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14/03/2017 | FRANCE | N°16/02521

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 14 mars 2017, 16/02521


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 86D



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2017



R.G. N° 16/02521



AFFAIRE :



SAS EQINOX HEALTHCARE FRANCE anciennement dénommée SEPROPHARM INTERNATIONAL





C/

SAS PRECIPHAR





COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE EQINOX HEALTHCARE FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Tribunal de Grande Insta

nce de NANTERRE

N° RG : 16/00604



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Monika SEIDEL-MOREAU de l'AARPI GINESTIE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 86D

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2017

R.G. N° 16/02521

AFFAIRE :

SAS EQINOX HEALTHCARE FRANCE anciennement dénommée SEPROPHARM INTERNATIONAL

C/

SAS PRECIPHAR

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE EQINOX HEALTHCARE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 16/00604

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Monika SEIDEL-MOREAU de l'AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Me Anne Laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS EQINOX HEALTHCARE FRANCE anciennement dénommée SEPROPHARM INTERNATIONAL

N° SIRET : 352 14 2 1 033

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES et par Me Bouziane BEHILLIL de la SELEURL CAMBACERES Avocat, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

SAS PRECIPHAR

N° SIRET : 428 927 966

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Monika SEIDEL-MOREAU de l'AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SOCIETE EQINOX HEALTHCARE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Anne laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES et par Me Christophe RAMOGNINO de l'AARPI RMF Avocats Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Janvier 2017, Monsieur Denis ARDISSON, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCEDURE,

La société EQINOX (SEPROPHARM) prestataire de la société ASTRAZENECA pour la promotion de ses produits pharmaceutiques à la RÉUNION, la MARTINIQUE ; la GUADELOUPE et la GUYANE, a été informée le 1er décembre 2014 par la société ASTRAZENECA de la remise en concurrence du contrat de prestations de services qui les liaient.

La société ASTRAZENECA, à la suite d'un appel d'offres du mois de juin 2015 auquel a répondu, le 20 juillet 2015, la société EQINOX (SEPROPHARM), a écarté cette dernière au profit de la société PRECIPHAR. Un contrat commercial a été signé entre la société ASTRAZENECA et la société PRECIPHAR avec effet au 1er janvier 2016.

Par lettres des 16 décembre et 22 décembre 2015, la société EQINOX (SEPROPHARM), évincée, a demandé à la société PRECIPHAR de reprendre 7 de ses salariés en application de L 1224-1 du code du travail,sur les 18 affectés à l'activité AZTRAZENECA, 11 ayant rejoint la société PRECIPHARM. . Elle a essuyé un refus.

La société EQINOX (SEPROPHARM) a alors assigné à jour fixe (11 et 13 janvier 2016) la société PRECIPHAR, en présence du comité d'entreprise d'EQINOX (SEPROPHARM), devant le tribunal de grande instance de NANTERRE.

La société EQINOX (SEPROPHARM) a sollicité devant cette juridiction :

in limine litis

- la reconnaissance de sa compétence et non celle du tribunal de commerce ;

sur le fond

- ordonner la production du contrat commercial passé entre la société ASTRAZENECA et la société PRECIPHAR ainsi que le dossier de réponse de cette dernière à l'appel d'offre de juin 2015,

- constater la violation, par la société PRECIPHAR, de l'article L 1224-1 du code du travail par fraude,

- dire et juger que cette fraude engage la responsabilité de la société la société PRECIPHAR au visa de l'article 1382 du CC,

en conséquence

- dire et juger reprendre ses 7 salariés affectés à la promotion, des produits ASTRAZENECA,

- condamner la société PRECIPHAR sous astreinte (avec possibilité de la liquider) de 15 000€ par jour de retard, à reprendre les 7 salariés,

en tout état de cause

- désigner un expert pour évaluer son préjudice financier,

- condamner la société PRECIPHAR à verser une provision de 300 000 euros sur les dommages et intérêts pour préjudice matériel (coût du maintien des salariés) et à 200 000 euros (coût des 7 licenciements)

