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30/05/2017 | FRANCE | N°16/03354

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 30 mai 2017, 16/03354


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 AVRIL 2017, prorogé au 23 MAI 2017, et 30 MAI 2017



R.G. N° 16/03354



AFFAIRE :



Société AXA REAL ESTATE INVESTMENT MANAGERS SGP (AXA REIM SGP)





C/

[V] [D]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERR

E

Section : Référé

N° RG : 16/00017





Copies exécutoires délivrées à :



SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Olivier KHATCHIKIAN





Copies certifiées conformes délivrées à :



Société AXA REAL ESTATE INVESTMENT MANAGERS SGP (A...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 AVRIL 2017, prorogé au 23 MAI 2017, et 30 MAI 2017

R.G. N° 16/03354

AFFAIRE :

Société AXA REAL ESTATE INVESTMENT MANAGERS SGP (AXA REIM SGP)

C/

[V] [D]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Référé

N° RG : 16/00017

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Olivier KHATCHIKIAN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société AXA REAL ESTATE INVESTMENT MANAGERS SGP (AXA REIM SGP)

[V] [D]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MAI DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 18 avril 2017, prorogé au 23 mai 2017 puis au 30 mai 2017 dans l'affaire entre :

Société AXA REAL ESTATE INVESTMENT MANAGERS SGP (AXA REIM SGP)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me CACIOPPO Christelle du LLP FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Monsieur [V] [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS,

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composéede :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [V] [D] a été embauché par la société AXA Real Estate Investment Managers France par contrat de travail à durée indéterminée du 3 juin 2013. Il occupait les fonctions de "responsable du pôle infrastructure". Cette société exerce à titre principal l'activité de gestion de portefeuilles pour le compte de tiers comme les compagnies d'assurance du groupe AXA dont elle fait partie.

Une clause d'exclusivité était stipulée au contrat dans les termes suivants :

"Monsieur [V] [D] s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité professionnelle au profit de la société et s'interdit par conséquent, pendant toute la durée du présent contrat, d'exercer une autre activité professionnelle à quelque titre que ce soit, sauf accord préalable exprès de la Direction des Ressources Humaines et de la Déontologie.

En toute hypothèse l'exercice d'une activité concurrente est interdit pendant la durée d'exécution du présent contrat".

Le contrat comportait aussi une clause de confidentialité ainsi libellée :

"Monsieur [V] [D] s'engage à conserver confidentielles toutes les informations concernant les activités de la société qu'il pourra recueillir à l'occasion de ses fonctions ainsi que toutes les informations concernant les données relatives à un collaborateur du groupe Axa Investment Managers.

Cette obligation de confidentialité joue tant à l'égard des tiers que des salariés de l'entreprise.

Elle s'appliquera pendant toute la durée du contrat et se prolongera deux ans après la rupture de celui-ci pour quelque motif que ce soit".

Selon avenant du 25 mars 2014, Monsieur [V] [D] était mis à disposition à temps plein à compter du 3 juin 2013, auprès d'AXA REIM SGP comme directeur de la classification AXA.

Par courriel du 28 novembre 2014, l'employeur a refusé au salarié une autorisation d'effectuer une mission en faveur de NRJ pour une durée de 4 mois, que l'intéressé avait demandé le 26 septembre 2014.

Par courriel du 6 juillet 2015, le salarié a notifié à la société AXA REIM SGP sa démission. Une correspondance du 23 juillet 2015 a confirmé à celui-ci sa dispense d'effectuer son préavis à compter du 31 juillet suivant.

Par lettre du 9 octobre 2015, la société AXA REIM informait Monsieur [V] [D] qu'une copie de sa messagerie professionnelle avait été réalisée à la suite de son départ sous contrôle d'un huissier de justice, que tous les courriels identifiés comme personnels ont été copiés sur support informatique placé sous scellé entre les mains de cet officier ministériel, et sollicitait sa présence pour leur consultation.

Le 16 octobre 2015, jour prévu à cet effet, l'huissier commis par l'employeur a constaté le refus du salarié de donner son accord sur l'ouverture des courriels et pièces jointes identifiés comme personnels, l'affirmation de sa venue sous la contrainte de celui-ci et de son client, sa désapprobation, sa contestation de la régularité de la procédure, de ce que le salarié n'avait pas été sollicité mais contraint de venir et de son refus réitéré de procéder aux opérations en cause, et enfin le départ de Monsieur [V] [D] et de son conseil.

