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21/03/2017 | FRANCE | N°16/00985

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 21 mars 2017, 16/00985


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2017



R.G. N° 16/00985



AFFAIRE :



[S] [C]





C/

SAS RENAULT



Syndicat SUD RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE



Syndicat CGT RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAI

LLES

Section : Industrie

N° RG : 14/00486



Copies exécutoires délivrées à :



Me David METIN



LLP PROSKAUER ROSE LLP



Syndicat CGT RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[S] [C]



SAS RENAULT



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2017

R.G. N° 16/00985

AFFAIRE :

[S] [C]

C/

SAS RENAULT

Syndicat SUD RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

Syndicat CGT RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Industrie

N° RG : 14/00486

Copies exécutoires délivrées à :

Me David METIN

LLP PROSKAUER ROSE LLP

Syndicat CGT RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[S] [C]

SAS RENAULT

Syndicat SUD RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE,

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 14 mars 2017 puis prorogé au 21 mars 2017, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,

APPELANT

****************

SAS RENAULT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Béatrice POLA du LLP PROSKAUER ROSE LLP, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Syndicat SUD RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES,

Syndicat CGT RENAULT GUYANCOURT AUBEVOYE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Non comparant et non représenté

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

La Société Renault SAS dispose d'un technocentre, commune de [Localité 1], regroupant toutes les directions nécessaires à la création de nouveaux véhicules, notamment relatives à la recherche, aux études, à la méthode ou au "design" industriel. En son sein se trouve la Centrale Utilité qui réunit les moyens de production, de transformation et de distribution des fluides et énergies en particulier d'eau chaude, d'eau glacée, d'air comprimé et de gaz naturel. Les équipes affectées à la [Localité 2] ont pour mission principale d'assurer la production et la distribution des fluides et des énergies sur le technocentre jusqu'aux postes de transformation des bâtiments, d'assurer la supervision des bâtiments et d'assurer l'exploitation des éléments de chauffage, ventilation et climatisation des salles informatiques.

En 2006, la société Renault a créé un groupement d'intérêt économique dénommé Renault-Vestalia à la disposition duquel a été mis le personnel de la Centrale Utilité du Technocentre Renault, dont M. [S] [C], à compter du 1er janvier 2007.

Parallèlement à la création du GIE, la Société Renault SAS concluait un contrat "multiservices" avec la société Vestalia, pour la sous-traitance de plusieurs activités, dont la maintenance de la Centrale.

A compter du 1er janvier 2014, la Société Renault SAS a confié l'activité de maintenance de la Centrale à un nouveau prestataire, à savoir la société Cofely, sans renouvellement du GIE, mettant du même coup fin à la mise à disposition des salariés du GIE, tout en leur transmettant une proposition d'embauche. M. [S] [C] a refusé.

Celui-ci a été affecté sur un poste à horaire non plus posté mais normal, en qualité de "chargé de service aux bâtiments".

Il a saisi le conseil des prud'hommes de Versailles le 6 mai 2014 aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- un rappel de salaire en vertu de l'article 1 de l'annexe de l'accord "A vivre Renault", sur la base de la différence entre le salaire perçu entre 2013 et 2014 soit la somme de 15 571,54 euros et 1 557,15 euros de rappel de congés payés y afférents ;

- avec délivrance à compter de février 2015 des bulletins de paie conformes à la décision demandée sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;

Subsidiairement il sollicitait le paiement des sommes suivantes :

- l'intégralité de la prime compensatrice prévue à l'article 2 de l'annexe de l'accord "A vivre Renault", venant en compensation de la suppression de la prime d'incommodité ou de nuisance, équivalente à la différence annuelle 2013/2014 entre les deux primes, soit la somme de 5 167,20 euros et 937,33 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents ;

- en disant que l'article 2 précité s'appliquera pour l'avenir ;

- le complément mensuel horaire dit CMH dont bénéficiaient les salariés postés calculé sur le document d'information relatif au décompte de paie et sur l'avenant au contrat de travail du demandeur ;

- la perte subie entre le CMH perçu avant 2014 et la prime différentielle horaire appliquée à compter de 2001, soit 4 521,96 euros et 452,19 euros au titre des congés payés y afférents ;

En tout état de cause, le demandeur demandait l'allocation des montants suivants :

- 2 000 euros de dommages-intérêts pour perte de la rémunération engendrée sur la participation aux bénéfices ;

- avec régularisation des cotisations aux caisses de retraite ;

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L 1222-1 du code du travail ;

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour risques encourus du fait de l'exposition à l'amiante ;

- créditer le compte consacré au droit individuel à la formation de 120 heures qui n'avaient pas été prises en compte à tort alors qu'il s'agissait d'heures de formation nécessaires à l'adaptation du salarié à l'évolution de son poste ;

- 1 098 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une formation au titre du droit individuel à la formation légal ;

- 4 000 euros de dommages-intérêts en application de l'article L 1222-1 du code du travail ;

- créditer de 14 heures antérieurement débitées à tort, le compte épargne formation devenu compteur transitoire en vertu de l'article 3.2.7 de l'accord du 13 mars 2013 ;

- 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les syndicats SUD et CGT Renault Guyancourt Aubevoye sont intervenus volontairement sur le fondement de l'article L 2132-3 du code du travail et ont sollicité l'allocation de la somme de 3 000 euros pour chacun.

