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18/10/2017 | FRANCE | N°15/03939

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 octobre 2017, 15/03939


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 18 OCTOBRE 2017



R.G. N° 15/03939



AFFAIRE :



SNC SESI SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION





C/

[E] [U]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement



N° RG : 14/01878





Copies exécutoires délivrées à :



Me Christophe PETTITI



SELEURL CABINET RACHEL SPIRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



SNC SESI SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION



[E] [U]







le...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 18 OCTOBRE 2017

R.G. N° 15/03939

AFFAIRE :

SNC SESI SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION

C/

[E] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 14/01878

Copies exécutoires délivrées à :

Me Christophe PETTITI

SELEURL CABINET RACHEL SPIRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SNC SESI SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION

[E] [U]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SNC SESI SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION D'UN SERVICE D'INFORMATION

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1264

APPELANTE

****************

Madame [E] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée déterminée d'usage à effet au 12 septembre 2011, Mme [E] [U] a été engagée par la SNC SESI Société d'Exploitation d'un Service d'Information (la société SESI) dont le nom commercial est iTélé, chaîne d'information en direct et en continu du groupe Canal +, en qualité de journaliste stagiaire. La relation s'est poursuivie par quatre autres contrats à durée déterminée d'usage courant jusqu'au 25 décembre 2011. Mme [U] était rémunérée à la pige à raison de 130 euros correspondant à un forfait de 8 heures de travail.

À compter du 2 janvier 2012 et pour une période courant jusqu'au 27 juin 2014, Mme [U] a signé plusieurs contrats à durée déterminée par lesquels elle était engagée en qualité de coordinateur des échanges nationaux et internationaux à temps complet avec le statut de journaliste stagiaire.

En juillet et août 2014, Mme [U] a bénéficié de plusieurs contrats de pige rémunérée 130 euros chacune. La société SESI n'a plus fait appel à elle à partir du mois de septembre 2014.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [U] percevait un salaire mensuel brut de 2 556,84 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des journalistes professionnels ainsi qu'aux accords d'entreprise Canal +.

La société SESI employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Le 14 novembre 2014, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir essentiellement la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, des rappels de salaire, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité de résultat ainsi que la résiliation judiciaire du contrat de travail et les indemnités de rupture en découlant.

Par jugement du 2 juillet 2015 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement, a :

- requalifié la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er janvier 2012,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société SESI à la date du 30 avril 2015,

- fixé le salaire de référence à la somme de 2 769,91 euros,

- condamné la société SESI à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

* 23 130,88 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2012 à décembre 2014,

* 2 800 euros à titre d'indemnité de requalification,

* 10 210,36 euros à titre de rappel de salaire de janvier à avril 2015,

* 1 021 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- ordonné, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement, pour une durée de trente jours maximum, la remise des bulletins de paie ainsi que les documents de fin de contrat conformes, le conseil se réservant la liquidation de l'astreinte,

- condamné la société SESI à régulariser la situation de Mme [U] auprès des organismes sociaux, tant en ce qui concerne la retraite de base que la retraite complémentaire et le régime de prévoyance,

- condamné la société SESI à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

* 2 800 euros à titre de dommages et intérêts pour déloyauté dans l'exécution du contrat de travail,

* 5 600 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

* 19 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7 670,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 767,05 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 10 227 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec anatocisme,

- condamné la société SESI au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société SESI aux entiers dépens.

La société SESI a régulièrement relevé appel du jugement le 22 juillet 2015.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2017, la société SESI demande à la cour d'infirmer le jugement, débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2017, Mme [E] [U] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* requalifié la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er janvier 2012,

* fixé le salaire de référence à la somme de 2 769,91 euros,

- condamner la société SESI à lui verser les sommes suivantes :

* 33 358,24 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2012 à avril 2015,

* 3 335,82 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

* 2 981,26 euros à titre de prime de treizième mois,

* 7 670 euros à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SESI à lui remettre des bulletins de paie conformes et à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux sous astreinte qui sera portée à 200 euros par jour de retard et par document, la cour se réservant la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société SESI à lui payer les sommes de :

* 15 341 euros à titre de dommages-intérêts pour déloyauté dans l'exercice du contrat de travail,

