COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 20J
2e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2017
R.G. N° 16/02453
AFFAIRE :
[R] [O] [X] [S] [E] épouse [X]
C/
[I] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2016 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 1ère Section
N° Cabinet : 04
N° RG : 13/12678
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Sophie POULAIN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [R] [O] [X] [S] [E] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 23353
Représentant : Me Françoise MAJNONI D'INTIGNANO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0200
APPELANTE A TITRE PRINCIPAL
INTIMÉE INCIDEMMENT
****************
Monsieur [I] [U] [X]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentant : Me Sophie POULAIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 - N° du dossier 214033, substituée par Me Sandrine BEZARD, avocate au barreau de VERSAILLES
INTIMÉ À TITRE PRINCIPAL
APPELANT INCIDEMMENT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2017 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Présidente,
Madame Agnès TAPIN, Conseiller,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Anna PANDIKIAN,
Greffier, lors du prononcé : Madame Claudette DAULTIER,
Le délibéré prévu au 30 mars 2017 a été prorogé au 20 avril 2017
FAITS ET PROCEDURE,
Le [Date mariage 1] 2004, Madame [R] [E] et Monsieur [I] [X] se sont mariés à [Localité 3] sans avoir conclu de contrat de mariage. Madame [E] avait alors 53 ans et Monsieur [X] 45 ans. Il s'agissait de la troisième union pour chacun d'eux.
Monsieur [X] a déposé une requête en divorce, le 17 octobre 2013.
Suivant ordonnance de non conciliation du 30 avril 2014, le juge aux affaires familiales a :
- attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal, bien en location ainsi que le mobilier meublant,
- constaté que Monsieur [X] fixe sa résidence au [Adresse 4],
- attribué à Monsieur [X] la jouissance de deux canapés clic clac, une chaîne HIFI, l'intégralité des disques CD et le véhicule OPEL CORSA,
- attribué à Monsieur [X] la gestion de la SCI MONILEV bien commun,
- dit que les époux prendront en charge l'impôt sur le revenu au prorata de leurs revenus.
Sur appel de Madame [E], cette décision a été confirmée par arrêt du 9 Avril 2015.
Suivant acte introductif du 19 septembre 2014, Madame [E] a assigné son époux en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code Civil, sollicitant 280 000 euros au titre de la prestation compensatoire et 12 000 euros au titre des dommages et intérêts.
Par Jugement du 5 Février 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a :
- prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
- ordonné en tant que de besoin, la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existants entre les parties,
- débouté Madame [E] de sa demande de désignation d'un notaire,
- dit que les effets du divorce sont fixés au 12 octobre 2012, date à laquelle a cessé la cohabitation et la collaboration entre les époux,
- dit que l'épouse reprend l'usage exclusif de son nom de naissance postérieurement au prononcé du divorce,
- débouté Madame [E] se sa demande de prestation compensatoire,
- ordonné l'attribution préférentielle à Monsieur [X] des parts de la SCI MONILEV,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [E] au paiement des entiers dépens en accordant à Maître SINGER le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Le 4 avril 2016, Madame [R] [E] a interjeté un appel total de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 16 janvier 2017, Madame [R] [E] demande à la cour de :
* prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de Monsieur [X],
* ordonner la mention du jugement à intervenir en marge du registre de l'état civil de la mairie de Rueil Malmaison où a été célébré le mariage des époux ainsi qu'en marge de leur acte de naissance et de tous autres actes prévus par la loi,
*dit que les effets du divorce seront fixés à la date de l'ordonnance de non conciliation,
* condamner Monsieur [X] à régler à Madame [E] des dommages et intérêts à hauteur :
- de 10 000 euros sur le fondement de l'article 266 du Code Civil,
- de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil,
* condamner Monsieur [X] à régler à Madame [E] une prestation compensatoire sous forme de capital à hauteur de 200 000 euros,
*condamner Monsieur [X] à lui régler la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner Monsieur [X] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, et pour ces derniers dont distraction au profit de Maître PEDROLETTI, avocat.
* confirmer le jugement pour le surplus.
Dans ses dernières conclusions du 4 janvier 2017, Monsieur [I] [X] demande à la cour de :
* A titre principal,
-débouter Madame [R] [E] de son appel,
En conséquence
-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
* A titre subsidiaire
-prononcer le divorce de Monsieur [I] [X] et Madame [R] [E] à leurs torts partagés en application des dispositions de 248 du Code civil avec toutes ses conséquences de fait et de droit,
-dire que la prestation compensatoire due par Monsieur [I] [X] ne saurait excéder la somme de 28 000 euros et autoriser son versement sous forme de rente pendant une période de 3 années,
* En toute hypothèse,
-condamner Madame [R] [E] à lui verser la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [R] [E] aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie POULAIN en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2017.
