La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2017 | FRANCE | N°16/00834

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 février 2017, 16/00834


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 FEVRIER 2017



R.G. N° 16/00834



AFFAIRE :



[A] [J]





C/

SAS ANSYS FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 13/02785





Copies

exécutoires délivrées à :



AARPI BALZAC AVOCATS



PARTNERSHIPS JONES DAY





Copies certifiées conformes délivrées à :



[A] [J]



SAS ANSYS FRANCE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cou...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 FEVRIER 2017

R.G. N° 16/00834

AFFAIRE :

[A] [J]

C/

SAS ANSYS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 13/02785

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI BALZAC AVOCATS

PARTNERSHIPS JONES DAY

Copies certifiées conformes délivrées à :

[A] [J]

SAS ANSYS FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 24 janvier 2017 puis prorogé au 07 février 2017, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Nicolas BARBRET de l'AARPI BALZAC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,

APPELANT

****************

SAS ANSYS FRANCE

Sis [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Michel BOBILLO du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

Par jugement rendu le 18 janvier 2016, dans un litige opposant Monsieur [J] et la société ANSYS FRANCE, le conseil de prud'hommes de Versailles, saisi le 21 octobre 2013, a :

- CONFIRMÉ le licenciement de M. [A] [J] tel que prononcé par la SAS ANSYS FRANCE

- DEBOUTÉ M. [J] de l'ensemble de ses demandes

- CONDAMNÉ M. [J] à rembourser à la SAS ANSYS la somme de 500 € au titre de déplacement seul à l'utilisation d'un véhicule de Société

- DEBOUTÉ la SAS ANSYS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- CONDAMNÉ M. [J] aux éventuels dépens.

La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Monsieur [J] contre cette décision.

Devant initialement être évoquée à une audience de mise en état du 6 octobre 2016, l'affaire a, par ordonnance de fixation prioritaire en date du 4 mai 2016, été renvoyée à l'audience de fond du 18 novembre 2016.

Monsieur [A] [J] a été engagé par la société ANSYS FRANCE, filiale d'une société américaine mère d'un groupe d'édition de logiciels informatiques, le 2 avril 2007, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur financier France, statut cadre position 3.3, coefficient 270.

Par courrier du 26 mars 2009, qu'il a approuvé le 30 mars 2009, la société ANSYS FRANCE a modifié sa classification, qui est devenue 3.2, coefficient 210, sans modification de sa rémunération ; son temps de travail en forme de forfait jours annuel a été porté de 217 à 218 jours.

En 2009, il a été retenu pour participer au programme de fidélisation à long terme de l'entreprise, de sorte qu'était prévu un versement total « Long Term Retention Bonus '' (LTRB) de 28.000 $, payables par moitiés le 15 juin 2012 et le 15 juin 2013 ; en 2010, il a été de nouveau retenu pour participer à ce programme, avec versement de 20.000 $, payables par moitiés les 15 juin 2013 et 15 juin 2014 ; en 2011, il a été aussi retenu, avec versement de 24.000 $, payables par moitié 15 juin 2014 et le 15 juin 2015 ; il a perçu la somme prévue pour le 15 juin 2012.

Par ailleurs, il devait bénéficier selon lui tous les ans au mois de mars, selon la société ANSYS FRANCE "certaines années", d'une prime discrétionnaire du groupe, appelée « corporate bonus '' ; il réclame en tout cas des compléments pour les années 2009, 2010 et 2011.

Enfin, dans le cadre de quatre plans successifs de l'entreprise, entre 2008 et 2011, lui ont été attribuées un total de 11.200 options d'actions ; il fait valoir qu'en raison de son licenciement il a subi un double préjudice, le premier du fait d'avoir été contraint, afin de ne pas en perdre le bénéfice, de lever le 31 janvier 2013, pour un total de 6.900, des options d'actions qui avaient dépassé la date de conservation minimale, le second du fait d'avoir été privé de la possibilité d'exercer 4 300 options d'actions, non encore exerçables à la date du licenciement (fenêtres d'exercice allant de novembre 2013 à novembre 2021).

