COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
RND
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET2017
R.G. N° 15/04972
AFFAIRE :
SA NOVACYT
C/
[Y] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Encadrement
N° RG : 13/03064
Copies exécutoires délivrées à :
Me Muriel LECRUBIER
Me Grégory MENARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA NOVACYT
[Y] [S]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA NOVACYT
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Frédéric TELENGA de la SELARL BASTIEN ' JEAUGEY ' TELENGA ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 11 (avocat plaidant) et ayant pour avocat Me Muriel LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0449 - N° du dossier 20151166 (avocat postulant)
APPELANTE
****************
Monsieur [Y] [S]
LE VERM
[Adresse 3]
comparant en personne, assisté de Me Grégory MENARD, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 242
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Avril 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,
L'affaire a été mise en délibéré au 15 juin 2017 puis prorogée au 29 juin 2017 et au 06 juillet 2017
FAITS ET PROCÉDURE,
M. [Y] [S] était employé, depuis février 2010, comme Responsable produits par la société [Adresse 4] (ci-après CCITI) lorsque la société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte le 11 décembre 2012. La société CCITI, dirigée par M. [T] [P], avait pour activité l'édition de logiciels en cancérologie.
Dans le cadre du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce le 28 janvier 2013, la société CCITI, a procédé, par acte des 11 et 13 février 2013, à la cession d'éléments de son fonds de commerce à la société Novacyt SA. Le plan prévoyait la reprise des contrats de travail de trois salariés, dont M. [S] et M. [L] [Y], Directeur technique.
Par avenant du 28 janvier 2013, M. [Y] [S] a été embauché par la société Novacyt, avec reprise de son ancienneté au 12 février 2010, en qualité de Projet Manager, sous contrat à durée indéterminée, moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle de 5 327 euros bruts.
La société Novacyt SA, dirigée par M. [T] [X], est spécialisée dans le diagnostic médical et commercialise des solutions de cytologie en milieu liquide pour le dépistage du cancer. Cette société a obtenu, en 2013, la certification ISO 13485.
Avant le rachat de ses actifs par la société Novacyt, la société CCITI était en charge d'un projet de logiciel informatique intitulé ' Bio-Banque' pour le Centre Hospitalier de [Localité 1] (ci-après le projet [Localité 1]), dont M [S] était le responsable du suivi et du développement.
M. [S] indique qu'il a refusé, au cours du mois d'octobre 2013, une proposition de rupture conventionnelle, émanant de la société Novacyt, présentée comme une alternative à son licenciement pour faute grave et que ses relations avec sa hiérarchie se sont, alors, tendues.
Il expose que, le 31 octobre 2013, M. [P], ancien PDG de la société CCITI, l'a informé de ce que sa nouvelle société EBCI avait repris le contrat ' [Localité 1] '. La société Novacyt a précisé à l'audience, que la société EBCI a repris les logiciels le 1er novembre 2013.
M. [S] avait pour mission de finaliser ce projet sous sa responsabilité en qualité de chef de projet et sous la responsabilité contractuelle de M. [F], directeur recherches et développement.
M. [S] a écrit à l'inspection du travail, le 14 novembre 2013, pour se plaindre des pressions dont il se disait l'objet tels que la rupture conventionnelle avec menace de licenciement et le refus opposé à sa demande de télé-travail.
Lors de la réunion finale concernant le projet ' [Localité 1] ' du 28 novembre 2013, M. [X] lui a reproché la non tenue des objectifs de conformité aux normes réglementaires de la société Novacyt et notamment, la norme ISO 13485. La société indique que le salarié s'est montré menaçant et très agressif.
Le 29 novembre 2013, M. [S] a été mis à pied à titre conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, fixé au 9 décembre 2013.
Par courrier du 12 décembre 2013, reçu le 20 décembre, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, M. [S] a, le 27 décembre 2013, saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 2], aux fins de :
- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- voir condamner la société Novacyt à lui payer les sommes suivantes :
- 4 486,20 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 16 480 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 648 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 3 933,44 euros au titre du rappel de salaire (mise à pied conservatoire),
- 393,35 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,
- 2 000 euros au titre de la prime abusivement décomptée du solde de tout compte,
- 200 euros au titre des congés payés incidents,
- 70 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,
- 85 226,40 euros au titre de l'indemnité de non concurrence,
- 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
article 700,
- ordonner l'exécution provisoire totale de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.
