La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2017 | FRANCE | N°15/03156

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 05 juillet 2017, 15/03156


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 05 JUILLET 2017



R.G. N° 15/03156



AFFAIRE :



[I] [S]





C/

Association LES AMIS DU CHÂTELET









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 10/01764r>




Copies exécutoires délivrées à :



AARPI DELTOMBE MULON-CALVINO COURTOIS WASILEWSKI



Me Isabelle SANTESTEBAN





Copies certifiées conformes délivrées à :



[I] [S]



Association LES AMIS DU CHÂTELET







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



A...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 05 JUILLET 2017

R.G. N° 15/03156

AFFAIRE :

[I] [S]

C/

Association LES AMIS DU CHÂTELET

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 10/01764

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI DELTOMBE MULON-CALVINO COURTOIS WASILEWSKI

Me Isabelle SANTESTEBAN

Copies certifiées conformes délivrées à :

[I] [S]

Association LES AMIS DU CHÂTELET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [I] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Assistée de Me Jean-Marc WASILEWSKI de l'AARPI DELTOMBE MULON-CALVINO COURTOIS WASILEWSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0325

APPELANTE

****************

Association LES AMIS DU CHÂTELET

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0874 substituée par Me Laurent ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0143

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée à effet au 5 août 2008, Mme [I] [S] a été engagée par l'association Les Amis du Châtelet (l'association), gérant une maison de retraite, en qualité de comptable unique, coefficient 547 de la convention collective nationale des établissements hospitaliers à but non lucratif, applicable à la relation de travail, pour une durée de travail hebdomadaire de 35 heures. Dans le dernier état de la relation contractuelle, Mme [S] percevait une rémunération mensuelle conduisant selon l'employeur à une moyenne de salaire sur les trois derniers mois de 3 104,46 euros brut et selon la salariée de 3 259,37 euros brut.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2010 lui notifiant sa mise à pied conservatoire, l'association a convoqué Mme [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 juillet 2010 puis l'a licenciée pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 30 juillet 2010.

L'association employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 23 septembre 2010 afin d'obtenir le paiement de diverses indemnités liées à l'exécution et la rupture du contrat de travail ainsi que des rappels de salaire.

Par jugement du 11 octobre 2012 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, section encadrement, retenant que la faute grave était caractérisée, a :

- condamné l'association Les Amis du Châtelet à verser à Mme [S] les sommes suivantes :

* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude vexatoire,

* 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-reconnaissance du statut cadre,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,

- débouté l'association de ses demandes,

- condamné l'association aux dépens.

Mme [S] a régulièrement relevé appel du jugement le 12 novembre 2012.

Après radiation du 28 octobre 2014, Mme [S] a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle, par courrier du 25 juin 2015.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 17 mai 2017, Mme [S] demande à la cour de :

- rejeter toutes les pièces de l'association,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association Les Amis du Châtelet à lui payer les sommes de 6 000 euros pour non-reconnaissance du statut cadre et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le réformer quant au quantum des dommages et intérêts alloués pour attitude vexatoire et condamner l'association à lui payer la somme de 6 000 euros de ce chef,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- dire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner l'association Les Amis du Châtelet à lui payer les sommes de :

* 1 685,33 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 168,53 euros au titre des congés payés y afférents,

* 13 037,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 303,74 euros au titre des congés payés y afférents,

* 6 518,74 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 39 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner l'association Les Amis du Châtelet aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 17 mai 2017, l'association Les Amis du Châtelet prie la cour de :

- infirmer le jugement du chef des condamnations prononcées au titre de l'attitude vexatoire, la non-reconnaissance du statut cadre et l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer en ce qu'il a dit valable le licenciement pour faute grave,

- écarter les pièces communiquées par Mme [S] sous les numéros 15 et 43,

- constater que Mme [S] a renoncé à ses demandes a titre de la portabilité du DIF,

