliers saisis situés à [Adresse 4], à l'angle de la [Adresse 4] et de la [Adresse 5], cadastrés section [Cadastre 1] et [Cadastre 2], sur la mise à prix de 200.000 euros,

*fixé les mesures préalables à la vente,

*statué sur les dépens et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmé le jugement sur le montant des créances,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris :

-dit que la contestation du taux effectif global est prescrite,

-dit que les intérêts échus avant le 14 juin 2008 sont prescrits,

-dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137802 s'établit à la somme de 152.189,15 euros arrêtée au 20 septembre 2013,

-dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137801 s'établit à 102.328,94 euros, arrêtée au 20 septembre 2013,

-rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

-condamné la SCI Océane aux dépens d'appel ;

La SCI Océane a formé pourvoi en cassation contre la décision.

Par arrêt de cassation partielle rendu le 12 mai 2016, la Cour de cassation a :

-cassé et annulé, l'arrêt rendu le 5 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement sur le montant des créances et statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris, « dit que la contestation du taux effectif global était prescrite, dit que les intérêts échus avant le 14 juin 2008 étaient prescrits, dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137802 s'établissait à la somme de 152.189,15 euros arrêtée au 20 septembre 2013 et dit que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du prêt n° 06604137801 s'établissait à 102.328,94 euros, arrêtée au 20 septembre 2013 » ;

-remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

-condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie aux dépens,

-vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie,

-condamné la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCI Océane la somme de 3.000 euros,

-dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

La cour d'appel de Versailles a été saisie le 8 novembre 2016 par la SCI Océane.

Dans ses conclusions transmises le 1er mars 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SCI Océane, appelante, demande à la cour de :

-la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

L'y recevant,

-confirmer le jugement du 25 septembre 2014 en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts au titre du contrat de crédit immobilier en date du 20 août 1999,

-le réformer en ce qu'il a écarté la demande de déchéance des intérêts au titre du contrat de crédit du 9 avril 2001,

-dire et juger qu'elle est non-professionnelle et qu'elle n'a pu se rendre compte par elle-même de l'erreur affectant le TEG des contrats de crédits immobiliers des 20 août 1999 et 20 avril 2001 qu'à compter du moment où elle a préparé ses moyens de défense à la suite du commandement de payer valant saisie immobilière du 10 février 2014,

En conséquence :

-la recevoir en ses contestations au titre du TEG des contrats de crédit du 20 août 1999 et du 9 avril 2001,

Et statuant a nouveau :

Sur les échéances, les intérêts et les pénalités :

-dire et juger que les échéances comprises entre la date du premier impayé, soit octobre 2007, et cinq ans antérieurement premier acte d'exécution du 14 juin 2013, soit du 5 octobre au 14 juin 2008 sont prescrites,

-dire et juger que les intérêts desdits prêts échus au-delà de cinq ans entre le 6 septembre 2007 et le premier interruptif de prescription sont prescrits,

-supprimer les intérêts de retard sur les échéances prescrites,

-réduire la clause pénale à plus juste proportion,

Sur le TEG des contrats de crédit immobiliers :

-dire et juger que le TEG mentionné aux contrats de crédit des 20 août 1999 et du 9 avril 2001 est erroné,

-annuler les clauses d'intérêts conventionnels et subsidiairement prononcer la déchéances des intérêts conventionnels en y substituant l'intérêt au taux légal,

En conséquence :

-déclarer inopposable le décompte produit par la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie en raison de l'irrégularité du taux effectif global des contrats de crédits,

-enjoindre à la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie au besoin sous astreinte d'émettre un nouveau tableau d'amortissement appliquant l'intérêt au taux légal, en imputant les paiements intervenus sur le principal de la dette et non sur les intérêts ; ainsi qu'un nouveau décompte conforme,

-dire et juger qu'en raison de l'irrégularité du TEG, la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie ne justifie d'aucune créance liquide et exigible,

-annuler le commandement de payer valant saisie immobilière en date du 10 février 2014 et ordonner sa mainlevée aux frais de la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie,

