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14/03/2017 | FRANCE | N°15/03942

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 14 mars 2017, 15/03942


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2017



R.G. N° 15/03942



AFFAIRE :



[Z] [H] épouse [K]





C/

Société de droit étranger THAI AIRWAYS INTERNATIONNAL PUBLIC COMPANY LIMITED











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

S

ection : Commerce

N° RG : 13/01219





Copies exécutoires délivrées à :



SELARL BOULET LAMBERTI BEBON



SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Z] [H] épouse [K]



Société de droit étranger THAI AIRW...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2017

R.G. N° 15/03942

AFFAIRE :

[Z] [H] épouse [K]

C/

Société de droit étranger THAI AIRWAYS INTERNATIONNAL PUBLIC COMPANY LIMITED

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 13/01219

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL BOULET LAMBERTI BEBON

SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Z] [H] épouse [K]

Société de droit étranger THAI AIRWAYS INTERNATIONNAL PUBLIC COMPANY LIMITED

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [H] épouse [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante en personne, assistée de Me Valérie BEBON de la SELARL BOULET LAMBERTI BEBON, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Société de droit étranger THAI AIRWAYS INTERNATIONNAL PUBLIC COMPANY LIMITED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Raphaël BORDIER de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

La société THAI AIRWAYS emploie 46 salariés et la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien lui est applicable.

Selon un contrat à durée déterminée en date du 20 mars 1989, Mme [K] a été engagée par la société THAI AIRWAYS, en qualité d'agent de comptoir au sein du service billetterie et réservation, statut agent de maîtrise ; son contrat s'est transformé en contrat à durée indéterminée, puis elle est devenue agent de comptoir et réservation à compter du 1er mars 2009.

A la suite de problèmes de santé depuis 2008, Mme [K] se trouvait en mi-temps thérapeutique à compter du 1er septembre 2009, ses périodes de travail étant entrecoupées de longue périodes d'arrêts-maladie ; lors de sa dernière visite de reprise le 27 février 2012, elle a été déclarée apte à mi-temps, de sorte qu'un avenant à son contrat de travail est intervenu le 1er mars 2012 pour acter de son travail à temps partiel.

Le 1er février 2012 Mme [K] était classée en état d'invalidité 1ère catégorie, puis était reconnue comme travailleur handicapé à compter du 1er juin 2012.

En dernier lieu son salaire de référence sur les 12 derniers mois s'élevait à 1554,52 € brut/mois.

Le 15 juin 2012 Mme [K] recevait un avertissement pour non respect des horaires de travail, appels personnels pendant son travail et erreurs ou omissions dans des dossiers.

Le 15 octobre 2012 elle demandait à bénéficier de deux billets en classe éco à tarif préférentiel (en tant que salariée de THAI AIRWAYS) pour elle et son concubin sur un vol AR PARIS BANGKOK du 26 octobre/2 novembre 2012.

Le 26 octobre elle ouvrait un dossier de réservation au nom de son concubin pour un billet payant en classe affaires sur le même vol aller, ce qui lui permettait de bénéficier d'un surclassement en classe affaires.

Le 8 novembre 2012 elle était convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 15 novembre, puis une mise à pied lui était notifiée par lettre du 19 novembre pour l'utilisation de son outil de travail à des fins personnelles.

Elle se trouvait en arrêt maladie du 22 novembre 2012 au 7 janvier 2013.

Le 21 janvier 2013 la société la convoquait pour un entretien préalable fixé au 28 janvier 2013, cette fois en vue de son licenciement.

Elle était licenciée pour cause réelle et sérieuse le 31 janvier 2013, au motif que ses absences régulières perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise.

Mme [K] saisissait le conseil de prud'hommes de NANTERRE le 5 avril 2013 pour l'annulation de sa mise à pied du 19 novembre 2012, et pour nullité de son licenciement pour discrimination liée à son état de santé.