Par conclusions du 3 février 2017, Monsieur [X] a sollicité du conseiller de la mise en état la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre deux nouvelles pièces 107 et 108.
Le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 10 février 2017, a révoqué l'ordonnance de clôture aux fins d'admission des pièces 107 et 108, établies postérieurement au 17 janvier 2017 et a de nouveau clôturé la procédure avant l'ouverture des débats.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétention des parties, la cour renvoie à leurs
écritures, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur le divorce :
Madame [E] conclut à l'infirmation du jugement et reproche au premier juge d'avoir fait une inexacte appréciation des griefs qu'elle a invoqués à l'encontre de son époux et qui sont à l'origine de la rupture de la vie commune, à savoir d'une part le départ de son mari du domicile conjugal dans des conditions particulièrement brutales, l'appelante soutenant que cette rupture ne résulte pas d'un choix commun mais uniquement de la seule volonté de son mari et d'autre part une relation adultère de son mari. Sur le désengagement affectif et le désintérêt allégués à son encontre par Monsieur [X], Madame [E] les conteste en faisant valoir que les attestations qu'il communique ont été établies par des personnes qu'elle ne connaît pas à l'exception de Madame [F] et que le fait qu'elle ait un intérêt pour le domaine financier et qu'elle ait suivi des formations en la matière ne démontre aucunement un quelconque désintérêt envers son époux.
Monsieur [X] conclut à la confirmation du jugement en ce que le premier juge a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal et a débouté Madame [E] de sa demande en divorce sur le fondement des dispositions de l'article 242 code civil. Il fait notamment valoir que l'analyse des SMS communiqués par Madame [E] révèle qu'aucun de ces messages ne fait état des sentiments de cette dernière à son égard, qu'au contraire ils sont le reflet du désengagement affectif des époux depuis de nombreux mois et que d'ailleurs Madame [E] y reconnaît que leurs relations étaient distantes depuis près d'un an et demi. Il ajoute dans ses écritures que 's'il est exact' qu'il 'a pris l'initiative de la rupture', il est faux de prétendre que cette rupture serait brutale. Il conteste formellement le grief d'adultère en observant qu'il ne peut lui être reproché de s'être abonné à un site de rencontre en février 2014, 'près de deux ans après la séparation d'octobre 2012". Pour le cas où la cour retiendrait la demande de Madame [E] sur le fondement de l'article 242 du code civil, en raison de son départ du domicile conjugal, il sollicite subsidiairement que le divorce soit prononcé à leurs torts partagés. Il soutient en effet être fondé à reprocher à son épouse son désengagement affectif et son désintérêt à son égard, celui-ci exposant que les témoignages qu'il verse aux débats attestent qu'elle était monopolisée par la bourse, qu'elle y passait ses nuits et ne se préoccupait plus du tout de lui.
L'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérables le maintien de la vie commune. En outre suivant l'article 245 du code civil, les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce, outre qu'elles n'empêchent pas d'examiner sa demande peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
S'il n'est pas établi par Madame [E], comme l'a relevé par le premier juge, que Monsieur [X] ait entretenu une relation extra-conjugale, il est par contre admis par ce dernier qu'il a pris l'initiative de la rupture. Il n'est pas démontré, comme le prétend Monsieur [X], que ce départ serait la conséquence du désengagement affectif des époux depuis de nombreux mois, le seul fait que Madame [E] ait écrit dans un des SMS échangés par les époux au moment du départ de Monsieur [X] du domicile conjugal qu'elle comprenait pourquoi il était de ' + en + lointain depuis un an 1/2 environ' ne démontre nullement le propre désengagement affectif de Madame [E], celle-ci écrivant au contraire dans ces messages qu'elle était 'complètement déboussolée par la brutalité' de la décision de son mari.
Etant rappelé qu'en application de l'article 215 du code civil, les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie, le départ de Monsieur [X] du domicile conjugal- dont il n'est pas établi qu'il résulte d'une volonté commune des époux- constitue une faute qui lui est imputable et une violation grave des devoirs et obligations du mariage qui rend intolérable le maintien de la vie commune.
Monsieur [X], s'il communique plusieurs attestations dont les rédacteurs indiquent que Madame [E], dans ses conversations, parlait très souvent, voir 'constamment' d'argent, de bourse et de placements financiers, n'établit cependant pas le désengagement affectif et le désintérêt qu'il reproche à son épouse. S'il est relaté dans deux témoignages que Madame [E] aurait passé ses nuits ou sa vie sur son ordinateur pour 'suivre l'évolution des marchés financiers et analyser les différentes situations économiques', il ne s'agit que de propos rapportés comme l'écrivent les auteurs de ces deux attestations qui n'indiquent pas qu'ils ont pu eux même le constater. Le fait que Madame [E] ne conteste pas son intérêt pour le domaine financier ne permet pas d'en déduire son désintérêt pour son conjoint et sa vie de couple. Le grief allégué par Monsieur [X] n'est donc pas établi.