- débouter Mme [S] de l'intégralité de ses demandes,

- dire n'y avoir lieu à rejeter des débats ses propres pièces,

- condamner Mme [S] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur la demande de rejet des pièces :

Les demandes présentées par l'association et Mme [S], fondées sur le défaut de valeur probante des pièces alors que l'appréciation de celle-ci relève du pouvoir souverain du juge du fond, seront rejetées.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Mme [S] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir attribué le statut de cadre et sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué une somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Elle soutient, en effet, qu'elle relève du statut cadre dans la mesure où elle bénéficie du coefficient 547, rattaché par la convention collective au statut de cadre administratif de niveau II et que de ce fait, l'employeur lui a reconnu contractuellement le statut de cadre de sorte qu'aucune condition supplémentaire d'obtention de diplôme ne peut plus être exigée d'autant qu'antérieurement à son embauche, elle bénéficiait déjà du statut de cadre auprès de ses autres employeurs.

L'employeur s'oppose à la demande et conteste toute reconnaissance contractuelle du statut de cadre, soutenant que l'attribution du coefficient correspond à l'ancienneté de la salariée dans la carrière et faisant valoir que Mme [S] n'a jamais justifié du diplôme nécessaire au bénéfice du statut de cadre.

Lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées par celui-ci, étant précisé que contrairement à ce que soutient Mme [S], le contrat de travail ne lui attribue pas expressément la qualité de cadre, la simple notification du coefficient affecté à sa rémunération et le courrier du directeur de la maison de retraite, M. [B], en date du 9 juillet 2010, expliquant pourquoi le passage au statut cadre avait été différé, ne suffisant pas à établir une volonté non équivoque de l'employeur en ce sens.

Mme [S] admet qu'en qualité de comptable unique, elle était chargée de :

- la saisie des données comptables de l'établissement sous le contrôle du cabinet CTC, expert-comptable,

- la tenue des documents comptables (classement et conservation des factures, règlements, relevés de compte),

- la gestion de la paie des salariés,

- le règlement des fournisseurs.

L'accomplissement de ces tâches ne suffit pas à établir que Mme [S] occupait un emploi de cadre, étant précisé qu'elle n'est pas en mesure de justifier de l'obtention du diplôme exigé par la convention collective pour l'emploi de chef comptable dont elle revendique le statut, de niveau bac+2 ou bac+3, ni qu'elle était cadre antérieurement à son embauche par l'association, à l'exception d'un emploi de quelques mois en 1993 et 1997. A cet égard, la cour observe avec l'employeur que le montant de sa retraite ARGIC selon simulation (55 euros) établit qu'elle a effectivement très peu cotisé à la caisse des cadres.

Il ne ressort pas de ce qui précède des éléments suffisants pour établir que Mme [S] bénéficiait d'un statut contractuel de cadre et occupait effectivement les fonctions habituellement dévolues à un cadre, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

[...] nous sommes amenés à mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de notre maison.

Nous prononçons donc votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de cure pour les motifs qui suivent.

Vous avez été embauchée au mois de mai 2008 au poste de comptable unique, poste exigeant une bonne pratique de la comptabilité générale, et notamment la tenue des documents comptables, le suivi de nos Résidents, la facturation, la comptabilité fournisseurs, la paie et d'une manière générale le suivi et le respect de la réglementation comptable et sociale, notamment dans sa spécificité associative et médico-sociale.

Vous aviez notamment à établir les factures des Résidents et des Résidents bénéficiaires de l'aide sociale y compris la saisie des factures, à enregistrer les règlements et à les remettre à l'encaissement, à effectuer le lettrage des comptes, la mise à jour du tableau de bord des journées, à effectuer le renouvellement des demandes de prise en charge de l'aide sociale, le contact avec les caisses de retraite des Résidents, le suivi des dossiers APA y compris les demandes.

Vous avez toujours soutenu dès les pourparlers d'embauche maîtriser toutes ces questions.

