COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 MAI 2017
R.G. N° 15/01140
AFFAIRE :
[R] [H]
C/
SARL SOCOMELEC INDUSTRIE
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 février 2015 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de MONTMORENCY
Section : Industrie
N° RG : 13/00418
Copies exécutoires délivrées à :
Me Michel BISSILA JANVIER
SCP DRYE-DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[R] [H]
SARL SOCOMELEC INDUSTRIE
POLE EMPLOI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne,
assisté de Me Michel BISSILA JANVIER, avocat au barreau d'ORLÉANS
APPELANT
****************
SARL SOCOMELEC INDUSTRIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE-DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Madame Monique CHAULET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency (section industrie) du 3 février 2015 qui a :
- débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné M. [H] à verser à la société Socomelec Industrie la somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à titre reconventionnel,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,
Vu la déclaration d'appel formée au greffe le 10 mars 2015 et les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, pour M. [R] [H], qui demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer la décision entreprise,
- dire que la rupture de son contrat de travail initiée par la SARL Socomelec Industrie s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la plainte annoncée par l'appelant,
à titre subsidiaire,
- procéder à l'audition de M. [D] sur la fracture de la porte du local de Score,
- condamner la SARL Socomelec Industrie à lui payer les sommes suivantes :
. 11 991,45 euros à titre de rappel de salaire et des congés payés y afférents,
. 1 340,86 euros à titre de rappel de primes et des congés payés afférents,
. 1 684,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
. 23 466,58 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 888,87 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 388,89 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 5 414,02 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- ordonner la remise des documents sociaux, certificat de travail, bulletins de paie à compter de décembre 2009, attestation Pôle emploi, rectifiés sous astreinte journalière de 50 euros passé le délai d'un mois à compter du jugement,
- ordonner le règlement de ces sommes en deniers ou quittance ainsi que l'exécution provisoire,
- assortir ces condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine, soit le 27 mai 2013,
- condamner la SARL Socomelec Industrie à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, pour la SARL Socomelec Industrie, qui demande à la cour de :
- déclarer irrecevable, en tous les cas mal fondé M. [H] en toutes ses demandes, fins et conclusions, et confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- condamner M. [H] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE LA COUR,
Considérant que M. [R] [H] a été engagé par la SARL Socomelec Industrie, en qualité de monteur électricien, par contrat de travail à durée indéterminée du 11 avril 1997 ; que la SARL Socomelec Industrie emploie environ 40 salariés ; que les relations étaient régies par la convention collective de la métallurgie de la région parisienne ;
Qu'en dernier lieu, il relevait de la classification d'électricien niveau 1, coefficient 155 et percevait une rémunération moyenne mensuelle brute d'un montant de 3 512 euros ;
Qu'entre 2006 et 2009, quatre avertissements ou rappels à l'ordre ont été notifiés au salarié :
- le 13 septembre 2006, un avertissement pour avoir fracturé une porte d'accès à un chantier,
- le 17 janvier 2007, un rappel à l'ordre pour défaut d'indication de ses heures de présence sur les chantiers,
- le 23 janvier 2008, un avertissement pour avoir quitté un chantier avant l'heure de débauche et sans autorisation préalable,
- le 19 mars 2009, un avertissement pour non-respect des consignes et mauvaise réalisation d'une intervention ;
Que, convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 28 octobre 2009, à un entretien préalable fixé au 5 novembre 2009, M. [H] a été licencié pour motifs personnels par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 décembre 2009 ainsi libellée:
« (...) Suite à l'entretien préalable du 5 novembre 2009, nous sommes au regret de vous informer que nous mettons un terme à votre contrat de travail.
Comme nous vous l'avons expliqué, votre désinvolture croissante pose de plus en plus de problème à l'organisation générale de Socomelec Industrie.
Cette attitude se traduit d'une part par des absences non justifiées et d'autre part, par une qualité déplorable dans l'exécution de votre travail.
Nous vous rappelons que nous vous avons reproché à plusieurs reprises votre comportement et votre sérieux.
