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01/06/2017 | FRANCE | N°17/01947

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2ème chambre 1ère section, 01 juin 2017, 17/01947


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

2ème chambre 1ère section

ARRÊT No
CONTRADICTOIRE Code nac : 20G

DU 01 JUIN 2017

R. G. No 17/ 01947
AFFAIRE :
Mana X...épouse Y...C/ Lionel, Daniel, Noël Y...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : No Cabinet : No RG : 16/ 04803

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le :

à :

- Me Claire RICARD,
- Me Pierre GUTTIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PRE

MIER JUIN DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Mana X... épouse Y...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

2ème chambre 1ère section

ARRÊT No
CONTRADICTOIRE Code nac : 20G

DU 01 JUIN 2017

R. G. No 17/ 01947
AFFAIRE :
Mana X...épouse Y...C/ Lionel, Daniel, Noël Y...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 08 Février 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No Chambre : No Cabinet : No RG : 16/ 04803

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le :

à :

- Me Claire RICARD,
- Me Pierre GUTTIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER JUIN DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame Mana X... épouse Y... née le 13 Janvier 1975 à KASUKABE-SHI, SAITAMA-KEN (JAPON)

...YAMANASHI (JAPON)
représentée par Me Claire RICARD, avocat-barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622- No du dossier 2017092

APPELANTE ****************

Monsieur Lionel, Daniel, Noël Y... né le 27 Juillet 1963 à MONTMORENCY (95160)

... 28100 DREUX
représenté par Me Pierre GUTTIN, avocat postulant-barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623- No du dossier 17000088 assisté de Me Chantal COUTURIER LEONI, avocat plaidant-barreau de PARIS, vestiaire : E1224

INTIMÉ ****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 16 Mai 2017, en chambre du conseil, Monsieur Xavier RAGUIN, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Xavier RAGUIN, Président, Madame Florence VIGIER, Conseiller, Madame Christel LANGLOIS, Conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEILFAITS ET PROCÉDURE

Mana X... et Lionel Y... se sont mariés le 19 novembre 2005 devant l'officier de l'état-civil de la commune de Clamart (92) sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

De cette union est issu un enfant :
- Natan, né le 21 juillet 2008, actuellement âgé de 8 ans.
Les époux ont engagé le 27 avril 2015 par une requête conjointe une procédure de divorce par consentement mutuel qui a fait l'objet d'un ajournement selon décision du 04 juin 2015 puis d'une radiation le 17 septembre 2015 à la suite du départ de Mana X... pour le Japon le 18 juin 2015 avec l'enfant commun Natan.
Le 09 septembre 2015, Mana X... a déposé auprès du tribunal de Saitama (Japon) une requête en divorce.
Le 20 avril 2016, Lionel Y... a déposé une requête en divorce sur le fondement de l'article 251 du code civil.
Par ordonnance du 8 février 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a, notamment :
- rejeté l'exception de litispendance soulevée par Mana X... ;
- reconnu sa compétence pour connaître de la procédure de divorce des époux ;
- réservé les dépens.
Par déclaration du 9 mars 2017, Mana X... a formé un appel de portée générale contre cette décision.
Autorisée à procéder à jour fixe, Mana X... a assigné Lionel Y... devant la cour par acte du 29 mars 2017 et demande de :
- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses exceptions de litispendance internationale et d'incompétence ;
- en conséquence :
- à titre principal :
- déclarer incompétentes les juridictions françaises pour statuer sur la requête en divorce introduite par Lionel Y... ;
- à titre subsidiaire :
- dire qu'il y a lieu de surseoir à statuer à la procédure de divorce engagée devant les juridictions françaises jusqu'à ce que le tribunal de SAITAMA ait vidé sa saisine ;
- en toute hypothèse :
- laisser les dépens à la charge de Lionel Y....

Aux termes de ses conclusions du 27 avril 2017, Lionel Y... demande à la cour de :

- débouter Mana X... en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- rejeter des débats les pièces adverses no12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 pour non-respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ;
- confirmer l'ordonnance du 8 février 2017 en ce qu'elle a déclaré compétente le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Nanterre pour connaître de la procédure de divorce des époux ;
- dire et juger que la loi française a vocation à s'appliquer à la présente procédure tant pour le divorce que pour les obligations alimentaires ;
- condamner Mana X... à verser à son époux la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant que deux actions en divorce ont été successivement engagées par les époux, la femme, de nationalité japonaise, saisissant le tribunal japonais de Saitama le 09 septembre 2015 alors que le mari, de nationalité française, saisissait la juridiction française le 20 avril 2016 ;

