COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 07 SEPTEMBRE 2017
R.G. N° 15/04590
AFFAIRE :
[K] [F]
...
C/
[L] [J], ès qualité de liquidateur l'Association VIADUC 07
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 02
N° RG : 13/08218
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Christophe DEBRAY
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Monsieur [K] [F]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
2/ Madame [X] [V] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
3/ Mademoiselle [F] [F], représentée par ses parents, Monsieur [K] [F] et Madame [X] [V] épouse [F]
née le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
4/ Monsieur [O] [F], représenté par ses parents, Monsieur [K] [F] et Madame [X] [V] épouse [F]
né le [Date naissance 4] 2012 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
5/ Monsieur [V] [F]
né le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 4]
6/ Madame [U] [B] épouse [F]
née le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 4]
7/ Monsieur [L] [F]
né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 6]
8/ Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 8]
9/ Monsieur [S] [F]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 8]
10/ Madame [Y] [R] [G] [F], es qualités d'héritière de [R] [F], décédé le [Date décès 1] 2014
née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 8]
11/ Monsieur [Z] [F], es qualités d'héritier de [R] [F] décédé le [Date décès 1] 2014
né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 8]
12/ Monsieur [W] [F], es qualités d'héritier de [R] [F] décédé le [Date décès 1] 2014
né le [Date naissance 6] 1996 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Adresse 8]
13/ Madame [B] [K] [W]
née le [Date naissance 7] 1929 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 11]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626-N ° du dossier 23246
Représentant : Me Sylvie VERNASSIERE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1163
APPELANTS AU PRINCIPAL- INTIMES INCIDENTS
****************
1/ Maître [L] [J], ès qualités de liquidateur de l'Association VIADUC 07, désigné par le jugement de liquidation judiciaire rendu en date du 13 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Privas
[Adresse 12]
[Adresse 8]
2/ SA AXA FRANCE IARD,
RCS de Nanterre n° 722 057 460
[Adresse 13]
[Adresse 14]
représentée par ses dirigeants légaux en exercice, agissant par sa délégation Rhône-Alpes, [Adresse 15]
( ET ASSIGNEE SUR APPEL PROVOQUE)
3/ Association VIADUC 07,
dont le siège est [Adresse 16]
[Adresse 17]
représentée par son liquidateur, Maître [L] [J],
[Adresse 12]
[Adresse 8]
INTIMES
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1555195
Représentant : Me RIVA de la SCP MAURICE RIVA & VACHERON, Plaidant, avocat au barreau de LYON (T.737)
4/ CRAMIF
[Adresse 18]
[Adresse 19]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ASSIGNEE EN INTERVENTION FORCEE
5/ Société SYSTRA
RCS de PARIS n° 387 949 530
[Adresse 20]
[Adresse 21]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
6/ Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY SE
RCS de NANTERRE n° 487 414 608
[Adresse 22]
[Adresse 23]
[Adresse 24]
[Adresse 25]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 15274
Représentant : Me Karel ROYNETTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1144
INTIMEES AU PRINCIPAL - APPELANTES INCIDENTES
7/ CPAM D'AVIGNON
ci-devant [Adresse 26]
et actuellement [Adresse 27]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE
8/ CPAM DE L'ARDECHE
[Adresse 28]
[Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Juin 2017, Madame Véronique BOISSELET, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
-------
M. [K] [F], né le [Date naissance 1] 1983, étudiant, était employé à titre saisonnier depuis le 1er juillet 2011, en qualité d'agent polyvalent par l'Association Viaduc 07 (l'association). Chargé des fonctions de chef de train, il est tombé le 11 juillet 2003 du train touristique en marche exploité par l'association. Grièvement blessé, il a subi une amputation :
- du membre inférieur gauche au tiers supérieur de la jambe,
- du membre inférieur droit au niveau de l'interligne de Chopard,
- de l'avant bras droit.
De nombreuses interventions chirurgicales ont été nécessaires lors de longs séjours hospitaliers et en centre de rééducation.