Par jugement du 2 février 2016, la Société Renault SAS a été condamnée à verser à M. [S] [C] les sommes suivantes :

- 4 521,96 euros de rappel de salaire pour l'année 2014 ;

- 452,19 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Les autres demandes des différentes parties ont été rejetées.

Appel a régulièrement été interjeté par le salarié le 3 mars 2016.

Quoique régulièrement convoqué par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été remis à personne, le syndicat CGT Renault Guyancourt Aubevoye n'a pas comparu de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire.

M. [C] sollicite la condamnation de la Société Renault SAS :

- à rétablir les conditions initiales de rémunération antérieures au 1er janvier 2014 soit à l'époque où il occupait le poste de technicien conduite centrale ;

- à fixer sa rémunération mensuelle de base à la somme de 3 887,97 euros par mois ;

- à lui verser un rappel de salaires correspondant à la différence entre le salaire perçu en 2013 et ceux perçus au cours des années 2014, 2015 et 2016, qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er janvier 2014, soit pour 2014, 15 571,54 euros outre 1 557,15 euros d'indemnité de congés payés y afférents et pour 2015 7 691,65 outre 769,16 € d'indemnité de congés payés y afférents et pour 2016, 2 895,59 euros outre 289,56 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

Subsidiairement M. [S] [C] sollicite l'intégration du complément mensuel horaire perçu comme travailleur posté en 2013, dans son taux horaire et la condamnation de son adversaire au titre du complément mensuel horaire au paiement au titre de l'année 2014 d'une somme de 4 521,96 euros outre 452,19 euros d'indemnité de congés payés y afférents, au titre de 2015 d'une somme de 4 483,08 euros outre 448,30 euros d'indemnité de congés payés y afférents et pour 2016, d'une somme de 4 472,16 euros outre 372,68 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Enfin il priait la cour de condamner l'employeur à lui délivrer des bulletins de paie portant la nouvelle rémunération sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour qui suivra la notification de l'arrêt.

Subsidiairement il fait grief à la Société Renault SAS d'avoir violé les articles 1 et 2 de l'annexe de l'accord "A Vivre Renault" du 29 décembre 1989 et sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel de salaire en vertu de la prime mensuelle revalorisée, au titre de 2014 pour un montant de 15 571,54 euros outre 1 557,15 euros, au titre de 2015 pour un montant de 7 691,65 euros outre 769,16 euros et au titre de 2016 pour un montant de 2 895,59 euros outre 289,56 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Il demande d'ordonner à la Société Renault SAS de délivrer les bulletins de salaire modifiés portant la nouvelle rémunération sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30éme jour qui suivra la notification, la cour se réservant le liquider l'astreinte ;

A titre encore plus subsidiaire, il demande la condamnation de la société Renault SAS à lui verser l'intégralité de la prime compensatrice due depuis le 1er janvier 2014, venant en compensation de la suppression de la prime d'incommodité ou de nuisance équivalente à la somme de 15 501,60 euros outre 15 501,16 euros d'indemnité de congés payés y afférents, avec obligation de délivrer un bulletin de paie modifié sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

En tout état de cause, il demande que soit ordonné le paiement du CMH calculé sur le document d'information relatif au décompte de paie et sur l'avenant aux contrats de travail des salariés de 1984, en intégrant le complément mensuel dans le taux horaire des requérants et condamner la Société Renault SAS à verser la perte subie consistant dans la différence entre le CMH perçu avant 2014 et la prime différentielle horaire appliquée à compter de 2014, correspondant aux sommes suivantes pour 2014, 4 521,96 euros et 452,19 euros d'indemnité de congés payés y afférents, pour 2015, 4 483,08 euros outre 448,30 euros d'indemnité de congés payés y afférents et pour 2016, 4 472,16 euros outre 3372,68 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Enfin il demande la condamnation de la Société Renault SAS à verser la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de rémunération sur leur participation aux bénéfices, à régulariser les cotisations aux caisses de retraite et la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L 1222-1 du code du travail et la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice né des risques encourus du fait de leur exposition à l'amiante.

Sur le droit individuel à la formation et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, il reprend ses demandes de première instance.

De même le syndicat SUD Guyancourt Aubevoye reprend sa demande de dommages-intérêts initiales.