La société Novacyt a demandé au conseil de prud'hommes de :
- constater que le licenciement repose sur une faute grave,
- rejeter l'intégralité de ses demandes,
- constater que M. [S] ne justifie pas de la réalisation du projet ISI,
- rejeter sa demande de complément de salaire,
- au visa de l'article 11 de la convention collective de la pharmacie, parapharmacie, produits vétérinaires, fabrication et commerce, et de l'article 1382 du code civil, constater que M. [S] n'a pas respecté la clause de non concurrence en janvier 2014 et depuis mars 2013,
- le condamner au paiement d'une somme de 22 689 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation avec les sommes dues par la société Novacyt,
- rejeter sa demande de contrepartie financière,
- le condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] a :
- condamné la société Novacyt à payer à M. [S] les sommes suivantes :
- 4 486,20 euros au titre d'indemnité de licenciement,
- 16 480 euros au titre de l'indemnité de préavis,
- 1 648 euros au titre des congés payés sur ce préavis,
- 3 933,44 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 393,34 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,
- 85 226,40 euros au titre de la clause de non concurrence,
-1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [S] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Novacyt de l'ensemble de ses demandes,
- laissé les éventuels dépens à la charge de la SA Novacyt.
Par déclaration du 5 novembre 2015, la société Novacyt a interjeté ' appel partiel sur la condamnation à une indemnité de non concurrence de 85 226,40 euros '. Cependant, la cour précise qu'elle sera saisie de l'ensemble du litige, par l'appel incident du salarié.
Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Novacyt demande à la cour de :
- infirmer la décision entreprise,
- constater que le licenciement notifié le 12 décembre 2013 repose sur une faute grave,
- constater que M. [S] ne justifie pas de la réalisation du projet ISI,
- rejeter ses demandes de complément de salaire,
Vu l'article 11 de la convention collective de la pharmacie, parapharmacie, produits, vétérinaires, fabrication et commerce et l'article 1382 du code civil, constater que l'indemnité qui serait due au titre de la clause de non concurrence ne peut être égale qu'à un tiers de la rémunération mensuelle de M. [S],
- constater qu'il n'a pas respecté la clause de non concurrence en janvier 2014 et depuis mars 2013,
- constater que la société ne saurait lui être lui redevable que d'une somme de 22 692,15, au titre de l'indemnité due en contrepartie de la clause de non concurrence,
- constater qu'il a violé sa clause de non concurrence, rendant ce dernier redevable de dommages et intérêts à l'égard de la société,
- ordonner la compensation des sommes qui pourraient être dues entre les parties au titre de cette clause de non concurrence,
- rejeter toute autre demande de contrepartie financière,
- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, M. [S] demande à la cour de :
- confirmer la condamnation de la société Novacyt à lui payer les sommes suivantes :
- 4 486,20 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 16 480 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 648 euros au titre des congés payés sur préavis,
- 3 933,44 euros au titre du rappel de salaire (mise à pied conservatoire),
- 393,35 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,
- 85 226,40 euros au titre de l'indemnité de non concurrence,
- 1 250 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant, condamner la société Novacyt à lui payer les sommes suivantes :
- 2 000 euros au titre de la prime abusivement décomptée du solde de tout compte,
- 200 euros au titre des congés payés incidents,
- 70 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,
- 8 522,64 euros au titre des congés payés sur indemnité de non-concurrence,
- 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Novacyt aux entiers frais et dépens.
Dans la mesure où le salarié soutenait que le véritable motif de son licenciement était d'ordre économique, la cour a demandé à la société Novacyt si M. [S] avait été remplacé et s'est vue répondre que le remplacement du poste n'avait plus de raison d'être, en raison du transfert d'activité.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, se lit comme suit :
' Nous faisons suite à notre entretien préalable du 9 décembre 2013 et sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments suivants :
Alors que l'ensemble des salariés de Novacyt est sensibilisé à l'importance du cadre réglementaire dans le développement des produits de Novacyt en accord avec sa- certification ISO13485, vous n'avez pas souhaité intégrer les processus qualité mise en place dans la société pour des motifs qui nous restent inconnus. De façon progressive et insidieuse, vous avez refusé cette exigence de sorte que, début septembre 2013, lorsque nous avons préparé l'audit de certification ISO 13485 du 23 septembre, nous nous sommes aperçus qu'aucun document qualité n'existait dans le cadre du développement de ce produit. Nous avons du, de ce fait, organiser deux semaines complètes de travail pour créer les deux dossiers FSD et DSEL du logiciel de [Localité 1] dont vous aviez la charge. En dépit de cette situation dangereuse pour l'entreprise, j'ai souhaité vous laisser l'opportunité de modifier la situation en vous laissant jusqu'au mois de novembre pour nous proposer des solutions.
