COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DA
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 AVRIL 2017
R.G. N° 15/07033
AFFAIRE :
SAS MERCEDES BENZ FRANCE
C/
[W] [S]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2015 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2014F00354
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Patricia MINAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS MERCEDES BENZ FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 15399
Représentant : Me Joseph VOGEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur [W] [S]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150414
Représentant : Me Christian BOURGEON de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0166 -
SASU SANOE
N° SIRET : 502 14 2 5 655
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150414
Représentant : Me Christian BOURGEON de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0166 -
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS :
Au moyen de leur participation aux filiales Ancrea et M Car du groupe Autoreva, Monsieur [S] et Monsieur [V] ont racheté en janvier 2008 à la société Passeri quatre concessions de vente et de réparation de véhicules personnels de la société Mercedes Benz France (société Mercedes) situées et respectivement détenues, à [Localité 2] par la société Aloudra, à [Localité 3] par la société Garouda, à [Localité 4] par la société Sanoe et à [Localité 5] par la société Jura automobiles.
En suite de la cession des concessions des véhicules industriels de la société Passeri au groupe Bernard, la société Mercedes a informé Monsieur [S] le 17 octobre 2008 de la nécessité d'accomplir les actes nécessaires à l'indépendance des systèmes informatiques, de gestion administrative et d'organisation fonctionnelle que la concession de vente de véhicules personnels de [Localité 2] partageait alors sur ce site avec la société Passeri. Estimant que l'agrément du groupe Bernard pour cette cession lui portait préjudice, et déplorant de la société Mercedes des actes de promotions de concessionnaires concurrençant son activité, Monsieur [S] a dénoncé début octobre 2008 son intention de se désengager des concessions de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 4], puis fin 2009, Monsieur [S] et Monsieur [V] ont convenu de céder entre eux les parts que chacun détenait dans les filiales Ancrea et M Car, cette dernière enregistrant une perte de 1 275 522 euros à l'exercice clos au 31 décembre 2009. Les contrats de distribution et de services des concessions de [Localité 4] et [Localité 5] ont été régularisés le 25 novembre 2010.
Ultérieurement, Monsieur [S] n'a pas obtenu la caution bancaire dont la société Mercedes avait fait la condition pour l'octroi d'un crédit-fournisseur qu'elle avait proposé de ramener, le 24 septembre 2010, à 995 000 euros, au lieu de 1 537 000 euros convenus l'année précédente, en sorte qu'il a accepté, le 15 janvier 2011, l'offre du concédant d'un 'protocole d'accompagnement des stocks' autorisant la facturation des ventes de véhicules à la commande dans la limite de l'encours.
Les sociétés Sanoe et Jura automobiles ayant enregistré des pertes de 232 000 euros et 80 000 euros pour les exercices clos au 31 décembre 2011, Monsieur [S] a demandé le 27 avril 2012 à la société Mercedes son agrément pour céder les concessions de [Localité 4] et [Localité 5] au groupe Suma que le concédant lui a refusé le 15 mai 2012 en indiquant sa préférence pour le rachat des deux concessions par la société E-MB 74 entérinée par son agrément notifié le 7 juin 2012. La société Sanoe a en conséquence cédé les deux concessions aux représentants de la société E-MB 74 et renoncé à l'offre ferme de reprise par le groupe Suma du 10 juillet 2012.
