COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
FL
Code nac : 57A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2017
R.G. N° 15/00405
AFFAIRE :
SARL AVS INNOVATION
C/
SAS LABORATOIRE EUROPEEN ADSL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Novembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° Section :
N° RG : 2012F3972
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Pierre GUTTIN
Me Laurent NOREILS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL AVS INNOVATION
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 15000015
Représentant : Me Yankel BENSOUSSAN de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T06
APPELANTE
****************
SAS LABORATOIRE EUROPEEN ADSL
N° SIRET : 428 781 462
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Laurent NOREILS, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 537
Représentant : Me Hugues BOUGET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1752
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
EXPOSÉ DU LITIGE
La société par actions simplifiée Laboratoire Européen ADSL, ci-après dénommée la société LEA, est spécialiste des technologies DSL (Digital Subscribor Line ou ligne numérique d'abonné, technologie permettant le transfert de données à haut débit sur des réseaux téléphoniques commutés en cuivre) et développe des solutions pour l'accès au haut débit.
La société à responsabilité limitée AVS Innovation a une activité d'import-export et de distribution, son dirigeant, [V] [D], disposant de contacts et d'expérience dans l'achat et la vente de matériels sur le marché de la téléphonie mobile.
Courant 2008, ces deux sociétés se sont rapprochées en vue de la distribution en France de la gamme de produits CPL (Courant Porteur en Ligne) fabriqués par la société LEA, la société AVS Innovation réalisant auprès de la société LEA, fin 2008, 224.000 euros d'achat de ces produits.
Le 11 février 2009, la société AVS Innovation et la société LEA ont signé un contrat intitulé : Sales and Distribution agreement, contrat ayant pour objet la distribution par la société AVS Innovation de produits CPL de marque LEA à destination de clients cibles autorisés, nommément désignés, parmi lesquels : Modelabs, Avenir Télécom, les boutiques Orange (à travers un distributeur) et les boutiques SFR (à travers un distributeur). Ce contrat a pris rétroactivement effet au 1er janvier 2009.
Le 14 décembre 2009, par avenant n°1, le contrat a été renouvelé pour 2010.
De la même manière, par avenant n°2, du 13 décembre 2010, le contrat a été renouvelé pour une nouvelle période d'un an. Dans cet avenant, la liste des produits et clients cibles, auxquels la société AVS Innovation était autorisée à vendre a été modifiée.
En 2011, les sociétés ont poursuivi leurs relations d'affaires.
Par courriel du 7 novembre 2011, [V] [D] a demandé à la société LEA de respecter les termes du contrat de distribution et sollicité une solution transactionnelle d'indemnisation pour réparer le préjudice qu'il estimait que la société AVS Innovation avait subi tant au titre des ventes passées que futures.
Face à une réponse jugée insatisfaisante, par exploit d'huissier du 30 octobre 2012, la société AVS Innovation a fait assigner la société LEA devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :
- Condamner la société Laboratoire Européen ADSL à lui payer une somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts, qu'il conviendrait de parfaire au vu des pièces communiquées aux débats par la société Laboratoire Européen ADSL;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner la société Laboratoire Européen ADSL à lui payer une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux dépens.