Par jugement du 12 juin 2015, dont elle a interjeté appel, le conseil la déboutait de toutes ses demandes.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 17 janvier 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

Mme [K] demande l'infirmation du jugement, priant la cour :

- de prononcer à titre principal la nullité de son licenciement, avec réintégration et paiement de ses salaires entre son licenciement et sa réintégration, outre la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée à son état de santé, et à titre subsidiaire de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer à ce titre la somme de 70 000 € à titre d'indemnité,

- d'annuler sa mise à pied du 19 novembre 2012, et de lui allouer la somme de 320,17 € à titre de rappel de salaire, outre celle de 32 € au titre des congés payés afférents,

- de lui allouer la somme de 7 772,60 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause conventionnelle de garantie d'emploi, (car elle aurait dû percevoir son salaire à taux plein pendant 5 mois après son licenciement),

de lui allouer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,

- d'enjoindre à la société de lui faire bénéficier, elle et sa famille, de conditions préférentielles sur l'achat de billets d'avion, sous astreinte, et de lui allouer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour privation de ces conditions,

- de lui allouer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite enfin la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

La société THAI AIRWAYS demande la confirmation du jugement, le débouté de Mme [K] en toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 19 novembre 2012 :

Comme le prévoit l'article L.1333-2 du code du travail, le juge peut annuler une sanction irrégulière ou disproportionnée à la faute commise.

Aux termes de la mise à pied de 3 jours (entre le 22 et le 29 novembre) notifiée le 19 novembre 2012, la société, rappelant à Mme [K] son insatisfaction générale sur son comportement professionnel, lui reprochait principalement de s'être octroyée un avantage indû, en effectuant de son poste de travail,

- d'une part le 15 octobre 2012 une réservation pour un vol aller- retour PARIS-BANGKOK- CHANG MAI TG 0933 en classe économique pour elle et son concubin les 26 octobre et 2 novembre 2012, et

- d'autre part le 26 octobre à 14h34, une réservation pour un billet en classe affaire sur le vol PARIS-BANGKOK- VIENTIANE le 26 octobre sur le même vol TG 0933 (avec pour seule différence la destination finale) pour son concubin, billet qu'elle n'a finalement pas payé, et ce dans le but de se voir octroyer un avantage indu (le surclassement en classe affaires), dont elle a effectivement bénéficié avec son concubin.

Ce dossier n'ayant pas été annulé avant son départ, la place réservée en classe affaires pour son concubin n'a pas pu être vendue.

La société précise que Mme [K] a donc utilisé son outil de travail pour bénéficier d'un avantage indû, causant en outre un préjudice potentiel à la société, laquelle n'a pas pu vendre ce billet dont la réservation n'a pas été annulée par Mme [K], les places en classe affaires étant souvent réservées au dernier moment.

Mme [K] admet les faits matériels, mais soutient, comme dans sa lettre en date du 21 novembre 2012 aux fins de contestation de sa mise à pied, qu'elle pensait avoir annulé cette seconde réservation en classe affaires.

Elle prétend aussi qu'une erreur informatique, voire ses problèmes de mémoire, que son médecin avait signalés à son employeur précédemment (certificat médical du 23 septembre 2010) seraient à l'origine de l'absence d'annulation de cette réservation.

Enfin, elle estime que la société ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

Or, comme l'a valablement jugé le conseil, indépendamment de l'absence d'annulation de cette réservation en classe affaires, cette réservation était injustifiée et fictive, Mme [K] ayant fait de son outil de travail un usage abusif pour des raisons personnelles, aux fins d'obtenir un surclassement en classe affaires, alors qu'elle n'avait acheté qu'un billet en classe économique, ce qui caractérise une faute professionnelle.

Eu égard à son ancienneté et à sa connaissance du processus de réservation, Mme [K] savait que cette réservation bloquait de fait la place pendant plusieurs heures, ce qui pouvait occasionner un préjudice pour son employeur, sachant que les réservations en classe affaires s'effectuent souvent au dernier moment.

Indépendamment de l'existence d'un préjudice réel pour la société, ces faits ont contribué à remettre en cause la confiance que la société plaçait en sa salariée.

La mise à pied n'apparaît pas disproportionnée, au vu du précédent et récent avertissement de juin 2012.

Les faits reprochés constituent des griefs qui pouvaient donc justifier une sanction disciplinaire de 3 jours de mise à pied, comme l'a valablement jugé le conseil, dont la décision sera confirmée de ce chef.

Sur la nullité du licenciement pour discrimination (demande principale) :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Cet article dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [K] fait valoir plusieurs éléments qui, selon elle, laissent supposer l'existence d'une discrimination : des actes préparatoires au licenciement par une succession de sanctions disciplinaires en 2012 et des pressions constantes de son employeur (en septembre 2010 et en juin 2012) qui ont contribué à dégrader son état de santé.

