COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
6e chambre
Renvoi après cassation
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 MAI 2017
R.G. No 16/00669
AFFAIRE :
COMITE D'ETABLISSEMENT DE LA SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES
Syndicat SYMNES CFDT
C/
SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES
SYNDICAT CGT DES SALARIES DU SITE PEUGEOT CITROEN SOCHAUX
FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT CGT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juin 2012 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
No chambre : 4
No RG : 12/01174
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT
Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS
Me Hugues DAUCHEZREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DEUX MAI DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 17 janvier 2017 puis prorogé au 31 janvier 2017, puis de nouveau prorogé au 21 février 2017, puis de nouveau prorogé au 28 mars 2017, puis prorogé au 02 mai 2017 les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :
COMITE D'ETABLISSEMENT DE LA SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES
18 rue des Fauvettes
92250 LA GARENNE COLOMBES
Ayant pour avocat postulant Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES - No du dossier 4816
Ayant pour avocat plaidant Me Céline COTZA de la SCP CABINET LEGENDRE -SAADAT, avocat au barreau de PARIS
Syndicat SYMNES CFDT
Bourse du Travail
9-11 rue Genin
93200 SAINT DENIS
Ayant pour avocat postulant Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES - No du dossier 4816
Ayant pour avocat plaidant Me Céline COTZA de la SCP CABINET LEGENDRE -SAADAT, avocat au barreau de PARIS
DEMANDEURS ayant saisi la cour d'appel de Versailles en, exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2015 cassant et annulant l'arrêt rendu le 18 février 2014 par la cour d'appel de Versailles (6ème chambre sociale)
****************
SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES
No SIRET : 542 06 5 4 79
Route de Gisy
78493 VELIZY VILLACOUBLAY CEDEX
Ayant pour avocat postulant Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES
Ayant pour avocat plaidant Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS
SYNDICAT CGT DES SALARIES DU SITE PEUGEOT CITROEN SOCHAUX
3 rue de Pontarlier
25600 Sochaux
Ayant pour avocat postulant Me Hugues DAUCHEZ, avocat au barreau de VERSAILLES,
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS
FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE CGT CGT
263 rue de Paris
93514 MONTREUIL CEDEX
Ayant pour avocat postulant Me Hugues DAUCHEZ, avocat au barreau de VERSAILLES,
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
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Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Octobre 2016 devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE greffier en pré-affectation
FAITS ET PROCEDURE
La SA Peugeot Citroën Automobile a instauré en 2007 un nouveau système d'évaluation comportant les notions nouvelles de compétences comportementales au nombre de 12, distincts de la compétence technique et de l'atteinte des objectifs dans la démarche d'évaluation.
En 2011, la direction a réduit de 12 à 8 les critères comportementaux.
Ainsi les entretiens individuels portaient sur les éléments suivants:
I - maîtrise globale de la fonction :
1) maîtrise technique de la fonction avec quatre niveaux d'évaluation ;
2) maîtrise comportementale avec huit compétences :
- orientation résultats ;
- vision stratégique au-delà de son propre domaine ou du court terme ;
- connaissance de son environnement et de son secteur d'activité;
- conduite du changement poussant à l'amélioration par l'intermédiaire de personnes de son entourage ;
- coopération et influence notamment avec les partenaires qui ne font pas partie de leur "ligne hiérarchique";
- conduite d'équipe, tant au sein d'équipes projets, interfonctionnelles et transversales qu'au sein d'équipes hiérarchiques fonctionnelles et opérationnelles ;
- développement des compétences des collaborateurs ;
- comportement éthique, auquel la direction a finalement renoncé;
II - Performance du collaborateur qui suppose la saisie par le collaborateur de cinq objectifs à caractère individuel ou collectif pour l'année à venir ;
III - Les souhaits de mobilité ;
IV - le plan de développement personnel .