Le 30 octobre 2015, l'employeur écrivait à son ancien salarié par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2015, en premier lieu pour lui faire connaître que le message automatique d'absence qu'il avait configuré avant son départ avait été modifié dans la mesure où Monsieur [D] invitait les correspondants à le joindre sur son adresse "e-mail" personnelle ou sur son téléphone portable sans indiquer clairement qu'il avait quitté la société, au lieu de les orienter vers le directeur général ou vers son remplaçant. En second lieu, ce courrier le mettait en demeure de détruire l'ensemble des documents et informations, propriété de la société AXA REIM SGP ou de ses clients, dont il avait été observé qu'il s'en était fait transférer sur ses messageries électroniques personnelles, de ne pas communiquer ces documents et informations à des tiers, et enfin de ne pas les utiliser dans sa nouvelle activité professionnelle pour le compte de la société Schroders.

Le 13 janvier 2016, la société AXA REIM SGP a saisi la formation de référé du conseil des prud'hommes de Nanterre sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, aux fins de voir autoriser Maître [V], huissier de justice, assisté d'un expert informatique indépendant en présence de Monsieur [V] [D] :

- à accéder aux éléments figurant dans la messagerie professionnelle du salarié placée sous scellé en l'étude de l'officier ministériel et identifiés comme personnels qui :

1) ont été envoyés de son adresse courriel professionnelle notamment vers ses adresses courriels personnelles comme destinataire ou en copie ;

2) échangés entre le 3 juin 2013 et le 31 juillet 2015 comportant les mots clés suivants "client", "équipe", "team", "projet", projets", "projects", "del", dels", "expérience", "experience", infrastructure", "dette", "debt", "présentation", "près", "opportunité", "opportuniste", portefeuille", "portfolio", "infrastructure", "recrutement", "investissement", "investment", "co-investment", "co-invest", "CV", "curriculum vitae", "[G] [K]", "[G]", "[K]", "[A] [M]", "[A]", "[M]", "[B] [J]", "[B]", [J]", "[S] [O]", "[S]", "[O]", "NRJ, "towercast", "[I]" ;

- à dresser procès-verbal des opérations effectuées et à en remettre une copie à la demanderesse, accompagnées d'un exemplaire des sélections des documents qui auront été réalisés.

L'employeur demandait aussi la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [V] [D] a soulevé l'incompétence du conseil des prud'hommes au profit du tribunal de commerce s'agissant d'une action en concurrence déloyale, alors que le contrat de travail litigieux ne comportait pas de clause de non concurrence. Subsidiairement, le salarié s'est opposé à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 9 juin 2016, la juridiction du premier degré s'est déclarée compétente et a débouté les parties de leurs prétentions respectives.

Appel a régulièrement été interjeté par la société AXA REIM SGP le 24 juin 2016.

A l'audience du 4 octobre 2016, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile.

Les litigants ont repris leurs exceptions, moyens et demandes de première instance, sauf en ce qui concerne Monsieur [V] [D] à élever à la somme de 5 000 euros la somme sollicitée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence

Considérant que l'action est fondée sur l'article 145 du Code civil selon lequel, s'il existe avant tout procès un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Considérant que, selon Monsieur [V] [D], en l'absence de toute clause de non débauchage et de non concurrence, les griefs de son adversaire n'ont pas trait à la relation contractuelle, de sorte que seul le tribunal de commerce ou le tribunal de grande instance serait compétent ;

Considérant que l'employeur expose pouvoir mettre en cause la responsabilité contractuelle du salarié, en ce que d'une part, par le détournement de données confidentielles, propriété de la société AXA REIM SGP, avant même son départ de l'entreprise, il a violé son obligation de confidentialité en même temps que le règlement intérieur de la société, et en ce que d'autre part, par le développement d'une activité de conseil dans le courant de l'année 2014, au bénéfice de la société NRJ, il a violé la clause d'exclusivité stipulée au même contrat ; qu'il en déduit qu'il existe un motif légitime de constituer la preuve de ces faits au moyen de la mesure d'instruction demandée, avant tout procès qui relèverait du conseil des prud'hommes de sorte que c'est bien à la formation de référé de cette juridiction du travail de se prononcer ;