Hélas au lieu de relever ce défi qui vous permettait de corriger vos incompétences, vous avez préféré abandonner toute initiative professionnelle.
Nous avons alors constaté dès le début du mois d'octobre 2013, votre progressive démotivation pour votre travail quotidien avec des arrivées de plus en plus tardives sur votre lieu de travail, un absentéisme répété essentiellement aux abords du week end, lundi et vendredi, et une volonté ouverte de non communication avec l'ensemble du personnel et de la direction. Vous avez alors tenté une rupture conventionnelle le 14 octobre 2013, aussitôt rapidement abandonnée pour entrer dans un bras-de-fer, avec notamment l'envoi d'un courrier le 12 novembre 2013 à l'inspection du travail, afin d'obtenir un télétravail incompatible avec votre fonction. Cette attitude délétère rendait chaque réunion plus tendue et pénible; et lorsque le 28 novembre 2013, je vous ai demandé de me fournir le DSEL (dossier réglementaire de suivi du développement des logiciels) pour vérifier que les modifications de spécifications du logiciel de [Localité 1] étaient bien signalées et suivies, vous avez refusé de me donner ce document pourtant indispensable et dont vous connaissiez l'importance pour notre société. Vous êtes devenu incontrôlable, vous êtes sorti de la réunion en claquant la porte et vous êtes revenu après cinq minutes dans un état second, confirmant alors que vous ne l'aviez pas mis à jour, que vous n'en aviez pas l'intention parce que "ça vous emmerdait".
Je vous précise que c'est cet événement qui m'a permis de prendre conscience du fait que vous n'aviez pas les capacités pour corriger la situation. Si votre insuffisance professionnelle justifie un licenciement pour cause réelle et sérieuse puisque malgré votre ancienneté (au demeurant faible depuis notre reprise), je n'ai pu constater que récemment vos insuffisances sus décrites, votre attitude agressive récente a motivé votre mise à pied et votre licenciement pour faute grave. Je précise que votre désinvolture met en péril la poursuite de l'activité de la société qui ne peut de ce fait commercialiser ses produits et se développer correctement sans la certification ISO13485.
Votre silence lors de notre entretien du 9 décembre 2013 confirme notre décision.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis.
Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnité de licenciement.
D'autre part, une avance sur prime de 2 000 euros vous a été versée en avril 2013 et régularisée sur bulletin d'octobre 2013. Cette prime était liée à la participation dans la réalisation d'un projet ISI (innovation stratégique industrielle) pour aboutir à recevoir un financement de ce projet. L'objectif n'ayant pu être atteint vu votre retard dans le projet [Localité 1], nous nous voyons dans l'obligation de vous demander la restitution de cette prime.
Par ailleurs, à la date du jeudi 12 décembre 2013, les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF) s'élèvent à 58,33 heures. Les sommes correspondantes à ce droit peuvent être affectées au financement d'une action de formation, de bilan de compétences ou de validation des acquis d'expérience. '.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l'entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
La société appelante soutient que constitue une faute grave les insuffisances professionnelles de M. [S] ajoutées à son agressivité lors de la réunion du 28 novembre 2013. La société soutient que le salarié savait qu'il lui fallait élaborer la documentation réglementaire conforme à la norme ISO 13485 pour le 17 septembre 2013 afin que le logiciel [Localité 1] soit commercialisable et livré pour fin novembre 2013 et que le salarié, dans l'incapacité de tenir ses obligations, va multiplier les sujets de querelle :
- sollicitant puis refusant une rupture conventionnelle ;
- saisissant l'inspection du travail sur un refus de télé-travail ;
- refusant d'être présent à l'entreprise malgré la demande écrite de l'employeur ;
- en n'avançant pas sur le projet jusqu'à la réunion du 28 novembre 2013 au cours de laquelle il va refuser de remettre la documentation nécessaire, contraignant la société Novacyt à céder le logiciel à une société n'étant pas soumise aux mêmes contraintes de certification.