Concernant les deux sanctions disciplinaires en 2012, il apparaît qu'elles étaient justifiées par des éléments objectifs.

En effet, l'avertissement du 15 juin 2012 pour non respect des horaires de travail, appels personnels pendant son travail et erreurs ou omissions dans des dossiers, n'a pas été contesté par Mme [K].

Tout au plus a- t- elle indiqué, dans un courrier daté du 15 juin 2012 à l'intention de son supérieur hiérarchique Mme [B], après son entretien préalable organisé le même jour, que concernant les retards et appels téléphoniques personnels, il serait bon de traiter tous les salariés du service réservation de la même manière.

Sur ce point, la société rétorque qu'elle est effectivement amenée à admettre une certaine tolérance à l'égard des appels téléphoniques personnels de l'ensemble des salariés, mais que Mme [K] dépassait la mesure, ce qui est confirmé par les attestations de ses collègues et anciens collègues (pièces 28 à 34), qui ont travaillé avec elle tout au long de la relation contractuelle.

Il résulte plus particulièrement de l'attestation de Mme [C], déléguée du personnel, que la société avait depuis de nombreuses années une attitude patiente et tolérante à l'égard de Mme [K], lui ayant proposé des aménagements de son poste de travail en fonction de son handicap, de sorte que Mme [C], elle même travailleur handicapé, n'a jamais eu à intervenir pour faire respecter les droits de Mme [K].

Concernant la mise à pied notifiée le 19 novembre 2012, il a été dit plus haut que cette sanction disciplinaire était justifiée et s'avère sans rapport avec la santé de Mme [K].

Quant aux pressions que Mme [K] estime avoir subi par une succession de courriels de la part de son supérieur hiérarchique, il convient de distinguer deux faits à quasiment 2 ans d'intervalle :

Par lettre du 20 septembre 2010, la société avait convoqué Mme [K] à un entretien préalable au sujet d'erreurs et négligences dans son travail au moins à 6 reprises entre le 21 juillet 2010 et le 14 septembre 2010 ; cependant, dès que la société a reçu un certificat médical du médecin psychiatre de Mme [K] en date du 23 septembre 2010, elle n'a pas maintenu la procédure disciplinaire ; en effet, ce médecin précisait que Mme [K] présentait «des troubles cognitifs invalidants, troubles de la mémoire, troubles de concentration et d'attention, restant donc avec des symptômes dépressifs malgré le traitement, ce qui expliquait son manque d'efficience.»

A la suite de quoi Mme [K] s'est trouvée en arrêt-maladie du 1er octobre 2010 au 1er mars 2011, reprenant ensuite son travail en mi- temps thérapeutique du 1er mars 2011 au 31 janvier 2012.

Le 1er juin 2012, Mme L, son supérieur hiérarchique, lui a adressé 4 courriels lui reprochant le non respect d'une procédure pour laquelle Mme [K] indique dans ses conclusions qu'elle n'avait pas été formée, alors qu'elle n'a pas fait état de cette difficulté dans sa lettre du 15 juin 2012 susmentionnée ; la société conteste d'ailleurs ce fait, précisant que les 4 courriels concernent des procédures standard pour lesquelles Mme [K] était déjà formée ; concernant la procédure pour les e-ticket, Mme [K] n'avait pas pu être formée, car cette formation a eu lieu pendant son arrêt- maladie en janvier 2010, de sorte qu'il avait été convenu de ne pas lui confier l'émission de ces e-ticket, sauf les plus basiques ne demandant pas de formation ou ayant fait l'objet de la note interne du 28 juillet 2010.

Par ailleurs, il n'est pas établi de corrélation entre le mi-temps thérapeutique de Mme [K] et l'envoi de ces courriels, puisque ce mi-temps thérapeutique a commencé le 1er septembre 2009, que Mme [K] avait déjà reçu ce type de courriels avant 2009 et depuis 2009, et que Mme L s'adresse ce type de courriels à tous les salariés concernés par des erreurs.

Enfin, les termes de ces courriels sont respectueux et donnent juste des consignes à Mme [K] pour lui permettre de rectifier ses erreurs, tout en lui demandant d'être plus attentive.