- condamner la société PRECIPHAR à verser 150 000 euros au titre du préjudice moral

le tout avec les intérêts, une indemnité de procédure, l'opposabilité du jugement au comité d'entreprise de la société EQINOX (SEPROPHARM), l'exécution provisoire et les dépens

La société PRECIPHAR a répliqué et a sollicité du tribunal de commerce de NANTERRE.

in limine litis

- la reconnaissance de la compétence du tribunal de commerce et non celle du tribunal de grande instance ;

à titre principal

sur le fond

- débouter la société EQINOX (SEPROPHARM) de toutes ses demandes

- dire n'y avoir lieu à expertise,

- dire que le comité d'entreprise de la société EQINOX (SEPROPHARM) ne peut pas être partie à l'instance, et le débouter de ses demandes

à titre subsidiaire,

- dire que les conditions de l'art L.1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, ni celles de l'article 1382 (ancien) du code civil,

- dire que la société EQINOX (SEPROPHARM) ne rapporte pas la preuve de la nécessité d'une expertise

en tout état de cause

condamner la société EQINOX (SEPROPHARM) à une indemnité de procédure.

Le comité central d'entreprise de la société EQINOX (SEPROPHARM) a demandé à la juridiction de première instance de :

- dire recevable son intervention forcée comme étant accessoire aux prétentions de la société EQINOX (SEPROPHARM)

- donner acte de ce qu'il soutient les demandes la société EQINOX (SEPROPHARM)

- dire que du fait des manquements de la société PRECIPHARM, la société EQINOX (SEPROPHARM) n'a pu le consulter sur le transfert d'activité et ses conséquences,

en conséquence

- dire qu'il a subi un préjudice personnel et distinct,

- condamner la société PRECIPHARM à 1 euro et une indemnité de procédure

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de NANTERRE, s'est prononcé ainsi :

- sur l'exception d'incompétence

a rejeté l'exception au motif qu'il ne s'agissait pas d'un litige commercial mais d'une contestation entre deux sociétés sur l'application de l'article L 1224-1 du code du travail qui relevait de sa compétence au visa de l'article L 211-3 du code de l'organisation judiciaire,

- sur la fin de non recevoir des demandes du comité d'entreprise

a déclaré irrecevable le comité en son action, ne pouvant reprocher à une société tierce (PRECIPHARM) d'avoir méconnu à son égard les dispositions légales d'information - consultation alors que la société EQINOX (SEPROPHARM), informée dès le mois de décembre 2014, de la remise en cause du contrat, pouvait procéder à cette information consultation sans attendre de connaître le nom du repreneur.

- sur la demande de communication de pièces

a rejeté la demande de communication de pièces sollicitées considérant que cela constituerait une atteinte au secret des affaires.

- sur le fond

a débouté la société EQINOX (SEPROPHARM) de ses demandes, considérant que les conditions de transfert au sens de l'article L 1224-1 du code du travail n'étaient pas réunies.

La société EQINOX (SEPROPHARM) a été condamnée à une indemnité de procédure et aux dépens.

La société EQINOX (SEPROPHARM) a régulièrement interjeté appel de la décision

Par conclusions visées et soutenues à l'audience, la société EQINOX (SEPROPHARM), soutenant que les dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail sont d'ordre public, qu'il y a eu fraude à la loi, que les conditions d'application de cet article sont remplies en ce qu'il y a transfert d'une entité économique autonome sous forme d'un ensemble organisé d'éléments corporels et incorporels et de personnes, poursuivant un même objectif, sollicite, in limine litis, la confirmation sur le rejet d'exception d'incompétence, l'infirmation du jugement pour le surplus, sollicite la cour, statuant à nouveau, sur le fond, d'ordonner la production du contrat commercial passé entre les sociétés AZTRAZENECA et PRECIPHAR (effectif au 1er janvier 2016) ainsi que le dossier de réponse de cette dernière à l'appel d'offre de juin 2015 ; de constater la violation par la société PRECIPHAR de l'article L 1224-1 du code du travail par fraude; de dire et juger que cette fraude engage la responsabilité de la société PRECIPHAR au visa de l'article 1382 du code civil ; en conséquence, condamner la société PRECIPHAR aux mêmes demandes qu'en première instance pour le préjudice matériel et le préjudice moral avec les intérêts, prononcer l'opposabilité du jugement à son comité d'entreprise, condamner la société PRECIPHAR à une indemnité de procédure et aux dépens, dire qu'après le dépôt du rapport (d'expertise) chacune des parties aura la faculté de réintroduire l'instance pour fixation d'une audience pour apprécier le dommage.

