COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 9 MAI 2017
R.G. N° 16/04746
AFFAIRE :
[P] [I]
C/
SAS BVA MYSTERY SHOPPING Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Octobre 2016 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Chambre : 25
N° Section :
N° RG : 16/04327
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
M. [E] [M]
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 1]
de nationalité Serbe
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : M. [E] [M] (Défenseur syndical)
APPELANT
****************
SAS BVA MYSTERY SHOPPING Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Ludivine MARCHAND substituant Me Catherine LEGER de la SELARL ALTERLEX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué par, vestiaire : D0703 - Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 28116
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE,
FAITS ET PROCEDURE,
Vu le jugement du conseil des prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 30 août 2016, ayant débouté partiellement M. [I] de ses demandes dans l'affaire l'opposant à son employeur la société BVA MYSTERY SHOPPING;
Vu la notification du jugement faite aux parties le 1er septembre 2016 (c'est la date d'envoi de la notification, car je n'ai pas les AR dans le dossier);
Vu l'appel contre ledit jugement formé par lettre recommandée, incluant deux exemplaires de la déclaration d'appel, envoyée le 27 septembre 2016, et effectué conjointement par M. [M], défenseur syndical, pour le compte de M. [I] et par ce dernier, et enregistré au greffe de la cour le 29 septembre 2016;
Vu la notification de cette déclaration d'appel par le greffe à la société intimée le 29 septembre 2016;
Vu la constitution d'avocat par la société intimée le 2 décembre 2016;
Vu l'ordonnance de juge de la mise en état en date du 10 octobre 2016 déclarant l'appel irrecevable du fait de sa non transmission par la voie électronique et ne justifie pas de l'existence d'une cause étrangère, au visa des articles 930-1 et 930-2 du code de procédure civile;
Vu la requête aux fins de déféré de M. [M] , pour le compte de M. [I], déposée au greffe le 24 octobre 2016 dans le délai de 15 jours prévu par l'article 916 du code de procédure civile;
Vu l'ordonnance du président de la 6ième chambre sociale de la cour en date du 14 décembre 2016, fixant l'audience de déféré au 6 février 2017;
Vu la convocation des parties;
Vu l'audience de la cour en date du 6 février 2017 où l'affaire a été mise en délibéré au 18 avril 2017,
Vu les conclusions de M. [M] pour le compte de M. [I], régulièrement signifiées à la société BVA MYSTERY SHOPPING par lettre recommandée du 25 novembre 2016;
Vu les conclusions de la société BVA MYSTERY SHOPPING, régulièrement signifiées à M.[I], par lettre recommandée reçue le 31 janvier 2017;
Vu la seconde déclaration d'appel faite par M.[I] le 27 septembre 2016 par la voie électronique par l'intermédiaire de son avocat Maître [N], ce second dossier étant en cours sous le n° RG 16/04302 devant la 25ième chambre sociale, chambre de la mise en état;
SUR CE
Considérant que l'article 930-1 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par la voie électronique, tout en prévoyant que si ce mode de transmission ne peut être utilisé pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, cet acte est établi sur support papier remis au greffe et visé par ce dernier;
Que selon l'article 930-2 du code de procédure civile, issu du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et applicable aux instances et appels introduits à compter du 1er août 2016, les dispositions de l'article 930-1 ne sont pas applicables au défenseur syndical, lequel peut effectuer les actes de procédure sur support papier et remis au greffe;
Que dans ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux, la remise étant (est) constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué;
Considérant qu'à l'audience susvisée, M. [I], régulièrement représenté par M.[M], défenseur syndical, sollicite l'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état susvisée et la poursuite de l'affaire au fond devant la chambre sociale de la cour, estimant que son acte d'appel est recevable;
Qu'il fait valoir que le nouvel article 930-2 du code de procédure civile précise que l'article 930-1 dudit code ne s'applique pas au défenseur syndical, ce qui l'autoriserait à adresser sa déclaration d'appel par support papier et donc par lettre recommandée;
Qu'il soutient qu'en tout état de cause la société ne rapporte pas la preuve d'un grief causé par le non respect du formalisme de la déclaration d'appel;