Dès lors, ni les sanctions disciplinaires justifiées par des faits objectifs, ni la lettre du 20 septembre 2010 et les courriels du 1er juin 2012, ne constituent des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination liée à l'état de santé de Mme [K].

Il est également constant que depuis le 1er septembre 2009 Mme [K] a bénéficié d'un mi-temps thérapeutique, suite aux préconisations du médecin du travail, qui ont été suivies par l'employeur, lequel a aménagé le poste de travail de Mme [K], en lui confiant des tâches simples, pour tenir compte de ses difficultés de concentration et de mémoire.

Cette dernière sera donc déboutée de sa demande de nullité de son licenciement pour discrimination, comme l'a jugé le conseil.

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :

L'article L1235- 1 du code du travail stipule que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties.

La lettre de licenciement doit énoncer des fautes matériellement établies.

Mme [K] soutient que la société a cherché à constituer un dossier disciplinaire visant à la licencier.

Il appartient à la société de rapporter la preuve que le licenciement de Mme [K] est étranger à son état de santé et que d'autres motifs objectifs fondent le licenciement, notamment si les absences prolongées et répétées de Mme [K] perturbent le fonctionnement de la société, comme la société le soutient.

Aux termes de la lettre de licenciement en date du 31 janvier 2013, la société reproche à Mme [K],

- d'une part ses absences répétées depuis 2008 et le fait qu'elle travaille à temps partiel uniquement sur la fonction réservation, ce qui perturbe l'organisation et le bon fonctionnement du service réservation/agence de l'entreprise avec un retentissement sur la charge de travail de ses collègues, en raison de l'impossibilité de recourir à du personnel en contrat à durée déterminée ou en intérim, vu la technicité du travail et l'absence de visibilité sur la durée des absences de Mme [K] pour maladie,

- et d'autre part son incapacité à prendre en charge de manière autonome les procédures de réservation, malgré les différentes aides mises en place et la limitation de ses tâches à des fonctions basiques de réservation et de billeterie simple, ce qui conduit Mme [K] à solliciter très régulièrement ses collègues, ce qui crée des tensions au sein du service.

La société ajoute que cette organisation n'est plus compatible avec la croissance de son activité, laquelle appelle au remplacement de Mme [K] par un salarié à temps plein.

Elle précise enfin qu'elle n'a trouvé aucune solution de reclassement sur un autre poste.

Mme [K] soutient que son licenciement est en lien direct avec son état de santé, à savoir sa dépression chronique qui a entraîné son invalidité et la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé.

Or, force est de constater que Mme [K] a été absente de manière à la fois répétée et prolongée de 2008 à 2012, à savoir 32 arrêts de travail incluant des prolongations, pour une durée totale de plus d'un an en l'espace de 4 ans, notamment 19 jours selon 7 arrêts de travail en 2008, du 25 mars au 31 août 2009, du 5 au 15 janvier 2010, du 4 octobre 2010 au 1er mars 2011, du 22 novembre 2012 au 4 janvier 2013, ce qui a nécessairement perturbé le fonctionnement du service réservation/agence, la société ayant fait le choix, pour une meilleure efficience, de répartir à chaque fois le travail de Mme [K] sur ses 8 autres collègues (il y avait en 2012 en effet 9 salariées dans le service réservation/agence, Mme [K] inclue, au vu de l'organigramme produit).

Au vu du tableau du planning des présences des salariés de ce service en janvier 2010, il apparaît que les jours d'absence (temps partiel) de Mme [K] au moins 3 salariés étaient également absents de manière justifiée pour différentes raisons, ce qui entraînait une répartition du travail à mi- temps de Mme [K] sur 4 salariés en moyenne.

Cette organisation a perduré jusqu'en 2012.

Selon les attestations de 3 collègues de son service (pièces 28 à 30) ayant travaillé avec elle jusqu'en 2012, il s'avère que les retards de Mme [K] à sa prise de poste, ses erreurs régulières et le temps qu'elle passait à téléphoner pour motif personnel, donnaient un surcroît de travail à ses collègues, outre le surcroît de travail déjà occasionné par ses absences pour maladie, ce qui rendait l'ambiance de travail tendue au sein du service.

Mme [K] produit 6 attestations de clients qui ont été très satisfaits de ses services de réservation de billets d'avion, louant sa gentillesse, ses compétences et son efficacité.