Le comité central d'entreprise de la société EQINOX (SEPROPHARM), intervenant volontaire, sollicite l'infirmation du jugement et fait valoir les mêmes moyens et arguments qu'en première instance en s'associant aux demandes de la société de la société EQINOX (SEPROPHARM).

Par conclusions visées et soutenues à l'audience, la société PRECIPHAR, in limine litis, sollicite la cour de déclarer n'y avoir lieu à expertise, de déclarer que le comité d'entreprise de la société EQINOX (SEPROPHARM) ne peut être partie à l'instance, et de le débouter de toutes ses demandes ; sur le fond , de constater qu'il n'y pas eu de transfert au sens de l'article L 1224-1 du code du travail, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, de la condamner à une indemnité de procédure.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour l'exposé détaillé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

In limine litis

Sur l'exception d'incompétence

La société PRECIPHAR ne ne soulève plus l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal de commerce.

Le jugement entrepris qui retient, à juste titre, la compétence du tribunal de grande instance sera confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité de l'action du comité central d'entreprise de la société SEPROPHARM

La société PRECIPHAR oppose une fin de non-recevoir à l'intervention volontaire du comité central d'entreprise de la société EQINOXE (SEPROPHARM) pour défaut d'intérêt à agir au nom et à la place des salariés pour demander l'application de l'article L 1224'1 du code du travail.

Le comité central d'entreprise justifie son intervention volontaire au motif qu'il aurait un intérêt à agir en sa qualité de représentant des intérêts des salariés considérant que ses intérêts propres auraient été bafoués par la société PRECIPHAR intimée. Le comité central d'entreprise précise que la perte du marché représente une diminution de 2 millions d'euros du chiffre d'affaires et a donc des conséquences sur la marche de l'entreprise. Il expose qu' il aurait dû être à cet égard consulté non seulement sur la perte de marché mais sur les conséquences de la non-application des dispositions de l'article L 1224'1 du code du travail, susceptibles d'entraîner des licenciements pour motif économique des salariés non repris. Il poursuit que cette absence de consultation, dûs aux agissements de la société PRECIPHAR, porte atteinte à ses intérêts propres.

Le comité central d'entreprise ne ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action justice au nom des salariés de l'entreprise lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause

L'action du comité central d'entreprise vise à engager la responsabilité de la société PRECIPHAR et sa condamnation à un euro symbolique de dommages intérêts.

Or, l'obligation d'information et de consultation, pèse sur la société EQINOXE (SEPROPHARM) et non sur la société PRECIPHAR quand bien même celle-ci aurait empêché celle-là de procéder à l'information et à la consultation ce qui n'est pas démontré.

La société EQINOXE(SEPROPHARM) produit une lettre signée des membres titulaires du comité central d'entreprise non datée qui fait suite à la réunion du comité central d'entreprise extraordinaire du 6 janvier 2016 au terme de laquelle les membres du CCE déclarent soutenir la direction dès lors qu'elle agira dans l'intérêt des salariés dédiés exclusivement au laboratoire Astrazeneca afin qu'ils soient tous repris par le nouveau prestataire avec l'ancienneté et tous leurs acquis sociaux. Cette lettre précise que dans le cas où ces délégués médicaux ne seraient pas repris, les membres du CCE s'engagent à mettre tout en 'uvre pour que leurs droits soient scrupuleusement respectés.