Estimant que la société Mercedes a remis en cause, avec faute, d'une première part, l'économie de la reprise de Messieurs [S] et [V] en Janvier 2008 des activités véhicules particuliers de la société Passeri par l'agrément au troisième quadrimestre 2008 du groupe Bernard pour la reprise des activités de véhicules industriels et utilitaires sur la concession de Chalon-sur-Saône, de deuxième part, le crédit fournisseur personnalisé qu'elle avait octroyé en août 2009, et dénonçant, de troisième part, l'abus de l'exercice du droit d'agrément de la société E-MB 74 dans l'acquisition des concessions de Bourg-en-Bresse et [Localité 5], les sociétés M Car et Sanoe et Monsieur [S] ont assigné le 27 mars 2014 la société Mercedes devant le tribunal de commerce de Versailles pour sa condamnation à leur payer certaines sommes en réparation de leurs préjudices.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 16 septembre 2015 qui a
- dit prescrites les demandes de la société M Car et de la société Sanoe concernant la vente de la concession Poids Lourds Passeri au Groupe Bernard, et concernant la concurrence du garage Christian et de la carrosserie Terrier,
- débouté Monsieur [S] et la société Sanoe de leurs demandes concernant la remise en cause du crédit fournisseur personnalisé,
- condamné la société Mercedes à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros au titre de la non considération de la demande d'agrément du groupe Suma,
- condamné la société Mercedes à payer à Monsieur [S] la somme de 90 000 euros sur le même fondement,
- débouté la société M Car de toutes ses demandes,
- condamné la société Mercedes à la société Sanoe et à Monsieur [S] chacun la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Mercedes aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
* *
Vu l'appel interjeté le 9 octobre 2015 par la société Mercedes Benz France ;
* *
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 6 décembre 2016 pour la société Mercedes Benz France aux fins de voir, au visa des articles 2224, 1134 et 1382 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :
à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit prescrites les demandes des sociétés M Car et Sanoe concernant la vente de la concession Poids Lourds Passeri au groupe Bernard et concernant la concurrence du Garage Christian et de la carrosserie Terrier,
débouté Monsieur [S] et la société Sanoe de leurs demandes concernant la remise en cause du crédit fournisseur personnalisé,
débouté la société M Car de toutes ses demandes,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
condamné la société Mercedes à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros au titre de la non considération de la demande d'agrément du Groupe Suma,
condamné la société Mercedes à payer à Monsieur [S] la somme de 90 000 euros sur le même fondement,
condamné la société Mercedes à payer la somme de 4 000 euros chacun à la société Sanoe et à Monsieur [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Mercedes aux dépens,
- dire que tous les faits antérieurs au 27 mars 2009 sont prescrits,
- dire irrecevables, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, les demandes de la société Sanoe et de Monsieur [S] fondées sur des faits prescrits.
- dire en tout état de cause que la société Mercedes n'a commis aucune faute à l'encontre de la société Sanoe et de Monsieur [S],
- débouter la société Sanoe et Monsieur [S] de l'ensemble de leurs demandes,
subsidiairement,
- dire que la société Sanoe et Monsieur [S] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils allèguent, ni de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et les prétendues fautes
en tout état de cause,
- condamner solidairement la société Sanoe et Monsieur [S] à payer à la société Mercedes la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la société Sanoe et Monsieur [S] aux dépens dont distraction au profit de Maître Debray, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
* *
Vu les conclusions transmises par le RPVA le 10 janvier 2017 pour la société Sanoe et Monsieur [S] aux fins de voir des articles 2224, 1134, 1147 et 1382 du code civil :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
dit prescrites les demandes de la société Sanoe découlant de la vente des activités véhicules industriels et véhicules utilitaires de la société Passeri au Groupe Bernard,
débouté la société Sanoe de ses demandes concernant la remise en cause du 'crédit fournisseur personnalisé',
débouté partiellement la Société Sanoe de ses demandes au titre de la non considération de la demande d'agrément du Groupe Suma,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit fautif le refus de la société Mercedes d'examiner la proposition du Groupe Suma et dit que le préjudice consécutif doit être réparé,
- dire que la société Mercedes a remis en cause l'économie de la reprise des activités véhicules particuliers de la société Passeri réalisée par Messieurs [S] et [V], à son initiative, en Janvier 2008, en agréant au troisième quadrimestre 2008 la reprise des activités véhicules industriels et utilitaires de la société Passeri par le groupe Bernard,
