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21/09/2017 | FRANCE | N°15/07784

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 21 septembre 2017, 15/07784


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 21 SEPTEMBRE 2017



R.G. N° 15/07784





AFFAIRE :



[R] [V]



C/



[B] [W]

[W]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 13/09022







Expéditions exécutoire

s

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Pierre GUTTIN









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2017

R.G. N° 15/07784

AFFAIRE :

[R] [V]

C/

[B] [W]

[W]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 13/09022

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Pierre GUTTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [V]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 - N° du dossier 20150106

Représentant : Me Jean-Louis CHALANSET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

1/ Monsieur [B] [W]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

2/ Compagnie d'assurances MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS - M ACSF

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 15000403

Représentant : Me Marie-christine CHASTANT MORAND de la SCP CHASTANT-MORAND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0072

INTIMES

3/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Juin 2017, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport, et Madame Françoise BAZET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET

-------------

Le 1er décembre 1995, M. [V] qui souffrait de troubles auditifs, a été opéré de l'oreille gauche par le professeur [W] [W]. Dans les suites de cette opération, il a présenté un acouphène aigu gauche, puis des épisodes de sifflements et d'arrêts brusques de l'audition à gauche ainsi que des vertiges, nausées et vomissements. Un audiogramme réalisé sur l'oreille gauche par le chirurgien le 20 décembre 1995 a montré une correction presque complète de la surdité de transmission sur les fréquences graves, mais une chute importante sur les fréquences aigues. La surdité s'est aggravée jusqu'à la surdité totale à partir du 27 décembre 1995. Lors de la consultation du 3 janvier 1996, le professeur [W] [W] a constaté une cophose totale gauche.

Le 18 janvier 1996, M. [V] a été réopéré par le professeur [B]. Cette intervention n'a pas permis de récupération auditive, mais seulement une atténuation des vertiges. Depuis fin février 1996, M. [V] est appareillé avec un dispositif CROS.

C'est dans ces conditions que M. [V] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance en date du 15 décembre 2000, a désigné le professeur [E] en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 4 juillet 2002.

Par actes des 2, 3 et 5 juillet 2013 M. [V] a assigné en indemnisation de ses préjudices devant le tribunal de grande instance de Nanterre le professeur [W] [W], la mutuelle d'assurances du corps de santé Français (MACSF) et la CPAM de Seine Saint Denis.

Par jugement du 9 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- débouté M. [V] de ses demandes,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de Seine Saint Denis,

- condamné M. [V] aux dépens.

M. [V] en a relevé appel et prie la cour, par dernières écritures du 9 février 2016, de :

- condamner le professeur [W] [W] à lui payer les sommes de :

préjudice lié au défaut d'information20 000,00 euros

dépenses de santé à charge3 000,00 euros

frais divers1 050,00 euros

dépenses de santé futures75 230,00 euros

pertes de gains professionnels futures1 376 440,00 euros

incidence professionnelle868 900,00 euros

préjudice scolaire et universitaire30 000,00 euros

déficit fonctionnel temporaire5 427,00 euros

souffrances endurées30 000,00 euros

déficit fonctionnel permanent70 000,00 euros

préjudice d'agrément40 000,00 euros

préjudice esthétique permanent3 000,00 euros

indemnité de procédure 5 000,00 euros

- déclarer le 'jugement' commun à la CPAM de Seine Saint Denis,

- condamner le professeur [W] aux dépens, avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 8 avril 2016, le professeur [W] [W] et son assureur la MACSF demandent à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelant aux dépens.

La CPAM de Seine Saint Denis, régulièrement assignée, ne s'est pas constituée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a retenu, en ce qui concerne le manquement au devoir d'information allégué, que les annotations du médecin dans son dossier de consultation étaient suffisantes pour démontrer l'effectivité de cette information, et, sur la réalisation de l'acte lui-même, qu'il n'était pas établi de faute en lien avec le dommage de la part du professeur [W], que ce soit pendant l'intervention, lors du retrait d'un pansement, ou au titre du suivi post-opératoire.

M. [V], né en 1972, expose qu'il était élève pilote et n'a jamais donné son consentement à une intervention intrusive, telle qu'une stapédectomie, mais a seulement accepté une intervention à visée exploratoire. Il considère avoir subi un préjudice spécifique lié à l'erreur dans laquelle il a été induit, et une perte de chance totale d'échapper au dommage, dans la mesure où, s'il avait été correctement informé, il n'aurait pas accepté de subir l'intervention.