Nous vous avons demandé de justifier de vos diplômes puisque votre curriculum vitae évoquait le diplôme d'études comptables supérieures ainsi que l'examen probatoire comptable.

Vous n'avez jamais daigné accéder à cette demande et n'avez jamais davantage jugé utile de justifier de « la grande expérience » dont vous vous prévaliez.

Nous étions fondés en de telles demandes, d'une part parce que ces justifications avaient un caractère contractuel et d'autre part, parce que vous êtes la seule personne ayant des connaissances comptables dans notre établissement dont le budget annuel est, nous vous le rappelons, de plus de 3.500.000 € par an.

Nous avons été amenés par la suite à constater de très nombreuses erreurs qui avaient un caractère répétitif et dont nous n'évoquerons que les plus récentes.

Nous avons découvert récemment que les avoirs de remboursement aux Résidents des jours d'hospitalisation n'étaient pas faits contrairement aux obligations légales et aux directives de nos autorités de tutelle.

Nous nous trouvons en situation d'infraction eu égard à la législation économique, avec le risque de poursuites pénales.

A la suite d'une correspondance électronique de la Direction de la Vie Sociale, nous découvrons deux jours plus tard, le 30 juin 2010 que les factures de dépendance de janvier à avril 2010 ne correspondent pas au prix défini par cette autorité de tutelle.

Le directeur n'en était pas informé.

Vous effectuez alors une régularisation sur la facture du mois de mai, mais cette régularisation est en partie erronée.

Lorsque le directeur, qui n'est pas comptable, vous explique comment il faut faire, vous lui répondez avec désinvolture : « c'est bien, les Résidents nous doivent de l'argent », alors que c'est nous qui leur en devons.

Au même moment, le directeur vous explique comment faire la facture de préavis de départ pour un Résident changeant d'établissement en vue d'un rapprochement familial, vous vous trompez à nouveau dans les calculs malgré les explications qui vous sont fournies.

Le personnel, soit directement auprès du directeur, soit par l'intermédiaire des délégués du personnel proteste régulièrement à propos des erreurs figurant sur les fiches de paie.

Certaines personnes se sont adressées directement à vous et se sont fait rabrouer.

Devant la multiplication et la régularité de ces erreurs nous avons été amenés à procéder à un examen plus attentif de votre travail début juillet 2010.

Nous avons alors découvert que vous aviez incorrectement paramétrées les données de la loi TEPA qui définit de nouvelles modalités de calcul des cotisations.

De la sorte les modalités de calcul de la CSG sont fausses, la réduction fiscale au titre des heures supplémentaires n'apparaît pas sur certaines fiches de paie.

Vous n'avez pas intégré la modification du SMIC intervenu le 1er janvier 2010 et toutes les fiches de paie sont fausses depuis cette date.

Les plafonds déclarés pour certains salariés à temps partiels sont erronés.

La cotisation au titre de la mutuelle n'a pas été précomptée sur la paie du mois d'avril pour certains salariés.

Des heures travaillées les jours fériés du mois de mai n'ont pas été comptabilisés au profit des salariés et n'ont pas davantage été rectifiés au mois de juin, malgré la demande de ces derniers, ce qui a entraîné la protestation des délégués du personnel.

Des heures travaillées les dimanches n'ont pas été payés ou l'ont été avec un mauvais coefficient et à la suite des demandes faites par les salariés les rectifications n'ont pas été faites.

Le compteur des congés payés est mal paramétré pour certains salariés.

Vous avez préparé des fiches de paie pour des salariés en CDD sans préparer le chèque du règlement correspondant alors que vous n'êtes pas sans savoir que le salaire doit être payé immédiatement, et ce, d'autant plus, que nous n'avons aucune difficulté de trésorerie, comme vous savez.

Vous avez été amenée à préparer un solde de tout compte et vous avez simplement omis l'indemnité conventionnelle de licenciement exposant notre maison à un contentieux prud'homal.