Par conséquent, infirmant le jugement, il convient de prononcer le divorce aux seuls torts de Monsieur [X].
Sur les conséquences du divorce :
Sur la date des effets patrimoniaux du divorce :
Mme [E] fait valoir que si la cohabitation entre les époux a bien cesssé le 12 octobre 2012 du fait de Monsieur [X], la collaboration entre eux a perduré 'jusqu'en 2013", celle-ci expliquant qu'elle a continué d'établir gracieusement la comptabilité professionnelle de son époux jusqu'en mars 2013 et qu'en outre les époux ont continué d'établir une déclaration fiscale commune, ce qui démontre une collaboration qui dépasse les simples obligations du mariage.
Monsieur [X] conclut à la confirmation du jugement et demande à la cour de ne pas suivre l'argumentation de Madame [E] 'dans ce qui constitue un mensonge pur et simple', celui-ci ajoutant que la modification de la loi fiscale depuis que les époux sont séparés ne saurait avoir pour effet de retenir l'établissement d'une déclaration de revenus commune comme élément d'une collaboration entre époux.
En application de l'article 262-1 du code civil, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'ordonnance de non conciliation lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute. A la demande de l'un des époux et à l'occasion de l'action en divorce, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. La cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration. Il incombe à celui qui s'oppose au report des effets du divorce à la date de cessation de cohabitation de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement entre les époux.
Le fait que les époux aient continué de déclarer ensemble leurs impôts jusqu'en 2013 n'est pas constitutif de la poursuite d'une collaboration au sens de l'article susvisé.'
Monsieur [X] ne confirme pas que Madame [E] ait poursuivi, après leur séparation, le traitement - à titre gratuit - de sa comptabilité professionnelle. Le seul SMS de Madame [E] en date du 15 octobre 2012 - dans lequel elle écrit : 'La seule réponse à laquelle je suis capable de répondre ce jour est oui pour la compta. PS : gratuitement, je ne suis pas en quête d'argent, juste en train de surmonter ton choix' - ne suffit pas à justifier qu'elle ait effectivement poursuivi après leur séparation et jusqu'en mars 2013 comme elle le prétend de traiter la comptabilité de son mari sans contrepartie financière dès lors que Monsieur [X] soutient au contraire, en produisant des copies de chèques, avoir rémunéré son épouse pour qu'elle poursuive cette comptabilité jusqu'à la fin de l'année 2012. En outre, les copies d'écran que Madame [E] verse aux débats date d'une période bien antérieure à la séparation des époux.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement et de reporter la date des effets du divorce au 12 octobre 2012.
Sur la prestation compensatoire :
Madame [E] conclut à l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de toute demande de ce chef et sollicite l'allocation d'une somme de 200 000 euros, celle-ci faisant état de sa santé fragile et de la disparité entre les revenus des deux époux, d'autant qu'elle est déjà à la retraite et que Monsieur [X], encore en activité, percevra une retraite bien plus élevée que la sienne. Elle souligne, à propos de leurs patrimoines personnels, que le sien est actuellement immobilisé compte tenu des instances qui sont encore en cours entre les héritiers et que Monsieur [X] cherche à minorer la valeur des biens dont il est nu- propriétaire. Elle ajoute que s'il existait une disparité dans la situation de chacun des époux lors du mariage, elle n'était pas aussi importante que celle qui existe depuis la rupture. Enfin, si elle admet, comme le premier juge l'a retenu, ne pas avoir sacrifié sa carrière dans l'intérêt de son époux, elle soutient avoir cependant favorisé la carrière de ce dernier en s'occupant de l'intégralité des tâches quotidiennes du ménage mais également en faisant toute sa comptabilité personnelle et en assurant un véritable rôle d'assistante.