Or les relations de Mme [K] avec les clients n'ont pas fait l'objet de critiques de la part de l'employeur, Mme [K] n'étant pas dépourvue de qualités relationnelles, comme le reconnaît la société et comme l'attestent aussi les appréciations positives qu'elle a obtenues en 2014 lors d'un stage à AIR FRANCE destiné aux salariés handicapés.

Les deux attestations d'anciens salariés de la société, vantant les qualités de Mme [K] ne sont pas pertinentes pour la période récente des 5 dernières années, ces deux personnes ayant quitté la société depuis respectivement les années 2000 et 1991.

L'ensemble de ces attestations ne permet pas de contredire le fait que l'organisation du service réservation/agence était souvent perturbée depuis 2008 par les absences de Mme [K] et son manque d'autonomie dans son travail.

L'ensemble de ces éléments objectifs laisse apparaître que les absences prolongées et répétées de Mme [K], outre son absence d'autonomie, certes liée pour partie à son état de santé, perturbaient non seulement le fonctionnement de la société depuis plusieurs années mais aussi et surtout les conditions de travail des autres salariés, et que la société a vainement tenté d'apporter des solutions adaptées à la diminution progressive des capacités de travail de Mme [K] et de la qualité de son travail au fur et à mesure des années, au vu de ses évaluations.

La société rapporte en outre la preuve d'avoir recherché à recruter un salarié à temps complet pour remplacer Mme [K], immédiatement après le licenciement de cette dernière, l'embauche effective intervenant en août 2013.

En conséquence, la cour estime, à l'instar du conseil, que les motifs du licenciement sont réels et suffisamment sérieux, et confirmera donc le jugement qui a déclaré le licenciement motivé par une cause réelle et sérieuse et débouté l'appelante de toutes ses demandes liées au licenciement.

Sur les demandes en dommages et intérêts :

Sur la clause de 'garantie d'emploi' et la priorité de réembauche :

L'article 10 a) de l'annexe II de la convention collective concernant les agents de maîtrise dispose pour les accidents ou maladie non professionnel :

Les absences résultant de maladie ou d'accident et justifiées par l'intéressé dans les 3 jours, sauf cas de force majeure, ne peuvent être la cause d'une rupture du contrat de travail par l'employeur.

Toutefois, le contrat peut être rompu si l'employeur est obligé de procéder au remplacement de l'intéressé et s'il n'a pas été possible de recourir à un remplacement provisoire.

La notification de la rupture de travail est faite à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception. Il ne peut cependant être procédé à cette notification tant que l'intéressé n'a pas épuisé ses droits aux indemnités de maladie calculées sur la base de ses appointements à plein traitement.

En cas d'incapacité permanente partielle, les dispositions des premier et deuxième alinéas des articles 14 et 15 des clauses générales de la présente convention sont applicables.

L'employeur doit verser à l'agent d'encadrement ou au technicien dont le contrat se trouve rompu par nécessité de remplacement, une somme égale à l'indemnité de préavis dont aurait bénéficié l'intéressé s'il avait été licencié sans qu'ait été observé le préavis. L'intéressé perçoit en outre, s'il remplit les conditions requises, l'indemnité prévue à l'article 20 de la convention collective principale à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté en cas de licenciement.

Lorsque le contrat se trouve rompu dans les conditions indiquées ci-dessus, l'intéressé bénéficie pendant un délai de 1 an, à compter de cette rupture, d'un droit de préférence au réengagement.

* Mme [K] soutient qu'elle doit bénéficier d'une clause de garantie d'emploi contenue dans cet article 10, car cette clause interdit à l'employeur de rompre le contrat de travail, ce qui l'obligerait, en cas de violation de cette interdiction, à lui verser ses salaires restant dus jusqu'à la fin de période garantie, soit 5 mois équivalent à la somme de 7 772,60 €.

La société estime que ces dispositions ne concernent que les salariés en situation d'arrêt maladie au moment de la notification du licenciement.

Or, l'article 10a) susvisé ne fait pas de distinction selon que le licenciement est notifié ou pas au cours de la période d'arrêt-maladie ; il vise bien le cas de Mme [K], qui a été licenciée en raison des perturbations de ses absences pour maladie sur le fonctionnement de l'entreprise, puisqu'il précise: «le contrat peut être rompu si l'employeur est obligé de procéder au remplacement de l'intéressé et s'il n'a pas été possible de recourir à un remplacement provisoire», ce qui est exactement allégué par la société.