Les conséquences de cette chute ont été prises en charge par les tiers payeurs au titre de la législation sur les accidents du travail.
M. [F] a déposé plainte avec constitution de partie civile le 29 juillet 2003. Dans le cadre de l'information ainsi ouverte dés le 15 juillet 2003 M. [D] [U] a été désigné en qualité d'expert avec pour mission :
- 4 -
- de déterminer les circonstances de l'accident,
- de dire si les voies ferrées ont fait l'objet d'un entretien conforme à la réglementation technique en vigueur,
- déterminer éventuellement l'existence d'une cause de l'accident étrangère à la structure ferroviaire.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 novembre 2004.
Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 11 octobre 2006.
Néanmoins la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes a ordonné un supplément d'information et l'association a été mise en examen le 13 juin 2007 puis renvoyée devant le tribunal correctionnel de Privas qui, par jugement en date du 21 juillet 2011, désormais définitif, l'a déclarée coupable de blessures involontaires sur la personne de M. [F].
M. [F] a saisi le TASS de Privas afin de :
- voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur,
- obtenir la réparation de son préjudice dans les limites posées par le code de sécurité sociale.
Par décision du 12 mai 2014 le TASS de Privas a reconnu la faute inexcusable de l'employeur et a rouvert les débats concernant l'évaluation des préjudices relevant de sa compétence.
Le TASS de Privas a statué sur l'évaluation des préjudices de M. [F] par jugement du 15 mars 2016 qui a été frappé d'appel. Il n'est pas fait état de l'issue de cet appel.
Par actes des 21, 24 et 28 juin 2013, M. [F], son épouse agissant en son nom personnel et ès qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs, [A] et [F] [F], ses parents, sa grand-mère, ses trois frères vivants, les héritiers de son frère [R] décédé, soit sa veuve et ses deux enfants majeurs, ont assigné :
la société Systra, chargée du contrôle des rails lors de l'accident,
son assureur, la société AGCS SE,
l'association en qualité de gardienne du train en mouvement lors de la chute de la victime,
son assureur, la société Axa France Iard (Axa),
la CPAM d'Avignon,
aux fins d'indemnisations de leurs préjudices.
Me [L] [J], és qualités de liquidateur de l'association, est intervenu aux débats.
La CPAM d'Avignon et la CPAM de l'Ardèche, bien que régulièrement assignées, n'ont pas constitué avocat.
Par jugement du 18 juin 2015 le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- constaté la reprise de l'instance par l'épouse et les enfants de M. [R] [F], décédé le [Date décès 2] 2014, en leur qualité d'héritiers de celui-ci,
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- donné acte à Me [J] de son intervention en reprise d'instance és qualités de liquidateur de l'association,
- reçu l'intervention volontaire de la société Allianz Global Corporate & Speciality SE (AGCS SE) et prononcé la mise hors de cause de la compagnie Allianz Iard,
- dit que sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, la responsabilité de l'association était engagée :
* en sa qualité de gardienne du train, lors de l'accident du 11 juillet 2003,
* le comportement de M. [K] [F] qui avait maintenu la porte ouverte alors que le train circulait n'ayant été ni imprévisible, ni irrésistible pour elle en sa qualité d'employeur,
* aucune faute de la victime n'étant démontrée pouvant exonérer l'association en tout ou partie de sa responsabilité ;
- débouté les consorts [F] de leurs demandes dirigées contre la société Systra et son assureur, la société AGCS SE,
- condamné Axa, assureur de l'association à verser les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du jour de la décision :
* à Mme [X] [F] née [V] épouse de M. [K] [F] :
préjudice d'affection8 000,00 euros
