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07/03/2017 | FRANCE | N°16/00528

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 mars 2017, 16/00528


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 MARS 2017



R.G. N° 16/00528



AFFAIRE :



[T] [R]





C/

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/01441




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Me Agnès LASKAR



SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[T] [R]



SAS COMPAGNIE IBM FRANCE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX SEP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MARS 2017

R.G. N° 16/00528

AFFAIRE :

[T] [R]

C/

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/01441

Copies exécutoires délivrées à :

Me Agnès LASKAR

SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[T] [R]

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MARS DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 21 février 2017 puis prorogé au 07 mars 2017, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Agnès LASKAR, avocat au barreau de PARIS,

APPELANT

****************

SAS COMPAGNIE IBM FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Blandine ALLIX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [T] [R], né le [Date naissance 1] 1959, a été embauché par la SAS Compagnie IBM France selon contrat de travail à durée indéterminée du 21 janvier 1985 en qualité d'ingénieur élève.

Il était en dernier lieu vice-président buisness partners et MM Band C.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 2011, il lui était notifié un avertissement dans les termes suivants :

"(...) En effet, fin 2009 et au cours de l'année 2010, vous avez été étroitement associé de par votre fonction aux discussions avec Ovesys, un partenaire commercial de longue date, afin de renforcer nos relations commerciales sur diverses lignes de matériel.

Cette initiative menée par le directeur BPO en France, dont vous êtes le manager fonctionnel, s'inscrivait dans un contexte particulier : l'annonce faite par un concurrent, dont les produits étaient aussi distribués par Ovesys, d'un changement majeur de sa stratégie de distribution susceptible d'avoir un impact direct sur Ovesys.

Alors même que des offres précises et non standard étaient faites et négociées par votre collaborateur durant plusieurs mois avec votre implication étroite de son côté, il n'apparaît pas qu'à un quelconque moment vous ayez vérifié que les revues requises étaient effectuées et les autorisations requises obtenues, alors même que vous étiez en positon de le faire.

De même, vous n'êtes pas intervenu quand ce même collaborateur a fourni des informations inexactes et incomplètes à des dirigeants et collègues d'IBM France.

En agissant ainsi, ne respectant nos procédures internes et ne remplissant pas votre rôle, vos avez laissé se développer une situation susceptible de causer des dommages importants à IBM, en partie déjà concrétisés au travers des réclamations actuelles d'Ovesys à l'encontre d'IBM.

Cependant, bien que nous estimions que ce comportement fautif constitue une violation particulièrement grave, il a été tenu compte de votre ancienneté, de votre comportement antérieur ainsi que de vos explications lors de l'entretien préalable".

Un an plus tard, il prenait acte de la rupture par lettre du 30 janvier 2012 ainsi libellée :

" Je ne peux accepter ma situation totalement dégradée depuis un an.

A la suite d'une investigation concernant le partenaire commercial Ovesys, IBM a licencié mon collaborateur Monsieur [L], et, après un entretien préalable, m'a notifié un avertissement le 27 janvier 2011.

Malheureusement, cet avertissement n'était pas la véritable sanction.

La veille, lors de mon entretien annuel d'évaluation, je me suis vu, pour la première fois de ma carrière attribuer la note 3.

Puis cela a été la chute libre.

J'ai été brutalement évincé le 9 février de mon poste de vice-président BPO et Mis Market pour l'Europe du Sud.

Je suis resté un mois sans poste.

J'ai été affecté à un poste subalterne d'ingénieur commercial chez le client Veolia, qui ne correspond ni à mes niveaux de poste, de compétence, de rattachement hiérarchique ni à aucune des responsabilités que j'avais auparavant (budgets gérés, nombre de personnes managées, charge de travail...)

Je n'ai reçu aucune commission pour la première fois depuis que je travaille chez IBM. Je n'ai pas eu de RSU.