-à titre infiniment subsidiaire : l'autoriser à poursuive la vente amiable du bien saisi au prix minimum de 270.000 euros,

-condamner la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie à lui payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Au soutien de ses demandes, la SCI Océane fait valoir :

-que par quatre arrêts en date du 11 février 2016 (n°14-28383), la Cour de cassation a rappelé le régime de la prescription applicable à une dette payable par termes successifs, jugeant que « la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance » ; que l'action en paiement des intérêts des sommes prêtées se prescrit par 5 ans (art. 2224 du code civil ; CA Colmar, 21 septembre 1992) ;

-que le cumul d'une clause pénale de 6.048 euros d'un montant de 5 %, d'intérêts de retard représentant le taux nominal des intérêts majoré de trois points, soit 28.228,71 euros, ainsi que des intérêts sur le capital restant dû, apparaît totalement excessif ; que l'établissement bancaire croit pouvoir cumuler des intérêts de retard représentant les intérêts nominaux majorés de trois points, ainsi qu'une clause pénale conséquente ;

-que lorsque la lecture du contrat de crédit ne permet pas à l'emprunteur non professionnel de découvrir le caractère erroné du TEG, la révélation de l'erreur à l'emprunteur marque le point de départ du délai de prescription (Civ. 1re, 7 mars 2006, n° 04-10876 ; Civ. 1re, 3 juillet 2008, n° 07-17.269 ; Civ. 1re, 11 juin 2009, n° 08-11.755) ; que la solution, constante en jurisprudence, a été clairement rappelée le 11 juin 2009 par la première chambre civile de la Cour de cassation (n°08-11755) ; que le point de départ de la prescription de l'annulation du taux effectif global du contrat de crédit immobilier doit être fixé à la date des actes d'exécution forcée initiés par la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie les 14 juin 2013 et 10 février 2014, ayant conduit M. [Y], son gérant, à consulter un professionnel du droit ; que ce n'est qu'en procédant à un calcul complexe - et afin d'assurer sa défense devant les juridictions - que l'erreur affectant le taux effectif global des prêts querellés lui a été révélée ;

-que, s'agissant du crédit n° 06604137801, aucun document lié au crédit tel que le tableau d'amortissement ne mentionne le taux de période ni la durée de la période de ce crédit ; que cette omission viole l'article R. 313-1 du code de la consommation ; que la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie n'a pas intégré les frais de garantie au TEG du crédit immobilier, alors que ces frais étaient parfaitement déterminables et connus ;

-qu'étant une SCI familiale non professionnelle, le prêteur de deniers avait l'obligation de calculer le TEG du contrat de crédit sur une année civile de 365 ou 366 jours conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ; que la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie a pourtant déterminé ce TEG sur une base de 360 jours, ressortant "facialement" inférieur au taux d'intérêt annuel réellement supporté par l'emprunteur sur 365 ou 366 jours ;

-que la période de différé d'amortissement n'a pas été intégrée au TEG ;

-que le TEG n'est pas proportionnel au taux de période puisque 12 x 0,53 % = 6,36 et non pas 6,28% comme indiqué à tort par la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie ;

-que n'ont pas été pris en compte, pour le calcul du taux effectif global du prêt du 9 avril 2001, le coût de la souscription des parts sociales et le coût de l'inscription de privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle ; qu'il en va de même des coûts associés à la souscription de parts sociales émises par le prêteur, pour un total de 1.000 francs (152,44 euros), dont le coût n'a pas intégré les charges du TEG notifié par le prêteur.