Monsieur [X] qui souligne qu'il s'est installé à l'âge de 27 ans en qualité de médecin libéral et qu'il a toujours travaillé seul au sein de son cabinet, en plus d'occuper un poste de médecin salarié un jour par semaine, fait valoir que ses revenus sont le résultat de ses études, de son engagement professionnel et de sa notoriété et que la retraite perçue par Madame [E] résulte de sa carrière professionnelle avant son mariage, l'intimé précisant que si celle-ci, licenciée économique en 2003, n'a pas retrouvé d'emploi avant sa mise à la retraite, cela n'est pas lié à son remariage, Monsieur [X] soulignant la disparité de leur situation à chacun avant leur mariage. Il expose que le patrimoine de son épouse qu'elle a hérité de ses parents est supérieur au sien en faisant observer que pour ce qui le concerne il ne doit pas être tenu compte de ses espérances successorales. Enfin, il conteste que l'augmentation de son chiffre d'affaires soit en lien avec son mariage mais soutient qu'elle résulte du décès en 2008 d'un de ses confrères qui était installé à proximité de son cabinet, ce qui a entraîné l'augmentation de sa propre clientèle ainsi que de l'augmentation de la tarification des consultations, Monsieur [X] précisant que l'apport de Madame [E] à sa comptabilité durant leur mariage se limitait à la saisie des recettes et des dépenses, ce qui n'a permis qu'une baisse - minime - de charges au regard de ce que facture annuellement le cabinet d'expertise comptable.
Suivant l'article 270 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible. La disparité s'apprécie à la date à laquelle la décision prononçant le divorce est passée en force de chose jugée.
L'article 271 prévoit que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles et de leur situation respective en matière de pension de retraite.
Selon l'article 274 du Code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital ; celles-ci sont limitativement prévues par la loi et l'article 275 du Code civil précise que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous la forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.
Il convient de rappeler que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux et qu'elle doit permettre d'éviter que l'un des époux ne soit plus atteint que l'autre par le divorce ; pour le surplus, les simples espérances successorales, par définition incertaines, n'ont pas à être prises en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire.
Pour apprécier la disparité dans les conditions de vie des époux, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée, soit en l'espèce à la date à laquelle la cour statue, Madame [E] ayant relevé appel incident du jugement sur la cause du divorce.
Madame [E], âgée actuellement de 66 ans, s'est mariée avec Monsieur [X] le 5 juin 2004, soit depuis 11 ans et demi au moment du jugement de divorce et près de 10 ans lors de l'ordonnance de non conciliation. Elle précise souffrir de dépression et d'asthme, les documents communiqués justifiant qu'en 2016, elle suivait un traitement dans le cadre d'une affection de longue durée, son médecin traitant indiquant en juillet 2016 qu'elle prenait encore des anxiolytiques.
Les revenus actuels de Madame [E] - qui précise être à la retraite depuis 2011- sont constitués par ses pensions de retraite. Son dernier avis d'imposition concernant les revenus perçus en 2015 et les relevés de paiement des organismes de retraite établissent qu'elle a perçu, au titre de ses retraites qui lui sont versées par la caisse nationale d'assurance vieillesse, l'AG2R et l'AGIRC, une somme annuelle de 21 407 euros en 2015, soit un revenu mensuel de 1 783,92 euros.
D'après ses avis d'imposition, elle a perçu, depuis qu'elle est à la retraite, :
- en 2013, un revenu annuel imposable imposable de 21 335 euros, soit un revenu mensuel imposable de 1 777,92 euros,
- en 2012, un revenu annuel imposable de 21 045 euros, soit mensuellement 1 753,75 euros,
- en 2011, un revenu annuel imposable de 14 571 euros,
- l'année 2014 n'est pas renseignée.
Madame [E] justifie en communiquant son curriculum vitae qui ne fait pas l'objet d'observations contraires de Monsieur [X], qu'avant de prendre sa retraite au cours de l'année 2011, année de ses 60 ans, elle a été salariée de la société DIAC du 1er février 1977 au 1er juin 1993. Après avoir travaillé en freelance du 1er janvier 1996 au 1er janvier 1997, elle a été embauchée par la société MYCLOG le 1er février 1997 en qualité d'infographiste, poste qu'elle a occupé jusqu'à son licenciement pour motif économique le 8 novembre 2003 au vu de l'attestation Assedic remplie par son employeur. Madame [E] justifie, postérieurement à ce licenciement, de recherches d'emploi dont elle précise qu'elles n'ont pas abouti. En 2004, son revenu annuel imposable a été de 11 512 euros ; il a été de 15 010 euros en 2005 et de 15 195 euros en 2006, revenus mentionnés sous la rubrique 'autres revenus salariaux' sur les avis d'imposition qu'elle a versés aux débats; elle n'a déclaré en 2007 que 1 470 euros de revenu annuel imposable et aucun revenu de 2008 à 2010.
Ainsi, depuis que Madame [E] est mariée, son licenciement étant intervenu à l'automne précédent, celle-ci - qui précise ne pas avoir retrouvé d'emploi - n'a perçu que les indemnités de chômage puis n'a eu ensuite aucun revenu avant de bénéficier de sa retraite.