Par jugement entrepris du 26 novembre 2014 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Débouté la SAS Laboratoire Européen ADSL de son exception d'irrecevabilité;
Dit que la SAS Laboratoire Européen ADSL n'avait pas commis de faute contractuelle et que le contrat entre la SAS Laboratoire Européen ADSL et la SARL AVS Innovation a été résilié le 31 décembre 2011 ;
Débouté la SARL AVS Innovation de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la SARL AVS Innovation à verser à la SAS Laboratoire Européen ADSL la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la SAS Laboratoire Européen ADSL du fait de la violation par la société AVS Innovation de son engagement contractuel de non concurrence pour l'année 2011 ;
Débouté la SAS Laboratoire Européen ADSL de l'ensemble de ses autres demandes ;
Condamné la SARL AVS Innovation à payer la SAS Laboratoire Européen ADSL la somme de 10.000 euros au litre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamné la SARL AVS Innovation aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 14 janvier 2015 par la société AVS Innovation ;
Vu les dernières écritures signifiées le 8 février 2017 par lesquelles la société AVS Innovation demande à la cour de :
Dire et juger la société AVS Innovation recevable et bien fondée en son appel;
Et y faisant droit,
Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Laboratoire Européen ADSL n'a commis aucune faute contractuelle et que le contrat conclu avec la société AVS Innovation a été résilié le 31 décembre 2011 ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté AVS Innovation de sa demande de condamnation de la société Laboratoire Européen ADSL à lui payer une somme de 1.538.924 euros à titre de dommages et intérêts ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AVS Innovation à payer à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts du fait de la prétendue violation par la société AVS Innovation de son engagement contractuel de non concurrence pour l'année 2011 ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AVS Innovation à payer à la société Laboratoire Européen ADSL une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Laboratoire Européen ADSL de son exception d'irrecevabilité et de l'ensemble de ses autres demandes ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal
Condamner la société Laboratoire Européen ADSL à payer à la société AVS Innovation une somme de 1.538.924 euros à titre de dommages et intérêts, qu'il conviendra, le cas échéant, de parfaire au vu des pièces que la société Laboratoire Européen ADSL pourrait être amenée à communiquer ;
A titre subsidiaire
Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour pour évaluer le préjudice exact subi par la société AVS Innovation du fait de la violation du contrat de distribution par la société Laboratoire Européen ADSL ;
En tout état de cause,
Condamner la société Laboratoire Européen ADSL à payer à la société AVS Innovation la somme de 25.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Laboratoire Européen ADSL, enfin, aux entiers dépens dont ceux d'appel qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures signifiées le 21 février 2017 au terme desquelles la société LEA demande à la cour de :
Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile
L'article 564 du code de procédure civile
L'article 1134 du code Civil
Les articles 1147 et suivants du code Civil
Les articles 1382 et suivants du code Civil
L'article 32-1 du code de procédure civile
IN LIMINE LITIS
1) Infirmer le jugement entrepris du 26 novembre 2014 du Tribunal de Commerce de Nanterre en ce qu'il a débouté LEA de son exception d'irrecevabilité.
Et jugeant à nouveau :
DIRE ET JUGER irrecevable la société AVS Innovation et la débouter de l'intégralité de ses demandes ;
2) Constater que la société AVS sollicite pour la première fois en cause d'appel une demande nouvelle d'expertise à l'encontre de LEA.
DIRE ET JUGER irrecevable la société AVS Innovation en cette demande d'expertise.
AU FOND
Confirmer le jugement entrepris du 26 novembre 2014 du Tribunal de Commerce de Nanterre en ce qu'il a :
- débouté AVS de l'ensemble de ses demandes (y compris de sa nouvelle demande subsidiaire d'expertise) ;
- jugé que LEA n'avait commis aucune faute contractuelle et que le contrat entre LEA et AVS a été résilié au 31 décembre 2011 ;
- condamné AVS à verser à LEA des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par LEA du fait de la violation par AVS de son engagement contractuel de non concurrence pour l'année 2011 ;
- condamné AVS à verser à LEA la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'infirmer pour le surplus et jugeant à nouveau :
CONDAMNER la société AVS Innovation à verser à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 75.697,39 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Laboratoire Européen ADSL du fait de la violation par la société AVS Innovation de son engagement de non concurrence contractuel ;
DIRE ET JUGER que la société AVS Innovation a commis des actes de concurrence déloyale et/ou parasitaires et a eu un comportement déloyal à l'égard de la société Laboratoire Européen ADSL ;
CONDAMNER la société AVS Innovation à verser à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 43.182 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la société Laboratoire Européen ADSL ainsi qu'à la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image et commercial subi par la société Laboratoire Européen ADSL et ce, du fait de la concurrence déloyale et du comportement déloyal de la société AVS Innovation ;
CONDAMNER la société AVS Innovation à verser à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, nonobstant toute amende à laquelle la Cour estimerait devoir la condamner ;
CONDAMNER la société AVS Innovation à restituer à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 2.769,72 euros TTC au titre du montant du bonus contractuel versé par erreur pour 2011 et indûment perçue par AVS ;
CONDAMNER la société AVS Innovation à payer à la société Laboratoire Européen ADSL la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société AVS Innovation aux entiers dépens, y compris les frais d'huissier pour l'exécution de l'arrêt à intervenir.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la qualité de la traduction :
Se référant aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, la société LEA maintient devant la cour sa fin de non-recevoir tirée de la prétendue mauvaise qualité de la traduction de l'anglais au français du contrat de distribution (Sales and Distribution agreement), quelle considère être truffée d'erreurs, et ne permettant pas à la cour de juger sa demande dans des conditions régulières.