- le 13 septembre 2006, sur le site des 4 Temps, pour accéder à un local, vous avez fracturé la porte du local SCOR, mettant notre client dans une situation très inconfortable vis-à-vis de son voisin.
- le 11 janvier 2007, Absence non justifiée, non-respect des consignes de travail.
- Le 28 décembre 2007, Non-respect des consignes de travail.
- Le 23 janvier 2008, Abandon de poste.
- le 28 janvier 2008, pour avoir quitté un chantier avant l'heure de débauche et sans autorisation préalable,
- le 19 mars 2009, Non-respect des consignes de travail, manque de sérieux.
Plutôt que de prendre en compte l'ensemble de nos reproches, vous avez développé un sentiment d'injustice et de persécution donnant à nos remarques exactement l'effet inverse de celui recherché.
Plus récemment, sur le chantier du Biostore de St Brice, M. [P], chef de chantier nouvellement embauché, vous a confié, à votre demande, la réalisation des connections dans les boites de raccordements. Ce travail, réalisé avec une totale désinvolture, a dû être repris en totalité par vos collègues sur place.
La conséquence est qu'il devient de plus en plus compliqué de vous donner une affectation, un nombre croissant de chef de chantier refusant aujourd'hui votre présence dans leurs équipes. » ;
Que M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency le 27 mai 2013, plus de trois ans après la rupture ;
Considérant sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'enquête pénale, que M. [H] sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale qui devrait intervenir à la suite de la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée le 22 juillet 2016 contre la SARL Socomelec Industrie, M. [F] et M. [R] pour fausse attestation et usage de faux ;
Que l'article 4 du code de procédure pénale dispose que « La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. » ;
Que cette plainte déposée en 2016 a pour objet de remettre en cause les sanctions des 28 décembre 2007 et 19 mars 2009 ; que M. [H] conteste les sanctions préalables au licenciement dans le cadre de la présente procédure mais n'en demande pas l'annulation ; que les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait droit à la demande de sursis à statuer ;
Considérant sur la recevabilité des demandes, que, par requête du 27 mai 2013, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande sur le licenciement pour motif personnel et d'une demande de rappel de salaire et de primes en se réservant d'en chiffrer le montant ultérieurement ;
Que l'intimée soutient que la demande de rappel de salaire et de prime formée le 28 mai 2013 n'est pas recevable puisqu' elle a été formée le 28 mai 2013 sans être chiffrée et ne l'a été que par conclusions du 18 mars 2014, donc postérieurement à la loi du 14 juin 2013 qui a réduit le délai de prescription de 5 ans à 3 ans ;
Qu'elle soutient également que le salarié n'est plus recevable à contester les avertissements et rappels à l'ordre notifiés entre 2006 et 2009 ;
Considérant que la saisine de la juridiction prud'homale emporte interruption de la prescription pour l'ensemble des actions nées du même contrat ;
Qu'ainsi, quelle que soit la date à laquelle la demande salariale a été chiffrée, la requête du 23 mai 2013 a interrompu la prescription de cette demande ;
Que dès lors que l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 dispose que lorsqu'une instance a été introduite avant sa promulgation elle est poursuivie et jugée conformément à l'ancienne loi, la demande salariale reste soumise à la prescription quinquennale ; que les demandes salariales sont donc recevables ;
Considérant que M. [H] ne sollicitant pas l'annulation des mises en garde et avertissements prononcés entre 2006 et 2009, il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité de ces demandes ;
Considérant, sur le rappel de salaires et de congés payés, que M. [H] soutient que si sa carrière s'était déroulée normalement, il aurait pu relever d'un niveau supérieur au niveau 1 et d'un coefficient supérieur au coefficient 155 ;
Qu'il est établi que M. [H] a été embauché en qualité d'électricien niveau I coefficient 155 de la convention collective de la métallurgie région parisienne ; que ladite convention précise que sont classés à ce niveau les salariés qui exécutent des tâches caractérisées par leur simplicité ou par leur répétitivité ou leur analogie, conformément à des procédures indiquées, d'après des consignes simples et détaillées fixant la nature du travail et les modes opératoires à appliquer ; que le coefficient 155 est le 3ème coefficient du niveau I ;