Dans ses conclusions transmises le 3 mai 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie, intimée, demande à la cour de :

-débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-dire et juger l'appelante prescrite et mal fondée en ses demandes de nullités fondées sur l'application du TEG,

-confirmer le jugement, par substitution de motifs, sauf en ce qu'il a réduit le taux applicable au prêt n° 06604137801,

-fixer sa créance :

*au titre du prêt n° 06604137801 de 91.469 euros (600.000 francs) à 124.338,49 euros (décompte arrêté au 20 septembre 2017, sous réserves des intérêts et indemnités jusqu'au parfait paiement),

*au titre du prêt n°06604137802 de 111.287,80 euros (730.000 francs) à 190.438,03 euros (décompte arrêté au 20 septembre 2017, sous réserves des intérêts et indemnités jusqu'au parfait paiement),

-renvoyer devant le juge de l'exécution afin de fixer la date de la vente du bien objet de la saisie,

-condamner la SCI Océane à verser la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux dépens de l'instance ;

Au soutien de ses demandes, la Caisse régionale crédit agricole mutuel de Normandie fait valoir :

-que la SCI Océane ne constitue nullement une SCI familiale qui aurait pu la faire assimiler à un consommateur, et que cette preuve lui incombe (Civ. 2e ,24 juin 2010, n°09-67887) ; que son objet social n'est nullement de constituer un patrimoine familial ;

-que, selon l'exposé de la SCI Océane, elle a revendu après un peu plus d'un an, une première propriété située dans l'Hérault, manifestement à des fins purement spéculatives, l'emprunt portant sur acquisition et travaux ;

-que, s'agissant de sa seconde acquisition, il n'est pas établi qu'elle avait pour objet de constituer la résidence familiale de M. [Y] ; qu'il n'est pas justifié des conditions d'occupation du bien sur la période de 2007 à 2013, sauf la présence de Mme [R], lors de l'établissement du PV descriptif, laquelle a déclaré être titulaire d'un bail ; que si l'appelante reconnaît que Mme [R], qui n'a pas de lien de parenté direct avec les associés, a versé des loyers, c'est qu'il s'agissait bien d'une opération lucrative et non-familiale ;

-que les dispositions exclusives de l'article L. 312-3 du code de la consommation ont vocation à s'appliquer ; que la Cour suprême considère qu'une SCI ne peut être considérée comme un consommateur (Civ. 2e, 3 septembre 2015, n°14-18287 ; Civ. 1re,14 octobre 2015, n°14-24185) ; que l'article liminaire du code de la consommation dispose que pour l'application du présent code, on entend par consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ; que la SCI Océane est une personne morale agissant purement et simplement dans le cadre de son objet social : « l'acquisition, la mise en valeur, l'administration, l'exploitation, la location de tous terrains, immeuble en France et à l'étranger et de droits immobiliers. La propriété, l'administration et l'exploitation par bail », et en qualité de professionnel avisé ;

-que les prêts ont été conclus depuis plus de quinze ans ; que la prescription pouvait être considérée comme acquise, sous l'empire de l'ancienne prescription, en 2009 et 2011 ;

-que s'agissant d'un concours financier contracté pour les besoins de l'activité professionnelle de l'emprunteur, la prescription de l'exception de nullité de la stipulation du taux effectif global a couru à compter de la conclusion de l'acte de prêt (Civ. 1re,11 décembre 2013, n°12-15512, 13- 13393) ; que peu importe que l'un des associés ait souscrit une assurance invalidité décès, cette assurance n'étant nullement de nature à modifier le caractère professionnel du prêt, l'assurance invalidité ne pouvant bénéficier à une personne morale et ne constituant qu'une garantie du prêt ; que c'est à compter du prononcé de la déchéance du terme, soit le 29 août 2007, date à laquelle son attention a été attirée sur le montant des sommes dues, que la révélation de la prétendue erreur de l'emprunteur a commencé à courir ; que sa contestation était donc prescrite, sur le fondement de la nouvelle prescription, le 29 août 2012 ;

-que concernant le prêt n°06604137802, le taux de période, est conforme aux prescriptions légales ; que le montant des frais d'acte notarié n'avait pas à être inclus dans le calcul du TEG ;

-que concernant le prêt n'06604137801, le montant emprunté n'était affecté qu'au paiement partiel du prix.