La société AVS Innovation lui réplique qu'elle produit une traduction en français de ce contrat, émanant d'un traducteur assermenté, expert près a cour d'appel d'Orléans et qu'elle a pris parti de retenir la traduction proposée par la société LEA de l'article 2.12 du contrat, qui est l'objet principal du débat entre les parties.
La cour relève que la société AVS Innovation a fait procéder à une traduction de l'accord entre les parties dans des conditions juridiques appropriées et que si la société LEA estimait cette traduction de piètre qualité, il lui appartenait, outre les remarques qu'elle formule sur celle-ci, de faire procéder à une autre traduction.
Se satisfaisant de la traduction produite et des remarques que la société LEA formule dans ses conclusions, la cour, confirmant en cela le tribunal, dira recevable l'action de la société AVS Innovation.
Sur l'exécution du contrat de distribution :
La société AVS Innovation critique une violation du contrat par la société LEA.
Elle expose que jusqu'alors, la société LEA et sa maison mère, la société HF Company, n'étaient pas parvenues à pénétrer le marché des boutiques de Télécom, qu'elle-même connaissait bien pour l'avoir prospecté dans le cadre d'un contrat conclu avec la société belge TE-Group et qu'en conséquence, l'annexe du contrat de distribution signé avec la société LEA listait des clients cibles, dont des grossistes, tels MCA/Ascendeo ou Modelabs;
Que lors de la période d'essai de trois mois, elle a largement dépassé son objectif de vente de 50.000 euros, le chiffre d'affaires qu'elle a généré s'élevant en effet à plus de 200.000 euros, une partie significative des ventes étant réalisée auprès du grossiste MCA/Ascendeo pour fournir les boutiques SFR ;
Que la marge générée par les ventes à ces clients cibles, qu'elle soit directement opérée par la société LEA ou par son intermédiaire, lui serait acquise, au terme de l'article 2.12 du contrat, ci-dessous reproduit et traduit:
o 2.12 With the agreement of AVS, AVS customers's as defined in the Annex 4 are allowed to put orders directly to LEA. In that case, the order price will be defined by AVS and the difference between the order price and the selling price for this order from LEA to AVS will be returned to AVS. The amount of the order will be added for the calculation of the "Annual Bonus" as defined in the Annex 2
o 2.12 Avec l'accord d'AVS, les clients d'AVS définis en annexe 4 sont autorisés à commander directement à LEA. Dans ce cas, le prix de commande sera défini par AVS et la différence entre le prix de commande et le prix de vente pour cette commande de LEA sera reversé à AVS. La somme de la commande sera ajoutée dans le calcul du "bonus annuel" défini en annexe 2 ;
Qu'elle devait ainsi conserver la maîtrise et le bénéfice de ces ventes directes, puisque cet article précise que c'est avec l'accord d'AVS que ces ventes directes pouvaient être réalisées ; que le prix de la commande devait être fixé par elle, la marge réalisée devait lui être reversée et que la commande devait entrer dans son chiffre d'affaires pour le calcul du bonus annuel ;
Qu'en bas de la liste des clients cibles définis en annexe 4 du contrat, il est expressément précisé que : cette liste sera revue fin 2009, afin d'ajouter de nouveaux clients ou en retirer en l'absence de première commande en 2009.
