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29/03/2017 | FRANCE | N°15/00326

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2017, 15/00326


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 29 MARS 2017



R.G. N° 15/00326



AFFAIRE :



[S] [D]





C/

SA WAVESTONE anciennement dénommée SOLUCOM









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/00402






Copies exécutoires délivrées à :



Me Maud THOMAS



SCP VACCARO ET ASSOCIÉS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[S] [D]



SA WAVESTONE anciennement dénommée SOLUCOM







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 29 MARS 2017

R.G. N° 15/00326

AFFAIRE :

[S] [D]

C/

SA WAVESTONE anciennement dénommée SOLUCOM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/00402

Copies exécutoires délivrées à :

Me Maud THOMAS

SCP VACCARO ET ASSOCIÉS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[S] [D]

SA WAVESTONE anciennement dénommée SOLUCOM

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assisté de Me Maud THOMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0753

APPELANT

****************

SA WAVESTONE anciennement dénommée SOLUCOM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me François VACCARO de la SCP VACCARO ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOURS, vestiaire : 54 substitué par Me Camille GOURDON, avocat au barreau de TOURS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER, greffier en pré affectation

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [D] a été embauché par la société Dreamsoft, dont il était l'un des associés, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 janvier 2000 en qualité de directeur de clientèle (statut de cadre) puis de directeur des opérations.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite 'Syntec'.

En 2005, à la suite d'un rachat de la société Dreamsoft, le contrat de travail de M. [S] [D] a été transféré à la société Solucom DV et ce dernier a alors exercé les fonctions de directeur d'activité (coefficient 270, niveau III.3).

A compter du 2ème semestre de l'année 2011, un projet de réorganisation interne de la société Solucom DV a vu le jour et des discussions ont eu lieu entre M. [D] et sa hiérarchie quant à l'évolution de ses fonctions.

Du 5 au 13 janvier 2012 puis du 27 janvier au 19 février 2012, M. [D] a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Le 1er février 2012, M. [D] a été nommé dans le poste de directeur des opérations, en conservant sa classification et sa rémunération.

Le 15 février 2012, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes pour demander la condamnation de la société Solucom DV à lui verser des dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 30 mars 2012, la société Solucom DV a notifié à M. [S] [D] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 avril 2012, assortie d'une mise à pied conservatoire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 avril 2012, M. [S] [D] a été licencié pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société Solucom DV employait habituellement au moins onze salariés et la rémunération moyenne mensuelle de M. [D] s'élevait à 10'549 euros brut sur les 12 derniers mois selon le salarié et à 9 946,47 euros bruts sur la même période selon l'employeur.

Par jugement du 22 décembre 2014 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [S] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Solucom, venant aux droits de la société Solucom DV, de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [S] [D] aux éventuels dépens.

Le 14 janvier 2015, M. [S] [D] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A compter de juillet 2016, la société Solucom s'est dénommée société Wavestone.

Aux termes de ses conclusions du 23 novembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [S] [D] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau de :

- à titre principal, condamner la société Wavestone à lui payer :

* 253 176 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la nullité du licenciement prononcé en représailles de la dénonciation de faits de harcèlement moral,

* 8 965 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire du 2 au 24 avril 2012,

* 896,50 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,

* 26 895 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis de trois mois,

* 2 689,50 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 43 954,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 550,55 euros à titre de paiement du reliquat de rémunération variable pour l'exercice 2011-2012,

* 6 336 euros à titre de paiement du reliquat de rémunération variable pour l'exercice 2012-2013 au prorata du temps de présence au 24 juillet 2012,

* la participation pour l'exercice 2012-2013 prorata temporis au 24 juillet 2012,

- subsidiairement, condamner la société Wavestone à lui payer les sommes suivantes :

* 253 176 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 8 965 euros à titre de paiement de la mise à pied conservatoire du 2 au 24 avril 2012,

* 896,50 euros au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire,

* 26 895 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis de trois mois,

* 2 689,50 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 43 954,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 550,55 euros à titre de paiement du reliquat de rémunération variable pour l'exercice 2011-2012,

* 6 336 euros à titre de paiement du reliquat de rémunération variable pour l'exercice 2012-2013 au prorata du temps de présence au 24 juillet 2012,

* la participation pour l'exercice 2012-2013 prorata temporis au 24 juillet 2012,

- en toute hypothèse, condamner la société Wavestone à lui payer les sommes suivantes :

* 253 176 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations de santé, sécurité, loyauté, formation et adaptation de l'employeur,

* 63 294 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 550,55 euros à titre de paiement du reliquat variable pour l'exercice 2011-2012,

* la participation pour l'exercice 2012-2013 prorata temporis au 24 juillet 2012,