MOTIFS

Sur le complément mensuel horaire

Considérant que M. [S] [C] sollicite le paiement du manque à gagner au titre des années 2014, 2015 et 2016 né du remplacement à partir du 1er janvier 2014, date de son affectation au poste de chargé de services aux bâtiments du complément mensuel Horaire dit CMH qu'il percevait en application de l'accord de février 1984 passé entre la Régie Nationale des Usines Renault et le personnel des centrales et du service électronique, par le "différentiel horaire", alors que le CMH fait partie de la rémunération mensuelle de base ;

Considérant que la Société Renault SAS s'oppose à cette demande au motif que le CMH avait pour objet de préserver les revenus des salariés travaillant en continu eu égard leurs conditions de travail particulières, tandis que les autres salariés se sont vu maintenir leur horaire de 35 heures par semaine et ont obtenu seulement une prime différentielle de salaire ;

Considérant que selon une note d'information à l'adresse du personnel des centrales et du service électrique 1066 du 6 février 1984 le passage à l'horaire 33 heures 36 s'effectuant sans incidence sur les éléments de base du salaire, la retenue correspondant à la diminution de 6 heures 14 par semaine est compensée intégralement par le paiement d'un complément mensuel horaire représentant 21,20 % de la base de 39 heures ; que c'est dans ces conditions qu'ont été signés des avenants le 17 février 1984 stipulant : "il est mis en place un horaire hebdomadaire moyen de 33 heures 36 en cinq équipes successives selon un cycle continu. La réduction d'horaire s'accompagnera du maintien intégral du salaire de base, hors incidence des majorations pour astreintes qui continueront à être indemnisées en fonction de l'horaire effectivement suivi" ;

Que par note du 10 juin 1988, il est rappelé que la prime différentielle d'horaire a été instituée depuis le 1er février 1982 pour compenser totalement ou partiellement les réductions d'horaire du personnel "en normale", "et ce, pour la partie excédant la réduction d'horaire accordée au personnel en équipe ; qu'il est précisé qu'elle est attribuée au "personnel en normale" ;

Considérant que la simple lecture de ces textes démontrent que la CMH est destinée à compenser une perte de salaire propre au personnel travaillant en équipe du fait de la réduction particulière de leur horaire de travail, tandis que la prime différentielle est également une compensation liée à la perte de salaire découlant de la réduction de l'horaire de travail, mais liée cette fois aux conditions propres de travail des salariés travaillant en horaire normal ;

Qu'il s'ensuit que M. [S] [C], qui est depuis 2014 revenu à un horaire de travail normal non éligible au CMH, ne peut qu'être débouté de sa demande de rappel d'indemnité de ce chef et de l'indemnité de congés payés y afférents lié à la perte du CMH à compter du 1er janvier 2014 ;

Sur la modification du contrat de travail

Considérant que M. [S] [C] sollicite le paiement au titre des années échues depuis 2013 de la différence entre la rémunération qu'il a perçue au cours de cette dernière année et les rémunérations annuelles perçues en 2014, 2015 et 2016 moins importantes ; qu'en effet il soutient avoir fait l'objet d'une modification de son contrat de travail à raison du passage d'un horaire posté avec travail les week ends et jours fériés à un horaire normal, du passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, d'un temps de travail passant de 145,60 heures à 161,64 heures avec réduction de son salaire mensuel, en ce qu'il s'est vu supprimer plusieurs primes, à savoir la prime de samedi, la prime 100 % incommodité, l'indemnité de panier, des avantages en nature, et une majoration de 25 %, outre le remplacement du complément mensuel horaire par une prime différentielle ;

Considérant que la Société Renault SAS répond qu'elle a proposé en vain au salarié après l'externalisation de l'activité maintenance de la centrale une poste identique à celui qu'il occupait au sein de celle-ci, mais situé à [Localité 3] et [Localité 4] distant de 38 et 32 kilomètres de [Localité 1], soit dans le même secteur géographique, qu'elle aurait pu imposer cette mutation qui ne correspondait qu'à un changement des conditions de travail ; que l'intéressé avait préféré exercer de nouvelles fonctions à [Localité 1] et a accepté d'être chargé de service aux bâtiments, ce qui impliquait la suppression des accessoires de salaire liés à ses précédentes fonctions de technicien conduite centrale ;

Considérant qu'un échange de courriels entre l'employeur et le salarié du 16 décembre 2013 établit que le premier a fait différentes propositions de postes au second et que celui-ci a déclaré désirer être rattaché au poste auquel il a été muté sous réserve de l'application de l'accord "A vivre", ce qui est une obligation pour l'employeur ; que son plein accord est corroboré par les déclarations non contestées de la Société Renault SAS selon lesquelles M. [S] [C] avait préalablement décliné une proposition antérieure à des fonctions identiques à celles qu'il quittait, mais à 30 kilomètres de distance et dans le même bassin d'emploi ; que dans ces conditions en l'absence d'explications qui permettraient de priver cet accord exprès de portée, la modification du contrat de travail en cause doit être considérée comme acceptée par l'intéressé ;

Considérant que la diminution de la rémunération résultant de la réduction des sujétions et la perte des primes liées à celles-ci s'imposait comme une conséquence de ce choix qui impliquait de passer d'un horaire posté à un horaire normal qui nécessairement s'accompagnait d'un temps de travail de 161,64 heures ;