Selon les pièces produites, le patrimoine commun des époux est constitué des parts sociales, qu'ils détiennent chacun pour moitié, dans la SCI MONILEV qu'ils ont constituée entre eux pour acquérir un bien immobilier situé à [Adresse 3] et qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Nanterre le 7 février 2006. Chacun des époux détient 250 parts des 500 parts constituant le capital social. Monsieur [X] exerce son activité professionnelle dans le bien appartenant à la SCI, lequel correspond à un local à usage professionnel d'une surface d'environ 41 m², rénové en 2008 et estimé selon les deux avis de valeur effectués par deux agences immobilières le 20 février 2014, sous les pièces 19 et 20, à la somme moyenne de 138 000 euros. Monsieur [X] règle un loyer à la SCI d'un montant mensuel de 800 euros outre une provision sur charges d'un montant mensuel de 160 euros HT selon le contrat de bail professionnel conclu pour 6 ans à compter du 1er mai 2008. Il est justifié que pour l'acquisition de ce bien, il a été souscrit par la SCI un emprunt de 130 000 euros auprès du Crédit mutuel, remboursable en 180 mensualités de 919,55 euros à compter du 30 avril 2006 et jusqu'au 31 mars 2021, date de la dernière mensualité prévue au tableau d'amortissement. Après paiement de la mensualité du 31 mars 2017, le capital restant dû s'élève à la somme de 41 257,81 euros. La banque, en garantie de ce prêt, a pris un nantissement de la totalité des parts sociales appartenant aux époux qui étaient tous deux cautions solidaires du prêt. Le dernier bilan de la SCI versé aux débats pour l'exercice 2014 mentionne un déficit annuel de 9 473 euros, ce déficit s'expliquant par rapport au bénéfice de 7 166 euros réalisé l'année précédente, par l'existence de travaux de toiture réglés, pour la part de la SCI, à hauteur de la somme totale de 17 346 euros en 2014, étant précisé que l'immeuble est régi par le statut de la copropriété. Monsieur [X] soutient qu'il devra une soulte à son épouse de l'ordre de 50 000 euros s'il veut garder la propriété de ce bien qui est nécessaire pour l'exercice de son activité, soulte dont Madame [E] affirme qu'elle sera sans doute moindre en soutenant que des comptes seront à faire entre les parties lors de la liquidation et du partage pour tenir compte des créances qui pourraient être alléguées par Monsieur [X].
S'agissant de son patrimoine propre, Madame [E] - qui a 5 frères et soeurs - est propriétaire, par donation partage de ses parents en date du 19 décembre 1997 dont la copie est versée aux débats, d'un sixième des parts de la SCI BELLIFONTAINE et d'un sixième des parts de la SCI Les Buissonnets, sociétés que ses parents avaient constituées et qui sont chacune propriétaire d'un pavillon situé à [Localité 4], pour la première au [Adresse 5] et pour la seconde au [Adresse 6]. Les parents de Madame [E] - qui étaient communs en bien - sont décédés, sa mère le [Date décès 1] 2009 et son père le [Date décès 2] 2015. Seule la déclaration de succession de la mère de Madame [E] est versée aux débats. Il ressort des pièces communiquées qu'un conflit oppose les héritiers à propos notamment de la gestion de la SCI BELLIFONTAINE, que la nullité des délibérations de plusieurs assemblées générales en ont été judiciairement sollicitées et que par assignation en référé délivrée en 2016, Madame [E] et une de ses soeurs ont sollicité la désignation d'un administrateur provisoire de la SCI. Les héritiers semblent cependant en accord sur l'évaluation de ces deux biens immobiliers, estimés pour le premier à 700 000 euros et pour le second à 850 000 euros et sur la mise en vente de ces biens qui se réalisera dans un avenir prévisible, même s'il est plus ou moins proche compte tenu des relations conflictuelles qui opposent les héritiers. Compte tenu de ses droits dans ces SCI et des droits et taxes qu'elle aura à payer et qu'elle estime à la somme de 29 051 euros selon un calcul détaillé qu'elle verse aux débats mais qui n'a pas été confirmé par son notaire, les droits de Madame [E] s'évaluent à la somme de 229 282 euros.
Elle indique, ainsi qu'elle l'a précisé dans sa dernière déclaration sur l'honneur du
5 novembre 2016 et dans ses écritures, qu'elle dispose sur différents comptes 'd'économies de l'ordre de 90 000 euros', les relevés correspondants n'étant toutefois pas communiqués.