Qu'il invoque aussi l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui exige que tout justiciable ait le droit à un procès équitable, que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera,
Que la société BVA MYSTERY SHOPPING soutient que les dispositions de l'article 930-2 du code de procédure civile, et notamment le fait qu'un exemplaire de la déclaration d'appel doit être immédiatement restitué, impliquent une remise physique en main propre de l'acte au greffe, à laquelle la voie postale ne peut se substituer, d'autant qu'en l'espèce n'a pas joint au greffe 3 exemplaires de sa déclaration au greffe, comme l'y invite cet article, mais seulement deux;
Que la seule constatation du non respect du formalisme imposé par ledit article justifie de déclarer l'appel irrecevable, la preuve d'un grief n'étant pas nécessaire;
Considérant que l'irrecevabilité de l'appel tirée du non respect des articles 930-1 et 930-2 du Code de procédure civile est indépendante de l'existence d'un grief;
Considérant que l'article 930-1 du Code de procédure civile, qui concerne la "procédure ordinaire", énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, lorsqu'un acte de procédure ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe, la remise étant constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire dont l'un est immédiatement restitué ;
Considérant que l'article 930-2 du Code de procédure civile, rédigé en termes quasiment identiques, toujours relatif à la "procédure ordinaire" mais en matière prud'homale, dispose : "Les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier. Dans ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué" ;
Considérant que si l'article consacré au défenseur syndical utilise le terme "peuvent", pour fixer les modalités de l'appel interjeté par un défenseur syndical, ce terme oppose une modalité ouverte aux défenseurs syndicaux à sa prohibition pour les avocats, qui ne peuvent pas, selon l'article 930-1 du Code de procédure civile, procéder par voie électronique sauf cause étrangère ; qu'en l'absence d'autres modalités offertes aux défenseurs syndicaux pour interjeter appel, force est de considérer que celles qui sont édictées par l'article 930-2 sont obligatoires ;
Considérant que l'article 930-2 comme l'article 930-1 ne proposent pas une alternative entre la remise en main propre et l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, mais exigent la remise au greffe, la constatation de cette remise par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire et enfin la restitution immédiate d'un exemplaire ainsi daté et visé ; que le recours à la notion de remise immédiate de l'un des exemplaires, joint à l'absence de prévision d'un envoi par lettre simple ou recommandée aux frais du greffe, suppose l'accomplissement des ces formalités en un trait de temps et non un long échange par courrier ;
Considérant que si l'article 930-2 ne fait pas référence comme l'article 930-1 à une irrecevabilité relevée d'office, d'une part cela n'est pas déterminant dans la mesure où le texte relatif au défenseur syndical a été édicté par un règlement postérieur au texte général, ce qui peut expliquer une coordination imprécise des deux textes à l'article 930-1, et d'autre part la formulation comme la logique quasi identiques du mécanisme mis en place dans les deux cas visaient à assurer une mise en oeuvre efficace et rapide de l'appel, de sorte que l'intention du rédacteur de ces texte est nécessairement de les soumettre à la même sanction;
Considérant enfin que le droit à un procès équitable n'est pas remis en cause par la différence faite entre les deux types de modalités d'appel, celle par la voie électronique pour les avocats ayant accès au réseau dit RPVA et celle par dépôt au greffe pour les défenseurs syndicaux ou les avocats n'ayant pas accès audit réseau, différence liée à des considérations techniques et ne pouvant être assimilée à une différence de traitement inéquitable;
Considérant qu'il suit de l'ensemble de ces constatations que l'appel a été interjeté de manière irrégulière et a été déclaré irrecevable à juste titre par l'ordonnancé déférée ;
Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de débouter l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Considérant que le salarié qui succombe supportera la charge des dépens du déféré ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,
Confirme l'ordonnance déférée,
Déboute la société BVA MYSTERY SHOPPING de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Met les dépens de la présente procédure de déféré à la charge de M. [I].
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame GONORD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,