Considérant que l'article L.1411-1 du code du travail donne compétence à la juridiction prud'homale pour statuer sur les différends qui peuvent s'élever entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient à l'occasion de tout contrat de travail ;

Considérant qu'il s'agit en l'espèce pour l'employeur de l'établissement de preuves avant un éventuel procès au fond ayant pour objet de caractériser une faute à savoir :

- une atteinte au droit de propriété en détournant des éléments confidentiels de l'employeur ou de ses clients ;

- la violation de la clause de confidentialité stipulée pour la durée du contrat et les deux ans qui suivent par la divulgation d'informations confidentielles ;

- la violation de la clause d'exclusivité stipulée au contrat en ce que le salarié a accompli travail pendant deux mois au profit de NRJ, sans autorisation de l'employeur auquel n'aurait été demandée une autorisation d'ailleurs rejetée qu'après coup en vue de la passation d'un contrat de conseil avec cette société ;

- l'approche de sociétés du groupe AXA, clientes de la société AXA REIM SGP ou de clients tiers ;

- la violation de l'obligation de loyauté en débauchant les membres de son équipe auprès de la société AXA REIM SGP, au profit de la société Schroders occasionnant ainsi une désorganisation de cette entreprise ;

Qu'ainsi la demande a trait à un litige entre l'employeur et le salarié qui s'est élevé à l'occasion du contrat de travail les ayant liés ; qu'il s'ensuit que le conseil des prud'hommes était bien compétent ;

Sur l'application de l'article 145 du Code de procédure civile

Considérant que la société AXA REIM SGP estime qu'est réuni un faisceau d'indices de nature à faire suspecter la déloyauté et la violation par le salarié des clauses d'exclusivité et de confidentialité précitées ; qu'elle rappelle que le salarié a laissé une réponse d'attente sur messagerie électronique au moment de quitter l'entreprise, cela alors qu'il n'en était plus salarié et invitant les personnes concernées à le joindre sur des adresses courriel personnelles et sur son téléphone portable ; qu'il a envoyé sur sa messagerie personnelle des documents confidentiels dans la période qui a précédé son départ ; que l'employeur estime que la mesure d'instruction sollicitée est proportionnée à son but, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l'intimité de la vie privée de l'intéressé du fait de la sélection au moyen de mots clés pertinents des messages identifiés comme personnels ;

Considérant que Monsieur [V] [D] répond que la mesure sollicitée n'est pas utile, qu'elle tend à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, qu'il avait accepté l'ouverture des fichiers litigieux lors de la réunion du 16 octobre 2015, que les fichiers en cause ont en outre pu être manipulés après leur récupération à l'insu du salarié par la société AXA REIM SGP pendant le mois qui a suivi son départ fin août ;

Considérant certes que si le salarié a travaillé avec SFR en juillet 2014 quelques temps avant de demander l'autorisation de passer contrat avec elle à son employeur, force est de constater qu'a priori, ce point est sans rapport avec le souci de la société AXA REIM SGP de connaître à travers la mesure d'instruction sollicitée la teneur de l'ensemble des informations confidentielles, propriété de la société AXA REIM SGP envoyées sur la messagerie personnelle du salarié un an plus tard quelques temps avant son départ ;

Considérant qu'un faisceau d'indices concordants rend plausible la méconnaissance par le salarié de son obligation de confidentialité et de loyauté à des fins qui pourraient caractériser une faute lourde ;

Considérant que s'il n'est pas contesté qu'il a quitté son poste pour rejoindre quasi immédiatement un poste proche de celui qu'il abandonnait, puisqu'il quittait la fonction de responsable de l'équipe infrastructure au sein de la société AXA REIM SGP, pour celle de responsable de l'équipe infrastructures chez un concurrent, ce point n'étant pas contesté et ressortant d'une correspondance adressée le 21 septembre 2015 par le représentant de la société Schroders ; qu'il est établi par des courriels versés aux débats corroborés par cette même lettre que l'équipe que dirigeait Monsieur [V] [D] au sein de la société AXA REIM SGP a pareillement démissionné pour continuer de travailler sous l'autorité du salarié chez son nouvel employeur ;