L'examen des fiches de paie fait apparaître que dans certains cas vous ne mentionnez pas l'ancienneté du salarié, que le montant des primes spécifiques est faux, que les chèques remis aux salariés ne correspondent pas à la fiche de paie, que les indications qui vous sont données par les chefs de service pour la préparation de la paie ne sont pas respectées, tout ceci, lorsque la paie de certains salariés n'est pas oubliée purement et simplement.

À ce qui précède s'ajoutent de nombreuses erreurs dans la comptabilité fournisseurs découvertes à l'occasion du même contrôle.

Le 16 juin 2010 vous avez omis de comptabiliser et de régler la sixième annuité d'amortissement de l'emprunt consenti par le Régime Social des Indépendants, règlement qui devait être effectué le 15 avril 2010, ceci, au moment même où nous sommes en pourparlers avec cet organisme que nous sollicitons pour de nouveaux financements.

Le Trésor Public vient de nous renvoyer le chèque correspondant à la taxe sur les salaires du mois de juin 2010, car sur le chèque que vous avez établi le chiffre inscrit en lettres ne correspondait pas à celui inscrit en chiffres.

Vous savez pourtant que tout erreur de ce genre peut entraîner des pénalités importantes.

De la même façon les factures de la société POMONA des 3 mars 2010 et 30 avril 2010 n'étaient pas réglées le 20 juillet, une facture du 1er mars a été réglée deux fois les 13 avril et 14 juin 2010.

Nous avons été également relancés par notre fournisseur CEGID le 13 juillet pour une facture du 15 mai 2010, alors que vous savez que nous tenons particulièrement à régler nos fournisseurs dans les meilleurs délais conformément à des principes de loyauté contractuelle auxquels nous sommes très attachés.

La facture Orange n'était pas réglé le 6 juillet 2010 date limite, alors qu'il est impensable que notre maison puisse être exposée à une suspension de prestations.

Vous savez pourtant que chez ce genre de fournisseurs les clients sont traités par des ordinateurs.

Notre accordeur de piano n'était pas réglé le 20 juillet 2010 d'une prestation effectuée le 12 juin et ceci malgré une relance téléphonique.

Encore une fois, les règlements de factures fournisseurs doivent être faits à réception dans le délai le plus court.

D'une manière générale votre façon de travailler exprime la désinvolture la plus totale et nous vaut les reproches des salariés, des familles de Résidents et de nos administrations de tutelle.

Il y a plus, lorsque vous avez eu connaissance du mécontentement des salariés et de l'inscription à l'ordre du jour de la réunion des délégués du personnel de la question des erreurs sur les bulletins de paie et sur la paie vous avez fait pression sur les délégués pour retirer cette question de l'ordre du jour.

Cette attitude est particulièrement inadmissible car elle expose la direction à l'accusation de délit d'entrave.

Nous vous reprochons en outre de vous occuper de questions qui ne vous concernent pas et de le faire de surcroît avec la dernière maladresse.

C'est ainsi que vous avez déclaré à une Résidente qui entrait dans notre maison pour y rejoindre son mari : « pourquoi venir vous emmerder au [Localité 3] alors que vous avez un appartement de 100 m2 à [Localité 4] »

Vous suscitez enfin dans le personnel un climat de suspicion qui se traduit par des réclamations de membres du personnel auprès du directeur.

L'homme d'entretien nous signale début juillet que vous êtes venue l'importuner dans une chambre alors qu'il effectuait des travaux demandés par le directeur

Le 16 avril 2010 vous permettiez de mettre en doute la discrétion d'une de nos secrétaires.

Déjà le 13 août 2009 vous aviez jugé utile de dénoncer à la psychologue, présente dans la maison depuis un mois, divers actes effectués par le personnel soignant qualifié par vous « d'actes de maltraitance » sans en apporter la moindre preuve.

Au vu de ce qui a été exposé, il était plus important de vous occuper des tâches comptables sans vous mêler des autres services de la maison.