Contestant l'ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement, M. [S] réplique que la société Novacyt a réalisé qu'il fallait 138 semaines de travail pour mettre en conformité deux des logiciels rachetés à la société CCITI et comme elle ne pouvait plus financer cette activité, elle a décidé de se séparer de ses anciens salariés en :
- le convoquant, avec son collègue, à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle, faussement présentée comme à son initiative ;
- transférant la charge du projet [Localité 1] à la société EBCI ;
- lui reprochant la non-conformité du projet au cours d'une réunion, précisant qu'il a quitté la salle quelques instants, pour conserver son calme face aux prises à partie des participants.
Il ressort d'échanges de mails des 31 octobre, 02 et 03 novembre 2013 , produits par le salarié, entre M. [P], anciennement dirigeant de CCITI et créateur de la société ECBI, M. [X], dirigeant de Novacyt et lui-même, que le projet [Localité 1], qui avait été cédé par la société CCITI à la société Novacyt, le 28 janvier 2013, dans un cadre judiciaire et officialisé par un acte de cession, a été ' repris ', dès le 1er novembre 2013 par la nouvelle structure, sans qu'aucune pièce ne soit communiquée par la société Novacyt sur le montage juridique de l'opération, qui ne manque pas d'interroger la cour.
La cour observe une confusion des rôles des protagonistes puisque c'est M. [P] qui est censé ne plus avoir lieu d'autorité hiérarchique sur son ancien salarié qui informe celui-ci, le 31 octobre 2013, du changement de situation en ces termes :
' [Y],
Comme la direction de Novacyt doit t'avoir informé, à partir du 1er novembre 2013 et sur une période courant sur le mois de novembre 2013, le projet BIOBANQUE BONDY est ' repris ' par la société EBCI sous ma responsabilité.
NOVACYT met à disposition sur la période concernée deux ressources ([L] et toi) sous ta responsabilité en tant que chef de projet NOVACYT et sous la responsabilité contractuelle d'[Z] [F], responsable hiérarchique des ressources NOVACYT. [Z] [F] gère le suivi des procédures en application au sein de NOVACYT (présence, congés, reporting interne etc)'. M. [P] lui donne des directives précises de calendrier pour mener à bien le projet.
Le salarié répond à M. [P], le lendemain, qu'il attend les instructions de ses responsables hiérarchiques et la clarification de ses missions.
C'est alors que le dirigeant de la société Novacyt, M. [X], lui confirme, le 03 novembre 2013, que ' le mail d'[T] [P] fait part de sa situation personnelle c'est à dire de l'arrêt du contrat qui le liait à Novacyt. Nous n'avions pas de nécessité à te présenter ce changement de situation qui, au risque de me répéter n'intéresse qu'[T] [P] et lui seul' et qui lui dit qu'il n'y a aucun changement depuis la fin septembre, lorsque ' [T] [P] avait repris l'initiative sur les développements des logiciels CCITI et notamment du logiciel [Localité 1] '.
Le salarié démontre ainsi que, depuis septembre 2013, la société Novacyt avait laissé à la société EBCI, la conduite de fait du développement du logiciel [Localité 1]. Il n'est aucunement discuté par la société appelante que la nouvelle société n'était pas soumise à l'obligation de se conformer à la norme ISO 13485, de sorte que tous les reproches liés à la mise en conformité notamment l'édition ou la remise de la documentation réglementaires apparaissent totalement artificiels. De plus, le salarié expose, sans être démenti, que le logiciel a été livré dans les temps à l'hôpital de [Localité 1], par la société EBCI.
La cour considère que la thèse soutenue par le salarié selon laquelle la société Novacyt n'avait plus d'intérêt à le conserver à son service pour développer le logiciel [Localité 1] apparaît tout à fait plausible, au regard de la date de proposition de rupture conventionnelle.
En effet, son ancien collègue, M. [Y], atteste que, dès le 10 octobre 2013, le directeur recherche et développement de Novacyt leur avait fait savoir que la mise aux normes des logiciels nécessitait 138 semaines de travail et que le président de la société leur a confirmé que la société ne pourrait en supporter le coût et qu'il procéderait à des ruptures conventionnelles et non pas des licenciements économiques, comme demandé par M. [S] et qu'en cas de refus des conditions de la rupture conventionnelle, il procéderait à des licenciements pour faute. Le témoin rapporte que c'est M. [X] qui leur a remis à tous deux la convocation à entretien à rupture conventionnelle que, lui, a acceptée pour quitter la société le 26 novembre 2013.