Le comité d'établissement de la SA Peugeot Citroën Automobile de la Garenne Colombes et le syndicat Symnes CFDT ont fait assigner la SA Peugeot Citroën Automobile le 19 janvier 2012. Dans le dernier état de leurs écritures ils demandèrent :
- de constater l'illicéïté de la partie de l'évaluation consacrée à la
maîtrise comportementale de la fonction ainsi que de la fixation d'objectifs collectifs;
- d'ordonner la destruction des évaluations des salariés de la Garenne Colombes intervenues en 2012 pour l'année 2011, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la notification de la présente décision ;
- d'interdire la mise en place de nouvelles évaluations sans l'organisation d'une nouvelle procédure d'information consultation des institutions représentatives du personnel ;
- de constater le délit d'entrave au comité d'établissement en raison de l'insuffisance des informations communiquées ;
- de voir condamner la SA Peugeot Citroën Automobile à verser la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 21 mars 2012, le syndicat CGT des salariés de la SA Peugeot Citroën Sochaux est intervenu volontairement à la procédure aux fins de :
- dire que les évaluations professionnelles réalisées au titre de l'appréciation des années 2009 à 2011 sont illicites, ordonner leur destruction et n'en conserver aucune trace aux dossiers des salariés ;
- faire interdiction de mettre en oeuvre le dispositif prévu pour l'appréciation de l'année 2012 pour les techniciens agents de maîtres et cadres, sous astreinte de 1 000 euros par salarié et par jour de retard ;
- condamner la SA Peugeot Citroën Automobile à lui payer la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles.
La défenderesse avait soulevé :
- l'irrecevabilité pour défaut de droit d'agir des demandes formulées par les syndicats Symnes CFDT et CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux visant à obtenir la destruction de l'ensemble des évaluations des techniciens agents de maîtrise et cadres intervenues en 2012 pour le premier syndicat et depuis 2009 pour le second ;
- l'irrecevabilité pour défaut de droit d'agir des demandes du Syndicat Symnes CFDT visant à ce que soit constaté le délit d'entrave au comité d'établissement de la Garenne Colombes en raison de l'insuffisance des informations ;
- prendre acte de ce qu'elle s'engage à ne pas prendre en considération la compétence "comportement éthique" dans l'appréciation de l'atteinte des compétences comportementales et de ce que la référence aux valeurs du groupe ne sera pas prise en considération dans l'évaluation des collaborateurs ;
- rejeter l'ensemble des prétentions adverses.
Par jugement du 7 juin 2012, le syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux a été déclaré irrecevable à agir, de même que le comité d'établissement de la Garenne Colombes, mais, en ce qui concerne ce dernier organisme, seulement sur le dispositif d'évaluation. La décision a donné acte à la SA Peugeot Citroën Automobile de ce qu'elle renonçait à recourir au critère comportemental éthique et de ce qu'elle s'engageait à ne pas en tenir compte dans l'hypothèse où il aurait été retenu dans les évaluations déjà effectuées. Le jugement a au fond constaté l'absence d'illégalité et d'illicéité du dispositif d'évaluation individuelle ( EIA) 2012 en déclarant la demande de destruction des évaluations déjà effectuées irrecevable. Les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ont été rejetées.
Sur appel du comité d'établissement et du syndicat Symnes CFDT, la cour de Versailles a déclaré recevable par arrêt du 18 février 2014 l'intervention du syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux, a reçu l'intervention volontaire en cause d'appel de la Fédération CGT en confirmant pour le surplus.
Sur pourvoi du syndicat Symnes CFDT, du syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et du comité d'établissement, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt, mais seulement :
- en ce qu'il constatait l'absence d'illégalité et d'illicéité du dispositif EIA 2012, sans répondre aux conclusions des organisations syndicales qui soutenaient que sont dépourvus de toute objectivité et donc illicites les critères se référant à des standards idéologiques ;
- en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à voir interdire la mise en place de nouvelles évaluations sans une nouvelle procédure d'information consultation du comité d'établissement SA PEUGEOT CITROËN AUTOMOBILE de la Garenne Colombes au moment de l'évaluation, alors qu'elle avait constaté que le nouveau référentiel des compétences comportementales avait été remis au comité d'entreprise pendant la réunion au cours de laquelle il devait donner son avis ;
- et en ce qu'il a débouté le syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux et la Fédération de la métallurgie CGT de leurs demandes formées au titre de l'illicéité des dispositifs d'évaluation mis en
oeuvre dans la période antérieure au 1er janvier 2012, sans vérifier comme cela lui était demandé, si la méthode d'évaluation reposait sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie ;
- l'affaire étant renvoyée devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
-l'affaire est revenue devant celle-ci à l'audience de plaidoiries du 25 octobre 2016.