- condamner la société Mercedes à payer à titre de dommages et intérêts à la société Sanoe en compensation de ses pertes d'exploitation cumulées 2008 / 2009, la somme de 20 414 euros,
- dire que la société Mercedes a remis en cause de façon injustifiée en septembre 2010 le 'crédit fournisseur personnalisé' qu'elle avait octroyé à la société Sanoe en août 2009,
- condamner la société Mercedes à payer à la société Sanoe la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dire que la société Mercedes a abusé du droit d'agrément que lui conféraient les articles 11.2.2 et 16.3.4 du contrat de distribution Mercedes et 10.2.2 et 15.3.4 des contrats service Mercedes Véhicules Particuliers et SMART et a manqué à ses obligations d'examiner la candidature du Groupe Suma, ainsi que de déployer tous ses efforts pour aider le distributeur / réparateur agréé à trouver un acquéreur alternatif comparable au Groupe Suma,
- condamner la société Mercedes à payer à titre de dommages et intérêts :
en compensation de la différence de prix entre les éléments de fonds de commerce et stocks cédés par la société Sanoe à la société MB1 par rapport aux prix proposés par le Groupe Suma : - 63 000 euros au titre des éléments de fonds de commerce, - 84 848 euros au titre des stocks, - 700 000 euros au titre de la différence du prix de cession, - 350 000 euros au titre de la perte de 2 ans de loyers,
en réparation des privations de Monsieur [S] :- 50 000 euros au titre de la privation de revenus et 40 000 euros en contrepartie de la privation de la disposition d'un véhicule,
- confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Mercedes à payer à chacun des concluants en cause d'appel une somme supplémentaire de 8 000 euros,
- condamner la société Mercedes aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la société d'avocats Minault conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
* *
Vu l'ordonnance de clôture du 11 janvier 2016.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
1. Sur la prescription de la demande au titre des pertes d'exploitation de 2008 et 2009
Considérant que pour voir infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite sa demande de compensation des pertes d'exploitation de 2008 et 2009, et dont elle soutient qu'elles résultent de la remise en cause de la reprise des concessions de la société Passeri par Messieurs [S] et [V] en janvier 2008 par l'agrément que la société Mercedes a donné au troisième quadrimestre 2008 au Groupe Bernard pour la reprise des activités véhicules industriels et utilitaires de la société Passeri, la société Sanoe prétend déduire la preuve qu'elle n'a pu connaître la manifestation ou l'aggravation de ce dommage avant la clôture du bilan au deuxième quadrimestre 2009 et au deuxième quadrimestre 2010 dans les conditions prescrites aux articles 12.1 du contrat de distribution et de l'article 11.1 du contrat service qui stipulaient l'obligation pour la société Sanoe 'd'envoyer à MBF un bilan et un compte de résultat concernant ses activités dans les 8 mois de la clôture de chaque exercice fiscal', et qui réservaient par ailleurs à la société Mercedes la possibilité, qu'elle n'a pas exercée, de demander 'un bilan et un compte de résultat intermédiaire non vérifié pour chaque trimestre ou une autre période indiquée par MBF dans les 30 jours de chaque trimestre ou de cette période selon les cas' ;
Mais considérant d'une première part, qu'aux termes des lettres qu'elle a adressées à la société Mercedes, la société Sanoe a indiqué dès le 8 octobre 2008 sa décision de se désengager de la concession de [Localité 4] en raison de la perspective de reprise de la concession poids-lourds par le Groupe Bernard, puis a justifié sa décision le 21 octobre 2008 en considération de l'impossibilité de dissocier la réparation des véhicules industriels et des véhicules légers, se prévalant alors d'un courrier de la société Passeri pour dénoncer '[l'illustration concrète des] problèmes matériels immédiats que [leur posait] le changement de stratégie [de la société Mercedes], dont nous n'entendons pas assumer les conséquences' ;
Et considérant de seconde part, que les conditions contractuelles de transmission au concédant des informations sur les résultats comptables intermédiaires ou annuels dont se prévaut la société Sanoe, ne se substituent pas aux moyens propres dont celle-ci disposait de reporter, et donc de connaître, mensuellement, les résultats de son activité, de sorte qu'il se déduit la preuve que la société Sanoe connaissait au plus tard le 1er février 2009, l'impact de l'abandon du transfert des concessions qu'elle a conservées, et tandis que la société Mercedes a été assignée le 27 mars 2014, plus de cinq ans après, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré cette demande prescrite.