Plus encore, la société Novacyt a confirmé à l'audience qu'elle n'avait pas procédé au remplacement de M. [S] au motif que l'activité avait été transféré à une autre société ce qui pour la cour s'apparente à une suppression de poste dans le cadre d'un licenciement pour motif économique, suite à l'abandon du projet [Localité 1], véritable cause du licenciement. Le salarié ajoute que la société Novacyt devait se séparer des deux anciens salariés de CCIT pour réduire ses charges et réorienter son activité.
Au regard de cette analyse sur le motif réel de la rupture, la cour n'accorde aucun crédit au témoignage de M. [P] sur le comportement prétendument agressif de M. [S] au cours de la réunion du 28 novembre 2013, en raison de sa partialité, étant lui-même fortement impliqué dans la cession puis la rétrocession de fait du logiciel [Localité 1]. Il en est de même du mail de M. [F] qui n'est pas une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile. La cour observe encore que la société Novacyt reproche au salarié des retards ou des absences alors qu'il est soumis à un forfait annuel en jours qui le laisse libre de s'organiser.
Sans suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour, infirme le jugement de ce chef, et dit que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle ou sérieuse.
La cour confirme la condamnation de la société Novacyt au paiement du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, des congés y afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, justement calculés par le conseil de prud'hommes eu égard à l'ancienneté de M. [S].
En l'absence de faute imputable au salarié et eu égard à l'effectif de la société Novacyt, inférieur à onze salariés (cinq salariés figurant sur l'attestation Assedic), le salarié a droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
S'agissant du salaire de référence, la cour y inclut l'avance sur prime de 2 000 euros et les congés payés figurant sur le bulletin de paie d'octobre 2013 et que l'employeur avait retirée du solde de tout compte au motif que le salarié n'avait pas réalisé le projet ISI. Force est de constater que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [S] n'a pas pu réaliser ses objectifs liés à cette prime avant son licenciement.
Infirmant le jugement, la cour fait droit à la demande de paiement de ce chef.
La cour fixe le salaire de référence à 5 493,31 euros, sur la base des trois derniers mois et en incluant la prime proratisée versée en octobre 2013.
Compte-tenu de son âge au moment du licenciement, de la reprise de son ancienneté égale à trois ans et dix mois, de l'absence d'antécédent disciplinaire, du montant de la rémunération retenue, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle, de la justification de sa prise en charge par le Pôle emploi, la cour, infirmant le jugement ayant débouté le salarié de ce chef de demande, fixe à la somme de 35 000 euros la réparation du préjudice matériel et moral subi par le salarié.
Sur les dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire
Le salarié fait valoir justement que les circonstances brutales et vexatoires ayant entouré son licenciement, lui ont causé un préjudice distinct de celui réparé par les dommages-intérêts alloués pour rupture abusive alloués et que la cour infirmant le jugement de ce chef, fixe à 5 000 euros.
Sur l'indemnité de non-concurrence
L'article 11 du contrat de travail de M. [S] stipulait une clause de non-concurrence rédigée comme suit :
' Tant qu'il exercera ses fonctions au sein de la société Novacyt, Monsieur [Y] [S] s'engage à n'exercer en France aucune activité concurrente de celle de la société Novacyt et ce, directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, à titre onéreux ou gratuit pour son compte ou pour celui de tout tiers.
Compte tenu de la spécificité des fonctions de Monsieur [Y] [S] (qui ont un impact significatif sur les axes de développement de l'Entreprise, notamment à l'international), après la rupture du présent contrat de travail, quelle qu'en soit le type, la cause, et quelle que soit la partie qui en prendra l'initiative, il lui est imposé une obligation de non-concurrence dans les conditions suivantes :
cette clause est limitée :
- dans le temps : à 2 ans,
- dans l'espace : l'Union Européenne dans le domaine d'activité de la société NOVACYT, à savoir : la conception, le développement et la commercialisation de solutions logicielles, notamment dans le domaine de la transmission de données médicales et ou de leur cryptage, de l'aide au diagnostic, de l'aide à la décision, de l'expertise et de façon plus large de tout type d'instruments de diagnostic, notamment dans le domaine (i) du diagnostic cytologique incluant en particulier le diagnostic du cancer de l'utérus et (ii) le diagnostic virologique étiologique spécifique associé pour le cancer de l'utérus (HPIV) par tous moyens technologiques nés ou à naître.