troubles dans les conditions d'existence6 000,00 euros
préjudice sexuel par ricochet3 000,00 euros
* à M. [V] [F] et Mme [U] [F] née [B], parents de M. [K] [F] :
préjudice matériel des deux : 593,95 euros (lire 32 593,50 euros)
préjudice d'affection pour chacun : 2 000 euros (lire12 000,00 euros)
troubles dans les conditions d'existence, chacun8 000,00 euros
* à M. [T] [F] et M. [S] [F], frères de M. [K] [F] :
préjudice d'affection de chacun5 000,00 euros
* à Mme [Y] [F] née [R] [G] et à ses enfants [Z] et [W], en leur qualité d'héritiers de leur mari et père décédé, M. [R] [F] :
préjudice d'affection subi par M. [R] [F] 5 000,00 euros
* à M. [L] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection8 000,00 euros
troubles dans les conditions d'existence2 000,00 euros
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* à Mme [B] [K] veuve [W], grand-mère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection7 000,00 euros
- condamné Axa au titre de l'article 700 du code de procédure civile à verser500,00 euros
à Mme [X] [F], M. [V] [F], Mme [U] [F], M. [L] [F], M. [T] [F], M. [S] [F], Mme [B] [W], à chacun d'eux,
ainsi qu'une somme de 500,00 euros
ensemble à Mme [Y] [F] et à ses enfants [W] [F] et [Z] [F],
- débouté M. [K] [F], la société Systra et son assureur, la société AGCS SE, de leurs réclamations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Axa aux dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à concurrence de la moitié des sommes allouées et en totalité en ce qui concerne celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes, plus amples ou contraires.
Le 23 juin 2015 les consorts [F] ont interjeté appel.
La CPAM de l'Ardèche, la CPAM d'Avignon et la CRAMIF, bien que régulièrement assignées en cause d'appel, par actes des 10 et 11 août 2015 et 4 janvier 2016, n'ont pas constitué avocat.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence pour
les consorts [F], appelants au principal et intimés incidents,
la société AGCS SE et la société Systra, intimées au principal et appelantes incidents,
Axa, l'association représentée par Me [L] [J], és qualités de liquidateur de cette dernière
et à leurs conclusions signifiées les 11 mai et 17 mai 2017 tendant à ce que la cour :
- pour les consorts [F],
- les déclare recevables et bien fondés en leur appel,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la responsabilité de l'association était engagée, en sa qualité de gardienne du train, et que son assureur Axa, était tenue d'indemniser le préjudice des victimes indirectes,
- infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,
vu l'article 1382 du code civil,
à titre principal,
- juge que la société Systra a commis une faute dans le contrôle des rails, en lien avec l'accident dont M. [F] a été victime,
- 7 -
- juge que la société Systra, ainsi que son assureur, la société AGCS SE, sont tenus in solidum d'indemniser les préjudices subis par M. [F] et ses proches,
- ordonne une mesure d'expertise médicale de M. [F] avec la mission classique en matière de handicap lourd,
- sursoie à statuer sur l'indemnisation des préjudices de M. [F] dans l'attente du rapport médical de l'expert désigné par la cour,
à titre infiniment subsidiaire,
- ordonne une mesure d'expertise confiée à tel expert ingénieur spécialisé en matériel ferroviaire avec la mission de répondre aux questions exposées dans le corps des conclusions,
- prononce le sursis à statuer sur l'indemnisation des préjudices de M. [F] dans l'attente du rapport qui sera déposé par l'expert judiciaire spécialisé en matériel ferroviaire commis par la cour,
en tout état de cause,
- condamne in solidum Axa, en sa qualité d'assureur de l'association, la société Systra ainsi que son assureur, la société AGCS SE, à payer les sommes suivantes :
* à Mme [X] [F], épouse de M. [K] [F] :
préjudice d'affection30 000,00 euros