J'ai été totalement assommé par cette avalanche de sanctions que je n'ai pu que subir alors que j'avais immédiatement contesté la mise en cause de ma responsabilité dans le dossier Ovesys. Mise en cause que je considère toujours comme infondée et d'ailleurs IBM a transigé avec Monsieur [L] autre personne sanctionnée avec moi.

En mars 2011 face à l'immense sentiment d'injustice que je ressentais, j'ai souhaité faire un point sur mon évolution de carrière avec Monsieur [V] [M]. Il m'a assuré que, passé une période punitive, je serais rétabli dans mes fonctions.

En juin, le rôle de PEP Exec auprès d'AROS m'a été confié. J'ai démarré immédiatement cette activité, malgré cela IBM a désigné très vite un autre collaborateur, sans même m'informer qu'il n'y aurait pas de suite pour moi.

J'ai espéré dans le contexte de la récente réorganisation d'IBM au niveau Européen, je retrouverais un poste similaire à celui que j'avais avant... En vain.

Outre mon préjudice financier certain, la situation est personnellement très difficile à supporter. Je me sens maltraité et totalement déconsidéré, à 53 ans, aux yeux de mes collègues et des instances dirigeantes de cette entreprise à laquelle je suis lié depuis 27 ans.

Vous comprendrez que je ne puisse accepter plus longtemps ce traitement injuste, humiliant et aux effets graves sur la poursuite de ma vie professionnelle, sur ma santé et sur mon environnement personnel.

Pour l'ensemble de ces raisons, je suis contraint de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs, cette rupture étant d'effet immédiat".

L'auteur de cette lettre a saisi le conseil des prud'hommes de Nanterre le 5 juin 2012, aux fins de voir dire que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 137 190 euros d'indemnité de préavis pour un salaire de 22 865 euros et subsidiairement 90 936 pour un salaire de 15 156 euros ;

- 13 719 euros d'indemnité de congés payés y afférents pour un salaire de 22 865 euros et 9 093,60 euros pour un salaire de 15 156 euros ;

- 367 669 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement pour un salaire de 22 865 euros et subsidiairment 243 708,48 euros pour un salaire de 15 156 euros ;

- 550 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 400 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 92 506,47 euros de rappel de rémunération variable pour 2010 ;

- 9 250,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 92 506,47 euros de rappel de rémunération variable pour 2011 ;

- 9 250,47 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 176 900 euros de dommages-intérêts pour non attribution des RSU soit, 610 RSU en 2010 et 610 RSU en 2011 ;

- 90 000 euros de dommages-intérêts pour perte de chance d'exercer les RSU déjà octroyés ;

- 15 143,24 euros de complément d'indemnité de non concurrence ;

- 4 542,87 euros d'indemnité de congés payés sur l'indemnité de non concurrence ;

- 50 000 euros en réparation des agissements fautifs de la défenderesse pendant la l'application de la clause de non concurrence ;

- 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- les intérêts au taux légal à compter de la saisine.

La SAS Compagnie IBM France s'est opposée à ces prétentions et a demandé de manière reconventionnelle la condamnation de son adversaire à lui verser la somme de 84 594 euros en réparation de l'inexécution du préavis et celle de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 18 décembre 2015, la SAS Compagnie IBM France été condamnée à verser à M. [T] [R] les sommes suivantes :

- 15 143,24 euros de rappel d'indemnité au titre de la clause de non concurrence ;

- 4 542,87 euros d'indemnité de congés payés afférents à ladite d'indemnité ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les autres demandes de l'une et l'autre des parties ont été rejetées.

Appel a régulièrement été interjeté par le demandeur le 5 janvier 2016.

À l'audience du 13 décembre 2016, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile. M. [T] [R] reprend ses prétentions de première instance en y ajoutant une demande de capitalisations des intérêts. La SAS Compagnie IBM France formule aussi les mêmes demandes qu'en première instance en y ajoutant celle tendant au remboursement de la somme de 67 628 euros perçue grâce au RSU.

