La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2017 | FRANCE | N°15/05088

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 octobre 2017, 15/05088


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 25 OCTOBRE 2017



R.G. N° 15/05088



AFFAIRE :



[N] [P]





C/

Me [F] [D] - Mandataire liquidateur de la SASU PARIS BORDEAUX TOULOUSE HOTEL

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadre

ment

N° RG : 11/01213



Copies exécutoires délivrées à :



SELAS CS AVOCATS ASSOCIES



Me Caroline ROBERT DE LAFREGEYRE



SCP HADENGUE & ASSOCIÉS



Copies certifiées conformes délivrées à :



[N] [P]



Me [F] [D] - Mandataire ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 25 OCTOBRE 2017

R.G. N° 15/05088

AFFAIRE :

[N] [P]

C/

Me [F] [D] - Mandataire liquidateur de la SASU PARIS BORDEAUX TOULOUSE HOTEL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 11/01213

Copies exécutoires délivrées à :

SELAS CS AVOCATS ASSOCIES

Me Caroline ROBERT DE LAFREGEYRE

SCP HADENGUE & ASSOCIÉS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[N] [P]

Me [F] [D] - Mandataire liquidateur de la SASU PARIS BORDEAUX TOULOUSE HOTEL

AGS CGEA ILE-DE-FRANCE OUEST

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Cédric SEGUIN de la SELAS CS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2149 substituée par Me Florence DESPRES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2149

APPELANT

****************

Me [D] [F] (SELARL MARS) - Mandataire liquidateur de la SASU PARIS BORDEAUX TOULOUSE HOTEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Caroline ROBERT DE LAFREGEYRE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 242

AGS CGEA ILE-DE-FRANCE OUEST

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substitué par Me Séverine MAUSSION, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 133

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire GIRARD, président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [N] [P] a été embauché par la société de Restauration Gastronomique selon contrat à durée indéterminée à temps plein à raison de 169 heures hebdomadaires du 8 juin 1995 en qualité de chef de cuisine, niveau V, au restaurant « le Relais de Courlande » moyennant une rémunération mensuelle brute qui était en dernier lieu de 3 390,43 euros selon l'employeur et de 3 555 euros d'après le salarié. Le 10 avril 2007, la société de Restauration Gastronomique a été cédée à la SASU Paris Bordeaux Toulouse Hôtel.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants. La société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 septembre 2011, M. [N] [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 11 octobre 2011 et mis à pied à titre conservatoire.

M. [N] [P] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2011 pour faute grave.

Par jugement du 7 janvier 2014, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel et a nommé la SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D] en qualité de liquidateur judiciaire.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [N] [P] a saisi le 19 décembre 2011 le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) qui a, par jugement du 14 septembre 2015 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties :

- dit que le licenciement repose sur une faute grave,

- fixé la créance de M. [N] [P] au passif de la liquidation de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel à la somme de 4 964 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit que le jugement est commun au CGEA AGS d'Ile-de-France Ouest et qu'il viendra en garantie dans la limite des articles L. 3253-6, L. 3253-8 et D. 3253-5 du code du travail,

- fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel.

M. [N] [P] a régulièrement relevé appel de la décision le 20 octobre 2015.

Aux termes de ses conclusions du 15 mars 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [N] [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- fixer au passif de la liquidation de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel les sommes suivantes :

* 2 425,50 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire,

* 242,55 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,

* 10 665 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 066,50 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 10 230,50 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 56 880 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des circonstances vexatoires de la rupture,

* 11 892,12 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

* 1 189,21 euros au titre des congés payés sur heures supplémentaires,

* 21 330 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 5 septembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé au passif de la société la somme de 4 964 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- dire le licenciement fondé sur une faute grave,

- débouter M. [N] [P] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [N] [P] aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 4 novembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile-de-France Ouest, partie intervenante, demande à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [N] [P],

A titre subsidiaire,

- ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des dommages et intérêts en réparation des circonstances particulièrement vexatoires dans lesquelles la société a mis fin à son contrat de travail et s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,

- dire que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective,

- fixer l'éventuelle créance allouée à M. [N] [P] au passif de la société,

- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail.

En tout état de cause,

- dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 19 septembre 2017,

Vu la lettre de licenciement,

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le licenciement

M. [N] [P] conteste la mesure de licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet tandis que la SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel sollicite la confirmation de la décision entreprise ayant retenu le bien-fondé du licenciement pour faute grave.

Aux termes des dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L.1235-1 du code du travail précise qu'en cas de litige et à défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il est ajouté que, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la preuve de la réalité des faits allégués incombe à l'employeur. Il convient enfin de rappeler que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige. En l'espèce, les termes en sont les suivants :

« Nous faisons suite à notre entretien préalable qui s'est tenu le 11 octobre dernier auquel vous étiez assisté de Monsieur [F] [Y] et vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave.

Votre refus de vous expliquer ne nous a pas permis de modifier notre appréciation des faits rendant impossible la poursuite de nos relations contractuelles.

Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave aux motifs ci-après :

Vous occupez au sein de notre entreprise le poste de Chef de cuisine, statut cadre, et avez à ce titre la responsabilité de la cuisine de notre restaurant tant en ce qui concerne la gestion du personnel y affecté que s'agissant la mise en 'uvre et le respect des normes sanitaires, vétérinaires et HACCP.

A ce titre, et comme vous l'avez vous-même reconnu, vous êtes le garant de l'hygiène de la cuisine et de la conformité de la nourriture servie au regard de la législation en vigueur.

Or, force est de constater que vous n'assumez aucune des missions afférentes à votre statut de Chef de cuisine engageant de part votre carence, la responsabilité pénale de notre entreprise et de ses dirigeants.

En effet, et comme vous le savez, suite à la sortie de redressement judiciaire de la société PBTH, nous avons diligenté un audit de l'hôtel et des cuisines afin de repartir sur des bases solides et avons mandaté à cet effet la société EUROCOACH.

Or, en ce qui concerne les cuisines, cet audit a mis en exergue de nombreuses anomalies inquiétantes tel le non respect de la propreté, de l'hygiène alimentaire et des risques sanitaires directement liés et vous en a imputé l'entière responsabilité.

Cet audit nous a conduit à vous rappeler vos obligations et responsabilités en votre qualité de Chef de cuisine, rappel que vous n'avez manifestement pas voulu prendre en compte.

Une nouvelle fois alertés le 3 septembre 2011 par la société EUROCOACH sur la non-conformité persistante des cuisines, nous avons mandaté Maître [Y] [N] afin qu'elle procède à un constat contradictoire des cuisines qui a été réalisé le 14 septembre suivant en votre présence.

Aux termes de son constat accablant, de graves anomalies ont été constatées telles :

'Saleté générale (coulures, moisissures, ...) de l'ensemble des frigos, fours, plans de travail,... ;

'Absence d'étiquette sur les aliments mentionnant la nature de l'aliment, sa date ou encore sa provenance ;

'Entreposage des fruits et légumes au sol ;

'Stockage non conforme des denrées périssables ;

'Non respect des normes en matière de congélation ;

'Absence de port par la brigade des coiffes de protection et des chaussures de sécurité obligatoires...

Face à cette situation critique, nous vous avons demandé de remettre en conformité la cuisine sous votre responsabilité et de rappeler à votre équipe l'importance et la nécessité absolue de respecter les normes d'hygiène alimentaire,

Forts de vos engagements, nous vous avons laissé le temps nécessaire pour cette remise aux normes et vous avons assuré de la mise à votre disposition de tous les moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de cette tache.

Malheureusement, le 28 septembre 2011, nous avons dû constater que l'état des cuisines n'était toujours pas conforme et pire, s'était dégradé, comme le démontrent les constatations ;

Les sols, plans de travail et équipements de cuisine (réfrigérateurs, trancheuse, couteaux, hottes, congélateurs fours) étaient sales et gras ;

Le réfrigérateur dédié aux poissons présentait des moisissures ;

Des produits (sauces, viandes et crèmes) étaient entreposés sans protection ni étiquetage dans le congélateur ;

Aucun membre de la brigade ne portait de charlotte ni de toque.

Face à votre attitude désinvolte suite à ces nouvelles constatations édifiantes, votre direction n'a eu d'autre choix que de prononcer votre mise à pied conservatoire.

Votre carence à assumer la responsabilité des cuisines et votre absence de réaction suite à l'audit et au constat contradictoire du 14 septembre 2011 constituent des violations flagrantes et graves de vos obligations contractuelles et ne permettent pas la poursuite de nos relations.

De plus, de par votre comportement délétère, vous avez délibérément mis en danger la santé de nos clients ainsi que de vos collègues et par conséquent, la pérennité de notre restaurant et des emplois y afférent, ce qui n'est pas admissible de la part d'un cadre justifiant de votre ancienneté et de votre expérience.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible de sorte que votre licenciement prend effet immédiatement à la date de première présentation de la présente lettre, et ce sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire et que de ce fait, la période non travaillée du 28 septembre 2011 à ce jour ne sera pas rémunérée.

En conséquence, vous pourrez vous présenter au service du Personnel, dès présentation de la présente, pour remise de vos documents de rupture (certificat de travail et attestation POLE EMPLOI) ainsi que votre solde de tout compte. [...] ».

Il est ainsi reproché à M. [N] [P] en sa qualité de chef de cuisine, aux termes de la lettre de licenciement, le non-respect des normes d'hygiène applicables de nature à engager la responsabilité de son employeur qui, pour en justifier, verse aux débats :

- Le rapport de la société Euro Coach du 3 septembre 2011, mentionnant l'audit de l'établissement réalisé le 11 juillet 2011, comprenant des entretiens individuels avec les membres du personnel et faisant état de nombreuses anomalies constatées en cuisine ressortant de la responsabilité directe du chef de cuisine, portant sur le non-respect de la propreté, de l'hygiène alimentaire et induisant des risques sanitaires potentiels. Il est mentionné un nouveau passage par cette société le 3 septembre entre 7 et 8 heures du matin et de très nombreuses souillures, salissures et moisissures sont décrites.

- Le rapport de la société Euro Coach du 13 septembre 2011, mentionnant l'audit de l'établissement réalisé le 11 juillet 2011 et le nouveau passage du 12 septembre entre 7 et 8 heures du matin ayant révélé les mêmes anomalies que lors du passage précédent, de nature à présenter un risque de contamination directe des denrées et produits frais ainsi qu'un risque potentiel d'insécurité alimentaire.

- Le procès-verbal de constat du 14 septembre 2011 réalisé en présence du salarié ainsi que le procès-verbal du 15 septembre au matin, destiné à constater l'état de la cuisine avant le service du midi et mentionnant de nombreuses anomalies ainsi que le non-respect des normes les plus élémentaires d'hygiène, lesdits constats étant accompagnés de photographies multiples particulièrement éloquentes quant à l'état sanitaire déplorable des cuisines.

- L'attestation de M. [L] [W] du 20 mars 2013, revenant sur l'attestation fournie précédemment à M. [N] [P] et mentionnant l'amélioration de l'état de propreté de la cuisine après le départ de celui-ci.

- L'attestation de M. [O] [H], ancien chef de rang et maître d'hôtel, ayant constaté des manquements graves aux règles d'hygiène du temps de M. [N] [P].

- Des attestations de MM. [G] [G], [T] [V] et [Q] [R], non accompagnées de la copie de leur pièce d'identité, auxquelles la cour ne reconnaît aucune valeur probante.

- Un avertissement adressé au salarié par lettre remise en main propre le 26 avril 2005 à la suite de fautes d'hygiène relevées par la direction départementale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes.

M. [N] [P] qui conteste les motifs du licenciement verse quant à lui aux débats :

- L'attestation de M. [L] [W] (de 2012) contestant l'existence de conditions d'hygiène défaillante dans la cuisine.

- L'attestation de M. [F] [M], ancien réceptionniste, mentionnant n'avoir reçu aucune remarque désobligeante de clients.

- L'attestation de M. [H] [K], ancien directeur de la restauration, décrivant une collaboration satisfaisante sur le plan de l'hygiène alimentaire.

- L'attestation de M. [F] [I], ancien salarié, mentionnant une cuisine de qualité.

- L'attestation de Mme [D] [L], non accompagnée de sa pièce d'identité, sans valeur probante.

- L'attestation de M. [Q] [R] revenant sur son précédent témoignage remis à l'employeur, dont la valeur probante n'a pas été retenue.

Au vu des éléments ci-dessus énoncés, l'audit réalisé par un organisme spécialisé extérieur, la société Euro Coach, ayant effectué plusieurs visites dans l'établissement et relevé de nombreuses infractions aux règles d'hygiène imputables au chef de cuisine au regard des missions qui lui sont dévolues, ainsi qu'il résulte de la fiche descriptive de poste, doit être retenu. De même, les procès-verbaux de constat d'huissier illustrés par les nombreuses photographies et qui ont été effectués contradictoirement, en présence de M. [N] [P], contrairement à ce que celui-ci affirme, sont de nature à justifier les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement. Enfin, le fait qu'il n'y ait eu aucune intoxication alimentaire à déplorer (ainsi qu'allégué par M. [N] [P]) n'est pas de nature à retirer aux infractions aux règles d'hygiène leur caractère fautif, le seul non-respect desdites règles étant de nature à créer un risque potentiel pour la santé des clients et la responsabilité subséquente de l'employeur susceptible de mettre en péril la survie de l'entreprise.

Dès lors, au vu de l'importance des manquements imputables au chef de cuisine, la cour considère que le maintien de M. [N] [P] dans l'entreprise était impossible, de telle sorte que son licenciement pour faute grave est fondé ; la décision entreprise sera confirmée à ce titre ainsi que du chef du débouté des indemnités de rupture et dommages-intérêts en réparation des circonstances vexatoires de la rupture dont la réalité n'est pas avérée.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

M. [N] [P] affirme avoir régulièrement effectué des heures supplémentaires au-delà des 39 heures, sans que celles-ci lui soient payées, ni en majoration, ni en repos compensateurs. La SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel affirme quant à elle qu'aucune heure supplémentaire effectuée n'a pas fait l'objet de paiement ou de récupération et qu'un système de décompte du temps de travail par badgeuse déclarée à la CNIL a été mis en place à compter du 26 janvier 2011 dans les locaux de la société.

Au vu des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Aux fins de justifier de l'accomplissement d'heures supplémentaires, M. [N] [P] qui réclame à ce titre la somme de 11'892,12 euros ne donne aucune précision sur le montant de ses demandes ni sur les horaires qu'il prétend avoir réalisés, se contentant d'invoquer les clients s'attardant en fin de service ou n'arrivant pas à l'heure de la réservation pour invoquer des variations horaires dont il n'apporte toutefois aucune justification. Dès lors, faute d'étayer sa demande par des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés, il sera débouté de sa demande, étant observé que depuis la mise en place de la badgeuse, les plannings versés aux débats par l'employeur montrent l'existence de récupérations, contrairement à ce que prétend le salarié. En conséquence, la décision entreprise sera infirmée à ce titre et confirmée du chef du rejet de la demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [N] [P].

Seule la demande formée en cause d'appel par la SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) en ce qu'il a dit que le licenciement dont M. [N] [P] a fait l'objet repose sur une faute grave, débouté celui-ci de ses demandes au titre des indemnités de rupture, dommages-intérêts en réparation des circonstances vexatoires de la rupture et indemnité pour travail dissimulé, l'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [N] [P] de sa demande en fixation au passif de la liquidation de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel d'une somme à titre de rappel d'heures supplémentaires ainsi que du surplus de ses demandes,

Condamne M. [N] [P] à payer à la SELARL MARS prise en la personne de Me [F] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Paris Bordeaux Toulouse Hôtel la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] [P] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05088
Date de la décision : 25/10/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/05088 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-25;15.05088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award