troubles dans ses conditions d'existence70 000,00 euros
préjudice sexuel50 000,00 euros
avec réserves concernant la perte de gains qu'elle subit du fait de l'aide qu'elle doit apporter à son conjoint dans tous les actes et activités de la vie courante
* à M. [V] [F] et Mme [U] [F], parents de M. [K] [F] :
frais divers pour les deux 64 037,93 euros
préjudice d'affection pour chacun 30 000,00 euros
troubles pour chacun dans leurs conditions d'existence20 000,00 euros
* à M. [L] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection15 000,00 euros
troubles dans ses conditions d'existence15 000,00 euros
pertes de gains 3 766,55 euros
* à M. [T] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection 8 000,00 euros
* à M. [S] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection8 000,00 euros
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* à Mme [Y] [F] née [R] [G] et ses enfants, [W] et [Z], ès qualités d'héritiers de leur époux et père, M. [R] [F], décédé :
préjudice d'affection8 000,00 euros
* à Mme [B] [K] veuve [W], grand-mère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection15 000,00 euros
préjudice matériel 18 868,20 euros
au titre de l'article 700 du code de procédure civile
à M. [K] [F] 3 900,00 euros
à chacun, épouse, parents, grand-mère, frères, belle-soeur et neveux (ces derniers és qualités d'héritiers du frère décédé) de la victime une indemnité de 1 200,00 euros
- condamne in solidum Axa, la société Systra ainsi que son assureur, la société AGCS SE, à supporter les dépens avec faculté de recouvrement direct.
* pour la société AGCS SE et la société Systra,
vu l'article 1382 du code civil, 328 et suivants du code de procédure civile,
à titre principal,
- confirme le jugement du 18 juin 2015 en tant qu'il a débouté les consorts [F] de leurs demandes dirigées contre elles ainsi que M. [K] [F] de l'intégralité de ses demandes,
- réforme le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et leur accorde à ce titre à chacune
d'elles10 000,00 euros
à titre subsidiaire,
- dise que la faute de M. [K] [F] entraîne une exonération, à tout le moins, partielle à l'égard de la société Systra,
- condamne l'association et son assureur Axa, à les garantir de toute condamnation prononcée contre elles au profit des consorts [F],
- rejette, à l'inverse, tout appel en garantie de l'association et de son assureur Axa contre elles,
à titre sous-subsidiaire,
- sursoie à statuer en tout état de cause et réserve les demandes d'indemnisation de M. [K] [F] dans l'attente de l'arrêt à intervenir suite à l'appel contre le jugement du TASS de Privas du 15 mars 2016,
- dise que les préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux des proches de M. [K] [F] s'établissent comme suit :
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* Mme [X] [F], épouse de M. [K] [F] :
préjudice d'affectionrejet
subsidiairement6 000,00 euros
troubles dans ses conditions d'existence et sexuelrejet
subsidiairement pour les deux3 000,00 euros
perte de gains professionnels rejet
* à M. [V] [F] et Mme [U] [F], parents de M. [K] [F] :
préjudices patrimoniauxréduction
à de plus justes proportions
préjudice extra patrimoniaux6 000,00 euros
à chacun d'eux
* à M. [L] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudices patrimoniaux, frais divers rejet
préjudices extra-patrimoniaux 3 000,00 euros
* à M. [T] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection 1 000,00 euros
* à M. [S] [F], frère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection1 000,00 euros
* à Mme [Y] [F] et ses enfants [W] et [Z], ès qualités d'héritiers de leur époux et père, M. [R] [F], décédé :
préjudice d'affection1 000,00 euros
* à Mme [B] [W], grand-mère de M. [K] [F] :
préjudice d'affection1 000,00 euros
préjudice matériel rejet
- rejette les demandes au titre du préjudice extra patrimonial des enfants de M. [K] [F], [F], [O] et [J].