* ordonner, sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de l'arrêt à intervenir, la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle emploi conformes,

* dire que ces sommes porteront intérêts avec capitalisation,

* condamner la société Wavestone au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 19 janvier 2017, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Wavestone demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- y ajoutant, condamner M. [S] [D] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 20 janvier 2017 ;

Vu la lettre de licenciement ;

SUR CE :

Sur le rappel de rémunération variable :

Considérant, sur le rappel de rémunération variable pour l'exercice 2011-2012, qu'il résulte d'un courriel adressé le 11 janvier 2012 à M. [D], que le montant de sa part variable était de 19'000 € à objectifs atteints ; que la société Wavestone, alors que la charge de la preuve du paiement intégral du salaire lui revient, ne justifie pas du motif ayant conduit au versement d'une somme se limitant à 18'457,45 euros ; qu'il convient donc d'allouer au salarié le rappel de 550,55 euros qu'il réclame ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Considérant, sur le rappel pour l'exercice 2012-2013, que le point de départ de cet exercice a été fixé au 1er avril 2012 ; qu'eu égard à la mise à pied conservatoire intervenue le 30 mars 2012 et au licenciement prononcé le 24 avril 2012, M. [D], qui n'a ainsi pas fourni de prestation de travail sur l'exercice en cause, n'est pas fondé à réclamer le paiement d'une rémunération variable pour cette période ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur la participation pour l'exercice 2012-2013 :

Considérant que M. [D] n'allègue aucun fait ni ne présente aucune argumentation à l'appui de cette demande ; qu'il en sera donc débouté ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité, de prévention du harcèlement moral, de loyauté et de formation :

Considérant que M. [D] soutient que la société Solucom DV a manqué à :

- son obligation de loyauté en lui imposant une nomination au poste de directeur des opérations, constitutive d'une modification de son contrat de travail en raison de la perte de responsabilités de management ;

- son obligation de sécurité en le soumettant à un harcèlement moral et en s'abstenant de prendre les mesures de prévention d'un tel harcèlement ;

- son obligation d'assurer son adaptation au poste de travail prévue par l'article L. 6321-2 du code du travail ;

Qu'il réclame en réparation du préjudice résultant de ces manquements la somme de 253 176 euros à titre de dommages et intérêts ;

Que la société Wavestone conclut au débouté ;

Considérant, sur le manquement à l'obligation de loyauté, qu'il ressort des pièces versées aux débats, et notamment de la fiche de poste de directeur d'activité, de la fiche de poste de directeur des opérations à compter du 1er février 2012, des organigrammes de la société Solucom DV et des attestations produites par M. [D], que l'appelant était l'un des trois directeurs d'activité au sein du service 'Practice Asil', aux cotés de MM. [H] [B] et [O] [E] ; qu'en tant que directeur d'activité, il avait des 'rôles transverses à la société', consistant notamment en la participation au comité de direction de la société, au pilotage opérationnel, à assurer des entretiens de recrutement mais aussi des 'rôles spécifiques à l'activité', consistant à exercer, comme l'indique expressément la fiche de poste contrairement à ce que soutient l'employeur, une autorité hiérarchique sur trois responsables de départements lesquels encadraient eux-mêmes une trentaine de salariés ; que le poste de directeur des opérations qui lui a été assigné à compter du 1er février 2012 n'emportait aucune autorité hiérarchique sur quelque salarié que ce soit ; que cette nomination entraînait donc une perte de responsabilité, quand bien même M. [D] était maintenu au comité directeur de l'entreprise et se voyait confier une mission de pilotage des 'plans de charge' et du 'processus qualité' à l'échelle d'un service plus étendu et une mission de gestion de la sous-traitance à l'échelle de l'entreprise ; que cette nomination constituait donc, comme le soutient justement M. [D], une modification unilatérale de son contrat de travail et non une simple modification des conditions de travail ; que M. [D] est ainsi fondé à soutenir que la société a ainsi manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail ;

Considérant, sur le manquement à l'obligation de sécurité, qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;

Que, sur le harcèlement moral, M. [D] soutient qu'il a fait l'objet d'une mise à l'écart insidieuse et progressive à compter de la fin de l'année 2010, ayant dégradé son état de santé, constituée par :

- l'attribution d'un bureau éloigné de celui des autres directeurs d'activité et de son supérieur (M. [R]) ;

- la prise d'ascendant de deux autres directeurs d'activité auprès de M. [R] sur les orientations stratégiques et ses propres équipes ;

- l'absence de convocation ou la convocation tardive à des réunions stratégiques ainsi que l'absence de réception de courriels stratégiques ;

- la diminution de ses responsabilités, notamment managériales ;

- la réduction de ses équipes avec des départs non remplacés et l'affectation de ses salariés dans d'autres services ;