MOTIFS

Sur la prise d'acte de rupture

Considérant qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Qu'il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L1235-1 du Code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ;

Considérant qu'il convient d'étudier chacun des griefs imputés par le salarié à l'employeur ;

Considérant, sur l'avertissement du 27 janvier 2011, que le M. [T] [R] soutient qu'il a été infligé pour des faits prescrits à les supposer établis et en tout cas non démontrés ; que l'employeur répond qu'il n'a appris la réalité des faits qu'après un audit à la fin de l'année 2010 ou au début de l'année 2011 et que le salarié a lui-même reconnu sa responsabilité sur les griefs qui lui étaient faits ;

Considérant que ceux-ci consistaient d'une part dans l'absence de vérification par M. [T] [R] que les procédures internes IBM, à savoir 'revues' et autorisations, avaient été respectées par son subordonné M. [L], dans le cadre des discussions menées avec un partenaire commercial d'IBM à savoir la société Ovesys et d'autre part dans la fourniture d'informations inexactes et incomplètes à des dirigeants et collègues d'IBM ;

Considérant que le salarié ayant été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2011 à un entretien préalable à la prise de la sanction litigieuse, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits reprochés que moins de deux mois avant l'envoi de cette correspondance ;

Considérant certes que dans son CV interne du 27 mai 2011, M.[T] [R] indique qu'il n'a reçu que la note de 3 au titre de son évaluation de l'année correspondante, en raison "d'un audit relatif à une affaire en cours d'investigation" ; qu'il n'en ressort pas que l'employeur ne connaissait pas la réalité de la situation plus de deux mois avant janvier 2011, c'est-à-dire dés avant novembre 2011 ;

Que de surcroît sur le fond, s'il est vrai que dans son évaluation de 2010 le salarié a déclaré ne pas remettre en cause ses responsabilités au sujet de l'affaire en question, en expliquant avoir compris trop tard que les Équipes IBM travaillaient sans les accords nécessaires, il précise avoir réagi immédiatement et avoir été empêché de résoudre le problème par l'entité finance de l'Europe du Sud-Ouest, ce qui est une manière d'imputer à son employeur un part de responsabilité dans les conséquences dommageables qu'il lui reproche, ce à quoi la SAS Compagnie IBM France ne répond pas ;

Considérant qu'en tout état de cause faute par celle-ci d'établir que la prescription était pas acquise lorsqu'il a sanctionné l'intéressé, cet avertissement doit être considéré comme infligé à tort ;

Considérant, quant au déclassement, que M. [T] [R] fait valoir qu'une modification du contrat de travail lui a été imposée en ce qu'il a été démis de son poste de vice-président BP&MM pour se voir affecter à un rôle d'ingénieur commercial avec Veolia, soit un poste créé pour lui et supprimé après son départ dont le seul objet était la vente de matériel ;

Que la société répond que le salarié était maintenu au statut de exécutives, grade interne Band / Prg C et avait pour manager M. [K] et M.[I], président de la compagnie IBM France, de sorte qu'il n'a pas été déclassé ;

Considérant qu'il résulte du tableau non contesté de comparaison entre le poste occupé initialement par l'intéressé de vice-président business partners et MM Band C et celui qui lui a été attribué, que cette mutation a impliqué qu'alors qu'il avait auparavant un objectif de 2,3 milliards d'euros, il n'avait plus de quota atteindre et a atteint un chiffre d'affaire de 600 000 euros, qu'il avait précédemment un budget de dépense de 54 millions d'euros et n'en avait plus dans son second poste, qu'il était chargé antérieurement d'un secteur géographique couvrant le sud-ouest de l'europe et "d'Amsterdam à Tel Aviv" et se trouvait limité au client Veolia dans le second, qu'il avait 220 collaborateurs dans son premier poste et plus aucun dans le second, qu'alors qu'il devait nommer et évaluer des collaborateurs dans le premier poste, il n'en avait plus aucun dans le suivant, qu'à compter de sa mutation il n'était plus membre du comité de direction, qu'il avait en tant que vice président une assistante à plein temps et n'en avait plus qu'un tiers d'emploi d'assistant comme chargé du projet Veolia ;