En outre, il reproche au professeur [W] [W] de :

- ne pas avoir pratiqué de démucopériostage péri-platinaire,

- de lui avoir pratiqué des soins sans assistance infirmière, et sans assurer sa sécurité,

- d'avoir manqué de disponibilité dans le suivi post-opératoire,

- de n'avoir pas envisagé l'éventualité d'une fistule péri-lymphatique.

Il revendique un préjudice professionnel considérable, ayant dû renoncer à ses études de droit, et n'ayant pu s'inscrire dans une véritable activité professionnelle.

Le professeur [W] [W] conteste avoir été informé par son patient de son activité aéronautique, et expose l'avoir informé de manière complète et réitérée sur les risques de l'intervention. Il affirme avoir bien pratiqué un démucoépériostage, rappelle qu'aucune fistule péri-lymphatique n'a été retrouvée et conteste les affirmations de M. [V] selon lesquelles il lui aurait conseillé une exploration chirurgicale rapide de ses troubles, à raison des risques de surdité totale inhérents à certaines pathologies. Il souligne qu'une telle exploration, qui implique l'ouverture de l'oreille, n'est pas en elle-même dénuée de tout risque. Enfin, il fait valoir que l'intéressé a fermement refusé, à compter du 3 janvier 1996, la réintervention qu'il lui proposait, et n'y a finalement consenti que lorsqu'il était trop tard.

***

Sur le devoir d'information :

Les faits se situent avant l'exigence légale d'un consentement éclairé du patient donné par écrit.

Il n'est pas discuté que M. [V] a consulté le professeur [W] [W] pour la première fois le 5 juillet 1995, après avoir vu plusieurs médecins, à propos d'une baisse d'audition, puis le 25 novembre 1995. Le professeur [W] [W] a noté dans son dossier qu'il avait donné lors de la première consultation des explications, croquis à l'appui, et que le patient devait 'se décider'. Il a noté le 25 octobre 1995, (selon pièce 7 [V]) 'souhaite opération de l'oreille gauche' indications opératoires sur l'oreille gauche...je répète, 95- 4-1, prothèse possible. Cette mention est explicitée par l'expert comme mentionnant les chances de réussite (95 %), les chances d'échec, sans aggravation de la situation antérieure (4 %) et le risque de surdité totale (1 %). M. [V] a été informé de la possibilité d'avoir recours à une prothèse.

L'expert estime, sur ce point qu'il n'y a pas eu de précipitation, et que le patient a été complètement informé des risques, et de l'alternative constituée par le port d'une prothèse. Ces éléments ne sont pas discutés par M. [V].

Les parties sont contraires en fait sur deux points : M. [V] expose avoir informé le professeur [W] [W] de sa pratique du pilotage, ce que ce dernier conteste, et M. [V] soutient que le professeur [W] [W] aurait préconisé une intervention exploratoire rapide, ce qu'il conteste également vigoureusement.

Sur le premier point, la cour retiendra qu'il est suffisamment établi que M. [V] a été informé du risque, certes limité à 1 % des cas, de surdité totale. Il importe peu, dans ces conditions, qu'il ait ou non indiqué au professeur [W] [W] sa pratique aéronautique, dans la mesure où il est évident que la surdité est incompatible avec ce loisir, et qu'en décidant de se faire opérer au lieu de s'en tenir à un appareillage, dont il a indiqué à l'expert qu'à l'époque il ne le souhaitait pas, M. [V] a nécessairement pris en compte cette éventualité, compte tenu de sa probabilité très faible.

Sur le second point, le délai de plusieurs mois entre les deux consultations n'est pas en cohérence avec la prétendue nécessité d'une intervention rapide, surtout si elle n'est, comme soutenu, qu'exploratoire.

Il doit par ailleurs être observé que l'intervention a exigé une anesthésie générale et une hospitalisation, et la thèse de M. [V], selon laquelle le chirurgien ne devait pas intervenir à des fins curatives, alors qu'il 'ouvrait' l'oreille et avait ainsi accès au site opératoire utile apparaît peu vraisemblable, compte tenu des risques inhérents à cette 'ouverture' elle-même, soulignés par le professeur [W] [W]. Au demeurant la pièce 5 de M. [V], intitulée 'connaissance individuelle' établie avant l'intervention, mentionne bien une exploration de l'oreille gauche moyenne + ossiculoplastie ...platinectomie. Selon l'expert, M. [V] 'a compris que le professeur [W] [W] ferait ce qu'il faudrait si c'était simple'. Or, toujours selon l'expert, le geste de cure d'otospongiose peut être considéré comme simple, ou au moins classique pour un chirurgien ORL. Ainsi que le fait valoir le professeur [W] [W], le certificat qu'il a délivré à son patient le 6 novembre 1995 selon lequel ce dernier devait subir une intervention chirurgicale exploratoire n'avait qu'une fin administrative, et il ne peut être tiré aucune conclusion de la mention volontairement vague qu'il comporte.