2. Sur la remise en cause du crédit-fournisseur octroyé à la société Sanoe
Considérant que pour voir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre de la substitution, le 15 janvier 2011, d'un protocole d'accompagnement des stocks à la place du crédit-fournisseur de 1 500 000 euros à 180 jours convenu le 28 août 2009, et dont elle soutient qu'elle l'a privée de toute prime d'objectif pour 2010, alors qu'avec un encours de 144 000 euros plafonné par la valeur des stocks de véhicules de présentation et de démonstration des concessions, elle n'a pu honorer la livraison de 50 véhicules sur les 202 commandés en 2010, la société Sanoe prétend avoir été brutalement sommée de convenir de ce protocole sous l'effet de la violence et de la contrainte économique exercées par la société Mercedes qui connaissait les difficultés des concessions de [Localité 4] et [Localité 5] résultant de la remise en cause de la reprise de la concession de [Localité 2] par la société Passeri ; que la société Sanoe se prévaut d'autre part d'un calcul du besoin en fonds de roulement dont elle affirme qu'il aurait dû lui permettre le bénéfice, en 2009, d'un classement A de son crédit-fournisseur au lieu du B qui a été retenu ;
Mais considérant en premier lieu, que la société Sanoe n'a pas réalisé la cession de trois des quatre concessions qu'elle avait dénoncée à la société Mercedes en octobre 2008, déjà motivée par la dégradation financière de leur exploitation, de sorte qu'elle est mal fondée à invoquer cette même cause pour la reprocher au concédant dans la situation financière que les concessions de [Localité 4] et [Localité 5] ont connue en 2010 et 2011 ;
Considérant en deuxième lieu, que la société Sanoe a été informée du nouveau plafond de son crédit-fournisseur le 24 septembre 2010, de sorte qu'elle ne peut valablement soutenir avoir été enjointe, sous la contrainte, de convenir le 15 janvier 2011, des nouvelles conditions d'octroi de ces conditions de financement de son activité ;
Et considérant en troisième lieu, que le surplus de ces affirmations ne supplée, ni les règles convenues avec la société Mercedes à l'annexe 5 de l'avenant au contrat de distribution signé le 25 novembre 2010 pour la détermination des stocks d'après les comptes sociaux de la société Sanoe, dûment certifiés par son commissaire aux comptes, ni non plus la preuve de la dégradation des trois ratios 'fonds propres', 'trésorerie nette' et 'excédents de trésorerie d'exploitation' déterminés d'après ses bilans de 2008 et 2009, et qui est résultée, particulièrement, de la dégradation, en 2009, des capitaux propres et de l'augmentation significative de la trésorerie avec des encours de 828 000 euros d'emprunts et de dettes inférieurs à un an ; que sur les bases de ces difficultés financières objectives, la société Mercedes a dûment opposé à la société Sanoe la réduction de son crédit-fournisseur assortie d'un caution bancaire, de sorte que le jugement sera confirmé de chef.
3. Sur le refus d'agrément du groupe Suma pour la reprise des concessions de [Localité 4] et [Localité 5] et la réparation du préjudice
Considérant que pour voir infirmé le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans le refus d'examiner l'offre du groupe Suma de reprendre les concessions de [Localité 4] et [Localité 5], la société Mercedes se prévaut des clauses des contrats de distribution et de services convenus les 25 novembre 2010, respectivement numérotées 15.3.4, 10.2.3 pour le premier, et 16.3.4 11.2.3 pour le second, et aux termes desquelles il était stipulé que, sauf cession au profit d'un distributeur ou réparateur déjà agréé, la cession des droits et obligations du concessionnaire ne pouvait être effectuée sans l'accord préalable du concédant, et dont elle soutient qu'il en résulte sa faculté discrétionnaire d'accepter ou de refuser l'agrément des membres hors réseau conforme au règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile alors applicable (le Règlement) ;
Qu'elle justifie d'autre part son intérêt de réserver ces concessions à un membre du réseau pour des 'raisons de stratégie de marque' et par la cohérence du choix des représentants de la société E-MB 74 'avec la stratégie de plaques régionales de la société Mercedes' ;