Qu'il ressort de la lettre de la SAS Compagnie IBM France du 31 janvier 2012, que les attributions de M. [T] [R] au sein de son second poste ont ensuite été confiées à un vice président en sus de celles qu'il avait déjà ; que, selon les organigrammes et profils internes de l'intéressé, auparavant placé sous M. [M], lui même sous l'autorité de M. [I], il s'est ensuite trouvé placé sous l'autorité de M. [K], lui même sous l'autorité de M. [M], lui-même sous l'autorité de M. [I], de sorte qu'il se trouvait éloigné du sommet de la hiérarchie du fait de sa mutation ;

Qu'il n'est pas contesté qu'il est passé d'un poste lourd à un emploi qui ne requérait que 35 heures hebdomadaires ;

Qu'il suit de ces éléments que l'intéressé a subi une baisse de responsabilité importante avec baisse de niveau hiérarchique qui caractérise une modification du contrat de travail ;

Considérant que le salarié estime avoir été privé des primes au titre de l'année 2010, alors que le versement de celle-ci depuis 10 ans en imposait le versement comme résultant d'une obligation contractuelle, et avoir été privé de la prime au titre de l'année 2011 en raison de ses défaillances dans l'affaire Ovesys, ce qui caractériserait une double sanction eu égard à l'avertissement déjà notifié ; qu'il se plaint aussi de n'avoir pas perçu cette prime au titre de l'année 2012, en soutenant qu'elle lui avait été refusée en lui imposant comme condition d'attribution sa présence dans l'entreprise en mars 2012, alors qu'il fallait tenir compte de sa présence au cours de l'année de référence ;

Considérant que la SAS Compagnie IBM France objecte que l'intéressé était éligible au plan de commissionnement AIP SE tant qu'il était exécutive, ce qui n'était plus le cas en 2011 et 2012 ; qu'il s'est alors trouvé éligible à un programme issu d'un engagement unilatéral d'IBM ; qu'eu égard à ses performances en ce qui concerne 2011 et son départ en ce qui concerne 2012, il en a été légitimement privé ;

Considérant qu'ainsi que le relève le plan de performance long terme d'IBM, celui-ci permet de fixer sous forme d'avenant un plan de commissionnement à certains salarié au titre de leur part variable, pour une durée limitée ; que par conséquent le salarié ne peut prétendre à son maintien pour les années 2011et 2012 faute de signature d'un commun accord entre les parties d'un avenant au titre de celles-ci ;

Considérant qu'en revanche le bonus AIP est attribué selon des critères figurant sur l'engagement unilatéral de l'employeur versé au dossier ;

Qu'il est stipulé en particulier :

" Votre équipe d'encadrement a toute discrétion pour évaluer votre propre contribution selon les critères suivants :

' votre réussite dans l'atteinte de vos objectifs, tels qu'ils sont exprimés dans le document intitulé personnel business commitments (PBCs - Objectifs professionnels) ;

' l'initiative personnelle d'encadrement dont vous aurez fait preuve ;

' l'esprit d'équipe dont vous aurez fait preuve au sein de votre entité et d'IBM ; et

' l'impact général produit par votre contribution"

Qu'au titre de l'année 2010 il a été reconnu par le salarié une responsabilité de sa part dans l'affaire qu'il a reconnue dans son évaluation de 2010, ce qui pouvait fonder un retrait de la prime au regard du texte qui précède, indépendamment de la question de savoir si cela méritait une sanction ; que l'absence de droit au versement de la prime n'est en tout état de cause pas une deuxième sanction, mais l'application d'une clause contractuelle, une sanction de nature pécuniaire étant d'ailleurs exclue par l'article L1331-2 du Code du travail ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'année 2011, il était prévu dans ledit engagement que le droit à la prime était subordonné à la date d'octroi ;