Par ailleurs: «Il ne peut cependant être procédé à cette notification (de licenciement) tant que l'intéressé n'a pas épuisé ses droits aux indemnités de maladie calculées sur la base de ses appointements à plein traitement.»

En conséquence, le licenciement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais il y a lieu de faire bénéficier Mme [K] des droits à indemnisation prévues conventionnellement par l'article 26 de la convention collective, lequel prévoit que l'agent de maîtrise bénéfice d'un maintien de son salaire pendant 5 mois d'arrêt-maladie.

Dès lors, comme il n'est pas contesté par la société que Mme [K] n'avait pas épuisé ses droits à indemnité maladie en 2012 et 2013, donc au cours des 12 derniers mois précédant le licenciement, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [K] dans la limite de ses droits non épuisés, pour la période comprise entre le 31 janvier 2012 et le 31 janvier 2013, soit 3 mois et demi (du 22 novembre au 31 décembre 2012, soit 1 mois et 11 jours, outre 4 jours début janvier 2013, soit au total 1 mois et demi, comme le précise la société à titre subsidiaire).

La société devra donc verser à Mme [K] la somme de 5 355 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la clause conventionnelle susvisée, qui n'est pas en l'occurrence une clause de garantie d'emploi en tant que telle, mais garantit le maintien du salaire pendant un certain temps en cas d'arrêt-maladie.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

*Mme [K] soutient encore que la société n'a pas respecté son droit à être réembauchée dans le délai d'un an suivant son licenciement.

La société ne conteste pas le principe de ce droit, dont Mme [K] a manifesté le souhait de bénéficier par lettre du 25 juin 2013, mais soutient qu'aucun poste n'était ouvert ou devenu vacant pendant cette période.

Or la période se situait entre la fin de la relation contractuelle, soit le 2 avril 2013 (fin du délai de préavis) et le 2 avril 2014 ; la société produit une copie à jour de son registre unique du personnel au 23 mars 2015, lequel ne fait état d'aucun recrutement d'employé ou d'agent de maîtrise pendant la période, le poste de Mme [K] ayant été pourvu par une personne travaillant déjà dans la société dans le cadre d'un contrat d'apprentissage.

En conséquence, la société a respecté les dispositions sur la priorité de réembauche, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les billets d'avion à conditions préférentielles :

Mme [K] prétend qu'elle devrait continuer à bénéficier de billets d'avion à tarifs préférentiels, au vu de son ancienneté supérieure à 20 ans.

La société conteste l'existence d'un usage ou d'un accord en vigueur dans l'entreprise ; elle justifie l'octroi de cet avantage à une ancienne salariée, Mme [V], dans le cadre d'un protocole transactionnel incluant cet avantage.

Mme [K] ne rapporte pas la preuve d'un usage à ce sujet, le cas de Mme [V] étant isolé.

Si par courriel du 10 avril 2013 adressé à l'ensemble des salariés, la société leur a demandé de ne pas communiquer aux tiers et à Mme [K] d'informations ou documents confidentiels concernant les bénéficiaires des billets d'avion à tarifs préférentiels, cela n'équivaut pas à un aveu de l'existence d'un usage sur le maintien du bénéfice de ces tarifs pour les salariés ayant plus de 20 ans d'ancienneté au moment de leur départ de la société.

Il n'appartient pas à la cour d'ordonner à la société de communiquer tout document à ce sujet, une injonction de production de document ne pouvant être ordonnée pour suppléer à la carence des parties dans l'administration de la preuve, faute de commencement de preuve par écrit.

Mme [K] sera donc déboutée de ce chef, comme l'a jugé le conseil.

Au vu du rejet des demandes à caractère salarial et des demandes relatives au licenciement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

L'équité commande, au regard de la situation modeste de Mme [K], de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K], succombant principalement en son appel, sera toutefois condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 12 juin 2015, sauf en ce qui concerne la demande en dommages et intérêts relative à la garantie conventionnelle de maintien de salaire, et statuant à nouveau,

Condamne la société THAI AIRWAYS à payer à Mme [K] la somme de 5 355 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la clause conventionnelle de l'article 10 a) susvisée dans les motifs, avec intérêt au taux légale à compter du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03942
Date de la décision : 14/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03942 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-14;15.03942 ?
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