Considérant que cette nouvelle affectation impliquait aussi que le complément mensuel horaire dit CMH servi au salarié dans le cadre de son emploi précédant, associé au travail en cycle continu pour compenser les réductions d'horaire accordées au personnel en équipe, soit remplacé par la prime différentielle d'horaire mise en place pour compenser financièrement les réductions d'horaire du personnel en horaire normal ;

Considérant qu'il s'ensuit que le salarié sera débouté de ses demandes en paiement de la différence entre le salaire annuel qu'il a perçu après le 1er janvier 2014 et le salaire annuel qu'il a perçu en 2013, soit avant la mutation litigieuse ou en fixation d'un salaire actuel et futur par référence à la rémunération de l'ancien poste ;

Sur l'application de l'article 1 de l'accord "A vivre Renault"

Considérant que subsidiairement, M. [S] [C] se fonde, pour obtenir condamnation au paiement des sommes demandées à titre principal, sur l'article 1er de l'annexe de l'accord "A Vivre Renault" du 29 décembre 1989, qui prévoit le maintien de la rémunération du salarié dans certains cas de mutation ; que la Société Renault SAS estime que les conditions de ce texte ne sont pas remplies et qu'en tout état de cause, dès lors que le salaire de base n'a pas été modifié, le maintien de salaire tel que prévu par ce texte a été respecté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er en cause :

"Les membres du personnel bénéficient, quelle que soit leur catégorie professionnelle, des garanties individuelles suivantes en cas de changement de poste ou de reclassement :

1°/ modification technique de l'emploi tenu,

2°/ suppression d'emploi provoquée par un transfert ou une cessation d'activité d'un secteur de fabrication ;

3°/mutation rendue nécessaire provoquée par des déséquilibres momentanés des effectifs (présence d'excédents dans un secteur et d'emploi vacant dans un autre secteur (...)

(...)

L'entreprise s'engage à mettre tout en oeuvre pour procurer à l'intéressé un emploi de qualification et de niveau de rémunération équivalente (...) toutefois, cette recherche exigeant

des délais assez longs, les éléments suivants, dans la mesure où ils sont plus avantageux sont maintenus pendant une période d'un an à compter du jour où il a été signifié à l'intéressé que son activité ne correspond plus à sa rémunération :

- classification et catégorie professionnelle,

- coefficient hiérarchique.

- rémunération de base (mensuelle ou forfaitaire) revalorisée lors de chaque augmentation générale es appointements.

La différence entre le niveau de rémunération précédent et celui de la nouvelle activité fait- l'objet d'une prime mensuelle revalorisée lors de chaque augmentation générale des appointements.

(...)

Pour le personnel ayant atteint 50 ans, les éléments énoncés ci-dessus sont garantis sans limitation de durée" ;

Considérant, quant à l'analyse des conditions d'application de cette clause, que, selon des documents internes à l'entreprise versés aux débats, l'emploi de "technicien conduite centrale" consiste à :

- assurer aux différents utilisateurs une gestion technique centralisée fiable, effectuer tous les développements demandés après validation par le responsable des utilités ;

- assurer à l'équipe d'exploitation des Utilités la mise à disposition des moyens fiables nécessaires :

' à la distribution d'eau chaude, d'eau glacée, d'eau de refroidissement, d'eau d'incendie, d'eau d'arrosage, d'air comprimé, d'eau potable, de gaz naturel ;

' au traitement des eaux pluviales ;

' à la fontainette ;

' à l'arrosable automatique ;

- à assurer l'assistance à l'exploitation par :

' le remplacement physique de personnel absent en équipe du matin ou du soir ;

' la prise en charge de tâches ponctuelles d'assistance ;

- animer l'équipe d'exploitation pour assurer dans les meilleures conditions, la production et la distribution des fluides et des énergies sur la Technocentre jusqu'aux sous-stations ou postes de transformation des bâtiments" ;

Que le poste de chargé de services aux bâtiments comprend les prestations suivantes :

' faire appliquer la politique des maintenances des bâtiments ;

' mettre en oeuvre le suivi des contrats de maintenance ;

' réaliser les audits QCD sur les différents OT ;

' suivre des incidents pénalisant les conditions de travail ;

Considérant qu'ainsi la mutation d'un poste de technicien conduite centrale à un poste de chargé de services aux bâtiments dépendant d'une autre direction que la précédente ne peut s'analyser comme une "modification technique de l'emploi tenu" qui est le premier cas d'application de l'article 1 invoqué par le salarié ;

Considérant que les conditions de la mutation de M. [S] [C] ne correspondent pas non plus à la seconde hypothèse d'application de l'article 1 invoquée, à savoir "mutation rendue nécessaire provoquée par des déséquilibres momentanés des effectifs", puisqu'il s'agit d'une mutation découlant de l'externalisation du secteur où l'intéressé travaillait initialement avec disparition du GIE et sous-traitance à la société Cofely ;

Considérant quant à la troisième et dernière hypothèse envisagée par le salarié, à savoir "la suppression d'emploi provoquée par un transfert ou une cessation d'activité d'un secteur de fabrication", qu'il s'agit de savoir si l'espèce correspond à une cessation d'activité ou à un transfert d'activité d'un secteur de fabrication ;