Considérant que le salarié se plaint de n'avoir pas reçu 413 RSU par an en 2011 et 2012, alors qu'il recevait celles-ci chaque année depuis 2006 et évalue son préjudice subséquent à la somme de 176 900 euros ; que l'employeur répond qu'elles étaient attribuées discrétionnairement et que de surcroît elles étaient convertibles pour partie à chaque anniversaire de l'achat, sous la condition de la présence du salarié dans l'entreprise à ces dates, de sorte que le préjudice ne serait pas démontré ;

Considérant que M. [T] [R] n'établit pas son droit à RSU chaque année, puisque non seulement cette prétention ne repose sur aucun document contractuel, mais le récapitulatif qu'il fait des attributions gratuites d'actions révèle qu'il n'en a pas reçues avant 2004, ni en 2005, ni en 2009 ; qu'aucune obligation de l'employeur n'est démontrée à cet égard ; que le salarié doit donc être débouté sur ce point, tant pour ce qui est des RSU non attribués en 2011 que de la perte de chance d'exercer ceux qui auraient pu lui être accordés les 8 mai 2012 et 8 juin 2012 ;

Considérant qu'il n'en demeure pas moins, que M. [T] [R] après s'être vu imposer un avertissement dont le bien fondé est douteux, a été rétrogradé ce qui caractérise une modification imposée du contrat de travail ; que ce manquement et les circonstances qui l'ont accompagnées est suffisamment grave compte tenu de son caractère psychologiquement éprouvant et de l'absence de perspective sérieuse laissée à l'intéressé, pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; que la prise d'acte de rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Considérant que la dégradation de la position du salarié au sein de l'entreprise du fait de sa rétrogradation dont il a souffert pendant un an, caractérise une exécution de mauvaise foi du contrat de travail qui a occasionné à M. [T] [R] un préjudice qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros ;

Sur les conséquences pécuniaires de la prise d'acte

Considérant que dès lors que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de débouter la SAS Compagnie IBM France de sa demande en paiement d'une indemnité en réparation de l'absence d'exécution par le salarié de son préavis ;

Considérant qu'en ce qui concerne la prime, eu égard d'une part au fait qu'il n'est allégué aucun manquement du salarié au titre de l'année 2012 et qu'il n'est fait référence qu'à son absence de l'entreprise à la date du versement pour s'opposer à la demande, d'autre part au fait qu'il devait être compté dans les effectifs en mars 2012 compte tenu du préavis, il lui sera alloué la somme de 92 506 euros de ce chef ; outre 9250.60 euros d'indemnité de congés payés afférents ;

Considérant que la production de documents à l'en-tête de Pôle-Emploi lui notifiant des droits dont on ne sait s'il en a bénéficié, ne démontrent pas que le salarié a effectivement été au chômage, tandis qu'il est constant qu'il a retrouvé un emploi sur lequel il ne donne aucune information ;

Considérant qu'à titre principal M. [T] [R] sollicite le paiement de la somme de 137 190 euros au titre du préavis de six mois, sur la base d'un salaire mensuel de 22 867 euros estimé par rapport notamment à la rémunération variable dont il s'estime créancier ; qu'au vu de ce qui précède il sera fait droit à sa demande en l'absence de contestation du calcul mathématique qu'il propose ; qu'il lui sera aussi alloué la somme de 2 286,50 euros d'indemnité de congés payés y afférents ; qu'il sera en sus alloué la somme de 13 719 euros d'indemnités de congés payés y afférents ;