Dans le droit fil de ce qui précède, vous n'avez pas hésité le 30 juin 2010, à l'occasion du tri du courrier par la secrétaire, auquel vous n'étiez pas conviée, à prendre une lettre destinée au directeur, en indiquant : « c'est pour moi ».

Vous avez ouvert le courrier devant la secrétaire et cette dernière a pu remarquer qu'il contenait un chèque dont vous vous êtes immédiatement emparée.

Nous nous étonnons de ce geste alors que tout le courrier doit être remis au directeur pour examen avant distribution éventuelle dans la maison.

Par la suite vous avez conservé ce courrier par-devers vous.

En ce sens également nous avons été amenés à constater le 13 juillet que vous aviez quitté l'établissement en emportant sans autorisation une clé USB qui se trouvait sur l'ordinateur du service comptable, clé uniquement affectée à la comptabilité.

Or, il n'a jamais été prévu que quiconque puisse sortir des informations comptables de l'établissement, en raison notamment du secret qui s'attache à toute information à caractère médical. En tout état de cause vous n'aviez aucune autorisation et vous n'en avez demandé aucune.

Lorsque le directeur vous a appelée chez vous pour vous manifester sa surprise, vous lui avez répondu que vous deviez transférer depuis votre domicile des données comptables à l'expert-comptable au motif que l'ordinateur de l'établissement ne permet pas une telle opération.

Or, de tous temps, les données comptables ont toujours été transférées directement depuis l'établissement.

Veuillez considérer que votre contrat sera rompu à réception de la présente et que vous ne ferez plus parti du personnel à réception de la présente qui vous est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.'

Le licenciement est donc prononcé pour faute grave, l'employeur reprochant à Mme [S] des négligences fautives dans l'accomplissement de ses tâches caractérisées par des erreurs répétitives, l'exercice de pressions sur les délégués du personnel, des interventions déplacées à l'égard des résidents ou du personnel et d'avoir emmené chez elle des informations comptables stockées sur une clé USB.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Pour justifier la matérialité des griefs qu'il forme à l'encontre de la salariée, l'employeur verse aux débats diverses pièces dont il ressort les éléments suivants :

- il existait des erreurs relatives au prix de journée facturé aux résidents de janvier à avril 2010, révélées par un courriel de la direction de la vie sociale en date du 30 juin 2010 adressé à l'association qui a amené l'employeur à constater que toutes les facturations étaient erronées, le tarif dépendance appliqué n'étant pas le bon. Les explications de Mme [S] selon lesquelles, elle n'a repris la facturation qu'à partir d'avril 2010 et en obéissant aux instructions erronées du directeur de l'établissement ne sont pas suffisantes pour établir que les erreurs ne lui sont pas imputables en l'absence d'éléments objectifs alors qu'elle était la comptable de l'établissement, qu'aucune pièce ou attestation n'est versée justifiant qu'une autre personne établissait les facturations et que la note non signée dont elle se prévaut pour justifier la facturation des tarifs 2010 sur des instructions erronées est datée de 2008.

- des erreurs étaient également commises dans le règlement des factures fournisseurs

comme le révèlent les échanges de mails avec les sociétés Pomona-Epivaseurs (réglées sans tenir compte des acomptes déjà versés), imputables à Mme [S], celle-ci ne pouvant valablement mettre en cause la chef de cuisine alors qu'elle était la comptable unique de l'association.

- une facture a été payée avec retard telle la facture Orange du 21 juin 2010 ( pièce 37-10) payée le 22 juillet 2010 au lieu du 6, la cour relevant que la réclamation de Mme [N], l'accordeur de piano, sur laquelle s'appuie également l'employeur, n'est pas signée.

A cet égard la cour indique que les autres erreurs invoquées par l'employeur dans ses écritures mais non visées dans la lettre de licenciement ne seront pas retenues dès lors que le licenciement de nature disciplinaire, repose sur une faute grave avec des griefs énoncés de façon précise, la lettre de licenciement fixant les limites du litige.