Considérant, sur la notion de secteur de fabrication, que le préambule de l'accord inscrit celui-ci dans le souci d'utilisation optimale des compétences et d'offrir aux membres du personnel la possibilité d'exercer pleinement celles-ci et de les développer en fonction de différents impératifs ; que rien ne permet d'interpréter de manière limitative comme le voudrait l'employeur la notion de fabrication en excluant la production des fluides ;

Qu'il n'est pas expliqué en quoi l'esprit du texte exigerait de faire une telle distinction ;

Que la disparition du GIE au sein duquel travaillaient les salariés de la Société Renault SAS et l'octroi du marché à une société sous-traitante a abouti à la suppression de l'emploi de l'intéressé pour cessation d'activité au sein de l'entreprise Renault et transfert de l'activité à un tiers ; que le terme "transfert" utilisé par l'accord ne se réfère par à l'article L 1224-1 du code du travail puisqu'il n'envisage pas le transfert de contrat de travail ; que dans ces conditions c'est à juste titre que M. [S] [C] invoque l'article 1 de l'annexe 1 de l'accord ;

Considérant que le salarié, né en [Date naissance 1] 1960, était âgé de plus de 50 ans le 1er janvier 2014, lors de la suppression de son poste, de sorte qu'ainsi qu'en dispose l'article 1, 3° de ladite annexe, les garanties de salaire précitées offertes par ce texte sont accordées sans limitation de durée ;

Considérant qu'aux termes de cet article dispose qu'en règle générale l'intéressé conserve les éléments suivants :

- classification et catégories professionnelles ;

- coefficient hiérarchique,

- rémunération de base (mensuelle ou forfaitaire) revalorisée lors des augmentations générales ;

Qu'il n'est pas soutenu que ces trois éléments n'ont pas été maintenu ;

Considérant que l'article 1 explique que le salarié se voit maintenu sa rémunération de base, compte tenu notamment du maintien de sa classification et de son coefficient hiérarchique ; que cela n'inclut nullement les primes liées à son activité à savoir en l'espèce la prime 100 % incommodités, la prime de samedi, l'indemnité panier, l'avantage en nature, l'indemnité dite "maj 25 % dans théorique" dès lors qu'elles ne sont plus justifiées par les contraintes du nouveau poste ; qu'il n'est pas expliqué, ni allégué que l'emploi de chargé de services aux bâtiments supposait les mêmes contraintes et donc les mêmes primes que celui de l'ancien emploi de technicien conduite centrale ; que dans ces conditions, le salarié ne peut obtenir paiement de la différence entre son salaire antérieur et son salaire actuelle, l'écart entre les deux étant constitué par des primes qui ne sont plus dues ; qu'il sera donc débouté de ce chef ; que le même raisonnement s'applique au remplacement du CMH par la prime différentielle d'horaire ;

Sur l'application de l'article 2 de l'annexe de l'accord "A vivre Renault"

Considérant que M. [S] [C] invoque enfin à titre encore plus subsidiaire l'application de l'article 2 de l'annexe de l'accord "A vivre Renault", qui garantit le paiement d'une indemnité compensatrice de la perte de primes de nuisance ou d'incommodité à la suite d'une mutation ; qu'il sollicite en application de ce texte le paiement d'une somme de 21 350,52 euros outre 2 135,05 euros d'indemnité de congés payés y afférents qui résulterait d'un mauvais calcul par l'employeur de l'indemnité compensatrice en ce que, alors que celle-ci doit compenser la perte de la prime d'équipe et de la prime d'équipe de nuit, il a inclus dans celle-ci la prime de travail qui ne doit pas en faire partie ;

Considérant que la Société Renault SAS objecte qu'elle a appliqué ledit article 2, au-delà de ce qu'elle devait, puisqu'elle a maintenu par l'indemnité compensatrice, non seulement la prime d'équipe globale de nuit et la prime d'équipe, mais encore d'autres primes qui n'étaient plus dues, soit la prime de surveillance, la prime de vêtements de travail à un taux qui plus est supérieur à celui qui était dû, et l'indemnité de conditions de travail, tout en lui maintenant par ailleurs le complément pratique atelier ; qu'il explique que le salarié n'aurait dû percevoir que la somme de 135,59 euros par mois, alors qu'il lui a été versé 288,98 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'annexe 2 de l'accord :

"Dans le cas de la suppression d'une prime de nuisance ou d'incommodité consécutive à un changement de poste, la valeur mensuelle moyenne de ce complément de salaire sera assurée (...) Sous la forme d'une prime compensatrice dont le principe est le suivant :

- pendant une période d'un an, l'intéressé percevra l'intégralité de cette prime, revalorisée des augmentations générales de salaire,

- au terme de cette période, la valeur de cette prime sera bloquée au niveau atteint à cette échéance. (...)