Toute activité de recherches en vue de développer, déposer et exploiter tous brevets, procédés ou droit de propriété industrielle ou intellectuelle ainsi que toutes opérations afférentes à ces brevets ou à ces droits.
La participation de la Société, par tous moyens directement ou indirectement, dans toutes opérations pouvant se rattacher par son objet par voie de création de sociétés nouvelles, d'apport, de souscription ou d'achat de titres ou droits sociaux, de fusion ou autrement, de création, d'acquisition, de location, de prise en location-gérance de tous fonds de commerce ou Etablissements ; la prise, l'acquisition, l'exploitation ou la cession de tous procédés et brevets concernant ces activités ; et généralement toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou à tout objet similaire ou connexe.
- dans les fonction de M. [Y] [S] aura exercé au sein de la Société durant les 24 derniers mois ayant précédé la rupture du présent contrat de travail et dans les formes précisées au premier alinéa du présent article.
La Société Novacyt accordera, conformément à l'article 11 de la convention collective une indemnité qui sera versée mensuellement et qui sera au moins égale : au 1/3 de la rémunération mensuelle lorsque l'interdiction visera un produit ou une technique de fabrication pouvant s'appliquer à un ou plusieurs produits ; à 2/3 de la rémunération mensuelle calculée comme ci-dessus lorsque l'interdiction visera plusieurs produits ou plusieurs techniques de fabrication.
La Société et le salarié se réservent la possibilité d'en réduire les termes ou de renoncer à la présente clause, sous réserve d'en avoir avisé L'employée par écrit dans les conditions de la Convention collective applicable.'
La société appelante ne conteste pas ne pas avoir levé la clause de non-concurrence à la rupture du contrat de travail et ne pas en avoir réglé le montant. Elle reproche au conseil des prud'hommes les modalités de calcul de l'indemnité.
C'est à bon droit qu'au vu de la liste y figurant, le premier juge a retenu que l'interdiction de concurrence visait plusieurs produits ou techniques de fabrication et qu'aucun autre document contractuel n'était venu en restreindre le champ d'application. Le montant de l'indemnité a été justement calculée sur la base des 2/3 de la rémunération mensuelle et sur la durée de la clause pendant deux ans à 85 226,40 euros.
C'est également à bon droit que le premier juge a retenu que la société Novacyt, qui n'avait effectué aucun versement au titre de la clause, ne pouvait se prévaloir d'une quelconque violation de la part du salarié pour lui réclamer des dommages-intérêts.
Par ailleurs, M. [S] produit des éléments sur l'objet des emplois qu'il a occupés postérieurement à son licenciement démontrant que ses missions n'avaient pas de rapport avec le domaine d'activité de la société Novacyt.
Comme en première instance, la société sera déboutée de ses demandes reconventionnelles de
dommages-intérêts et de compensation.
Faisant état de la jurisprudence selon laquelle l'indemnité de non-concurrence a la nature de salaire, M. [S] réclame, à bon droit, pour la première fois en cause d'appel, 8 522, 64 euros à titre de congés payés sur ladite indemnité. Le jugement sera complété de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Novacyt, qui succombe en son appel, sera condamnée à payer la somme complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, et par décision contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Y] [S] avait une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [Y] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, en ce qu'il a débouté M. [Y] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire et en ce qu'il a débouté M. [Y] [S] de sa demande de rappel de prime décomptée sur son solde de tout compte ;
Statuant à nouveau de ces chefs ;
Dit que le licenciement de M. [Y] [S] est sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Novacyt SA à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive ;
Condamne la société Novacyt SA à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure brutale et vexatoire ;
Dit que la société Novacyt a abusivement décomptée la prime de 2 000 euros du solde de tout compte de M. [Y] [S] ;
Condamne la société Novacyt SA à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de rappel de prime et celle de 200 euros au titre des congés payés y afférents ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant :
Condamne la société Novacyt SA à payer à M. [Y] [S] la somme de 8 522,64 euros au titre des congés payés sur l'indemnité de non-concurrence ;
Condamne la société Novacyt SA à payer à M. [Y] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Novacyt SA aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Mademoiselle Delphine Hoarau, Greffier placé auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,