Il en résulte que la véritable motivation du comité central d'entreprise n'est pas de défendre ses propres intérêts mais ceux des salariés qu'ils représentent. Son action doit être déclaré irrecevable

Le jugement entrepris sera confirmé et le comité central d'entreprise sera débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la demande d'expertise

Dans ses écritures récapitulatives signifiées par RPVA le 12 janvier 2017, l'appelante ne sollicite pas dans son dispositif de mesure d'expertise. Toutefois elle y fait indirectement référence car elle sollicite de la cour de dire qu'après « le dépôt du rapport de dire que chacune des parties aura la faculté de réintroduire l'instance au fond.... dont l'objet sera notamment d'arrêter ou contester l'estimation de l'intégralité du préjudice qui sera le cas échéant déterminé par l'expert ». Par ailleurs, dans sa motivation la société EQINOX(SEPROPHARM) sollicite la désignation d'un expert judiciaire avec mission, notamment, d'examiner l'ensemble des conséquences financières du refus de la société PRECIPHAR d'exécuter ses obligations d'ordre public et des man'uvres frauduleuses engagées par elle avec communication des éléments relatifs aux coûts afférents à la poursuite de l'exécution du contrat des salariés après le 1er janvier 2016, aux coûts causés par le refus d'exécuter ses obligations par la société PRECIPHAR du fait de la désorganisation de la société EQINOX, au coût des licenciements économiques collectifs auxquels auquel l'appelante devra procéder.

La cour relève par ailleurs que la société PRECIPHAR, intimée, sollicite, dans ses écritures responsives signifiées le9 janvier 2017, de déclarer qu'il n'y a pas lieu à expertise dans le présent litige.

À supposer que l'appelante ait souhaité solliciter une mesure d'expertise dans les termes exprimés dans sa motivation, la cour estime que cette demande, outre qu'elle est insuffisamment précise dans son dispositif qui lie la cour, pour lui permettre de l'examiner utilement, ne se justifie pas car la société EQINOXE (SEPROPHARM) dispose, en sa qualité d'employeur, de toutes les informations nécessaires pour établir son préjudice s'agissant d'évaluer le coût du maintien des contrats de travail de ses propres salariés concernés après le 1er janvier 2016 ou d'évaluer le coût des licenciements économiques de ces mêmes salariés. A cet égard , elle produit deux tableaux (pièces 27 et 39) respectivement intitulés « coûts des licecniements » et « évaluation du préjudice »

Cette demande d'expertise sera rejetée.

Sur le fond

Sur la demande des communication du contrat commercial et de l'appel d'offres

La société EQINOXE(SEPROPHARM) sollicite la communication, au débat, du contrat commercial signé entre la société PRECIPHAR et la société AZTRAZENECA entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Elle sollicite également la réponse de la société PRECIPHAR à l'appel d'offres de juin 2015 émis par la société . Elle justifie cette communication au motif que la société intimée en ferait état dans ses propres écritures (pages 5, 14 et 15) ce qui est inexact, et que ces documents seraient utiles à la solution du litige sans toutefois aller au-delà de la simple affirmation.

Dans ce contexte, il ne sera pas fait droit à la demande de la société appelante, à qui appartient la charge de la preuve de ses prétentions, de communiquer des documents commerciaux dont la préservation de la confidentialité est nécessaire, spécialement dans un contexte d'appel d'offres, sauf fraude ce que ne démontre pas la société appelantesoit 0,00 Eurossoit 0,00 Euros.

La demande de communication sera rejetée et le jugement entrepris confirmer sur ce point.

Sur l'application de l'article L 1224-1 du code du travail

Aux termes de l'article L 1224'1 lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur notamment par succession vente fusion transformation du fonds mis en société de l'entreprise tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L'article L. 1224'1 est d'ordre public et s'impose aux salariés comme aux chefs d'entreprise.

Les dispositions de cet article s'appliquent même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs.

Cet article ne reçoit application qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur qui ne peut résulter de la seule perte d'un marché.

Le transfert doit porter sur une entité économique autonome définie par la jurisprudence comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels, permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue ; le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

La société EQINOXE(SEPROPHARM) soutient que les conditions d'application de l'article L 1224'un du code du travail sont remplies au motif que l'activité considérée poursuit un objectif propre (la promotion des produits) ; que les conditions de réalisation de cette activité transférée sont identiques ; que la structure et la direction de cette activité sont assurées par deux directeurs régionaux autrefois salariés de la société EQINOXE(SEPROPHARM) , que ce transfert s'est accompagné du transfert d'éléments corporels et incorporels, même indirects, notamment par l'accaparement du savoir-faire des salariés qui ont été incités à rejoindre la socité PRECIPHAR.