en tout état de cause,
- déboute tous contestants de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
* pour Axa, l'association et Me [J] és qualités de liquidateur,
- réforme le jugement entrepris,
vu les dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du code civil,
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- juge qu'aucune responsabilité ne saurait être imputée à l'association au motif allégué qu'elle serait gardienne du train qui, alors qu'il était en mouvement, avait grièvement blessé M. [K] [F],
- en conséquence, déboute les appelants de leurs entières demandes contre eux,
subsidiairement,
- si la cour devait considérer que l'accident était dû à un mauvais entretien, il y aurait lieu de condamner la société Systra et son assureur, la société AGCS SE, à relever Axa de toutes condamnations,
- rejette la demande en garantie présentée par la société Systra et son assureur, la société AGCS SE, contre Axa
encore plus subsidiairement,
- confirme le jugement en toutes les sommes allouées aux appelants,
- en tout état de cause, déboute les sociétés Systra et AGCS SE de leurs demandes,
- condamne les appelants aux entiers dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct.
L'ordonnance de clôture a été rendue 18 mai 2017.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur les responsabilités :
Sur la responsabilité de l'association :
Ainsi que justement rappelé par les consorts [F], l'association a été condamnée par le tribunal correctionnel de Privas, par jugement du 23 juin 2011 devenu définitif, pour avoir par maladresse, imprudence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi, causé à M. [K] [F] des blessures ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois.
Le tribunal correctionnel a retenu que le fait générateur de l'accident était constitué par le maintien des portes ouvertes pendant la marche du train, et que l'association n'avait pas suffisamment veillé à l'application des consignes de sécurité consistant à rouler portes fermées.
La faute ainsi caractérisée de manière définitive par la juridiction pénale, ainsi que le lien de causalité entre cette faute et les blessures causées à M. [K] [F] ne sont donc plus susceptibles d'être discutés.
Néanmoins, les consorts [F] ayant fait le choix d'invoquer contre l'association l'article 1384 alinéa 1 dans sa rédaction alors applicable, qui est un régime de responsabilité sans faute, et le tribunal correctionnel ne s'étant, faute de demande, pas prononcé sur le principe de la
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responsabilité civile de l'association, il convient d'examiner cette responsabilité sur le fondement juridique choisi par la victime, les faits constituant l'élément matériel de l'infraction pénale de blessures involontaires ne pouvant cependant plus être remis en cause devant la juridiction civile.
Il n'est pas discuté que M. [K] [F] est tombé du train qui roulait par une porte latérale qui était ouverte. L'association ne conteste pas sa qualité de gardienne de ce train, et n'est pas non plus recevable à contester avoir omis de mettre en oeuvre les mesures nécessaires à une stricte application de la règle de sécurité consistant à fermer les portes du train en marche, omission définitivement jugée établie et en lien de causalité avec les blessures de la victime. Sa responsabilité a été justement retenue par le tribunal. Axa n'a par ailleurs jamais discuté sa garantie.
Qu'il s'agisse d'une responsabilité objective fondée sur la garde de la chose, ou d'une responsabilité pour faute, telle que celle qui aurait pu être invoquée en tirant les conséquences de la condamnation pénale prononcée par l'association, est admise la recherche d'une faute de la victime, ayant concouru à la survenance du dommage, et ayant ainsi pour conséquence d'exonérer, en tout ou partie, le gardien.
Le train touristique en cause est celui qui dessert la ligne Vogüé à Saint Jean le Centenier, en Ardèche, longue de 14 km et comportant 7 viaducs, le matériel roulant étant constitué de deux autorails et deux remorques construits au début des années soixante. Sa vitesse est limitée à 30 km à l'heure.