Toutes les ressources supplémentaires qu'un salarié bénéficiaire d'une prime compensatrice pourra retirer de son nouveau poste, (que ce soit du fait de l'attribution de nouvelles primes, d'augmentation individuelle ou de promotion, à l'exception du complément de base) viendront s'imputer sur la prime compensatrice" ;

Considérant que l'employeur ne conteste pas que ce texte s'applique en l'espèce, tandis que les parties sont d'accord pour considérer que l'indemnité compensatrice devait permettre de maintenir les primes d'équipe et l'indemnité globale d'équipe de nuit ;

Considérant que la Société Renault SAS indique avoir maintenu ces deux primes à travers l'indemnité compensatrice en la grossissant d'autres primes qui n'avaient pas à entrer dans son calcul, ce qui ne suscite aucune dénégation précise de la part de son adversaire ; que l'affirmation de celui-ci selon laquelle sa prime aurait été sous-évaluée, ainsi que le démontrerait le fait que l'indemnité compensatrice intègre la prime de vêtement de travail qui en est indépendante est vague et sujette à interprétation et donc inopérante ;

Que M. [S] [C] n'étaye sa demande d'aucune explication précise et mathématique, tandis que les explications de son adversaire ne font l'objet d'aucune contestation quant au contenu exact de l'indemnité compensatrice ; que dans ces conditions, le salarié sera débouté de sa demande ;

Sur les demandes de dommages-intérêts au titre de la perte d'intéressement aux bénéfices et de l'exécution déloyale du contrat de travail

Considérant que M. [S] [C] sollicite la condamnation de son adversaire à lui payer d'une part la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte financière subie au titre de l'intéressement en 2015, en ce qu'il est tributaire du revenu brut de 2014 et d'autre part la somme de 5000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant des manquements de l'employeur quant à l'accord "A vivre Renault", du défaut de maintien du CMH ;

Que dès lors que le salarié succombe dans la démonstration de manquements de la Société Renault SAS, il ne peut qu'être débouté des demandes de dommages-intérêts en question ;

Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat relatif à l'amiante

Considérant que M. [S] [C] sollicite l'allocation de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice nécessairement né de la violation par l'employeur d'une obligation légale de sécurité, à raison de l'exposition de ses salariés à l'amiante, la prescription n'étant pas acquise dès lors que le point de départ de la prescription correspond au moment où les salariés ont appris qu'ils souffraient d'une affection liée à l'amiante, soit pour M. [S] [C] le 1er juillet 2014 ;

Considérant que l'employeur répond que la prescription doit au contraire être retenue par l'effet combiné de la prescription trentenaire et de la prescription quinquennale instaurée par la loi du 17 juin 2008 pour réduire le précédent délai ; que sur le fond, la Société Renault SAS oppose qu'elle a bien respecté la réglementation en matière d'amiante, que le salarié n'a pas travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui donne la liste de ceux qui sont reconnus comme exposés à l'amiante et ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante dite ACATA, qu'aucun préjudice n'est énoncé clairement ni démontré ;

Considérant que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence d'un risque, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;

Considérant qu'il résulte des certificats médicaux, attestation de prise en charge par l'employeur, et courriers de la PAM versés aux débats concernant le salarié et trois de ses collègues que :

- M. [Q] bénéficie d'un suivi médical post exposition à l'amiante ;

- M. [T] et M. [J] se sont vu reconnaître une maladie professionnelle du tableau n° 30 correspondant aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ;

- les consultations de pneumologie et examens médicaux de M. [C] ont été prises en charge par l'employeur ;

Considérant qu'un rapport d'analyse du Bureau Veritas du 17 août 2008 établit que des prélèvements effectués sur le bâtiment PLE ont révélé l'existence de fibres d'amiante ;

Considérant que certes la prescription ne serait pas acquise dans la mesure où son délai aurait pour point de départ le jour où le salarié a pris conscience de son préjudice et donc des risques d'affection, alors que la saisine du conseil des prud'hommes est du 6 mai 2014 ; que non seulement l'intéressé ne prouve pas avoir été personnellement exposé à la poussière d'amiante, mais encore il ne justifie pas de ce qu'il a pris conscience du risque à une date non couverte par la prescription ;

Considérant qu'en tout état de cause, il résulte de l'article L 4121-1 du Code du travail, de l'article 47 du Code civil et du principe de la réparation intégrale que le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d'anxiété ; que l'indemnisation accordée au titre d'un préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; que le salarié qui n'a pas travaillé dans l'un desdits établissements ne peut prétendre à une réparation du préjudice d'anxiété ;

Attendu qu'en invoquant le préjudice né nécessairement de l'exposition au risque de l'amiante, sans plus d'explication, alors qu'il travaille toujours pour la Société Renault SAS, le salarié se réfère nécessairement à un préjudice moral ; que cependant, il n'invoque aucun préjudice distinct du préjudice d'anxiété ni n'en justifie ; que sa demande en réparation du manquement à l'obligation de sécurité de résultat doit donc être rejetée ;