La société PRECIPHAR fait valoir que les conditions de l'article L 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies en l'espèce.

Il sera d'abord rappelé que la société EQINOXE(SEPROPHARM) ne sollicite plus le transfert des sept salariés au sein de la société PRECIPHAR mais demande la condamnation de cette dernière à supporter le préjudice matériel et moral qu'aurait subi la société EQINOXe du fait de la perte du marché et du non respect des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Il y a lieu d'examiner les conditions d'applicabilité de l'article L 1224-1 au cas d'espèce

- L'activité objet du marché

Des documents versés aux débats, il résulte que l'activité objet du marché perdu par l'appelante et gagné par l'intimée correspond à l'activité de promotion des produits pharmaceutiques de la société ASTRAZENECA sur la Réunion, la Martinique, la Guyane, la Guadeloupe et la Polynésie par le biais de visiteurs médicaux.

Selon les états financiers produits par la société EQINOXE (SEPROPHARM) cette activité représentait en 2013, 28 % de son chiffre d'affaires net et 27 % en 2014. Son effectif salarié au 31 décembre 2014 était de 95 personnes.

L'activité ASTRAZENECA mobilisait au sein de la société EQINOXE (SEPROPHARM),en dernier lieu, 18 personnes au sein des effectifs de la société EQINOXE dont 11 ont démissionné pour rejoindre le nouveau prestataire et 7 ont été licenciés ou reclassés.

Les derniers contrats de prestations de sevices passés entre la société ASTRAZENECA et la société EQINOXE, ont été signés concomitamment, le 10 janvier 2014, pour chacun des territoires et ont pour objet de réaliser un certain nombre de contacts auprès des médecins selon une répartition quantitative et géographique définie dans le contrat. Le prestataire s'engage également à effectuer l'analyse des besoins d'ASTRAZENECA et à lui proposer les solutions les plus adaptées à l'optimisation de prestations en termes de secteurs, nombre de collaborateurs, cibles et d'effectuer le suivi informatique relatif à chaque secteur géographique et aux produits fabriqués par le laboratoire

Ce contrat prévoit la fourniture par la société ASTRAZENECA au prestataire de la documentation associée médicaments conformément à la réglementation. Le contrat prévoit que le prestataire désigne en début de mission un responsable du bon déroulement et de l'achèvement de celle-ci ce responsable représenterant le prestataire auprès du laboratoire. Le laboratoire doit désigner un interlocuteur permanent auprès du prestataire compétent et décisionnaire. Le prestataire s'engage à fournir au laboratoire des rapports de visite des comptes-rendus d'activité des rapports de synthèse au fil de l'exécution du contrat. Le prestataire s'engage à mettre en place et maintenir pendant la durée du contrat tout son savoir-faire, sa compétence et tous les moyens techniques et humains nécessaires à l'accomplissement de sa mission dans le cadre d'une obligation de résultat. Le prestataire s'engage à disposer d'une équipe suffisante en nombre et en qualification et dont il détermine seule la composition. Le prestataire s'engage également à ce que chacun des membres de son équipe affectée à la réalisation de la mission dispose d'un profil répondant aux exigences de formation requise pour exercer la profession et qu'il soit titulaire d'un diplôme de visite médicale ou équivalent, qu'il dispose des compétences spécifiques dans le domaine thérapeutique du produit commercialisé ainsi qu'une formation spécifique adaptée aux produits. Le prestataire s'engage à ce qu'aucun membre de son équipe ne soit affecté pendant la durée du contrat à une mission du même type pour un produit concurrent du produit de la société ASTRAZENECA. Celle-ci s'engage à former les salariés du prestataire à ses produits.

Les prestations attendues du soumissionnaire à l'appel d'offres du mois de juin 2015 ne sont pas différentes pour l'essentiel de celles prévues aux contrats passés entre la société ASTRAZENECA et la société EQINOXE (SEPROPHARM) éxaminées ci-dessus et du cahier des charges communiqué en juin 2015 aux candidats.