Que ces éléments justifient l'inquiétude suscitée chez l'employeur par le transfert de données le concernant et ainsi que ses collaborateurs et clients, sur la messagerie de Monsieur [V] [D], sans qu'il ne réponde sur la mise en demeure de les détruire que lui a faite la société AXA REIM SGP et alors que ces éléments étaient la propriété de celui-ci ; que non seulement il était à craindre l'usage de ces données notamment en ce qu'elles avaient trait aux produits ou aux clients au profit du nouvel employeur, mais encore il était plausible que Monsieur [V] [D] ait aussi violé l'obligation de confidentialité en ce qu'elle avait aussi trait à toutes les informations concernant les données relatives à un collaborateur du groupe Axa Investment Managers, de manière à permettre son débauchage ;

Considérant que cette crainte s'appuie sur des constatations objectives en ce que les données transférées par le salarié sur sa messagerie personnelle étaient d'une grande confidentialité, de manière sécurisée sans avoir besoin de s'expédier les documents ; qu'il convient donc d'examiner les transferts de données à partir de la boîte professionnelles par messages non identifiés comme personnels ;

Qu'un document intitulé "document confidentiel privé" a été envoyé le 12 avril 2015, ce que Monsieur [V] [D] tente de justifier en indiquant qu'il s'agissait de préparer une prochaine réunion prévue en juillet 2015, alors que l'intérêt d'une telle anticipation de trois mois reste à expliquer ;

Qu'une liste des positions détenues par AXA a été transférée le jour même de son départ le 30 juillet 2015 ; que le salarié ne saurait se justifier par la volonté de conserver "une mémoire professionnelle", aucun principe ne lui permettant de conserver un document comportant les données du portefeuille client compte tenu de la clause de confidentialité notamment ;

Considérant sur d'autres transferts que le salarié avance des explications souvent invérifiables et vagues liées au fait qu'il travaillait chez lui :

- un rapport sur les positions d'AXA en 2015, envoyé le 6 juillet 2015, que le salarié explique par la nécessité de travailler chez lui sur ce document, alors qu'il ne savait pas encore qu'il allait être dispensé de préavis ;

- un document préparatoire à un conseil d'administration qui devait se tenir le 31 juillet suivant, jour de son départ, a été transféré le 28 juillet 2015, ce que le salarié explique en faisant valoir qu'il lui appartenait de préparer ce conseil ;

- des documents spécifiques AXA Belgique ont été transférés le 16 juillet 2015 sur sa boîte personnelle sur lequel le salarié dit avoir dû travailler durant le préavis ;

- un projet de contrat relatif au portefeuille "infra equity", envoyé le 18 juin 2015 concernant des investissements de fonds propres dans une société, est aussi expliqué par la nécessité de travailler à domicile ;

Considérant que le transfert trois mois avant son départ d'un document confidentiel privé dont il ne parvient pas à justifier sérieusement de l'utilité de l'avoir à son domicile et le détournement le jour de son départ des données du portefeuille clients, en violation des droits de l'employeur, alors qu'il a rejoint un concurrent pour exercer une activité voisine de celle qu'il déployait au sein de la société AXA REIM SGP, accompagné de l'ensemble de son équipe, rend plausible une violation de la clause de confidentialité stipulée au contrat de travail dans un but second de concurrence déloyale ;

Considérant qu'aucun autre moyen que l'ouverture des envois de messages protégés par l'identification de leur caractère personnel, peut permettre de savoir si ces transferts de données ont une plus grande ampleur ou une plus grande gravité ou encore sont plus compromettants encore pour le salarié, au regard de son obligation de confidentialité ;

Considérant que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145, dès lors que le juge constate que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie adverse ; que la mesure d'instruction doit néanmoins veiller, comme le permet la mission proposée par l'employeur, de limiter l'atteinte à la vie privée par l'identification des courriels à ouvrir au moyen de mots clé pertinents ;

Que loin de proposer des aménagements du mode d'ouverture des courriels et de leurs pièces jointes ou de remettre en cause le choix des mots clé retenus par la société AXA REIM SGP, Monsieur [V] [D] a adopté une attitude contradictoire en acceptant dans un premier temps par courrier de participer à leur ouverture en présence d'un huissier de justice, pour ensuite sur place refuser, ainsi que l'a relevé l'officier ministériel dont le salarié conteste vainement les constatations péremptoires ; que cette attitude concourt également au soutien de la thèse de l'employeur ;