La société AVS Innovation poursuit en indiquant que la société LEA a violé le contrat de distribution, car ayant vendu d'importantes quantités de produits CPL (produits Netplus 85/85+) aux sociétés Ascendeo et Modelabs pour approvisionner les Boutiques SFR (Espaces SFR) au cours des premiers mois de l'année 2009, il s'est avéré que, face au développement rapide du marché des produits CPL, l'opérateur SFR, via sa direction des enseignes SFR Espaces SFR, dirigée par [F] [G], a lancé une consultation courant 2009 avec pour objectif de référencer un fabricant unique de CPL pour fournir l'ensemble des Boutiques SFR exploitées par des sociétés autonomes et distinctes : SFD, Cinq Sur Cinq et les franchisés ; qu'au terme de cette consultation, la société LEA a été retenue, ce qui devait, en exécution du contrat de distribution, lui permettre de devenir le fournisseur exclusif de l'ensemble des Boutiques SFR (à travers un distributeur) en produits CPL LEA (produits Netplus 85/85+ ; Netplug 200 ; NetSocket 200 et NetStrip 200 +) ;
Que la société LEA a toutefois choisi de vendre directement ses produits à l'opérateur SFR qui les stockait dans l'entrepôt de [Localité 1] pour les revendre avec marge aux sociétés d'exploitation des Boutiques SFR qui sont autonomes et distinctes de l'opérateur SFR : SFD, Cinq Sur Cinq et les franchisés ; qu'ainsi, comme le confirment les acteurs de l'époque dans leurs attestations, l'opérateur SFR et la société LEA se sont entendus pour que l'un fournisse les CPL (LEA) et pour que l'autre assure la distribution de ces produits auprès des Boutiques SFR (ESPACE SFR) et ce alors que c'est elle qui avait pénétré la première le marché des boutiques SFR ;
Que sur ces ventes directes, la société LEA ne lui a néanmoins pas reversé la marge contractuelle qui lui revenait ;
Qu'au surplus, courant 2010, la société LEA a vendu des CPL à l'opérateur SFR qui les a lui-même revendus à la société Modelabs pour approvisionner La Boutique en Ligne (BOL) de l'opérateur SFR, en sachant pertinemment que ces ventes transiteraient par l'un de ses propres clients cibles ;
Que, dans ces circonstances, il est démontré que la société LEA a sciemment et méthodiquement organisé son exclusion du circuit de distribution de ses produits ;
Que même si quelques ventes lui ont encore été confiées, elle a subi un manque à gagner du fait de la chute conséquente de leur volume.
La société LEA lui rétorque qu'elle n'a pas signé avec elle un contrat d'apporteur d'affaires ou de mise en relation, mais un contrat de distribution non exclusif, annuel, renouvelable par avenant sous conditions de réalisation d'objectifs annuels et prévoyant une interdiction pour la société AVS Innovation de vendre des produits concurrents aux siens.
Elle soutient ne pas avoir attendu la société AVS Innovation pour entrer en relation commerciale avec SFR ou Bouygues Télécom, qui ne figuraient d'ailleurs pas dans la liste des clients cibles, en annexe 4 du contrat et reproche à la société AVS Innovation d'avoir opportunément profité d'une faille dans le circuit d'approvisionnement de SFR, avec lequel elle travaillait déjà, au lieu de lui permettre de distribuer ses produits auprès de sociétés avec lesquelles elle n'avait pas de relations.
Elle affirme n'être en rien responsable de la décision de la société SFR d'avoir choisi un interlocuteur unique pour approvisionner son propre réseau.