Mais considérant qu'à la suite de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), le Règlement exempte de l'article 81, paragraphe 3 du traité, les accords de 'système de distribution sélective' par lesquels 'le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs ou des réparateurs sélectionnés sur la base de critères définis', tandis que par arrêt du 14 juin 2012 (affaire C-158/11), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que par les termes 'critères définis', il y a lieu d'entendre, s'agissant d'un système de distribution sélective quantitative au sens du Règlement, des critères dont le contenu précis peut être vérifié et que pour bénéficier de l'exemption prévue par ledit règlement, il n'est pas nécessaire qu'un tel système repose sur des critères qui sont objectivement justifiés et appliqués de façon uniforme et non différenciée à l'égard de tous candidats à l'agrément ;
Et considérant qu'il est constant que la société Mercedes a refusé d'examiner l'offre de la société Suma, tandis que par ses simples affirmations, elle n'établit pas qu'elle a agréé le membre du réseau sur la base de critères dont le contenu précis peut être vérifié, de sorte qu'il convient de retenir à son encontre cette discrimination dans l'agrément sur le fondement des articles 1382 du code civil, dans version antérieure à l'entrée en vigueur à l'ordonnance du 10 février 2016, et L. 420-1 et suivants du code de commerce, et de confirmer le jugement de ce chef ;
Considérant que sur la réparation du préjudice, la société Mercedes soutient qu'elle se limite à l'indemnisation de la rupture des pourparlers représentant les seuls frais de négociation exposés par Monsieur [S] et la société Sanoe avec le groupe Suma, et non à celle des résultats d'une perte de chance, tandis que subsidiairement, elle conteste la réparation du gain manqué par la comparaison entre les prix de cession des fonds des concessions à la société E-MB 74 et ceux de l'offre de la société Suma, et sur la base de laquelle la société Sanoe revendique, sur appel incident, sa condamnation à payer 63 000 euros au titre des éléments de fonds de commerce, 84 848 euros au titre des stocks, 700 000 euros au titre de la différence du prix de cession, 350 000 euros au titre de la perte de loyers pendant deux ans ; qu'elle s'oppose aussi à sa condamnation par les premiers juges au paiement de la somme de 90 000 euros à Monsieur [S] représentant la rémunération et la mise à disposition d'un véhicule pendant six mois offertes par la société Suma ;
Considérant qu'il résulte de l'offre que la société Suma a présentée à la société Sanoe le 10 juillet 2012, la preuve que Monsieur [S] et la société Sanoe bénéficiaient d'un accord ferme et définitif alternatif à l'offre de la société E-MB 74 agréée par la société Mercedes, de sorte que la réparation du préjudice ne peut se limiter au coût de la négociation exposé par la société Sanoe ; que le manquement de la société Mercedes à l'obligation d'examiner l'offre de la société Sanoe correspond à la perte d'une chance qui doit être mesurée à la chance perdue, et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, alors qu'elle dépendait en tout état de cause, de l'agrément de la société Mercedes ;
Que par ces motifs, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu, sur la base des conditions et des prix différents entre l'offre du groupe Suma et ceux de la société E-MB 74, les écarts de prix sur la valeur des biens incorporels des fonds de commerce, la perte de revenus locatifs, d'écarter les écarts de valeurs des stocks et des prix de cession revendiqués sur appel incident, tout comme doit être infirmée le montant de la rémunération et la contrepartie de la mise à disposition d'un véhicule pour Monsieur [S] promises par le groupe Suma ;
Que statuant à nouveau de ce chefs, il convient de fixer l'indemnisation propre à réparer le préjudice de la société Sanoe à la somme de 200 000 euros, et celui de Monsieur [S], à la somme de 20 000 euros.
4. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que Monsieur [S] et la société Sanoe voient leurs demandes partiellement confirmées en appel, en sorte qu'il est équitable de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens, et de laisser à chacune des parties, la charge de ces frais qu'elle a exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société Mercedes Benz France à payer à la société Sanoe la somme de 413 637 euros et à Monsieur [S] la somme de 90 000 euros ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Mercedes Benz France à payer :
- 200 000 euros à la société Sanoe,
- 20 000 euros à Monsieur [S],
Laisse à chacune des parties les frais qu'elle a exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique Rosenthal, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président