Sur le droit à DIF

Considérant que la salarié sollicite d'une part la condamnation de la Société Renault SAS à créditer un compte consacré au DIF de 120 heures, au motif que l'employeur s'est limité à imputer sur un compte de formation conventionnelle les actions de formation rendues nécessaires par l'adaptation du salarié à l'évolution de son poste et d'autre part la condamnation de la même société à lui payer la somme de 1 098 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une formation au titre du DIF ; qu'il soutient en effet que :

- le système de crédit d'heures de formation créé par accord collectif du 31 juillet 1999 ne poursuit pas le même objectif que le DIF, car loin de rechercher une formation à l'initiative du salarié, il tend à honorer l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur ;

- le Compte Epargne Formation découlant dudit accord s'intègre au plan de formation de l'entreprise et représente une contrepartie à la réduction du temps de travail ;

- le DIF créé en 2004 est venu se surajouter au droit à la formation institué par l'accord du 1999 ;

- alors que le DIF est portable en cas de départ de l'entreprise, les heures de formation cumulées sur le compte épargne formation sont payées ;

- l'absence de compte DIF a privé les salariés de formation depuis 2004 dans un domaine extérieur aux stricts besoins de l'entreprise ;

Considérant que la Société Renault SAS analyse le compte épargne Formation comme un dispositif plus favorable au salarié que le système légal, en ce que : le nombre d'heures est égal ou supérieur au minimum légal de 20 heures par an ; la capitalisation des heures de formation n'était pas plafonnée, alors qu'il l'est à hauteur de 120 heures sur 6 ans dans le système légal, en cas de départ de l'entreprise ; le droit à formation non utilisé est valorisé alors que tel n'est pas la cas des heures accumulées au titre du DIF ; le salarié acquiert des droits à formation dès la première année ; le droit à formation conventionnelle s'exerce essentiellement pendant les heures de travail effectif du salarié et est donc rémunéré à taux plein ; qu'il ajoute que l'article L 6323-9 du code du travail précise qu'en dehors du plancher d'heures de formation prescrit, la mise en oeuvre du dispositif légal résulte de dispositions seulement supplétives à défaut d'accord d'entreprise, à de rares exceptions près, que sont les "métiers days", la demande de formation est présentée par le salarié ou la hiérarchie, lors d'une réflexion menée en commun, sans que comme dans le système légal, l'employeur puisse refuser indéfiniment ; que les formations suivies au titre du DIF peuvent comme dans le cadre de la formation conventionnelle relever du plan de formation de l'entreprise, s'agissant particulièrement des formations d'adaptation au poste de travail ou aux évolutions de l'emploi ;

Que la Société Renault SAS estime que la formation conventionnelle n'est pas une contrepartie du travail au-delà de 35 heures, dès lors qu'une partie du temps de travail alimentant le CEF n'était pas du temps de travail effectif ;

Considérant que le préambule de l'Accord Renault sur l'emploi, l'organisation et la réduction du temps de travail énonce qu'elle a décidé de s'engager pour assurer sa compétitivité dans une démarche négociée portant sur l'emploi, la formation et le temps de travail en trouvant dans l'intérêt des salariés et de l'entreprise des organisations novatrices ; que concernant le temps de travail l'accord ajoute :

- "Sa réduction est rendue possible parce qu'elle s'accompagnera d'aménagement du temps de travail permettant de mieux répondre à la demande pendant cinq ans, le départ progressif de salariés en fin de carrière et le recrutement d'un nombre important de salariés plus jeunes et en maîtrisant le coût pour l'entreprise inhérent à cette réduction" ;

- "Pour accompagner ces changements, Renault doit développer les compétences de chacun, gage d'efficacité et d'épanouissement professionnel, au travers d'une politique de formation ambitieuse et plus individualisée. Pour atteindre cet objectif, il est instauré un droit individuel à la formation garanti par la mise en place d'un compte épargne formation" ;

Considérant que la lecture de ces clauses permet d'analyser l'organisation d'un droit à la formation conventionnelle comme formant un tout avec la réduction du temps de travail organisée à l'époque, s'agissant d'une pièce importante d'un dispositif d'ensemble dont elle assure l'équilibre ; qu'à ce premier titre le CEF est un avantage qui ne peut être absorbé par une autre dispositif indépendant du temps de travail, venu postérieurement et dont il n'est donc pas une modalité de mise en oeuvre ;

Considérant que cet accord dispose en outre :

"la formation est une décision importante de la hiérarchie et du salarié qui vise à développer les compétences ou anticiper le parcours professionnel de l'intéressé.

"Ce droit s'exerce dans le cadre du plan de formation, soumis à l'information et à la consultation du comité d'établissement et du budget de formation.