La société LEA fait valoir que le la société SFR était hors du champ contractuel et que c'est donc en vain que la société AVS Innovation lui reproche d'avoir directement contracté avec elle ;
Que le contrat s'est éteint à son terme, le 31 décembre 2011, faute pour la société AVS Innovation d'avoir atteint l'objectif fixé d'achat de produits CPL auprès d'elle à hauteur de 375.000 euros, puisqu'elle a réalisé, pour cette même année, un chiffre d'affaires avec elle de seulement 130.788,20 euros ; qu'il n'a pu être renouvelé en 2012, faute de ratification d'un avenant et que les ventes qu'elle a pu opérer en 2012 avec la société AVS Innovation, pour autant que la preuve en soit rapportée, l'ont été hors statut de distributeur, dans le cadre d'une simple relation d'affaires ;
Que, s'agissant de la société SFR, elle pouvait, sans que cela lui soit imputé à faute, fournir directement sa Boutique en Ligne (BOL) ou les boutiques de son réseau, dont elle a remporté l'appel d'offres en 2009 ; que c'est sur directive de la société SFR que la société Modelabs a cessé de s'approvisionner auprès de la société AVS Innovation.
* * *
Il est acquis aux débats que, le 11 février 2009 la société LEA et la société AVS Innovation ont signé un contrat intitulé : sales and distribution agreement, portant sur la distribution par la société AVS Innovation de produits de la société LEA ;
Que l'article 1 du contrat stipule que la société LEA désigne la société AVS Innovation en tant que distributeur sur le territoire français, la possibilité étant réservée à la société LEA de vendre les produits directement sur le territoire français ; qu'ainsi, la société AVS Innovation n'était donc pas le distributeur exclusif des produits LEA sur le territoire français ;
Que, d'ailleurs, l'article 2.12 du contrat stipule que : Avec l'accord d'AVS, les clients d'AVS définis en annexe 4 sont autorisés à commander directement à LEA. Dans ce cas, le prix de commande sera défini par AVS et la différence entre le prix de commande et le prix de vente pour cette commande de LEA sera reversée à AVS. La somme de la commande sera ajoutée dans le calcul du "bonus annuel" défini en annexe 2 ;
Que, donc, les clients de la société AVS Innovation pouvaient acheter des produits directement à LEA, sous réserve d'obtenir l'accord de celle-ci ;
Que, dans l'annexe 4 du contrat, ni la société Bouygues Télécom, ni la société SFR, ne sont mentionnées dans la liste des clients cibles de la société AVS Innovation ; que si Boutique SFR y figure, c'est uniquement à travers un distributeur ;
Qu'il est constant que la société AVS Innovation a approvisionné les boutiques SFR en produits LEA au travers des distributeurs Modelabs ou Ascendeo, avant que la société SFR ne décide de confier son approvisionnement à un seul attributaire de marché, qui s'est avéré être la société LEA, ce que le contrat permettait, sans que la société AVS Innovation ne puisse lui opposer l'existence d'une collusion avec SFR dans ce choix, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ni son absence d'accord préalable ou bien encore revendiquer le paiement de la marge afférente à ces ventes ;
Que les pièces du dossier démontrent en effet que la société LEA avait conclu des relations avec la société SFR dès 2007 et que même si elle n'avait pas encore pénétré le réseau des boutiques de l'enseigne, à l'exception de La Boutique en Ligne, le fait que la société AVS Innovation, via un distributeur, ait desservi ce réseau, n'empêchait nullement la société LEA de le fournir directement, sans que la société AVS Innovation puisse faire état d'une antériorité de clientèle, dès lors que ce réseau n'était pas son client direct ;
Qu'aucune faute contractuelle ne peut dès lors être reprochée à la société LEA, ni aucune indemnité réclamée à son encontre.
La cour confirmera donc le jugement de ce chef.
Sur l'obligation de non-concurrence et la concurrence déloyale :
À titre reconventionnel, la société LEA dénonce la violation de son obligation de non-concurrence à son égard, stipulée à l'article 3.1 du contrat, ayant consisté en la vente, depuis 2012, de produits CPL concurrents de siens, sous sa marque Innovatec, notamment auprès du client MCA/Ascendeo.
Elle ajoute avoir, toutefois, constaté le début de ces ventes en 2011, selon facture du 26 novembre 2011, qu'elle met aux débats.
La société AVS Innovation lui réplique que cette seule facture, qui n'émane pas directement d'elle, ne saurait justifier le préjudice qu'elle invoque, les ventes réalisées en 2012 étant hors contrat, puisque la société LEA admet elle-même que le contrat s'est éteint au 31 décembre 2011.