Considérant qu'il suit de l'ensemble de ces observations, que la violation de l'obligation de confidentialité qui pesait sur le salarié est sérieusement étayée et qu'elle doit faire l'objet d'une mesure d'instruction pour en vérifier la réalité, l'importance et la portée ;

Considérant que dès lors les conditions du recours à l'article 145 sont réunies, la société AXA REIM SGP est en droit d'obtenir satisfaction, sans qu'il importe au regard du problème soumis à la cour, que l'employeur ait pu ouvrir les courriels en cause avant de les faire prendre en charge par un huissier de justice ; qu'en effet, cette lecture préalable par l'employeur des courriels identifiés comme personnels, au demeurant non démontrée, ne fonde pas à la présente décision ; que les circonstances de la cause, même sans ouverture illicite des courriels identifiés comme personnels conduisaient nécessairement l'employeur à rechercher la preuve de l'ampleur des atteintes à la confidentialité ; qu'à supposer que, comme le prétend le salarié, l'employeur les ait ouverts avant de saisir un huissier de justice et ait procédé à des transformations frauduleuses, il appartiendra à Monsieur [V] [D] au vu des pièces communiquées au cours de la mesure d'instruction et après, de les contester contradictoirement ;

Qu'il convient d'ordonner la mesure demandée ; que toutefois, l'autorisation demandée ne portera pas sur l'assistance "d'un expert en informatique indépendant au choix de la requérante", l'indépendance attendue d'un expert nommée par une partie ne pouvant être totale ; qu'il appartiendra à l'huissier d 'assurer la bonne fin des opérations en s'entourant des techniciens qu'il juge utiles ;

Considérant qu'il apparaît équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de débouter l'une et l'autre des parties de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Considérant que les dépens seront mis à la charge de Monsieur [V] [D] qui succombe ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt rendu en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance déférée uniquement sur la demande de mesure d'instruction ;

Statuant à nouveau ;

Autorise Maître [U] [V], huissier de justice, laquelle détient en son étude deux copies placées sous scellés des supports informatiques professionnels affectés à l'usage professionnel de M. [V] [D] au sein de la société AXA REIM SGP, et en présence de Monsieur [V] [D] ou celui-ci dûment appelé :

- à rechercher et copier l'ensemble des courriels, documents et correspondances figurant dans la messagerie professionnelle ou dans la copie conservatoire des fichiers stockés sur les supports informatiques mis à la disposition de Monsieur [V] [D] par la société AXA REIM SGP et identifiés comme personnels, comme portant la mention "personnel", "personnal", "perso", "privé, priv", "private", ou classés dans un dossier "personnel", "personnal", "perso", "privée', "private" ou "priv" et qui ont été :

*envoyés de son adresse courriel professionnelle ([Courriel 1]) vers ses adresses courriels personnelles suivantes [Courriel 2] et [Courriel 3], que ce soit à titre de destinataire ou en copie ;

* et échangés, créés ou modifiés entre le 3 juin 2013 et le 31 juillet 2015 et contenant l'un ou plusieurs des mots clés suivants : "clients", "équipe", "team", "projet", "projets", "project", "projects", deal", "deals", expérience", "experience", "infrastructure", "dette", "debts", "présentation", "pres", presentation", "opportunité", ou "opportuniste", "portefeuille", "portfolio", "infrastructure", "recrutement", "investissement", ou "investment", "co-investment", co-investissement", "co-invest", "CV", "curriculum vitae", "[G] [K]", "[G]", "[K]", "[A] [M]" "[A]", "[M]", "[B] [J]", "[B]",, "[J]", "[S] [O]", "[S]", "[O]", "NRJ", "Towercast", "[U]" ou "[I]" ;

- à dresser un procès-verbal des opérations effectuées et en remettre une copie à la société AXA REIM SGP, accompagnées d'un exemplaire des documents qui auront été sélectionnés ;

Condamne Monsieur [V] [D] aux dépens dont le recouvrement sera effectué, pour ceux le concernant, par le cabinet Lexavoué, représenté par Maître [E] [X], avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame GONORD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03354
Date de la décision : 30/05/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/03354 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-30;16.03354 ?
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