Les charges fixes justifiées de Madame [E] comprennent outre les charges habituelles d'assurance automobile - de garantie prévoyance accident, ainsi que les dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement :
- le loyer mensuel pour le logement de 52 m² (deux pièces) qu'elle occupe depuis le 10 août 2016, selon le nouveau contrat de bail qu'elle a signé, d'un montant de 880 euros augmenté d'une provision sur charges d'un montant mensuel 70 euros, soit un montant total de 950 euros; elle bénéficie selon ce nouveau contrat de bail d'un emplacement de parking et d'une cave et n'aura plus à honorer le loyer mensuel de 75 euros dont elle s'acquittait encore en mai 2016 pour garer sa voiture,
- une assurance complémentaire santé d'un montant mensuel de 135,42 euros,
- la taxe d'habitation d'un montant de 1 260 euros en 2016, soit mensuellement 105 euros, correspondant à la taxe réglée pour son précédent logement, le montant de la taxe d'habitation due pour son nouveau logement n'étant pas fourni.
De son côté, Monsieur [X], âgé de 57 ans à ce jour, ne fait pas état de problème de santé particulier.
Les revenus actuels de Monsieur [X] sont constitués d'une part du salaire qui lui est versé comme praticien hospitalier à temps partiel, salarié de l'Hôpital [Établissement 1] depuis le 1er janvier 1999 et d'autre part des revenus qu'il perçoit de son activité de médecin généraliste exercée à titre libéral, étant précisé qu'il déclare les revenus perçus à ce titre sous la rubrique de son avis d'imposition ' revenus non comm. prof. imposables' dits RNC.
En 2015, son revenu annuel imposable au titre des revenus tirés de son activité professionnelle a été de 19 782 euros de salaires et de 126 861 de RNC soit un total annuel de 146 643 euros, soit mensuellement 12 220,25 euros sans compter les revenus fonciers nets mentionnés sur cet avis d'imposition pour un montant total en 2015 de 4 218 euros.
Les avis d'imposition des années précédentes établissent qu'au titre des revenus tirés de son activité professionnelle, Monsieur [X] qui communique également les déclarations 2035 relatives à son activité exercée en cabinet libéral- a perçu un revenu annuel imposable de :
- 81 671 euros en 2005,
- 83 355 euros en 2006,
- 93 163 euros en 2007,
- 108 101 euros en 2008,
- 118 842 euros en 2009,
- 119 774 euros en 2010,
- 127 625 euros en 2011,
- 134 768 euros en 2012,
- 124 731 euros en 2013, soit un revenu mensuel imposable de 10 394,25 euros,
- 123 276 euros en 2014 au vu de l'avis d'imposition communiqué sous la pièce 70 de Monsieur [X], soit un revenu mensuel imposable de 10 273 euros.
Il apparaît ainsi que les revenus professionnels de Monsieur [X] ont régulièrement progressé postérieurement à son mariage avec Madame [E] et que cette progression s'est accentuée à compter de l'année 2008, date à laquelle il indique, sans l'établir, qu'à la suite du décès d'un de ses confrères, il a vu le nombre de ses clients augmenter. Il justifie de la progression de la tarification des consultations. Le fait que Madame [E] ait aidé son mari pour l'établissement de sa comptabilité et qu'elle n'ait pas travaillé ne peut suffire à expliquer cette augmentation des revenus professionnels de Monsieur [X], étant observé qu'alors même que Madame [E] était déjà sans activité professionnelle depuis 2004, les revenus de son mari sont restés stables entre 2005 et 2006. En tout état de cause, la contribution apportée par Madame [E] à l'activité professionnelle de Monsieur [X] n'a pas préjudicié à la carrière professionnelle de cette dernière qui s'est trouvée sans emploi à compter du mois de novembre 2003.
En outre, s'il existe une disparité certaine entre les revenus perçus par chacun des époux, il convient de souligner que cette disparité existait dès avant leur mariage, ceux-ci n'ayant ni la même formation ni le même parcours professionnel.
Les relevés de la carrière de Monsieur [X] démontrent qu'après avoir été médecin salarié à l'Assistance publique des hôpitaux de Paris et dans différents établissements de soins entre le 1er août 1982 et le 31 décembre 1986, il a débuté son activité médicale en médecine libérale en 1989, première année où il cotisé pour trois trimestre à la caisse autonome de retraite des médecins de France dite CARMF. Il justifie qu'à la fin de 2015, il a cotisé 107 trimestres auprès de la CARMF et 122 trimestres auprès de la caisse nationale d'assurance vieillesse, pour des cotisations débutées à compter de 1978, et qu'il a acquis, au titre des régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, 1 554,20 points et 5 167 points en qualité de salarié cadre du secteur privé. Il établit aussi qu'au 1er octobre 2016, il a acquis 394 points auprès de l'IRCANTEC au titre de la retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques et des élus locaux. Monsieur [X] justifie enfin qu'il pourra prétendre à une retraite à taux plein lorsqu'il aura cotisé 167 trimestres, soit à 67 ans et donc au 1Er janvier 2027. Monsieur [X] ne justifie pas cependant du montant total des pensions qui lui seront versées à cette date, étant précisé que le montant brut de sa retraite qui lui serait versé s'il liquidait ses droits dès aujourd'hui - qu'il évalue à la somme mensuelle de 2 777 euros - n'est pas représentatif de la somme qu'il percevra dès lors qu'il est en bonne santé et qu'il n'envisage pas de s'arrêter de travailler dans l'immédiat.