Que le salarié soutient qu'il aurait dû connaître une évolution de carrière en 13 ans de présence dans l'entreprise ; que toutefois, le dossier disciplinaire de ce salarié comporte quatre sanctions ; qu'il n'apporte aucun élément de comparaison sur l'évolution salariale d'un employé de même catégorie ; qu'il ne démontre donc pas que son évolution de salaire aurait dû être plus importante ; qu'il convient donc de rejeter cette demande ;
Considérant, sur le rappel de primes, que M. [H] se prévaut de l'article 15 de l'avenant « Mensuels » de la convention collective de la Métallurgie qui accorde aux salariés une prime d'ancienneté croissante en fonction de l'ancienneté ; qu'il affirme qu'il n'a pas reçu la totalité du montant de la prime qui lui était dûe ; que toutefois, l'employeur soutient à juste titre que la prime doit être calculée en fonction de l'ancienneté révolue ; que le salarié a donc été rempli de ses droits et doit donc être également débouté de cette demande ;
Considérant, sur la communication des documents, que la demande au titre des salaires et primes revalorisés étant rejetée, il n'est pas nécessaire de condamner l'employeur à communiquer un contrat de travail et des décomptes rectificatifs ;
Considérant, sur la rupture, qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;
Considérant que la SARL Socomelec Industrie présente les courriers de mise en garde et avertissements :
- le 13 septembre 2006, un avertissement pour avoir fracturé une porte d'accès à un chantier,
- le 17 janvier 2007, un rappel à l'ordre pour défaut d'indication de ses heures de présence sur les chantiers,
- le 23 janvier 2008, un avertissement pour avoir quitté un chantier avant l'heure de débauche et sans autorisation préalable,
- le 19 mars 2009, un avertissement pour non-respect des consignes et mauvaise réalisation d'une intervention ;
Que ces faits ne sont évoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement que pour rappeler le contexte de la relation contractuelle ;
Qu'il fonde le licenciement sur des faits nouveaux, la mauvaise exécution des connexions sur le chantier du Biostore de Saint Brice qui a nécessité la reprise des travaux par ses collègues et le fait qu'en conséquence un nombre croissant de chef de chantier refuse sa présence dans leurs équipes ;
Que la SARL Socomelec Industrie ne fournit aucune preuve relative à ce grief ; qu'en effet, la pièce 18 visée à l'appui de ce fait dans les conclusions de l'employeur est l'attestation de M. [R] concernant les faits relatifs au chantier IESEG et non ceux du chantier de [Localité 1] ; qu'également l'employeur n'établit pas que les chefs de chantier refusaient de travailler avec M. [H] ;
Qu'il convient donc, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant, sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M. [H] qui comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés au jour du licenciement, a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ;
Qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 49 ans, de son ancienneté d'environ 12 ans dans l'entreprise et du montant de la rémunération qui lui était versée ' 3 512 euros bruts-, il convient de lui accorder en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de 23 466,58 euros ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 3 mois d'indemnités ;
Considérant que M. [H] a effectué son préavis de deux mois et a été réglé ainsi qu'il en est justifié par les bulletins de paie jusqu'en février 2010 et par le solde de tout compte ; que cette demande sera donc rejetée ;
Considérant qu'il a reçu au titre de l'indemnité légale de licenciement la somme de 3 964,13 euros alors qu'il aurait dû recevoir la somme de 4 878,93 euros ; qu'il convient de condamner la SARL Socomelec Industrie à lui verser un complément d'indemnité de 914,80 euros ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes formées au titre des rappels de salaires, primes et congés payés,
Dit le licenciement de M. [R] [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL Socomelec Industrie à payer à M. [H] les sommes suivantes :
. 23 466,58 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 914,80 euros à titre de solde d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 27 mai 2013,
Déboute M. [H] de sa demande au titre des rappels de salaires, primes et congés payés,
Ordonne d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 3 mois d'indemnités,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne la SARL Socomelec Industrie à payer à M. [H] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL Socomelec Industrie de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,
Condamne la SARL Socomelec Industrie aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.
Le greffier,Le président,