Les contrats de travail du personnel affecté au marché ASTRAZENECA prévoient que le salarié a pour obligation de visiter toute personne utile au développement des ventes des produits ASTRAZENECA. Toutefois, la société EQUINOXE (SEPROPHARM)s'est réservée le droit de confier au salarié la promotion de produits d'autre laboratoires.

Sur l'ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels poursuivant une activité économique avec un objectif propre

- une activité économique avec un objectif propre

L'analyse des relations contractuelles de l'appel d'offres et du cahier des charges versés au débat, conduit à considérer que l'activité reprise par la société PRECIPHARM est similaire à celle antérieurement exercée par la société EQINOXE au profit de la société AZTRAZENECA .

- les ressources humaines

Des pièces communiquées, il ne peut être déduit que les 18 personnes étaient exclusivement affectées à l'activité de la promotion des produits ASTRAZENECA. La société ASTRAZENECA n'exigeait pas un nombre minimum de personnes pour effectuer, dans les territoires convenus, la promotion de ses produits ; sa seule exigence étant de disposer d'un interlocuteur unique et de visiteurs médicaux professionnellement qualifiés pour assurer la promotion de ses produits. La société EQINOXE avait prévu au contrat de travail la possibilité pour les salariés concernés de travailler pour un autre laboratoire.

La société EQINOXE reproche à l'intimée d'avoir en toute connaissance de cause violé les dispositions d'ordre public et mis en place un système frauduleux de démissions et d'ambauches concomitantes. Il n'est pas contesté que sur les 18 salariés que comptait l'équipe, 11 ont rejoint le nouveau prestataire. Il résulte des pièces versées aux débats que le nouveau prestataire a diffusé des offres d'emploi pour recruter du personnel sans qu'il soit précisé qu'il s'agissait d'assurer la promotion des produits Aztazeneca. Les éléments versés par l'appelante sont des lettres échangées entre le nouveau prestataire et des salariés de l'ancien, et des correspondances échangées entre l'appelante et ses propres salariés au mois de décembre 2015 et janvier 2016, postérieurement à la notification (2 novembre 2015) par la société ASTRAZENECA à la société EQINOXE de la perte de son marché. Ces lettres sont des lettres de démissions de salariés sollicitant de leur employeur, la société EQINOXE (SEPROPHARM) d'écourter leur préavis pour leur permettre de rejoindre la société PRECIPHARM. Sauf pour un salarié (M.[O]) la société EQINOXE (SEPROPHARM) imposera le respect du préavis de 3 mois bien que les salariés n'aient plus beaucoup d'activité du fait de la perte du marché. Cette attitude paradoxale de l'employeur affirmant dans ses écritures que l'article L 1224-1 du code du travail a été édicté dans l'intérêt des salariés, conduira nombre de ces salariés à prendre acte de la rupture de leur contrat afin de rejoindre le nouvel employeur. Une salariée ( Madame [M], agée de 51ans, ayant deux enfant à charge) qui avait bénéficié d'une promesse d'embauche du nouveau prestataire à condition d'être libre de tout engagement, sera finalement licenciée. Son employeur ayant refusé de la dispenser de son préavis, le nouvel employeur n'a pu maintenir sa promesse d'embauche et a procédé au recrutement d'une autre personne.

La société EQINOXE (SEPROPHARM)ne rapporte pas la preuve d'un débauchage et d'une fraude organisée pour échapper à l'application de l'article L 1224-1 du code du travail.

En l'espèce, la reprise par le nouveau prestataire d'une partie significative de l'équipe du précédent ne suffit pas à caractériser en soi le transfert d'une entité économique autonome.

- le maintien de la structure et de la direction de l'entité après le transfert

Si les deux directeurs ont été repris par le nouveau prestataire, il y a lieu de relever que la société EQINOXE (SEPROPHARM) ne démontre pas l'existence préalable d'une autonomie de gestion fcomptable ou budgétaire de cette activité, ni même une autonomie fonctionnelle permettant aux deux responsables de cette activité d'organiser ladite activité de manière autonome au sein de la société EQINOXE.