Il résulte tant de l'expertise [U] que des auditions de témoins recueillies par les gendarmes, que la fonction de chef de train qu'occupait M. [K] [F] lorsqu'il est tombé comportait la surveillance des voies. En effet, lors de l'accident la 'remorque' dans laquelle se trouvait la victime était située en tête du convoi, soit devant la partie motrice, en sorte que le conducteur du train, situé dans cette partie, ne pouvait avoir de vue sur la portion de la voie immédiatement devant le train, masquée par la remorque malgré la surélévation du poste de conduite. Il incombait donc au chef de train, qui se trouvait dans la remorque et disposait par la partie vitrée située à sa tête d'une vision directe, d'exercer cette surveillance, à charge pour lui de prévenir le conducteur en actionnant une clé spécialement prévue à cet effet. Néanmoins certains témoignages recueillis ont montré qu'il n'était pas rare que les chefs de train exercent la surveillance dont ils étaient chargés en se penchant par les portes ouvertes, notamment dans les courbes, alors surtout que les passagers avaient tendance à se masser dans la partie frontale de la remorque pour profiter de la vue, et qu'en particulier M. [K] [F] était coutumier de ce fait. L'expert a constaté qu'à l'endroit de l'accident, la visibilité du conducteur du train était en effet nulle. En outre, toutes les personnes interrogées ont confirmé que la chaleur à l'intérieur du train était habituellement difficilement supportable, les fenêtres ne s'ouvrant que très peu, en sorte que l'ouverture des portes permettait de pallier cet inconvénient. Or le jour de l'accident était particulièrement chaud (33°). Enfin l'expert [U] a constaté que les portes d'accès ne disposaient pas de fermeture automatique et étaient en outre susceptibles de bouger lors de secousses ou de coups de freins. Les photos prises par l'expert montrent qu'il s'agit de portes battantes et non coulissantes, et ce dernier n'a pas exclu que M. [K] [F] ait été déséquilibré par un mouvement brusque de la porte, insuffisamment calée en position ouverte par les morceaux de bois prévus à cet effet.
M. [K] [F] avait déjà travaillé l'année précédente pour l'association, même si ce n'était pas en qualité de chef de train, et avait pris cette nouvelle fonction après une journée
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de formation en doublon avec une personne expérimentée. Il doit cependant être noté qu'il n'avait pu se rendre à la journée préalable de formation organisée par l'association. Néanmoins les témoignages produits montrent que, si était courant, et toléré de l'association, le fait de rouler portes ouvertes, la règle de sécurité consistant à ne pas le faire était régulièrement rappelée et M. [K] [F] n'a pu l'ignorer.
La faute de M. [K] [F] est ainsi démontrée, et a indiscutablement concouru à la survenance du dommage. Cette faute n'étant pas imprévisible pour l'association, et se conjuguant avec la sienne, sanctionnée pénalement, elle ne peut l'exonérer totalement de sa responsabilité. En revanche, elle l'exonérera à hauteur de 20 %.
Sur la responsabilité de la société Systra :
Lui est reprochée par les consorts [F] une faute dans l'exécution de sa mission de surveillance des rails, le mauvais état des traverses en bois qui étaient pourries ayant été à l'origine d'un ballottement du train entraînant le déséquilibre puis la chute de la victime.
L'expert [U] a observé que des traverses étaient en mauvais état à l'endroit de l'accident. Il a indiqué que cette situation était tolérée sous réserve que les traverses 'pourries' assurent un appui suffisant et soient encadrées par deux traverses correctes, mais n'a pas précisé si tel était le cas en l'espèce. Surtout, il n'a tiré aucune conclusion de ses constatations sur d'éventuelles perturbations de l'allure du train, et il ne résulte d'aucune pièce que le mauvais état des traverses à cet endroit ait été à l'origine d'un ballottement particulier. La note critique établie de manière non contradictoire par l'expert [I] à la demande des consorts [F] sans examen personnel des lieux par cet expert, et qui affirme péremptoirement que le défaut d'alignement de la voie compte tenu de l'arrivée sur un viaduc, conjugué avec le mauvais état des traverses et la chaleur a nécessairement provoqué un soubresaut anormal et violent susceptible d'avoir fait lâcher prise à M. [K] [F] n'est confirmée par aucun élément. Au contraire, le conducteur le jour de l'accident n'a rapporté aucun mouvement anormal du train à cet endroit, ni aucun freinage brusque, et n'a appris l'accident qu'en arrivant au terme du trajet.