- l'absence d'augmentation de salaire depuis trois ans ;

- sa nomination au 1er février 2012 au poste de directeur des opérations entraînant une baisse de responsabilité ;

Que la cour relève que le plan des locaux de la société Solucom DV versé aux débats n'établit pas que M. [D] avait un bureau éloigné de celui de ses collègues ou de son supérieur ; que les quelques courriels versés aux débats font état de relations cordiales et normales entre M. [D] et ses subordonnés ainsi que les deux autres directeurs d'activité, sans 'prise d'ascendant' à son détriment ; que les courriels ponctuels versés aux débats ne démontrent pas plus une absence de convocation ou des convocations tardives à des réunions stratégiques ; qu'aucune réduction significative de ses équipes n'est établie pas plus qu'une absence d'augmentation de salaire ; que les certificats médicaux établis par le médecin traitant en janvier 2012 faisant état de 'burn out' ou de harcèlement ont été révisés par ce dernier à l'occasion de la plainte de l'employeur et de la procédure de conciliation devant le conseil de l'ordre des médecins en octobre 2013, ce praticien ayant reconnu qu'il n'avait fait que retranscrire les dires de M. [D] et n'avait procédé lui-même à aucune constatation personnelle des conditions de travail de l'intéressé ; que la nomination de M. [D] au poste de directeur des opérations à compter du 1er février 2012 entraînant une perte de responsabilité, dont la réalité est établie ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est un acte isolé ; que dans ces conditions, M. [D] n'établit pas la réalité de faits répétés, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Que sur la prévention du harcèlement moral, la cour relève que le courriel du 9 octobre 2011 envoyé par M. [D] à sa hiérarchie est intitulé 'point sur ma situation, demande de rendez-vous', fait état de son inquiétude sur son avenir au sein de l'entreprise et d'un 'sentiment de mise au placard progressive' sans évoquer de harcèlement moral et a été suivi immédiatement de nombreux échanges et rendez-vous entre les parties ; que M. [D] n'a dénoncé de faits de harcèlement moral que dans une lettre du 12 janvier 2012 ; que l'employeur a déclenché le 20 février 2012 une enquête interne à laquelle ont été associés le CHSCT et l'inspection du travail, ce qui ne constitue pas un délai de réaction tardif eu égard aux arrêts de maladie de M. [D] ; que par ailleurs, le règlement intérieur de la société contenait des mesures précises sur la prévention du harcèlement moral et M. [D] ne conteste pas la mise en place d'une information des salariés via une rubrique dédiée sur le site intranet de l'entreprise et la désignation d'interlocuteurs pour les salariés ; que la société employeuse justifie ainsi d'actions d'information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral ; qu'aucun manquement n'est donc établi à ce titre ;

Considérant sur le manquement de l'employeur à l'obligation de formation, M. [D] n'allègue pas de faits précis permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé de sa demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seul un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté peut être relevé ; que le préjudice résultant de ce manquement sera réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur la nullité du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche en substance à M. [D] d'avoir, d'une part, refusé d'assurer les fonctions de directeur des opérations qui lui ont été confiées à compter du 1er février 2012 et, d'autre part, d'avoir porté des accusations de harcèlement moral ; que s'agissant de ce second grief, la lettre est rédigée dans les termes suivants :

'En parallèle de ce comportement particulièrement répréhensible, soudainement, en début d'année 2012, vous avez formulé à mon encontre de graves accusations de « harcèlement moral et managérial ».

Puisque vous n'avez pas souhaité retirer ces propos, nous avons donc lancé le 2 mars 2012 une commission d'enquête au sein du CHSCT, conformément à nos obligations.

En outre, afin que vous n'ayez plus à travailler directement avec moi, nous avons souhaité que [G] [F], Directeur Associé au sein de la Practice, devienne votre interlocuteur direct.

Vous lui avez indiqué, lors de votre entrevue du 30 mars 2012, organisée par celui-ci compte tenu de votre inertie, vous être déplacé par « politesse » à son égard et que vous n'entendiez pas assurer vos fonctions sur le volet gestion des risques qualité ni sur le volet gestion de la sous-traitance. Vous avez indiqué que votre « porte restait ouverte » pour discuter et négocier votre départ, ajoutant alors que vous seriez prêt à arrêter la procédure prud'homale que vous avez initiée le 15 février dernier à l'encontre de la Société.

Enfin, nous avons appris par [F] [X], Gestionnaire Administration des Ventes et [B] [Y], Adjointe Responsable Ressources Humaines, membres de la commission d'enquête qui avait été diligentée via le CHSCT, que vous avez refusé de les rencontrer, et plus globalement de participer à cette enquête, et ce alors même que vous aviez alerté l'Inspection du Travail sur la composition de ladite commission d'enquête, et que votre demande de révision de sa composition avait été immédiatement prise en compte par le CHSCT.