Par ailleurs l'employeur établit également que :

- Mme [S] n'a pas procédé au règlement d'une annuité d'emprunt au RSI, qui aurait dû être faite au 18 avril 2010, l'employeur ayant eu connaissance de ce fait par le courrier du RSI du 18 juin 2010,

- elle a établi un chèque de manière erronée le 13 juillet 2010 au profit du trésor Public (absence de correspondance entre la somme écrite en chiffres et celle écrite en lettres).

S'agissant des mentions erronées sur les bulletins de salaire, la simple communication de ceux-ci ne suffit pas à établir la réalité des griefs énoncés sans communication des pièces justificatives des erreurs alléguées, de sorte que le grief ne sera pas retenu.

S'agissant du comportement de Mme [S], l'employeur lui reproche d'avoir emmené chez elle une clé USB contenant des données professionnelles, ce qu'elle ne conteste pas, ayant restitué la clé le 21 juillet 2010.

Les attestations versées aux débats pour justifier le non-respect des consignes en matière de correspondance, ou le fait d'importuner le personnel technique, non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, versées aux débats sans pièce d'identité, en copie et non en original, dépourvues de valeur probante suffisante, ne seront pas retenues (pièces 26,28,29).

Il résulte de ce qui précède que si l'employeur établit que Mme [S] commettait des erreurs et négligences fautives dans l'exercice de ses fonctions ainsi que des fautes professionnelles en emmenant chez elle des données appartenant à l'association, celles-ci ne sont pas cependant pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise. La faute grave n'est donc pas caractérisée, les fautes retenues par la cour constituant cependant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement :

Sur le fondement d'une ancienneté de 1 an et 11 mois et d'une moyenne de salaire de 3 259,37 euros, prime décentralisée incluse, l'indemnité compensatrice de préavis s'établit à 3 259,37 euros outre 325,93 euros au titre des congés payés en application de l'article 15.02.2.1 de la convention collective, s'agissant d'un non cadre. Le jugement sera infirmé de ce chef.

L'indemnité conventionnelle de licenciement n'est pas due dès lors que Mme [S] ne bénéficie pas d'une ancienneté de deux ans, celle-ci s'appréciant pour déterminer le droit à percevoir l'indemnité de licenciement, à la date d'envoi de la lettre de licenciement et non à la fin du préavis comme la salariée le soutient de façon erronée. Sa demande sera par conséquent rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

La cour ayant jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse déboutera la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour attitude vexatoire de l'employeur :

Mme [S] sollicite une somme de 6 000 euros de ce chef et la réformation du jugement qui lui a alloué une somme de 500 euros seulement, reprochant à l'employeur une attitude vexatoire ayant consisté à afficher un procès-verbal de réunion du CE mentionnant les erreurs de la comptable, indiquant avoir subi un choc psychologique important l'ayant contrainte à consulter son médecin.

L'employeur ne formule aucune explication sur cet affichage et le jugement ayant fait une juste évaluation du préjudice de Mme [S] sera confirmé de ce chef, étant précisé que Mme [S], qui évoque dans ses écritures le harcèlement moral qu'elle aurait subi de la part de M. [B], ne présente aucun fait qui laisserait présumer des agissements de harcèlement moral et ne formule aucune demande à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur ces points. En cause d'appel, les parties succombant toutes deux en leurs prétentions conserveront la charge de leurs propres dépens et seront déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les intérêts :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 30 septembre 2010, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation. Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations à caractère indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Dit n'y avoir lieu à écarter des pièces des débats,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et statué sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,

Condamne l'association Les Amis du Châtelet à payer à Mme [I] [S] les sommes de 3 259,37 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 325,93 euros au titre des congés payés y afférents,

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations à caractère salarial sont dus à compter du 30 septembre 2010 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations à caractère indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Déboute Mme [I] [S] du surplus de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens en cause d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03156
Date de la décision : 05/07/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/03156 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-05;15.03156 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award