Considérant que dans les rapports avec les Etats tiers, les règles de compétence posées par le règlement (CE) du Conseil no2201/ 2003 du 27 novembre 2003 n'ont pas de caractère exclusif ; qu'il appartient au juge français de rechercher si le juge japonais, premier saisi, n'était pas compétent au regard des règles françaises de compétence internationale indirecte ;
Considérant qu'il convient donc de rechercher si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont la juridiction a été saisie en premier et si le choix de cette juridiction n'est pas frauduleux ;
Considérant que Mana X... fait valoir qu'elle-même et Natan ont la nationalité japonaise et qu'ils résident tous les deux au Japon depuis juin 2015, ce qui rattache le litige de manière caractérisée au Japon ;
Qu'elle écarte toute fraude dans le choix de la juridiction japonaise en faisant valoir que le choix qu'elle a fait de rester au Japon en juin 2015 et de ne pas rentrer en France procède du souci de protéger Natan des violences et des agressions sexuelles commises sur l'enfant par son père ;
Qu'elle ajoute qu'elle même a été l'objet de violences de la part de Lionel Y... pendant toute le durée de la vie commune et qu'ainsi, le danger que représentait un retour en France l'a contrainte à rester au Japon ;
Considérant que Mana X... et Natan se trouvent de façon permanente sur le sol japonais depuis juin 2015 ; que la mère et l'enfant sont de nationalité japonaise ;
Que la cour constate que Mana X... s'est marié à deux reprises en France, y a eu deux enfants Léonard et Natan, y a travaillé et que le domicile conjugal se trouvait en France à Clamart avant son départ ; que Mana X... ne retournait au Japon qu'à l'occasion de vacances ; qu'ainsi, elle avait placé le centre de ses intérêts en France ;
Considérant que Natan a également la nationalité française comme étant né en France d'un père français et qu'il a toujours vécu en France où il a été régulièrement scolarisé et où se trouvait son réseau amical ; que son père s'y trouve ;
Que ces critères rattachent davantage le litige à la France qu'au Japon, d'autant plus que le déplacement de l'enfant vers le Japon n'apparaît pas licite ;
Considérant en effet qu'il est constant que Mana X... a quitté la France avec Natan le 18 juin 2015 ; qu'à cette date et selon l'ordonnance d'ajournement du 04 juin 2015, l'autorité parentale était exercée en commun par les deux parents, la résidence de l'enfant étant fixée chez sa mère, le père ayant un droit de visite et d'hébergement selon des modalités classiques et étant redevable d'une contribution mensuelle pour son entretien de 400 euros ;
Considérant qu'il ne peut être contesté que la décision de rester au Japon a été prise unilatéralement par Mana X... sans l'accord et à l'insu du père de l'enfant qui était régulièrement investi d'un droit de garde sur celui-ci au sens de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et que Natan, qui avait toujours vécu en France depuis sa naissance et était régulièrement scolarisé, avait dans ce pays sa résidence habituelle ;
Considérant que les justifications avancées par Mana X... après son arrivée pour légitimer son non retour apparaissent de faible valeur compte tenu de leurs caractère excessif (elle indique devant le juge aux affaires familiales japonais que son époux voulait la tuer) et du comportement qui était le sien avant son départ ;
Qu'ainsi, concernant les violences qu'elle prétend avoir subi pendant tout le cours de la vie commune, il ne peut qu'être surprenant que celle-ci ne soit pas évoquée dans les messages d'octobre, novembre 2014 et février 2015 puisque Mana X... y déclare au contraire notamment à la fille issu d'un premier lit de Lionel Y..., Clara : je n'ai rien contre ton papa, au contraire c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup (message du 28 octobre 2014), puis à Lionel Y... lui-même je suis désolée d'être trop dure avec toi (message du 31 octobre 2014), ou encore à Clara le 27 novembre 2014 il (Lionel Y...) voulait être aimé beaucoup plus que je ne pouvais... je voulais le quitter parce que je me sentais complètement épuisée mais je ne veux pas l'exclure du tout et il ne veut pas l'entendre ; qu'enfin, dans un message non daté, Mana X... déclare à Lionel Y... merci pour ces 10 ans... je pense que c'était une période heureuse malgré tout. J'étais amoureuse de toi mais je me sens vide et épuisée. je pensais que j'étais capable de te donner ce que tu attendais, pardon, ça dépassait mes capacités. J'ai besoin de me recharger et de penser à moi-même. J'espère qu'on réussira de trouver une bonne relation en respectant l'un l'autre. Bon courage à toi ;
Qu'il est également surprenant que Mana X... ne produise aucune plainte, aucune main courante, aucun certificat médical à ce sujet pendant le cours de la vie commune ; que les attestations produites ne font que rapporter les propos de Mana X... concernant des faits dont les déposants n'ont pas été les témoins directs ;
Considérant que, concernant les violences et les attouchements prétendument commises sur Natan, la cour observe que la plainte déposée par Mana X... le 03 juin 2015 en France a été classée sans suite, que le certificat médical établi au Japon et qui fait état de la maltraitance et des abus dont Natan aurait été victime n'énonce que des probabilités et repose sur les déclarations unilatérales de Mana X..., le médecin précisant j'ai conclu sur la base du témoignage de la mère et de son grand frère ; que sans remettre en cause les compétences de Makiko A..., directrice du département de médecine psychosociale du centre national pour la santé et le développement de l'enfant de Tokyo, la cour s'étonne de constater que parmi les causes possibles des troubles de comportement de Natan, ce médecin ne prenne pas en considération le traumatisme qu'a pu représenter pour ce petit garçon, alors âgé de 6 ans, le fait d'être arraché brutalement par sa mère à son environnement habituel, à ses repères, ses habitudes, ses amis et son père dont l'enfant lui a quand même dit qu'il se rappelait des bons moments passés avec lui (pièce 22- avis médical de Makiko A... page 3/ 6) ;