A cet égard, le tribunal a exactement relevé que l'article 3.1 du contrat liant les parties, stipule que : Le Distributeur ne pourra pas, ni directement ni indirectement, faire de la publicité sur le marché, distribuer ou vendre un Produit Concurrent, ni s'engager conjointement dans une publicité ou la promotion d'un produit concurrent pendant toute la durée de validité de cet accord ;
Qu'il ne saurait être contesté que les adaptateurs de CPL de marque Innovatec, vendus à une boutique SFR le 26 novembre 2011, par le distributeur ABCCOM, pour un montant TTC de 99,90 euros sont directement concurrents de ceux de la société LEA ; que ces agissements sont répréhensibles au regard des stipulations précitées de l'article 3.1 du contrat;
Que, néanmoins, la société LEA affirmant que le contrat s'est trouvé résilié au 31 décembre 2011 par la non atteinte de l'objectif qui avait été fixé à la société AVS Innovation, celle-ci se trouvait déliée, à compter du 1er janvier 2012, de son obligation de non-concurrence et que les ventes effectuées par elle postérieurement à cette date ne pouvaient lui être imputées à faute ;
Qu'il s'ensuit que c'est exactement que pour le seul fait révélé en 2011, le tribunal a, souverainement, évalué le préjudice de la société LEA à la somme d'un euro, ce que la cour confirme.
Sur le remboursement du bonus versé en 2011 :
Sur le fondement de la répétition de l'indu, la société LEA demande la restitution de 2.769,72 euros, considérant que le bonus contractuel qu'elle a versé à la société AVS Innovation, a été calculé sur la base d'un taux maximal de 3% alors que cette dernière a réalisé moins de 300.000 euros d'achats auprès d'elle en 2011, le taux applicable devant en réalité être de 1,5% ;
Qu'ainsi, au lieu de 4,631,64 euros HT, elle devait à la société AVS Innovation seulement 2.315,82 euros HT et que, par conséquent, celle-ci doit lui rembourser le trop-perçu.
La société AVS Innovation fait valoir que, si la marge qui lui était réservée n'avait pas été détournée par la société LEA au titre de l'exercice 2011, son chiffre d'affaires aurait très largement dépassé la somme de 300.000 euros, de sorte que le bonus aurait dû être calculé sur la base d'un taux au moins égal à 3%.
Il est constant qu'en 2011, le chiffre d'affaires réalisé par la société AVS Innovation a été inférieur à 300.000 euros et que l'annexe 2 de l'avenant n°2 du contrat de vente et de distribution, renouvelant celui-ci pour l'année 2011, indiquait que, pour un chiffre d'affaire inférieur à 300.000 euros, la prime annuelle 2011 devait être calculée sur la base de 1,5 % du chiffre d'affaires.
Comme le tribunal, la cour relève que la société LEA indique que la prime annuelle a été indûment calculée au taux de 3 % du chiffre d'affaire, mais n'en rapporte pas la preuve, de sorte qu'elle a été valablement déboutée de sa demande de ce chef, ce que la cour confirme.
Sur le caractère abusif de la procédure :
La société LEA forme une demande indemnitaire à hauteur de 50.000 euros à l'encontre de la société AVS Innovation pour procédure abusive.
L'article 32-1 du code de procédure civile édicte que : Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d'ester en justice ne trouve sa limite que dans l'abus fait de celui-ci, avec malice, mauvaise foi ou bien lorsqu'il résulte d'une erreur équipollente au dol.
En l'espèce, la société LEA ne caractérise pas de la part de la société AVS Innovation, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits de distributeur non exclusif, des agissements constitutifs d'un abus de droit.
La société LEA verra donc rejetée sa demande de dommages et intérêts formulée de ce chef et le jugement confirmé de ce chef et, partant, en son entier.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 26 novembre 2014 en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
REJETTE toutes autres demandes,
CONDAMNE la société à responsabilité limitée AVS Innovation aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,