Considérant que l'indemnité conventionnelle de licenciement sollicitée n'est pas contestée dans son calcul sur la base d'un salaire mensuel de 22 867 euros, de sorte qu'il y a lieu de condamner l'employeur à payer la somme de 367 669 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 1235-3 du Code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [G] [S], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquence du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 180 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la clause de non concurrence

Considérant que M. [T] [R] sollicite le paiement de la somme de 15 143,24 euros en rémunération de la clause de non concurrence correspondant aux quatre mois demeurés impayés ainsi que la somme de 4 542,87 euros d'indemnité de congés payés afférents à la totalité de ladite rémunération due sur douze mois ; que le salarié demande enfin l'allocation de la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts du fait du préjudice causé par la SAS Compagnie IBM France par des interventions auprès de son nouvel employeur en se plaignant auprès de celui-ci de la violation de la clause de non concurrence que constituerait l'embauche de M. [T] [R] ;

Considérant que par adoption des motifs pertinents des premiers juges, la cour confirmera le jugement entrepris et condamnera l'employeur à verser à M. [T] [R] la somme de 15 143,24 euros de rémunération de la clause, celle de 4 542,87 euros d'indemnité de congés payés y afférents avec rejet de la demande de dommages-intérêts ;

Considérant que la SAS Compagnie IBM France sollicite le remboursement du gain perçu en application du plan RSU qui prévoit la possibilité pour cette société de le demander lorsque le salarié se livre à une activité préjudiciable, notamment pour rejoindre une entreprise concurrente, à savoir en l'espèce Oracle ;

Que M. [T] [R] objecte que son adversaire à reconnu qu'il avait respecté ladite clause et se limitait à lui imposer de ne pas démarcher Veolia ;

Considérant qu'aux termes dudit plan :

"Sauf disposition contraire du contrat d'attribution, le comité peut à tout moment annuler, résilier, suspendre ou limiter ou restreindre de tout autre manière toute attribution non expirée, non payée ou différée si le participant ne respecte pas les dispositions applicables du contrat (...) d'attribution et du plan, ou si le participant s'implique dans une "activité préjudiciable". Aux fins du présent article 13, "activité préjudiciable" comprend : la prestation de service pour toute organisation ou l'exercice direct ou indirect d'activités qui sont ou deviennent concurrentes à la société, si cette organisation ou ces activités ou la prestation des services à de telles organisations ou l'exercice de telles activités, sont ou pourraient devenir préjudiciables à la société ou sont contraires aux intérêts de cette dernière" ;

Considérant que dès lors que les parties sont parvenues à un accord sur l'exécution de la clause de non concurrence, la SAS Compagnie IBM France ne peut se prévaloir utilement d'une activité préjudiciable et revendiquer le remboursement desdits gains ;

Sur les intérêts

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner la SAS Compagnie IBM France à payer à M. [T] [R] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel ; que l'employeur qui succombe sur l'essentiel sera débouté des ses prétentions de ces chefs et condamné aux dépens ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Considérant qu'en application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement déféré, mais uniquement sur les demandes tendant à voir déclarer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, sur le préavis, l'indemnité de congés payés y afférents, l'indemnité de licenciement, les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la rémunération variable et l'indemnité de congés payés sur rémunération non variable ;

Statuant à nouveau ;

Déclare le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Compagnie IBM France à payer à M. [T] [R] les sommes suivantes :

- 92 506, 47 euros au titre de la rémunération variable ;

- 9 250,64 euros d'indemnités de congés payés y afférents ;

- 137 190 euros d'indemnité de préavis ;

- 13 719 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 367 669 euros d'indemnité de licenciement ;

- 180 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Déboute la SAS Compagnie IBM France de sa demande en paiement de la somme de 67 628 euros perçus grâce au RSU ;

Déboute la SAS Compagnie IBM France de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SAS Compagnie IBM France à payer à M. [T] [R] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SAS Compagnie IBM France aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00528
Date de la décision : 07/03/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00528 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-07;16.00528 ?
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