L'existence d'une telle structure dans la société d'origine ne ressort pas notamment d'explications sur le mode de fonctionnement de celle-ci. Par conséquent il ne peut être considéré qu'une structure autonome a été maintenue.

- les actifs corporels

La société EQINOXE soutient que l'activité transférée nécessitait l'utilisation d'éléments corporels comme par exemple des véhicules, des équipements téléphoniques ou informatiques permettant le suivi administratif des supports documentaires, des formulaires de formation ou d'évaluation des salariés.

Toutefois elle ne démontre pas l'existence d'élémnents d'actif nécessaires et exclusivement affectés à l'activité considérée.

- les actifs incorporels

La société EQINOXE (SEPROPHARM) soutient que le transfert de l'actif incorporel peut-être indirect et cite à cet égard la documentation mise à la disposition par la société ASTRAZENECA auprès des visiteurs médicaux salariés de la société EQINOXE. Cette mise à disposition d'éléments nécessaires mais accessoires à la promotion des produits ne peut caractériser en soi un transfert de moyens matériels au sens de l'article L 1224-1 du code du travail.

La société EQINOXE soutient également que le savoir-faire de ses salariés affectés au marché concerné était un savoir-faire spécifique devant être considéré comme un actif incorporel nécessaire à l'activité transférée. Ce savoir-faire est entendu par la société EQINOXE comme l'expérience professionnelle acquise par les salariés à l'occasion de la promotion des produits ASTRAZENECA. Or il ya lieu de distinguer le savoir faire qui résulte de l'expérience professionnelle acquise par le visiteur médical au long de sa vie professionnelle, de l'acquisition ponctuelle de connaissances des produits ASTRAZENECA afin d'en assurer la promotion. Le savoir faire, hérité de l'expérience professionnelle, permet au visiteur médical d'assurer la promotion de produits pharmaceutiques de différents laboratoires et pas seulement des produits ASTRAZENECA.

En l'espèce le savoir-faire du visiteur médical , constituant un actif économique incorporel de son employeur, n'est pas nécessairement et exclusivement attaché à la promotion des produits ASTRAZENECA .

Même si l'activité de promotion pharmaceutique repose essentiellement sur les ressources humaines, et pourrait correspondre à une entité économique susceptible de maintenir son identité par delà son transfert, c'est d'une part, à la condition que ce personnel mette en oeuvre des connaissances techniques ou un savoir faire qualifié spécifiquement attaché à l'activité transférée, constituant ainsi un actif économique incorporel attaché à cette activité, et d'autre part à la condition que la société EQINOXE (SEPROPHARM) rapporte la preuve d'un transfert d'éléments corporels ou incorporels, significatifs, et nécessaires à l'exploitation de cette activité, ce qu'elle ne fait pas. Ainsi, les bilans, les comptes de résultat ainsi que leurs annexes de la société EQINOXE (SEPROPHARM) correspondant aux exercices 2013 et 2014 n'isolent pas l'activité AZTRAZENECA qui représentait, en 2014, 27 % de son chiffre d'affaires.

*

Il résulte de ce qui précède que si la société EQINOXE (SEPROPHARM) conformément à ses obligations contractuelles a affecté les moyens humains et matériels à la promotion des produits Aztrazeneca, elle ne rapporte pas la preuve que cette activité s'accomplissait au travers d'une entité économique autonome, qui aurait fait l'objet d'un transfert au profit de la société PRECIPHAR

Il sera jugé que les salariés concernés ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article L 1224-1 du code du travail.

Le jugement sera confirmé sur ce point et la société EQINOXE (SEPROPHARM)déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La société EQINOXE sera condamnée à payer les frais irrépétibles exposés par la société PRECIPHAR en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 12 mai 2016

Y ajoutant

CONDAMNE la société EQINOXE à payer à la société PRECIPHAR la somme de 5 000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel

CONDAMNE la société EQINOXE aux dépens

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02521
Date de la décision : 14/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/02521 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-14;16.02521 ?
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