Lorsque nous vous avons demandé des explications sur ce point lors de l'entretien préalable, vous nous avez indiqué que vous ne compreniez pas pourquoi la commission d'enquête comprenait un membre représentant la Direction, et que vous aviez refusé d'être entendu pour ce seul motif. Nous vous avons alors rappelé que le code du travail précise que la commission d'enquête doit être « paritaire » et que nous n'avons donc fait que respecter le cadre réglementaire. Vous avez alors indiqué que vous faisiez davantage confiance au Conseil des Prud'hommes pour enquêter sur les prétendus faits de harcèlement dont vous m'avez accusé.

Si ces derniers agissements ne mettent en évidence aucune insubordination, ils démontrent en revanche clairement votre état d'esprit délétère vis-à-vis de notre Société, et nous confortent dans notre décision.

Compte tenu de la gravité de votre comportement, nous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave.(...)' ;

Considérant que M. [D] soutient que son licenciement est entaché de nullité car prononcé au motif qu'il avait dénoncé de bonne foi des faits de harcèlement moral ;

Que la société Wavestone soutient que le licenciement est valide, M. [D] ayant été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral dont il avait conscience de la fausseté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon l'article L. 1152-3, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;

Considérant, en l'espèce, que la réalité du harcèlement moral dénoncé par M. [D] n'est pas établie ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; que toutefois, la société Wavestone ne démontre pas que M. [D] avait connaissance de la fausseté des faits dénoncés, le courriel du 6 décembre 2011 qu'elle invoque, adressé par l'intéressé à la directrice des ressources humaines, dans lequel il indique 'Solucom souhaite me proposer un poste sur-mesure mais sans management ce qui ne m'intéresse pas et que je ne veux pas. Tu m'as précisé qu'il n'y avait pas d'autre solution et que l'on arrivait dans un corner et que la rupture était la seule solution. J'attends vos propositions sur ce dernier point' étant insuffisant pour établir cette mauvaise foi ; qu'il s'ensuit que M. [D] est fondé à invoquer la nullité de son licenciement ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Considérant qu'eu égard à la nullité du licenciement, il convient d'allouer à M. [D] les sommes suivantes, au demeurant non contestées dans leur montant par l'employeur :

- 26 895 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'il le réclame, outre 2 689,50 euros au titre des congés payés afférents ;

- 43 954,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 8 965 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre 896,50 euros au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Que par ailleurs, M. [D] est fondé à réclamer une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égal à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code de travail ; qu'eu égard à son âge (né en 1963), à son ancienneté dans l'entreprise (plus de 12 ans), aux circonstances de la rupture, à sa situation professionnelle après la rupture (chômage jusqu'en septembre 2013), il sera alloué une somme de 110 000 euros à l'appelant ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant que M. [D] fait valoir qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant, qu'il a été soumis à une convention de forfait en jours irrégulière et que, alors qu'il travaillait plus de 10 heures par jour, ces heures de travail ne figurent pas sur son bulletin de salaire ; qu'il réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 63'294 euros ;

Que la société conclut au débouté en invoquant la qualité de cadre dirigeant de M. [D] ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.' ;

Considérant que M. [D] n'étaye par aucun élément son allégation d'accomplissement d' heures de travail au-delà de celles mentionnées sur ses bulletins de salaire ; qu'il y a donc lieu, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa qualité de cadre dirigeant, de le débouter de sa demande ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur les intérêts :

Considérant que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire ;

Sur la remise de documents sociaux :

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner à la société de remettre à M. [D] un bulletin de salaire et une attestation pour Pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire toutefois de prévoir une astreinte sur ce point ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé sur ces deux points ;

Qu'il y a lieu de condamner la société Wavestone à verser à M. [D] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute M. [S] [D] de ses demandes de rappel de rémunération variable pour l'exercice 2012-2013, de rappel de participation sur ce même exercice et d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [S] [D] entaché de nullité,

Condamne la société Wavestone à verser à M. [S] [D] les sommes suivantes :

- 550,55 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'exercice 2011-2012,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- 26 895 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 689,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 43 954,16 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 8 965 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 896,50 euros au titre des congés payés afférents,

- 110 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Rappelle que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et, à compter du présent arrêt en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire ;

Ordonne à la société Wavestone de remettre à M. [S] [D] un bulletin de salaire et une attestation pour Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Déboute M. [S] [D] de sa demande d'astreinte,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Wavestone à verser à M. [S] [D] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Wavestone aux dépens de première instance et d'appel,

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00326
Date de la décision : 29/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/00326 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-29;15.00326 ?
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