"La demande de formation est présentée par le salarié ou la hiérarchie lors d'une réflexion menée en commun sur le développement des compétences ou à l'occasion de l'entretien annuel" ;

Considérant que selon l'article L 6323-9 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, la mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié en accord avec son employeur ; que les articles L 6323-10 et suivants exposent l'issue qui doit être donnée en cas de refus de l'employeur de satisfaire aux voeux du salarié durant deux exercices civils consécutifs ; qu'aucune garantie de cette sorte ne se retrouvent dans le dispositif conventionnel ;

Considérant que les deux régimes diffèrent aussi en ce que le régime légal est portable dans les conditions fixées par les articles L 6323-17 du code du travail et le régime conventionnel permet de transformer le capital temps de formation en congés lors du départ de l'entreprise comme d'ailleurs au cours de l'exécution du contrat selon l'article 4.7 de l'accord du 2 avril 1999 ;

Considérant qu'il s'ensuit que le CEF ne peut être assimilé au DIF et que c'est à juste titre que le salarié sollicite que soit créé un compte consacré au DIF ;

Considérant que la Société Renault SAS oppose la prescription issue de l'article L 3245-1 du code du travail selon lequel l'action en paiement et en répétition de salaire se prescrit par cinq ans ; que toutefois, l'approvisionnement d'un compte ne saurait être assimilé au paiement d'un salaire, l'objet d'un compte étant précisément d'accumuler des droits ;

Que par conséquent il sera ordonné de créditer un compte au salarié dans les conditions qu'il revendique ;

Considérant que l'absence de création du compte relatif au DIF depuis l'instauration de celui-ci en 2004, l'a empêché d'en profiter depuis lors, et ne lui permet de l'utiliser que pour l'avenir, ce qui constitue une perte de chance de se former à cette époque ; que ce préjudice ne correspond en rien avec le coût de la prise en charge par les organismes collecteur paritaires agréés, puisqu'il réside dans le préjudice né d'un déficit de formation et non dans le coût de celle-ci ; qu'il en résulte un préjudice qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 200 euros ;

Considérant que subsidiairement, M. [S] [C] soutient que 14 heures de formation doivent être réintégrées à son CEF, dans la mesure où elles ont été imposées par l'employeur en violation de l'accord du 2 avril 1999 et où ne doivent pas être prises en compte les actions qui ont pour objet l'adaptation du salarié à son poste ;

Considérant que la Société Renault SAS répond que si certains rares modules de formation même les "métiers days" étaient imposés et débités du compte CEF, tel n'était pas le cas des autres ;

Considérant qu'ainsi que le relève le conseil des prud'hommes, il n'est pas établi que des heures de formations imposées au salarié ou ont été débitées du CEF pour une formation au titre de l'adaptation du poste à son salarié, alors qu'au surplus le régime conventionnel n'excluait pas une formation coïncidant avec l'adaptation du salarié à son poste ; qu'il s'ensuit que l'intéressé sera débouté de sa demande tendant à voir créditer son compte CEF de 14 heures ainsi que de sa demande en paiement de 1 000 euros en réparation du préjudice causé ;

Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud Renault Guyancourt Aubevoye

Considérant que le syndicat Sud Renault Guyancourt sollicite l'allocation de la somme de 3 000 euros par salarié en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession à raison de la méconnaissance de l'accord collectif du 31 juillet 1999 sur le CEF et sur l'accord "A vivre Renault" ;

Considérant qu'aucune violation de celui-ci n'ayant été relevée, le syndicat ne peut obtenir d'indemnisation le concernant ;

Considérant qu'en revanche, le manquement de l'employeur réside dans une utilisation dévoyée d'un accord collectif pour priver les salariés d'un droit légal ; qu'il sera accordé en réparation à cet organisme la somme de 200 euros en réparation ;

Sur la remise des documents de fin de contrat

Considérant qu'au regard des motifs qui précèdent il convient d'ordonner la délivrance au salarié d'un nouveau certificat de travail qui mentionnera les droits à DIF ; que les autres documents ne sont pas nécessaires compte tenu du rejet des prétentions adverses concernées par les bulletins de salaire et l'attestation Pôle-Emploi ; qu'il n'y a pas lieu de fixer une astreinte ;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner l'employeur à verser la somme de 100 € au salarié et le même montant au syndicat au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant à nouveau au titre des frais irrépétibles d'appel en faveur pour chacun ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement déféré sur la demande de M. [S] [C] en paiement de rappel de salaire pour 2014 et de l'indemnité de congés payés y afférents, sur la demande de crédit sur le DIF et sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF ainsi qu'en paiement de la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et sur la demande de dommages-intérêts du syndicat Sud Renault Guyancourt ;

Déboute M. [S] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre de l'année 2014 et de l'indemnité de congés payés y afférents ;

Ordonne qu'il soit mis au crédit de M. [S] [C] de 120 heures au titre du DIF ;

Condamne la Société Renault SAS à payer à M. [S] [C] la somme de 200 euros au titre de la perte du droit à DIF ;

Condamne la Société Renault SAS à payer au syndicat Sud Renault Guyancourt la somme de 200 euros de dommages-intérêts au titre de l'atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession ;

Condamne la Société Renault SAS à payer à M. [S] [C] la somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Déboute M. [S] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre des années 2015, 2016 ;

Déboute la Société Renault SAS de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la Société Renault SAS à payer à M. [S] [C] la somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la Société Renault SAS aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00985
Date de la décision : 21/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00985 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-21;16.00985 ?
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