Que Mana X... dans sa plainte du 03 juin 2015 déclarait qu'elle n'avait jamais assisté à des actes d'attouchement sexuel de la part de Lionel Y... sur leur fils ;

Qu'il serait d'ailleurs étonnant que bien que décrivant un père monstrueux avec son fils, Mana X... ait cependant donné son accord devant le juge aux affaires familiales de Nanterre pour que Lionel Y... bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement selon des modalités classiques, soit une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires ;

Que les attestations produites par Lionel Y... montrent au contraire que le père et l'enfant ont toujours entretenu une relation complice et affectueuse ;

Considérant en définitive que le litige ne se rattache pas de façon caractérisée au Japon et que le choix de saisir un juge japonais d'une action en divorce procède d'une volonté de fraude de la part de Mana X... destinée à échapper au juge et à la loi compétents ;

Considérant qu'il convient donc de confirmer le rejet de l'exception de litispendance internationale soulevée par Mana X... sans qu'il soit nécessaire d'attendre la décision du juge japonais, la fraude commise par l'appelante rendant inefficace la décision étrangère quelle qu'elle soit ;

Considérant que le déplacement de l'enfant ayant un caractère illicite, Mana X... ne peut se prévaloir d'une résidence habituelle de l'enfant au Japon pour dénier compétence au juge français pour statuer sur l'autorité parentale ou l'obligation alimentaire concernant Natan ; que la résidence de l'enfant prise en compte par le juge est celle de l'enfant avant son déplacement illicite, soit Clamart ;

Considérant enfin que Mana X... est irrecevable à contester la compétence territoriale du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre au regard des dispositions des articles 74 et 75 du code de procédure civile en relevant que Lionel Y... habite Dreux puisqu'elle n'a pas soulevé cette incompétence devant le premier juge en même temps que l'exception de litispendance et qu'elle ne désigne pas la juridiction selon elle compétente territorialement ;

Considérant que les dépens de l'instance doivent être supportés par Mana X... ; que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Lionel Y... ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, en dernier ressort et après débats en chambre du conseil,

DÉCLARE mal fondé l'appel de Mana X... et le rejette,

CONFIRME l'ordonnance du 08 février 2017,

DIT que la loi française est applicable au divorce et aux obligations alimentaires,

CONDAMNE Mana X... à payer à Lionel Y... la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande des parties,

CONDAMNE Mana X... aux dépens,

arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Xavier RAGUIN, président et par Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute,
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 17/01947
Date de la décision : 01/06/2017
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Procédure- divorce- exception de litispendance internationale- compétence indirecte du juge japonais premier saisi (non) -critères de rattachement-fraude.

Dans les rapports avec les Etats tiers, les règles de compétence posées par le  règlement (CE) du Conseil n°2201/2003 du 27 novembre 2003 n’ont pas de caractère exclusif; il appartient au juge français de rechercher si le juge japonais, premier saisi, n’était pas compétent au regard des règles françaises de compétence internationale indirecte ; En l’espèce, les critères de rattachement sont en faveur de la France et la fraude de l’épouse qui a saisi le juge japonais, établie.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-06-01;17.01947 ?
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