Le comité d'établissement et le syndicat Symnes CFDT prient la cour d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il les a déclarés recevables à agir et statuant à nouveau de déclarer illicite la partie de l'évaluation consacrée à la maîtrise comportementale de la fonction, de constater l'illicéité de la fixation d'objectifs collectifs, de relever l'entrave au comité d'établissement de la Garenne Colombes en raison de l'insuffisance d'information et de la tardiveté des renseignements communiqués, de condamner l'employeur à leur verser la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts outre celle de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux et la Fédération CGT des salariés du site de Peugeot Citroën Sochaux prient aussi la cour de déclarer les critères comportementaux retenus de 2009 à 2011 illicites, de dire que le comité d'établissement n'a pas été informé ni consulté valablement sur le dispositif d'évaluation des salariés pour le dispositif mis en place à partir de 2012, et de déclarer illicites les critères comportementaux instaurés à partir de 2012. Ils demandent la condamnation de la SA Peugeot Citroën Automobile à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 4 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA Peugeot Citroën Automobile sollicite la confirmation de la décision attaquée et la condamnation des appelants à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2016.
MOTIFS
Sur la licéité de l'évaluation consacrée à la maîtrise comportementale mise en place de 2009 à 2011
Considérant que l'arrêt du 18 février 2014 a été cassé faute d'avoir vérifié, comme cela lui était demandé, si la méthode d'évaluation mise en oeuvre dans la période antérieure au 1er janvier 2012 reposait sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie ;
Considérant que les procédures d'évaluation doivent respecter les prescriptions énoncées en matière de recrutement par les articles L. 1121-6 à L. 1121-9 du code du travail selon lesquelles elles doivent obéir à des critères présentant un lien direct et nécessaire avec l'évaluation des aptitudes professionnelles, sans apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché; que ceci implique que les critères notamment comportementaux soient exclusivement professionnels et suffisamment précis pour permettre au salarié de l'intégrer dans une activité concrète et à l'évaluateur de l'apprécier avec objectivité sans connotation morale rejaillissant sur la sphère personnelle ;
Considérant que le dispositif critiqué a été mis en place par l'effet notamment d'un accord d'entreprise du 16 janvier 2009 "sur le développement et l'évolution professionnels des ETAM" ;
Considérant qu'est en premier lieu critiqué le "guide d'appréciation de la performance" qui définit des aptitudes d'animation et de management à savoir l'engagement personnel et la coopération, le leadership, l'ouverture au changement et le développement des collaborateurs ; que l'engagement personnel est défini de manière précise et concrète selon cinq niveaux, en se situant toujours dans le contexte du travail d'équipe et du lien hiérarchique ; que le leadership répond aux mêmes exigences légales, en définissant la notion de dirigeant d'une équipe ; que l'ouverture au changement traduit le besoin de l'entreprise de s'entourer d'Etam suffisamment adaptables et ouverts pour répondre aux nécessités de changement dans les méthodes de travail apparaissant inadaptée ; que le développement des collaborateurs note la capacité de l'Etam à promouvoir par son souci de ces derniers, leur progression ; que les appréciations pouvant dériver d'appréciations subjectives ou étrangères à l'exécution légitime du contrat de travail n'entrent pas dans ces définitions de sorte que ce mode d'évaluation n'est pas critiquable, sans qu'il importe de rechercher la pertinence de l'évaluation de M. X..., dont les syndicats en cause mettent en exergue la mauvaise appréciation liée selon eux à une prise en compte illicite de son attitude critique à l'égard de sa hiérarchie ; qu'en effet d'une part la cour n'a pas les éléments pour juger de l'anomalie prétendue de cette évaluation et d'autre part une application illicite d'une système d'évaluation licite n'est jamais exclue, en cas de mauvaise foi de l'évaluateur ;
Considérant qu'un document interne de l'entreprise daté de janvier 2010 annexé à l'accord du 16 janvier 2009 sur le développement et l'évolution professionnels intitulé " les 12 comportements clés porteurs des 4 valeurs de la vision" a été introduit dans l'évaluation des salariés :
- je suis ouvert aux différences et travaille en complémentarité ;
- je décide et agis à partir de faits issus de données mesurées sur le terrain ;
- je donne du sens et envie, je crée les conditions de "réussir ensemble" ;
- j'écoute, je décide, je délègue ;
- je respecte mes engagements et ceux de l'entreprise ;
- je montre l'exemple par mes actes et j'assume mes responsabilités avec courage ;
- je prends des risques, je relève les défis ambitieux et j'encourage l'initiative ;