*****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 juin 2017.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 20 septembre 2017 et le délibéré au 26 octobre suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé que par arrêt du 12 mai 2016, la Cour de cassation a prononcé la cassation partielle de l'arrêt du 5 février 2015 mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement sur le montant des créances et -statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris- dit que la contestation du taux effectif global était prescrite, dit que les intérêts échus avant le 14 juin 2008 étaient prescrits, dit que la créance de la Caisse régionale de crédit mutuel de Normandie au titre du prêt 06604137802 s'établissait à la somme 152.189,15 euros arrêtée au 20 septembre 2013 et dit que la créance de la Caisse régionale au titre du prêt 06604137801 s'établissait à 102.328,94 euros arrêtée au 20 septembre 2013 et remit en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt.

La Cour de cassation retient pour ce faire que la cour d'appel « n'a pas tranché d'abord de façon effective sur le caractère non professionnel allégué de la SCI et préciser ensuite en quoi les irrégularités invoquées entachant la mention du taux effectif global dans chacun des prêts pouvaient être tenues pour des erreurs aisément décelables par un non professionnel à la seule lecture de la convention ».

- Sur la qualité de consommateur ou de professionnel de la Société Civile Immobilière Océane et la contestation du taux effectif global,

Si, désormais, le code de la consommation, en son article liminaire dans sa version du 21 février 2017, précise :

« Pour l'application du présent code, on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».

Dés avant que le législateur ait fixé le cadre du bénéfice des dispositions du code de la consommation, l'emprunteur professionnel, parce qu'il est regardé comme ayant un accès facilité aux conseils, comme rompu au monde des affaires et pouvant à ce titre être renseigné sur les mécanismes de prêt, comme pouvant discuter utilement avec le préteur, était exclu des règles protectrices édictées par le code de la consommation.

Au cas présent, le Kbis et les statuts de la SCI Océane sont remis aux débats.

La société constituée le 3 juin 1999 entre Mme [V] et son fils M.[Y], et dont le gérant est celui-ci, a pour objet «l'acquisition, la mise en valeur, l'administration, l'exploitation, la location de tout terrain, immeuble en France et à l'étranger ». 

M.[Y] a apporté la somme de 100 francs au capital de la société civile, somme dont il est précisé qu'il s'agit d'un bien propre de sorte que « les parts qui lui seront attribuées en rémunération de son apport lui demeureront acquises à titre de bien propre ».

Mme [I] [P] épouse commune en biens de M.[Y] n'est pas associée au sein de la société civile immobilière.

Le 20 août 1999, la SCI Océane s'est portée acquéreur d'un bien immobilier sis à Colombiers (Hérault) pour le prix de 73.175,53 € ; la SCI Océane a souhaité faire réaliser des travaux d'amélioration à hauteur de 18.293,88 € de sorte qu'elle empruntait une somme totale de 91.469,41 € à la CRCAM.

Ce bien a été vendu le 14 mars 2001.

En suite de la vente du bien de Colombiers, par acte du 9 avril 2001, la SCI Océane a acquis un bien immobilier à Cormeilles-en-Parisis pour un prix de 115.861,25 €.

Il n'est pas contesté aux débats que la maison de [Localité 2] fait l'objet d'un bail d'habitation au bénéfice de Mme [O]-[R] et ses enfants.

Il ressort de ces constatations et énonciations que la société civile immobilière n'est pas un consommateur susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation en ce qu'elle est constituée certes, entre une mère et son fils, mais en dehors de l'épouse de celui-ci, sans qu'il soit établi l'existence d'une communauté d'intérêts entre Mme [O]-[R] et M.[Y] ou Mme [V], mais aussi parce que le bien acquis en 2001 fait l'objet d'un bail d'habitation de sorte que son acquisition correspond à l'objet social de la SCI lequel est notamment la mise en location d'immeubles en France.

De surcroît, la cour observe que les associés sont domiciliés à [Localité 5] et [Localité 6] de sorte qu'en l'absence de tout document contraire, il ne peut être prétendu que la maison acquise à [Localité 2] sert au logement de la famille des associés.

A titre surabondant, il n'est remis à la cour aucun document justifiant de ce que le locataire actuel du bien, Mme [O]-[R] présenterait un lien de parenté ou d'affection avec M.[Y] ou Mme [V].

Il en résulte que la société civile immobilière Océane, emprunteur professionnel, n'est pas éligible aux dispositions protectrices du code de la consommation.