* 15 341 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société SESI à la date du 30 avril 2015 et condamné la société SESI à lui payer les sommes suivantes :

* 7 670,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 767,05 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 10 227 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamner la société SESI à lui payer la somme de 30 682 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SESI à lui fournir les documents de fin de contrat conformes sous astreinte, portée à 200 euros par jour de retard et pas document dont la cour se réservera la liquidation,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SESI à payer les intérêts au taux légal avec anatocisme,

- condamner la société SESI au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SESI aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2017,

SUR CE :

Sur la requalification de la relation de travail :

Sur la nature du contrat de travail :

Mme [U] sollicite sur ce point la confirmation du jugement et soutient que l'ensemble des contrats à durée déterminée conclus avec la société SESI doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2011 et à temps plein à compter du 1er janvier 2012 en faisant valoir qu'ils avaient tous pour effet de pourvoir un emploi de journaliste coordinatrice des échanges internationaux sur une chaîne d'informations nationales et internationales diffusant en continu, lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que l'employeur n'établit pas le caractère par nature temporaire de l'emploi.

La société SESI, sollicite l'infirmation du jugement et le rejet de la demande en faisant valoir que :

- les contrats conclus avec Mme [U] de septembre à décembre 2011 n'avaient pas pour objet de pourvoir un emploi relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise et relevaient de l'usage constant dans le secteur d'activité dont elle relève,

- les contrats conclus avec Mme [U] les 2 janvier 2012 et 23 juillet 2012 couvrant la période du 2 janvier au 19 août 2012 ne sont pas des contrats à durée déterminée d'usage mais relèvent du droit commun et sont motivés, soit par un accroissement temporaire d'activité, soit par le remplacement d'un salarié absent,

- les contrats suivants, couvrant la période du 20 août 2012 au 27 juin 2014, ont été conclus dans un contexte d'actualité dominante dans le monde arabe, Mme [U] étant engagée en raison de ses compétences linguistiques en arabe et pour un emploi pour lequel il est d'usage de recourir au contrat à durée déterminée,

- les derniers contrats du 10 juillet 2014 au 1er septembre 2014 ont été conclus à titre d'usage pour des piges et ne correspondaient pas à un emploi permanent.

S'il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et D.1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive n°1999/70/CE du 28 juin 1999 qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de ces raisons objectives.

En l'espèce, les lettres d'engagement des 12 septembre 2011, 7 octobre 2011, 1er novembre 2011 et 7 décembre 2011 mentionnent seulement l'embauche de Mme [U] comme 'journaliste' dans l'émission 'coordination médias' dont les parties s'accordent à dire qu'il s'agit d'un service et non d'une émission. Mme [U] soutient qu'elle travaillait comme coordinatrice médias nationaux et internationaux comme ce sera le cas par la suite pendant plus de deux ans aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée spécifiant précisément cet emploi et la société SESI ne verse aucune pièce de nature à la contredire.

De ce fait, l'absence de précision des lettres d'engagement sur les fonctions réelles de l'intéressée lors de cette première période d'embauche ne permet pas d'apprécier l'existence d'un usage permettant de recourir à des contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir le poste qu'elle occupait.

Dans ces conditions, l'employeur qui ne justifie pas non plus d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi en litige et Mme [U] démontrant quant à elle avoir occupé l'emploi de coordinatrice des échanges nationaux et internationaux à compter du 2 janvier 2012 et jusqu'en août 2014, il sera fait droit à la demande de requalification de l'ensemble de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2011, la décision sera confirmée s'agissant de la seule requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Sur la durée de travail :

Mme [U] soutient que la durée de travail doit être considérée comme à temps plein à compter du 2 janvier 2012 dans la mesure où elle devait se tenir à la disposition permanente de son employeur qui bénéficiait d'une clause d'exclusivité et ne la prévenait pas à l'avance de ses dates de travail. La cour observe que le contrat de travail du 2 janvier comportait effectivement une clause d'exclusivité aux termes de laquelle Mme [U] devait 's'abstenir de toute activité professionnelle, soit directement, soit indirectement par personne interposée ou en collaboration avec tout autre tiers au profit de toute autre entreprise et ce, sous peine de résiliation immédiate du présent contrat de travail'. Il en a été de même par la suite en juillet 2012 puis encore le 18 juin 2013 lors de la signature des contrats suivants.