- je m'adapte, je saisis les opportunités et suis actif ;
- je me remets en cause et je porte les changements nécessaires ;
- je suis exigeant et rigoureux jusqu'au bout ;
- j'applique les meilleures pratiques et j'améliore mes "process" dans une logique de progrès continu ;
- je soutiens, valorise et développe en continu les compétences des collaborateurs;
Considérant , toutefois, que ces points sont précisés et amplement expliqués dans un autre document intitulé "lexique de compréhension des comportements clés" et ne font ressortir que des attitudes que tout employeur attend de ses salariés dans le droit fil du guide de l'appréciation de la performance dont la régularité a été constatée plus haut; que ces comportements clés ainsi précisés reflètent des principes communs dans le monde du travail et tournés vers la tâche à accomplir sans déborder sur les droits des personnes et les libertés individuelles ;
Considérant que dans ces conditions les évaluations de la période antérieure au 1er janvier 2012 sont bien licites ;
Sur l'illicéité des règles d'évaluation fixées à compter du 1er janvier 2012
Considérant que la cour suprême a cassé l'arrêt du 18 février 2004 en ce qu'il a déclaré licite le dispositif d'évaluation mis en place à partir du 1er janvier 2012, sans répondre aux conclusions des organisations syndicales selon lesquelles les critères d'évaluation étaient dépourvus de toute objectivité et sont donc illicites en se référant à des standards idéologiques ;
Considérant que le comité d'établissement et les syndicats en cause contestent chacun des critères comportementaux utilisés pour l'évaluation des salariés, comme non pertinents et empreints de subjectivité, en laissant aux managers tout à la fois, la détermination des compétences comportementales requises, le niveau attendu et l'attribution d'une note globale pour l'évaluation comportementale et l'évaluation technique, sans disposer d'outils nécessaires pour une application objective ;
Considérant qu'il y a lieu d'examiner chacun des huit critères du référentiel des compétences comportementales de novembre 2011 ;
Que la vision stratégique recouvre : "l'aptitude d'une personne à se projeter au-delà de son propre domaine et/ou à l'horizon court-terme" ; que le référentiel de compétence précise : "La réflexion stratégique s'applique à une fonction ou à un processus, à un produit ou un marché, à une unité commerciale ou technique, voire bien entendu à l'entreprise globale, cette compétence exige des capacités intellectuelles complexes, tant au niveau analytique que conceptuel ainsi que la capacité à formuler un plan d'action ayant des effets positifs sur l'entreprise ;
Considérant quant à la "vision stratégique", que "l'orientation des résultats", la "connaissance de son environnement", la "conduite du changement", la "coopération et influence", la "conduite d'équipe" et le développement des compétences de l'organisation et des collaborateurs définies par le référentiel tendent à définir des notions en les appliquant de manière précise au monde de l'entreprise, en veillant à ce qu'elles puissent être illustrées dans tous les secteurs d'activité de celle-ci ; que se trouve ainsi garanti le lien direct et nécessaire avec les aptitudes professionnelles, sans que ces qualités normalement et légitimement recherchées dans le monde du travail comme liées objectivement à la réalisation de l'objet de l'entreprise, ne soient en contradiction avec l'exercice des droits des personnes et des libertés individuelles et collectives ;
Considérant que par contre le "comportement éthique" est ainsi évoqué : "Cette compétence décrit à quel point une personne est sensible à la notion de valeur et les applique de manière constante, de sorte qu'il n'y ait pas de contradiction entre ce qu'elle dit et ce qu'elle fait" ; que la notion de "valeur" n'est pas définie, qu'elle est multiforme, de sorte que le recours à ce mot au sein de l'entreprise risque de prêter à des abus, soit qu'elle ne concerne pas les fonctions exercées par les salariés ou soit étrangère au strictes obligations nées du contrat de travail, soit qu'elle soit subjective comme préconçue en fonction de standards idéologiques dont le contrat de travail ne justifie pas qu'ils soient imposés au salarié ; que le rejet de la contradiction entre ce qu'une personne dit et ce qu'elle fait, est aussi germe d'arbitraire, dans la mesure où tout ce qu'on dit est sujet à interprétation et/ou ce qu'on dit durant le travail ne concerne pas nécessairement le travail et peut relever de sa sphère privée ;
Qu'il s'ensuit que ce comportement éthique est illicite comme contraire aux exigences découlant des articles L. 1121-6 à L. 1121-9 du code du travail ;