Par ailleurs, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, aucun élément n'établit les circonstances exactes de la chute de M. [K] [F], qui n'a eu aucun témoin visuel, et dont l'intéressé, gravement choqué, dit n'avoir pas de souvenir, étant observé qu'aucune des parties n'a jugé nécessaire de produire son audition par le juge d'instruction. Rien n'établit donc que l'insuffisance alléguée du contrôle de l'état des voies par la société Systra, à la supposer établie, ait eu un rôle causal dans la survenance de l'accident.
Le jugement sera donc confirmé sur le rejet des demandes formulées contre la société Systra.
Sur la réparation des préjudices :
M. [K] [F], pris en charge au titre des accidents du travail, ne forme, à bon droit, aucune demande contre l'association, qui est son employeur. La responsabilité de la société Systra n'étant pas retenue, d'éventuelles demandes au titre de préjudices non réparés dans le cadre de la législation sur les accidents du travail ne pourraient aboutir, et les demandes de sursis à statuer et de nouvelle expertise de ses préjudices corporels sont sans objet.
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Sur le préjudice de Mme [V] épouse [F] :
Il a été utilement rappelé par le tribunal que M. et Mme [F], qui s'étaient déjà rencontrés avant l'accident, n'ont commencé à vivre ensemble qu'en 2007 et se sont mariés en 2011, en sorte que le préjudice subi par l'épouse devait être apprécié au regard de son choix personnel de partager l'existence de M. [K] [F] en parfaite connaissance des graves séquelles laissées par l'accident.
Même si le couple a eu par la suite trois enfants, l'existence d'un préjudice sexuel est établie, l'expert ayant relevé qu'existait une répercussion esthétique et fonctionnelle à la pratique sexuelle.
Enfin, le temps écoulé permettait à Mme [F] de justifier de la perte de gains professionnels personnellement subie à la suite de l'assistance à apporter à son mari, ce qu'elle ne fait pas, et rien ne justifie de réserver ce poste de préjudice. Sa demande de réserves sur ce point sera rejetée.
Les préjudices de Mme [F] seront fixés comme suit :
- préjudice d'affection : 12 000 euros x 80 % = 9 600,00 euros
- trouble dans les conditions d'existence : 10 000 euros x 80 % =8 000,00 euros
- préjudice sexuel par ricochet : 6 000 euros x 80 % =4 800,00 euros
Sur le préjudice de M. et Mme [V] [F], parents de M. [K] [F] :
La cour fait sienne la motivation du tribunal selon laquelle doivent être admis les frais de déplacement, de restauration et d'hébergement exposés par M. et Mme [F] lors des hospitalisations de leur fils, ainsi que des périodes de rééducation, à l'exception des frais exposés hors soins et des frais de papeterie et bureautique. Bien qu'Axa accepte, à titre subsidiaire, l'évaluation opérée par le tribunal, il y a lieu, considérant qu'elle demandait à titre principal le débouté de cette demande, d'appliquer le pourcentage de réduction de l'indemnisation précédemment retenu, en sorte que la réparation de ce préjudice sera fixée à la somme
de 32 593, 95 euros x 80 % =26 075,16 euros
Le préjudice d'affection et celui lié au trouble dans leurs conditions d'existence subis par les parents de M. [K] [F] ne peuvent être méconnus, et la cour adopte sur ce point la motivation précise du tribunal. Ces postes de préjudices ont été réparés de manière adaptée par le tribunal, néanmoins, afin de tenir compte de l'exonération partielle de responsabilité de l'association, et au regard du fait que ces sommes ne sont admises par l'association et Axa qu'à titre subsidiaire il y a lieu de fixer les sommes revenant à M. et Mme [V] [F] comme suit :
- préjudice d'affection, chacun : 12 000 euros x 80 % = 9 600,00 euros
- trouble dans les conditions d'existence, chacun: 8 000 euros x 80 % = 6 400,00 euros
Sur le préjudice subi par [T], [S] et [R] [F], ce dernier représenté par sa veuve Mme [R] [G] et leurs deux enfants :
Le tribunal l'a justement fixé à la somme de 5 000 euros chacun, et il leur reviendra donc, compte tenu de l'exonération partielle de 20 % la somme de 4 000,00 euros
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Sur le préjudice subi par M. [L] [F] :
Il a été justement retenu que M. [L] [F], qui vivait avec M [K] [F] chez leurs parents lors de l'accident, avait été extrêmement affecté par le malheur de son frère, et avait été particulièrement présent auprès de lui tout au long de ses hospitalisations, soins et périodes de rééducation. Les indemnisations allouées seront donc confirmées, sauf à leur appliquer l'exonération partielle de 20 %.