Il est également justifié qu'au titre de son patrimoine propre, Monsieur [X] est propriétaire :
- par acte de donation notarié reçu le 27 octobre 2005, de la nue propriété de deux parcelles numérotées [Cadastre 1] et [Cadastre 2] au cadastre, situées à [Adresse 7] et sur lesquelles sont édifiés une maison d'habitation composée de deux pièces (parcelle [Cadastre 1]) et deux garages (parcelle [Cadastre 2]), celle-ci étant évaluée à l'acte à hauteur de 38 566,50 euros, la totalité de la propriété étant évaluée à 55 095 euros ; il évalue ses droits à 59 900 euros dans sa dernière déclaration sur l'honneur communiquée sous sa pièce 106 et datée du 2 janvier 2017, sans cependant fournir d'évaluation effectuée par un professionnel de l'immobilier,
- en indivision avec son père Monsieur [Q] [X] qui bénéficie de la totalité de l'usufruit des biens de la communauté constituée avec son épouse décédée et son frère Monsieur [K] [X], d'une maison située sur la commune de [Localité 5] [Adresse 8], d'une surface de 102 m² sur un terrain de 12 ares et 46 centiares évaluée - pour sa totalité - à 186 000 euros selon estimation d'une agence immobilière du 23 avril 2015. Monsieur [X] - qui avait omis devant le premier juge de faire état de ses droits sur ce bien immobilier - évalue ses droits à ce titre à la somme de 74 400 euros dans sa déclaration sur l'honneur la plus récente. Si comme il le soutient justement les espérances successorales ne peuvent être prises en compte dans l'appréciation de la disparité des situations des époux, ses droits en nue propriété doivent par contre être pris en considération, contrairement à ce qu'il fait valoir.
S'agissant des avoirs financiers dont il dispose, Monsieur [X] indique dans sa dernière déclaration sur l'honneur ne disposer que de 16 euros sur un Codevi et de 0,70 euros sur un compte d'épargne. Madame [E] ne fournit pas d'éléments pour soutenir que sa déclaration sur l'honneur est nécessairement mensongère, étant observé que si les revenus mensuels de Monsieur [X] sont importants, ses derniers avis d'imposition établis à son seul nom sur les revenus perçus en 2014 et 2015 (sous ses pièces 70 et 106) ne font état d'aucune somme perçue à titre de revenus de capitaux mobiliers.
Les charges fixes justifiées de Monsieur [X] comprennent outre les charges habituelles d'électricité, d'assurance habitation et automobile qu'il n'a pas actualisées et de téléphone qu'il doit exposer même s'il ne communique pas de factures à cet égard, ainsi que les dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement :
- un loyer mensuel de 1510 euros, provision sur charges comprise, selon quittance de loyer de juillet 2016 pour l'appartement où il réside à [Adresse 3], depuis le 15 mai 2016, à proximité immédiate de son cabinet situé au numéro 6 de la même impasse,
- les impôts sur les revenus de 2015 qu'il a réglés en 2016 à hauteur de 37 657 euros outre 654 euros de prélèvements sociaux, soit une charge mensuelle de 3 831 euros selon l'échéancier de l'administration fiscale, dont il est locataire,
- la taxe d'habitation pour le logement dont il est locataire et qu'il indique être de 882 euros sans communiquer l'avis correspondant.
Si Monsieur [X] explique qu'il continue d'aider financièrement ses filles majeures, nées de son premier mariage, dès lors qu'elles sont au chômage et qu'elles ont des enfants à charge et s'il communique deux témoignages pour attester de l'aide financière apportée, il ne justifie pas cependant que cette aide est régulière et puisse être assimilé à une charge fixe.
Au regard de l'ensemble de ces éléments et tout particulièrement de la durée du mariage, de l'âge des parties au moment de leur mariage qui était une troisième union pour chacun, de la préexistence au mariage de la disparité des revenus de chacun des époux qui lorsqu'ils se sont mariés avaient déjà travaillé pendant de nombreuses années, Madame [E] venant d'être licenciée du dernier emploi qu'elle a occupé, de la disparité de leur patrimoine personnel en faveur de Madame [E] qui compense la disparité prévisible de leur situation respective en matière de pension de retraite en la défaveur cette fois de Madame [E], cette disparité résultant également de la disparité de leur parcours professionnel, pour partie antérieur au mariage, il doit être considéré, en confirmant la décision déférée, que n'est pas rapportée la preuve d'une disparité au sens de l'article 270 du code civil dans la situation respective des parties découlant de la rupture du lien matrimonial. Il n'y a donc pas lieu à allocation au profit de l'un ou de l'autre des époux de prestation compensatoire.