Mais surtout, aux termes de ces mêmes contrats, Mme [U] a été engagée pour un forfait annuel de 211 jours pour une année complète d'activité conformément à l'avenant au protocole d'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 23 juin 1999 signé le 13 juin 2006 (article 2) et travaillait donc à temps complet.

La cour retiendra donc que la relation contractuelle s'analyse comme un contrat à durée indéterminée, à temps complet à compter du 2 janvier 2012 jusqu'au 27 juin 2014, les contrats à durée déterminée d'usage s'étant poursuivis tout au long de cette période sans interruption.

Par la suite, Mme [U] a signé plusieurs contrats de pige :

- le 10 juillet 2014, pour trois piges les 19, 20 et 21 juillet 2014,

- le 21 juillet 2014 pour quatre piges les 24, 25, 27, 28 juillet 2014,

- le 24 juillet 2014 pour trois piges les 1er, 2 et 3 août 2014,

- le 24 juillet 2014 encore pour quatre piges les 4, 8, 9 et 10 août 2014,

- le 24 juillet toujours pour quatre piges les 11,15,16,17 août 2014,

- le 24 juillet 2014 pour deux piges les 23 et 24 août 2014,

- le 15 août 2014 pour deux piges les 25 et 29 août 2014,

- le 1er septembre pour une pige le 26 août,

- le 1er septembre pour deux piges les 30 et 31 août 2014.

Il ressort de ces documents, étant rappelé que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée n'a d'effet que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles, que les jours de travail et leur répartition sur la semaine étaient connus de Mme [U] pour l'ensemble de la période de sorte que la cour ne retiendra pas l'existence du travail à temps complet pour ces périodes travaillées. La décision sera infirmée en ce sens que le contrat est à durée indéterminée à effet au 12 septembre 2011 et à temps plein à compter du 2 janvier 2012.

Sur les conséquences financières de la requalification :

Sur les rappels de salaire :

Mme [U] sollicite des rappels de salaire pour la période courant entre le 1er janvier 2012 et le 30 avril 2015 (date à laquelle le conseil de prud'hommes a fixé la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail ) à hauteur de la somme de 33 358,24 euros sur les bases d'un temps complet et d'un salaire minimum conventionnel de 2 556, 84 euros correspondant à la classification 1430 associée par la convention collective à l'emploi de coordinateur des échanges nationaux et internationaux qu'elle occupait de façon permanente.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [U] ne peut prétendre pour les périodes travaillées qu'au salaire contractuellement convenu, que pour les périodes intermédiaires elle ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur et que les contrats de piges signés postérieurement au 27 juin 2014 mentionnaient les jours de travail de sorte qu'ils sont conformes à l'article L. 3123-14 du code du travail.

Il sera fait droit à la demande présentée pour la période courant du 2 janvier 2012 au 27 juin 2014, la cour ayant retenu que Mme [U] travaillait à temps complet sur cette période. Le rappel de salaire sera calculé sur la base d'un salaire minimum conventionnel de 2 556,84 euros revendiqué par Mme [U] et correspondant à celui qu'elle aurait dû percevoir dès l'origine compte tenu de la classification conventionnelle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait été employée comme coordinatrice échanges internationaux à titre permanent.

A ce titre, il lui sera alloué une somme de 9 275,72 euros correspondant à la différence entre les sommes qu'elle aurait d percevoir sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 556,84 euros et celles qu'elle a perçues sur cette période.

Pour le rappel de salaire jusqu'au 1er septembre 2014, la cour ne retenant ni que Mme [U] travaillait à temps complet ni qu'elle se tenait à disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles dès lors qu'il n'est produit aucun élément en ce sens, déboutera Mme [U] de sa demande.

Pour la période courant à compter du 2 septembre 2014 jusqu'au 30 avril 2015, le contrat à durée indéterminée n'ayant pas été rompu par l'employeur, il sera fait droit à la demande présentée sur la base d'un temps complet rémunéré à 2 556,84 euros, soit une somme de 20 321,72 euros, la cour prononçant la résiliation judiciaire du contrat comme il sera dit ci-après.

La société SESI sera donc condamnée à payer à Mme [U] au titre du rappel de salaire pour la période courant du 2 janvier 2012 au 30 avril 2015 une somme totale de 29 597,44 euros, outre 2 959,74 euros au titre des congés payés y afférents et le jugement sera infirmé de ce chef.

S'agissant du rappel de treizième mois, il sera alloué à Mme [U] une somme de 2 981,26 euros, la cour prenant en compte le salaire de 2 556,84 euros brut par mois sur trois ans et quatre mois conformément à la demande et déduisant les sommes déjà versées au titre du 13ème mois, soit 5 328,47 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de requalification :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamné la société SESI à verser à Mme [U] une somme de 2 800 euros à titre d'indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-2 du code du travail.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Mme [U] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail en invoquant les manquements suivants :

- la baisse unilatérale d'activité et de rémunération à partir du mois de juillet 2014,

- l'absence de fourniture de travail à partir du mois de septembre 2014,

- la privation injustifiée des avantages accordés aux journalistes permanents de l'entreprise,

- la violation de l'obligation générale de santé et de sécurité.

L'employeur s'oppose vainement à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en soutenant qu'à la date à laquelle la demande a été présentée par Mme [U] (soit le 14 novembre 2014), le contrat de travail était rompu depuis le 1er septembre 2014 dès lors que la cour a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et que la seule survenance du terme du dernier contrat à durée déterminée requalifié ne peut entraîner une rupture légitime du contrat de travail.

La cour relève que l'employeur a effectivement cessé de fournir du travail à Mme [U] à partir du mois de septembre 2014, qu'il ne démontre pas qu'elle ne se tenait pas à sa disposition, qu'à partir du mois de juillet 2014, la quantité de travail fournie et la rémunération ont baissé. Ces manquements à deux des obligations essentielles de l'employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte qu'il sera fait droit à la demande de résiliation judiciaire présentée.

La cour confirmera donc le jugement en ce sens sauf à dire que celle-ci produit son effet au jour du jugement soit le 2 juillet 2015.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Au vu des bulletins de salaire, le salaire de référence sera fixé à la somme de 2 769,91 euros brut.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, qui ont été évalués conformément aux dispositions conventionnelles aux sommes de 7 670,52 euros et 767,05 euros.

Il sera également confirmé en ce qu'il a statué sur l'indemnité conventionnelle de licenciement qui doit être évaluée en application de l'article 44 de la convention collective nationale à la somme de 10 227 euros.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [U], employée depuis plus de deux ans dans une société comprenant au moins onze salariés, doit être indemnisée du préjudice qu'elle a subi en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois en application de l'article L. 1235-3 du code du travail. Compte tenu de son âge (née en 1985), son ancienneté dans l'entreprise, le montant de sa rémunération, des circonstances de la rupture, de ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, son préjudice a été entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 19 500 euros et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Mme [U] sollicite tout d'abord la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 15 341 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements de l'employeur dans l'exécution de ses obligations contractuelles en invoquant les motifs suivants :

- la privation injustifiée des avantages liés à la qualité de journaliste permanent,

- la diminution de la fourniture de travail puis son absence,

- les reproches infondés que lui a adressés l'employeur.

La cour a déjà retenu la diminution puis l'absence de fourniture de travail à la charge de l'employeur comme motifs de la résiliation judiciaire du contrat de travail. La privation des avantages dus à la qualité de journaliste permanent est établie, notamment pour l'accès au plan de formation et le droit individuel à la formation. Il n'est cependant pas justifié du préjudice subi, de même que pour les minima conventionnels, il n'est pas justifié d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'allocation des intérêts de retard. Par ailleurs, les reproches qu'aurait adressés l'employeur à Mme [U] de manière injustifiée ne sont pas suffisamment démontrés par la communication de copies d'écran de messages échangés par le biais de téléphones portables dépourvues de toute valeur probante.

La cour condamnera la société SESI à verser à Mme [U] en conséquence des manquements qu'elle retient une somme de 1 500 euros en réparation de son entier préjudice et le jugement sera infirmé de ce chef.

Mme [U] sollicite ensuite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 15 341 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de son obligation de sécurité de résultat en invoquant les manquements suivants :

- son maintien dans un statut de précarité,

- l'absence de visite médicale d'embauche et de suivi,

- des agissements de harcèlement moral.

S'agissant tout d'abord du harcèlement moral, Mme [U] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de l'employeur et invoque les faits suivants :

- l'employeur lui a imposé la signature répétée de contrats à durée déterminée et de contrats de pige illicites,

- la baisse de son volume de travail entraînant une baisse de sa rémunération,

- l'absence de fourniture de travail à partir du 1er septembre 2014.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la cour relève que si Mme [U] a signé plusieurs contrats à durée déterminée, elle n'établit pas que la société lui a imposé la signature de ces contrats et donc qu'elle n'était pas en mesure de les refuser et il en est de même pour les contrats de pige qui leur ont succédé. Le fait allégué n'est donc pas établi.

Par ailleurs, la diminution et la cessation de la fourniture de travail à partir du mois de juillet 2014 ne sont pas de nature à constituer à elles seules un fait de harcèlement moral.

La cour ne retiendra donc pas que la salariée établit des faits qui pris dans leur ensemble laissent présumer des agissements de harcèlement moral à l'encontre de l'employeur.

S'agissant ensuite de la violation générale de l'obligation de sécurité, Mme [U] reproche à l'employeur de l'avoir maintenue dans un statut précaire et de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour prévenir les risques en matière de santé et de sécurité et réparer son sentiment d'insécurité.

La cour relève que le maintien de la salarié sous un statut précaire est patent et que Mme [U] justifie de la réalité de son préjudice dès lors qu'elle communique une notification provisoire de refus de naturalisation en raison de la précarité de sa situation professionnelle. Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas des mesures qu'il a prises pour assurer l'effectivité de son obligation de prévention alors que de son côté Mme [U] justifie des répercussions sur son état de santé de la précarité de sa situation en produisant les certificats médicaux délivrés par le médecin du travail.

En revanche, le préjudice subi du fait du non-respect des visites médicales d'embauche et de suivi n'est pas établi de sorte que le manquement allégué ne sera pas retenu.

En conséquence de ce qui précède, la cour condamnera la société SESI à verser à Mme [U] une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes pour les condamnations de nature salariale et à compter de la décision qui les prononce s'agissant des condamnations de nature indemnitaire de sorte que le jugement sera réformé de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts sauf à préciser qu'il sera fait application de l'article 1343-2 du code du travail,

La société SESI devra régulariser la situation de Mme [E] [U] auprès des organismes sociaux tant en ce qui concerne la retraite de base que la retraite complémentaire et le régime de prévoyance et lui remettre des bulletins de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail mentionnant le poste de journaliste coordinateur des échanges nationaux et internationaux ainsi qu'une ancienneté remontant au 12 septembre 2011, conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. Les demandes en ce sens seront rejetées et le jugement infirmé de ce chef.

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, lesquels seront supportés en cause d'appel par la société SESI qui devra également indemniser Mme [U] des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- statué sur l'indemnité de requalification,

- statué sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- statué sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents,

- statué sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal,

- statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

L'infirme sur le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le contrat à durée indéterminée est à effet au 12 septembre 2011 et à temps plein à compter du 2 janvier 2012,

Précise que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit son effet au 2 juillet 2015,

Condamne la Société d'Exploitation d'un Service d'Information à payer à Mme [E] [U] les sommes de :

- 29 597,44 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 2 janvier 2012 et le 30 avril 2015 outre 2 959,74 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2 981,26 euros à titre de rappel de treizième mois,

- 1 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

Ordonne à la Société d'Exploitation d'un Service d'Information de régulariser la situation de Mme [E] [U] auprès des organismes sociaux tant en ce qui concerne la retraite de base que la retraite complémentaire et le régime de prévoyance et de lui remettre des bulletins de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail mentionnant le poste de journaliste coordinateur des échanges nationaux et internationaux ainsi qu'une ancienneté remontant au 12 septembre 2011, conformes à la présente décision,

Précise que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes s'agissant des condamnations de nature salariale et à compter de la décision qui les prononce s'agissant des condamnations de nature indemnitaire,

Précise que la capitalisation des intérêts est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute Mme [E] [U] de ses demandes d'astreinte et du surplus de ses demandes,

Condamne la Société d'Exploitation d'un Service d'Information à payer à Mme [E] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société d'Exploitation d'un Service d'Information aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03939
Date de la décision : 18/10/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/03939 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-18;15.03939 ?
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