Considérant que le salarié fait l'objet d'une évaluation technique en même temps que comportementale ; qu'une seule note est ensuite attribuée au salarié, censée faire la synthèse des deux ; que la "présentation de mobilisation sur l'entretien individuel et la formation pour les collaborateurs" fixe quatre niveaux : "base", "autonomie", "maîtrise" et "référence" ; qu'il n'est pas prévu comment sera fixé au titre de la compétence comportementale, le niveau du salarié en fonction de performances différentes selon les niveaux de critères comportementaux qui lui ont été assignés ; que pour atteindre un de ces niveaux sur la maîtrise globale, il faut atteindre au moins ce niveau sur la maîtrise technique ou sur la maîtrise comportementale, ce qui signifie que la maîtrise globale s'aligne sur la plus basse des deux évaluations ; que pourtant une modalité aussi automatique de combinaison de deux types d'évaluation dont l'une, la technique, est aussi facile à objectiver que l'autre est au contraire fine et délicate à appréhender en fonction de l'environnement du salarié et des circonstances de son action et de l'adéquation de sa personnalité avec celle de son employeur ; que cette combinaison automatique tend à mettre sur le même plan deux types d'évaluation de nature totalement différentes et à permettre par l'évaluation comportementale d'anéantir la reconnaissance de l'efficacité d'un salarié, ce qui serait donner aux critères comportementaux une influence disproportionnée ;
Que certes une voie de recours est ouverte, ainsi que le démontre un imprimé de décembre 2009 versé aux débats qui établit l'existence de longue date de cette garantie au sein de l'entreprise ; que toutefois, il s'agit d'un recours hiérarchique que ne suffit pas à lui seul à écarter les risques évoqués ci-dessus ;
Considérant qu'il est certes indiqué dans le document précité de même que dans la campagne d'entretiens individuels 2011-2012 que le choix des compétences comportementales les plus pertinentes pour la fonction relève tout à la fois du salarié et du manager ; que toutefois, il n'est pas précisé ce qu'il arrive en cas de divergence, tandis que deux attestations de salariés indiquent que le choix des compétences comportementales relevait du manager et une attestation d'un ancien manager explique que le choix doit être validé par le collaborateur ; qu'il est aussi allégué par la SA Peugeot Citroën Automobile dans ses écritures le choix de concert avec le manager, pour la compétence qui les concerne de l'un des niveaux cible détaillés par le référentiel; que ceci s'avérerait inapplicable en cas de désaccord ; qu'il ressort de tout ceci un flou incompatible avec les conditions légales ;
Considérant qu'il suit de l'ensemble des observations qui précèdent que l'évaluation consacrée à la maîtrise comportementale de la fonction doit être déclarée illicite ;
Considérant que, par ailleurs, la deuxième partie de l'évaluation concernant la performance, comprend des objectifs qui sont fixés au niveau de l'équipe ou avec l'équipe, de sorte qu'ils ne seraient pas en adéquation, selon le comité d'établissement et les syndicats avec une évaluation individuelle ; qu'il est produit pour preuve l'évaluation d'un ingénieur versée aux débats dont il ressortirait qu'il a été jugé sur "la réalisation du contrat de l'entité" indépendant de sa propre prestation ; que toutefois, faute de connaître le travail de ce salarié, la démonstration alléguée n'est pas opérante ; qu'en tout état de cause, une évaluation individuelle porte nécessairement sur sa participation personnelle à l'objectif collectif ; qu'il n'est pas anormal d'étudier l'efficacité d'un salarié au regard de sa participation à un tel objectif commun ; qu'aucune illicéité ne sera donc constatée sur ce point ;
Sur l'entrave
Considérant que le comité d'établissement demande la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 20 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l'entrave résultant de l'absence d'information suffisante conforme aux articles L. 2323-6 et L. 2323-7 du code du travail sur le dispositif d'évaluation de 2012, en ce que ce n'est qu'au cours de la réunion de consultation du 22 septembre 2011 ou la veille qu'ont été remis le référentiel des compétences comportementales, une note d'une page sur la campagne d'évaluation et un exemplaire vierge d'imprimé d'entretien individuel d'évaluation, sans que ne soient portés à leur connaissance le manuel de formation du manager portant sur la question, ni les supports vidéo relatifs aux différents niveaux de comportement, ni les modalités de fixation des niveaux requis pour chaque poste, tandis qu'avaient été diffusés sur internet des documents explicatifs de l'évaluation non portés à la connaissance du comité ;
Considérant que la SA Peugeot Citroën Automobile répondi que la consultation ne portait que sur des modalités d'évaluation qui n'étaient qu'une évolution du dispositif antérieur ; que le 30 septembre 2011 avaient été présentées dans les grandes lignes les modalités d'évaluation au vu d'un rapport de l'expert Y... commandé par le comité ; qu'une nouvelle présentation est intervenue pour la réunion du 27 octobre 2011 précédée d'une convocation à laquelle étaient joints le référentiel compétences comportementales, le formulaire d'entretien individuel 2012 et le document d'information remis au comité central d'entreprise ainsi que l'avis du CHSCT du 20 octobre précédent ; qu'au cours de la réunion a été remis un document sur les différentes étapes de l'entretien individuel 2012 faisant état des enseignements tirés des différentes campagnes d'évaluation individ-uel 2011, le référentiel de la maîtrise technique de la fonction, le référentiel de la maîtrise comportementale faisant apparaître les quatre niveaux référence, maîtrise, autonomie et base ; que n'ont été établis que postérieurement les vidéos de même que les documents de formation des managers ; que l'employeur conclut à la confirmation de la décision déférée;