Il ne peut en conséquence pas être retenu que M. [V] n'a pas consenti de manière éclairée au geste qui a été effectivement pratiqué.

Sur les autres griefs :

L'indication de l'intervention n'est pas remise en question par l'expert.

En ce qui concerne la prétendue absence de démucopériostage, l'expert indique que cette omission, à la supposer réelle, n'est pas corrélée avec les complications postopératoires. M. [V] n'apporte sur ce point aucun élément de discussion utile.

En ce qui concerne le suivi post-opératoire, M. [V] reproche au professeur [W] [W] d'avoir retiré un pansement sans le faire s'allonger, et sans assistance infirmière. L'expert précise cependant que cet acte n'a pu qu'être très modeste, compte tenu de l'usage de pansements spontanément résorbables, et ne contredit pas l'explication du professeur [W] [W], selon laquelle il s'agissait d'un malaise vagal. Ce malaise n'était donc pas prévisible pour le médecin. Rien ne permet en outre de considérer qu'il aurait pu jouer un rôle dans la survenance de la surdité. Le tribunal sera donc approuvé de n'avoir pas trouvé fautif le fait d'avoir procédé à cet acte en faisant simplement asseoir le patient, et sans assistance particulière.

M. [V] a été opéré le 1er décembre 1995, et est sorti le 6 décembre 1995. Il dit avoir toujours souffert d'acouphènes et de vertiges, et fait des chutes brutales d'audition. Le professeur [W] [W] a fait un audiogramme le 20 décembre 1995 qui évoque une chute d'audition sur les fréquences aigües. M. [V] a perdu l'audition de son oreille gauche le 27 décembre 1995 au matin. Il n'est fait état d'aucune démarche de M. [V] auprès du service du professeur [W] [W] entre le 27 décembre et le 3 janvier 1996, date à laquelle il est revu par le professeur [W] [W]. Il s'est rendu à [Localité 2], à l'hôpital [Établissement 1] consulter un autre spécialiste, le professeur [B], qui lui a conseillé de retourner voir le professeur [W] [W], qui l'a réhospitalisé entre le 5 et le 12 janvier 1996. Les parties sont contraires en fait sur le déroulement de cette hospitalisation, le professeur [W] [W] indiquant qu'il a vainement tenté de convaincre son patient d'accepter une reprise chirurgicale, que ce dernier a réclamée alors qu'il n'était plus temps, et M. [V] reprochant au professeur [W] [W] son hésitation, alors que les manifestations cliniques pouvaient évoquer une fistule péri-lymphatique.

Il résulte du compte-rendu d'hospitalisation que cette hypothèse a été formulée par le professeur [W] [W] au début de la seconde hospitalisation à [Localité 1], mais qu'aucun signe franc de cette pathologie n'a été constaté.

Aucune trace de cette complication n'a été retrouvée lors de l'intervention du professeur [B] le 18 janvier 1996, et l'affirmation catégorique sur ce point du docteur [M] au seul vu des pièces médicales et sans examen du patient ne peut être retenue, étant observé que l'expert, s'il admet que l'urgence de la réintervention peut être discutée après les premiers signes de souffrance de l'oreille interne, relève qu'aucun consensus professionnel n'existe sur ce point. La cour observe par ailleurs qu'il convient de se replacer, pour cette appréciation, dans le contexte scientifique de l'époque, soit fin 1995.

Le compte-rendu d'hospitalisation mentionne bien une proposition de réintervention le 6 janvier 1996 par le professeur [W] [W], et les réserves alors exprimées par le patient. Il relate également que ce dernier a quitté l'hôpital de [Localité 1] en indiquant souhaiter se faire réopérer par le professeur [B].

L'intervention du professeur [B], si elle a réduit les vertiges, n'a eu aucun effet sur l'audition.

Ainsi, ne peut pas être reproché au professeur [W] [W] d'avoir négligé son patient au cours de la période post-opératoire, ce dernier ne pouvant en aucune manière réopérer M. [V] sans son consentement.

N'est ainsi caractérisée aucune carence du professeur [W] [W] dans le suivi post-opératoire de M. [V].

Aucune faute n'étant ainsi établie contre le professeur [W] [W], le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes indemnitaires de M. [V].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne M. [R] [V] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 15/07784
Date de la décision : 21/09/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°15/07784 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-21;15.07784 ?
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