En conséquence, le point de départ de la prescription de l'action en contestation du taux effectif global est le jour où l'emprunteur a connu le vice c'est à dire s'agissant d'un emprunteur recourant au prêt pour les besoins de son activité professionnelle le jour où la convention de prêt est signée.

Au cas présent, le point de départ est fixé au 20 août 1999 (prêt n°06604137801) et au 9 avril 2001 (prêt n°06604137802) ; l'action en contestation du taux -sous l'empire des dispositions relatives à la prescription telles qu'alors applicables- est prescrite aux 20 août 2009 et 9 avril 2011.

Sur la prescription des échéances échues

Il est désormais constant qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité.

Pour autant, il n'est pas critiqué que cette solution jurisprudentielle concerne les seuls consommateurs et non les professionnels.

En conséquence, et parce que la SCI Océane n'est pas un consommateur, la prescription de l'action en paiement court à partir du prononcé de la déchéance du terme.

Celle-ci a été prononcée le 29 août 2007 de sorte que les intérêts de retard ont commencé à courir à partir de cette date et peuvent être réclamés pendant 5 ans.

Il en découle que parce que le commandement de saisie vente a été délivré le 14 juin 2013, les intérêts courus avant le 14 juin 2008 ne peuvent être réclamés.

La cour observe que le préteur ne discute pas de ce que les intérêts courus sur plus de 5 ans avant le 14 juin 2013 ne sont pas dus comme étant prescrits.

Sur la créance du préteur

Ce dernier remet aux débats un décompte actualisé à la date du 20 septembre 2017.

Il découle de l'examen des décomptes que la créance de la banque s'établit à la somme de 124.338,49 € pour le prêt n°06604137801 et 190.438,03 € pour le prêt n°06604137802 ce, outre intérêts postérieurs au 20 septembre 2017.

Sur la réduction des sommes réclamées au titre de la clause pénale

Aux termes des dispositions de l'article R311-5 du code des procédures civiles d'exécution « à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation »,

Il résulte des dispositions de l'article R311-5 précité que l'audience d'orientation vaut purge de toute contestation et demande mais aussi de toute irrégularité entachant les actes de procédure antérieurs.

Il s'ensuit que seules sont recevables en cause d'appel les demandes relatives aux actes de procédure postérieurs à l'audience d'orientation.

Il convient, en conséquence, de prononcer l'irrecevabilité des demandes relatives à la réduction des sommes réclamées au titre des clauses pénales et non soutenues devant le juge de l'orientation.

Sur le renvoi en continuation

Il est souligné que la Cour de cassation n'a pas cassé l'arrêt déféré s'agissant du rejet de la demande de vente amiable de sorte que la cour saisie du renvoi ne reviendra pas sur le rejet de cette demande.

Il y a lieu de faire droit à la demande de continuation de la procédure à fin de vente forcée de l'immeuble et de renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise.

Sur les demandes annexes

La SCI Océane succombe en ses prétentions de sorte qu'il est équitable de la condamner à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par voie de conséquence, il n'est pas fait droit à la demande formée par la SCI Océane au titre des frais irrépétibles.

La SCI Océane est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort

DEBOUTE la SCI Océane de l'ensemble de ses demandes,

PRONONCE la prescription de l'action de la SCI Océane au titre de la contestation relative aux taux effectif global,

PRONONCE la prescription de toute demande relative au paiement des intérêts échus depuis plus de 5 ans,

PRONONCE l'irrecevabilité de la demande de la SCI Océane au titre de la clause pénale,

FIXE la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie aux sommes de 124.338,49 € pour le prêt 06604137801 et 190.438,03 € pour le prêt 06604137802 ce outre intérêts postérieurs au 20 septembre 2017,

RENVOIE l'affaire en continuation devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pontoise,

CONDAMNE la SCI Océane à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,

REJETTE la demande de la SCI Océane au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la SCI Océane aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 16/07976
Date de la décision : 26/10/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°16/07976 : Déclare l'instance périmée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-26;16.07976 ?
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