Sur les dommages-intérêts :
Madame [E], sur le fondement des articles 266 et 1240 du code civil, soutient qu'en raison de la dissolution du mariage, elle subit des conséquences d'une particulière gravité à l'origine d'un préjudice moral puisqu'elle vit désormais seule, sans l'avoir choisi et qu'elle a dû déménager dans un petit appartement de 52 m² en banlieue parisienne plus lointaine. Elle ajoute que le départ de son époux du domicile conjugal et son comportement, en particulier à cette occasion, sont à l'origine de troubles psychologiques et d'une importante perte de poids attestés par son médecin et d'un préjudice moral indépendant de celui résultant de la simple rupture du lien conjugal.
Monsieur [X] conclut au débouté de ces demandes indemnitaires en faisant valoir que Madame [E] ne démontre pas en quoi la rupture de sa troisième union qui n'a duré que 9 ans revêt des conséquences d'une particulière gravité et qu'elle ne démontre ni faute de sa part ni l'existence d'un préjudice dont il soutient qu'il doit être étranger à celui résultant de la rupture du lien conjugal. Il observe que compte tenu du contentieux familial que connaît Madame [E], celle-ci a d'autres sources d'inquiétudes et de conflits que la dissolution de son mariage et qu'en outre le certificat du docteur [M] est de pure complaisance dès lors qu'il ne fait pas que relater des faits médicalement constatés.
L'article 266 du code civil prévoit l'attribution de dommages-intérêts à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu'il est défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'a lui même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
L'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code également allégué par Madame [E], peut s'appliquer dans le cadre du divorce à tout époux qui justifie d'une faute de l'autre et d'un préjudice, l'objet de ce texte étant de réparer le préjudice causé par une faute.
Madame [E] qui, antérieurement à son mariage avec Monsieur [X], a connu deux divorces, en 1985 et en 1997, ne démontre pas en quoi la rupture du lien conjugal avec Monsieur [X] aurait des conséquences d'une particulière gravité à son égard, celle-ci n'évoquant pas des préjudices différents de ceux de toute épouse placée dans la même situation. Il convient donc de confirmer le jugement qui a écarté toute demande de ce chef.
S'agissant de l'application de l'article 1240 du code civil, le comportement fautif de Monsieur [X] a été retenu par la cour compte tenu de son départ du domicile conjugal au cours du mois d'octobre 2012. Outre les attestations de trois amies de longue date qui témoignent de l'altération de la santé de Madame [E] après la séparation d'avec son époux et de son état dépressif, celle-ci communique un certificat médical daté du 29 septembre 2014 du docteur [M], son médecin traitant qui l'a suivie à compter du 29 avril 2013. Si ce médecin ne pouvait retenir un lien de causalité entre l'état de santé présenté par Madame [E] et les problèmes conjugaux dont elle lui avait fait part, son certificat est cependant probant en ce qui concerne les constatations médicales opérées, celui-ci relevant que lorsqu'elle a commencé à le consulter elle présentait un syndrome dépressif qui a nécessité la prescription d'un traitement associant antidépresseurs et anxiolytique, traitement poursuivi jusqu'en juin 2014 selon les indications de ce certificat. Ces différents éléments suffisent à justifier du lien entre le préjudice de Madame [E] et la rupture d'avec son époux dès lors qu'il n'est pas établi que le conflit judiciaire qui oppose cette dernière à plusieurs de ses frères et soeur, dans le cadre de trois procédures judiciaires toujours en cours en 2016, soit déjà né au moment de la séparation d'avec son époux, le père de Madame [E] étant décédé le [Date décès 2] 2015. Il convient, infirmant le jugement de ce chef, de lui allouer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens :
La nature familiale du litige et la situation respective de chacune des parties ne justifient pas en équité de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés tant en première instance qu'en appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,
INFIRME partiellement le jugement du 5 février 2016,
STATUANT à nouveau,
PRONONCE aux torts de l'époux le divorce de Monsieur [I] [U] [X], né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2] et de Madame [R] [O] [X] [S] [E], née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1], mariés le [Date mariage 1] 2004 à [Localité 3],
DIT que mention du présent arrêt sera portée sur les actes de naissance et sur l'acte de mariage des parties, selon les dispositions de l'article 1082 du code de procédure civile, modifié par le décret du 16 septembre 1997,
CONDAMNE Monsieur [I] [U] [X] à verser à Madame [V] [E] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt,
Y AJOUTANT,
DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Présidente, et par Madame Claudette DAULTIER, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT