COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 MAI 2017
R.G. N° 15/00376
AFFAIRE :
SASU CONVERGENCES GESTION
C/
[N] [V]
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 25 juillet 2013 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de CERGY PONTOISE
Section : Encadrement
N° RG : 12/00691
Copies exécutoires délivrées à :
SELARL GAILLARD ET ASSOCIES
[N] [V]
Copies certifiées conformes délivrées à :
SASU CONVERGENCES GESTION
M. [M] [A]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SASU CONVERGENCES GESTION
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparante en la personne de M. [D] [G], président, intervenant régulièrement,
assistée de Me Luc GAILLARD de la SELARL GAILLARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de BRIVE
APPELANTE
****************
Madame [N] [V]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne,
assistée de M. [M] [A], défenseur syndical ouvrier, intervenant régulièrement en vertu d'un mandat du 22 mars 2017
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 22 mars 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Madame Monique CHAULET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section encadrement) du 25 juillet 2013 qui a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [V] aux torts exclusifs de l'employeur en raison du non-respect de dispositions conventionnelles et contractuelles et avec les mêmes effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SASU Convergences Gestion à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
. 90 756,48 euros au titre de dommages et intérêts pour la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
. 7 563,04 euros à titre d'indemnité de congés payés,
. 22 689,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 2 268,91 euros à titre de congés payés sur préavis,
. 7 563,04 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal du jour de la réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 20 novembre 2012 pour les créances salariales et du jour du jugement pour les créances à caractère indemnitaire,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement conformément à l'article R. 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 7 563,04 euros,
- ordonné à la SASU Convergences Gestion de remettre à Mme [V] l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et une fiche de paie récapitulative conformes au jugement,
- condamné la SASU Convergences Gestion aux dépens,
Vu la déclaration d'appel adressée au greffe le 3 septembre 2013 pour la SASU Convergences Gestion,
Vu l'ordonnance de radiation prononcée le 21 janvier 2015 pour défaut de diligences des parties et la réinscription de l'affaire au rôle le 26 janvier 2015,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, pour la SASU Convergences Gestion, qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- dire non-justifiée la demande de résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur formulée par Mme [V],
- dire que son licenciement repose sur un motif réel et sérieux,
- débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [V] aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, pour Mme [N] [V], qui demande à la cour de :
- débouter la SASU Convergences Gestion de son appel,
- la recevoir en sa demande de réforme du montant de l'indemnité de licenciement, si la cour dit que la relation contractuelle s'était poursuivie, et ordonner à la SASU Convergences Gestion de lui payer la somme de 10 871,07 euros au titre d'une indemnité de licenciement,
à titre reconventionnel,
- condamner la SASU Convergences Gestion à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
SUR CE LA COUR,
Considérant que Mme [N] [V] a été engagée, par la société Multi Mall Management, en qualité de directeur exécutif par contrat de travail à durée indéterminée du 3 mars 2008 ;
Que la société Multi Mall Management, devenue la SASU Convergences Gestion, a pour activité la gestion d'ensemble immobiliers commerciaux ;
Que Mme [V] exerçait également, depuis le 15 avril 2011, les fonctions de présidente de la SASU Convergences Gestion jusqu'à ce que, par décision du 23 mai 2012, l'associé unique de la SASU Convergences Gestion « après avoir constaté que Mme [V], à des fins personnelles sans considération pour l'intérêt social entravait la bonne marche de la société et mettait en péril le projet de cession de la totalité des parts à un tiers acquéreur, ladite cession étant envisagée aux fins de préserver l'activité de la société », décide de la révoquer de ses fonctions de présidente et de nommer à sa place M. [I] [W] ;
Qu'à partir du mois de juin 2012, Mme [V] a été placée en arrêt de travail pour maladie ;
Que, par requête du 14 novembre 2012, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;
Que, postérieurement au jugement entrepris, Mme [V] a été convoquée par lettre recommandée avec avis de réception du 28 août 2013 à un entretien préalable fixé au 9 septembre 2013 et licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 16 septembre 2013 ;
Considérant, sur la rupture, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que, si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;
Que Mme [V], qui exerçait son activité professionnelle depuis le mois de juillet 2009 au sein de l'établissement principal situé à [Localité 3], reproche à son employeur de l'avoir affectée à un établissement à [Localité 4], sans qu'elle en connaisse la raison et sans qu'elle sache quelles seraient ses fonctions ; qu'elle précise que la SASU Convergences Gestion n'a pas respecté la convention collective qui prévoit que tout changement de poste de travail doit être précédé d'un entretien avec l'intéressé et doit faire l'objet d'une notification écrite qui ne peut intervenir que 6 jours ouvrables au moins après l'entretien ;
Qu'elle soutient qu'avant même sa mutation elle a été remplacée au poste qu'elle occupait à [Localité 3] ;
Qu'elle ajoute, qu'alors qu'elle n'a jamais repris son travail, elle n'a perçu ses compléments conventionnels de prévoyance de salaire qu'au mois d'avril 2013 et que la SASU Convergences Gestion, sur sa fiche de paie du mois d'avril, a retenu des cotisations sociales sur le paiement effectué en sa faveur ;
Que la SASU Convergences Gestion réplique qu'aucune modification des conditions d'exercice de son activité n'a été imposée à Mme [V] et que le transfert de son siège social de [Localité 3] à [Localité 4] n'a aucunement affecté le poste occupé par Mme [V] ;
Qu'elle fait valoir que si la salariée a perçu avec retard ses compléments de salaire c'est parce qu'elle même transmettait tardivement ses arrêts de travail ;
Qu'au soutien de sa demande, Mme [V] ne communique aucune pièce établissant que son employeur lui a demandé de rejoindre un autre poste à [Localité 4] et l'a remplacée dans les fonctions qu'elle occupait à [Localité 3] ;
Qu'également, elle ne produit ni arrêt de travail, ni réclamation de paiement de complément de salaires, ni, d'ailleurs, preuve du paiement desdits compléments ;
Que, pareillement, elle ne communique pas le bulletin de salaire du mois d'avril, dont elle ne précise d'ailleurs pas l'année, dont elle se prévaut ;
Qu'aucun des manquements reproché n'étant établi, il convient, infirmant le jugement de ce chef, de débouter Mme [V] de sa demande de résiliation judiciaire ;
Considérant, s'agissant du licenciement, que l'employeur dans la très longue lettre de licenciement qu'il a rédigée reproche à Mme [V] :
- d'avoir mené de façon désastreuse la direction de la société puisque la tenue de la comptabilité n'a pas été suivie et effectuée avec la rigueur nécessaire, qu'un grand nombre de factures ont été égarées, que le règlement des fournisseurs n'a pas été assuré, qu'elle a signé un bail pour occuper des bureaux disproportionnés par rapport aux besoins de la société, qu'elle a embauché des intérimaires sans nécessité,
- d'avoir commis de nombreuses erreurs dans son métier de gestionnaire,
- d'avoir commis, concernant la gestion du centre [Établissement 1], tant d'erreurs et d'insuffisances que l'investisseur a perdu confiance en la société, a commandé un double audit (auprès d'Ernst & Young et d'Uniconseils ) et dénoncé le mandat ;
Que Mme [V] fait valoir que son insuffisance professionnelle n'est aucunement démontrée ;
Qu'aux termes de son contrat de travail, Mme [V] a comme mission de diriger les équipes françaises du Multi Mall Management (MMM France) , tant l'équipe du siège social que les équipes des différents centres commerciaux, d'exécuter les mandats de gestion de MMM France et d'assumer la gestion locative et immobilière des centres commerciaux gérés par MMM France ;
Que, dans un courrier du 3 octobre 2011, MMM France a précisé à Mme [V] que sa mission porterait principalement sur la gestion au quotidien [Établissement 1] :
- gestion des relations avec les locataires, les associations de locataires, la municipalité, les copropriétaires et autres intervenants,
- facturation et recouvrement des loyers et de toutes autres sommes,
- facturation et recouvrement des loyers,
- négociation et concrétisation des nouveaux baux et communication au propriétaire pour accord,
- direction et gestion de l'association des locataires et établissement de contacts avec l'autre association de locataires du centre ville de [Localité 3],
- représentation des propriétaires et autres associés au sein de l'ASL,
- direction opérationnelle du centre,
- négociation et élaboration des contrats de prestations de services pour le compte des propriétaires et/ou de l'ASL,
- réalisation du reporting des performances du centre,
- gestion des relations avec la ville de [Localité 3] ;
Qu'il lui était également indiqué qu'elle exercerait ses fonctions sous l'autorité de M. [I] [W], directeur de Multi Asset Management BV et pour les questions de gestion quotidienne [Établissement 1] qu'elle dépendrait directement de [L] [E] (asset manager) mandaté par Multi Asset Management BV à cet effet ;
Que la SASU Convergences Gestion se fonde sur le rapport d'audit réalisé par la société Uniconseils, suite à la reprise de la gestion locative du shopping Center [Établissement 1] à [Localité 3] par Convergences Gestion, déposé le 26 juin 2013 ;
Que, dans son rapport, la société Uniconseils expose, qu'au moment du changement d'actionnaires le 1er juin 2012 la SASU Convergences Gestion employait deux collaboratrices, Mme [V] qui assurait la présidence de la société, la supervision de l'ensemble des obligations de cette structure et l'interface des locataires du centre et Mme [X] [M], en charge notamment du reporting financier mensuel qu'elle établissait pour le compte de Pramerica, l'investisseur ;
Qu'elle indique que gérée à partir de deux systèmes, l'un pour le compte de la société Multi, l'autre pour l'investisseur Pramerica, la tenue de la comptabilité et le reporting de la gestion du site n'étaient pas assurés de manière optimum, générant de multiples critiques et insatisfactions de la part de Pramerica, cette dernière au moment de la reprise de MMM France par Convergences Gestion ayant dénoncé le contrat de gestion et demandé la réalisation d'un audit afin de s'assurer de la bonne tenue des comptes et du respect des règles applicables en la matière ;
Que le rapport fait état de l'absence d'informations fiables et de comptabilité disponible sur un logiciel comptable, seule étant disponible une suite de tableaux de reporting Excel avec des commentaires non exhaustifs sur les mouvements du mois, du non respect des principes comptables normalement applicables, de ce que, sur 2011, l'ensemble des pièces bancaires n'a pas été retrouvé et que, sur la période 2011 et 2012, de très nombreuses ruptures de séquences dans la chronologie des factures émises on été constatées ;
Qu'il mentionne, notamment, également l'absence de procédure et de contrôle a minima qui auraient dû permettre de repérer facilement des anomalies et dysfonctionnements difficilement acceptables pour des professionnels de la gestion locative, des anomalies des comptes de TVA collectés et une erreur de la garantie locative 2011 en défaveur du bailleur d'un montant de 361 680 euros ;
Que dès lors que Mme [V] avait la responsabilité de la gestion du Centre commercial [Établissement 1], qu'elle n'allègue ni ne démontre avoir informé M. [E] qu'elle rencontrait des difficultés, ce rapport, dont l'impartialité n'est pas discutée, suffit à établir l'insuffisance professionnelle reprochée ;
Qu'ajoutant au jugement il convient donc de débouter la salariée de sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant, sur l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis, que la SASU Convergences Gestion soutient que le solde de tout compte de Mme [V] a été fait en tenant compte de la situation médicale de la salariée au moment du licenciement et que l'intégralité des indemnités dues lui a été réglée ;
Qu'aucune partie ne communique le solde de tout compte et le dernier bulletin de salaire de Mme [V] ;
Que le licenciement pour insuffisance professionnelle n'est pas privatif de l'indemnité de licenciement ; qu'il convient de condamner la SASU Convergences Gestion, en deniers ou quittance, à payer à Mme [V] de ce chef le montant non critiqué de 10 871 euros ;
Que Mme [V], qui était en arrêt de travail pour maladie pendant la durée du préavis, est mal fondée à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;
Considérant, sur l'indemnité de congés payés, qu'en application des dispositions de l'article L. 3141-4 du code du travail qui ne considère pas les périodes d'arrêt de travail pour maladie comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, il convient, infirmant le jugement, de débouter Mme [V] de sa demande de ce chef ;
Considérant qu'il est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais par elles exposés non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement,
Déboute Mme [V] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,
Déboute Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, indemnité de congés payés, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,
Condamne la SASU Convergences Gestion à payer à Mme [V], en deniers ou quittances, la somme de 10 871 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Y ajoutant,
Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [V] aux dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.
Le greffier,Le président,