En ce qui concerne la perte de gains professionnels revendiquée, la cour ne peut que constater, comme l'avait fait le tribunal, que la perte de son emploi de maître d'internat par M. [L] [F] a pour cause le fait qu'il n'ait pas présenté d'examen pendant 3 ans, et non l'accident de son frère, en sorte qu'il a été justement débouté de cette demande.
Les sommes revenant à M. [L] [F] seront donc fixées comme suit :
- préjudice d'affection : 8 000 euros x 80 % =6 400,00 euros
- trouble dans ses conditions d'existence : 2 000 euros x 80 % =1 600,00 euros
Sur le préjudice subi par Mme [K] veuve [W], grand-mère de M. [K] [F]:
Le préjudice d'affection de Mme [W] a été justement évalué par le tribunal. Après application du pourcentage d'exonération partielle, la somme lui revenant à ce titre sera fixée à 7 000 euros x 80 % = 5 600,00 euros
La cour adopte par ailleurs les motifs pertinents énoncés par le tribunal pour débouter Mme [W] de ses demandes au titre du préjudice financier causé selon ses affirmations, par le fait que l'accident l'a conduite à ne pas louer une partie de son domicile, afin de permettre à son petit-fils [K] de l'occuper lorsqu'il reprendrait ses études.
Sur les autres demandes :
Le principe de l'indemnisation des préjudices étant confirmé, l'association et Axa supporteront les dépens d'appel, sans qu'il y ait lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.
Le présent arrêt sera déclaré commun aux CPAM de l'Ardèche et d'Avignon, ainsi qu'à la CRAMIF.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré sur le principe de la responsabilité de l'association Viaduc 07 en ce qui concerne les préjudices causés par l'accident dont M. [K] [F] a été victime le 11 juillet 2003,
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Infirmant en ce qu'il a été jugé que M. [K] [F] n'avait commis aucune faute et statuant à nouveau de ce chef,
Dit que M. [K] [F] a commis une faute ayant concouru à la survenance de l'accident, exonérant à hauteur de 20 % l'association Viaduc 07,
Infirmant le jugement sur les sommes allouées et statuant à nouveau,
Condamne la société Axa France Iard ès qualités d'assureur de l'association Viaduc 07 à payer les sommes de :
- à Mme [X] [V] épouse [F] :
préjudice d'affection 9 600,00 euros
trouble dans les conditions d'existence8 000,00 euros
préjudice sexuel par ricochet 4 800,00 euros
- à M. [V] [F] et Mme [U] [B] épouse [F] :
préjudice financier26 075,16 euros
préjudice d'affection, chacun 9 600,00 euros
trouble dans les conditions d'existence, chacun6 400,00 euros
- à Mme [B] [K] veuve [W]5 400,00 euros
- à M. [T] [F] :
préjudice d'affection 4 000,00 euros
- à M. [S] [F] :
préjudice d'affection 4 000,00 euros
- à Mme [Y] [R] [G] veuve [F] et ses enfants [W] et [Z], ensemble, ès qualités d'héritiers de [R] [F] :
préjudice d'affection 4 000,00 euros
- à M. [L] [F] :
préjudice d'affection 6 400,00 euros
trouble dans les conditions d'existence1 600,00 euros
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Rejette toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
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Condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,
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