Considérant que c'est seulement la veille de la réunion du comité d'établissement du 27 octobre, au cours duquel cette institution devait donner son avis sur le nouveau système d'évaluation, que selon les déclarations concordantes des parties à l'audience et contrairement aux énonciations de l'arrêt du 18 février 2014 ont été communiquées aux personnes présentes un exemplaire vierge du formulaire d'entretien individuel et le référentiel des compétences comportementales ; que la SA Peugeot Citroën Automobile rappelle elle-même dans ses écritures que le référentiel de la maîtrise comportementale de la fonction faisant apparaître les quatre niveaux référence, maîtrise, autonomie et base, de même que le référentiel de la maîtrise technique de la fonction n'ont été remis que le jour même de la réunion ; qu'il s'ensuit que la consultation n'a pas été faite dans les conditions de l'article L. 2323-4 du code du travail faute d'informations précises et écrites transmises par l'employeur avec un délai d'examen suffisant de nature à permettre au comité de faire des observations en temps utile pour obtenir des réponses motivées de l'employeur ; que l'entrave est donc constituée ;
Considérant qu'au vu des imperfections relevées plus haut du nouveau mode d'évaluation et de sa critique à juste titre par le comité d'établissement, ce défaut d'information a compromis l'exécution de la mission du comité d'établissement ; que ceci justifie l'allocation au comité d'établissement, qui seul formule une demande de ce chef, de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation ;
Sur la demande de dommages-intérêts de syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux et de la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie
Considérant qu'en adoptant un système d'évaluation contraire aux droits de toute une catégorie de salariés de l'entreprise, l'employeur a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession, ce qui justifie l'allocation de la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts à chaque organisation syndicale qui en fait la demande soit le syndicat CGT des salariés de Renault et la Fédération des travailleurs de la Métallurgie;
Sur les indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il apparaît équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner la SA Peugeot Citroën Automobile, à payer respectivement au comité d'établissement et au syndicat Symnes CFDT la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel ; que la somme de 500 euros sera accordée respectivement au syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux et à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel ; que l'employeur qui succombe sera débouté de ce chef et condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement déféré, mais uniquement sur la fixation d'objectif collectif, sur les critères comportementaux de 2009 à 2011 et sur la demande de la SA Peugeot Citroën Automobile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Déclare illicite la partie de l'évaluation relative à l'évaluation comportementale adoptée en 2011 et mise en oeuvre en 2012 ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer la somme de 5 000 euros au comité d'établissement à titre de dommages-intérêts pour entrave ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer au comité d'établissement la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au syndicat Symnes CFDT ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer au syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux la somme de 500 € et le même montant à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer au comité d'établissement la somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et le même montant au syndicat Symnes CFDT ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer au syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts, le même montant à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile à payer au syndicat CGT des salariés du site Peugeot Citroën Sochaux la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et le même montant à la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie;
Déboute la SA Peugeot Citroën Automobile de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne la SA Peugeot Citroën Automobile aux dépens ;
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au
greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame GONORD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,