Il a en effet fait l'objet le 18 janvier 2013, d'une convocation, assortie d'une injonction de "ne pas venir travailler" tout en étant rémunéré, en vue d'un entretien préalable à licenciement, tenu le 28 janvier 2013, et a été licencié le 31 janvier 2013 pour cause réelle et sérieuse, motifs pris :

- d'une "insubordination commise concernant l'utilisation d'un véhicule loué par la société en dépit du refus clairement notifié par celle-ci",

- du "comportement adopté vis-à-vis des autres salariés" (mode de communication fondé sur l'injonction, la stigmatisation et la mise sous pression),

- et des "prestations de conseil fiscal proposées en interne",

avec dispense d'exécution de son préavis de trois mois, néanmoins rémunéré.

L'entreprise emploie au moins onze salariés ; il existe des institutions représentatives du personnel ; la convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseil.

Le salaire mensuel brut moyen était de 9.608,18 €.

Monsieur [J], âgé de 37 ans lors de la rupture, dit avoir perçu des allocations de chômage pendant une durée de 37 mois ; il a retrouvé un emploi en juillet 2016, lui procurant un revenu inférieur.

Monsieur [J] par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

- infirmer le jugement

- dire que son licenciement est nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse

En toute hypothèse

- condamner la société Ansys France à lui payer la somme de 230.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse

- condamner la société Ansys France à lui payer la somme de 85.537,19 € à titre de rappel d'heures supplémentaires

- condamner la société Ansys France à lui payer la somme de 48.491,21 € à titre de dommages-intérêts en raison de la non-attribution de la contrepartie obligatoire en repos

- condamner la société Ansys France à lui payer au titre des rappels sur rémunération variable la somme de 44 146 € bruts, outre la somme de 4.414,60 € au titre des congés payés afférents, et, s'agissant d'une violation manifeste par l'employeur d'un élément essentiel du contrat de travail, la somme supplémentaire de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts

- condamner la société Ansys France à lui payer la somme de 51.454,56 € au titre des primes dites « Long Term Retention Bonus » qui ne lui a pas été réglée, majorée de l'indemnité de congés payés au taux de 10%, soit 5.146,46 €

- condamner la société Ansys France à lui payer la somme de 1.004.498,00 € à titre de dommages-intérêts en raison de la perte d'une chance sur l'exercice futur des 6 900 actions dont l'exercice a été contraint par le licenciement et des 4 300 options d'action qui ont été rendues inexerçables par l'employeur.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour s'estimerait insuffisamment éclairée sur l'évaluation des dommages-intérêts liés à la perte d'une chance sur l'exercice des actions et la contestation par Ansys France de la méthode actuarielle proposée par lui, il y aurait alors lieu avant dire droit de, DÉSIGNER tel expert qu'il plaira, aux frais avancés de Ansys France, avec mission d'évaluer :

- son préjudice subi résultant de la perte de chance de réaliser une plus-value à une date choisie par lui avec les options d'actions dont le délai de conservation minimal et la date d'exercice n'étaient pas encore expirés, ce du fait de l'impossibilité de lever les options sur actions dont il bénéficiait

- son préjudice subi résultant de la perte de chance de réaliser une meilleure plus-value sur les options déjà disponibles et qu'il a été contraint d'exercer du fait de son licenciement avant l'expiration du délai d'exercice

- ordonner à Ansys France le remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage perçues par lui en application de l'article L 1235-4, al.1 du code du travail

- condamner la société Ansys France à lui payer à Monsieur [J] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens éventuels.

La société ANSYS FRANCE, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

- confirmer le jugement

Sur le licenciement

- dire qu'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse

- débouter Monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- le débouter de sa demande de remboursement à Pôle Emploi des allocations chômages perçues, dans la limite de six mois

- le condamner au règlement d'un montant de 500 € en remboursement des frais d'utilisation du véhicule de fonction qu`i1 a utilisé sans autorisation

Sur le forfait jours

- dire qu'il est valide

- débouter Monsieur [J] de sa demande de paiement de rappel d'heures supplémentaires

- le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour non attribution de la contrepartie obligatoire en repos

Sur la rémunération variable

- le débouter de sa demande de paiement de rappel de corporate bonus

- le débouter de sa demande de paiement de congés payés afférents

- le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour violation manifeste d'un élément essentiel du contrat de travail

- le débouter de sa demande de paiement de rappel de primes de fidélité LTRB

- le débouter de sa demande de paiement des congés payés afférents

Sur les stock options

- débouter Monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'exercer 4.300 stock~options et perte de chance sur l`exercice futur de 6.300 stock-options exercées à l'occasion du licenciement

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

- débouter Monsieur [J] de ses demandes

- le condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre du même article et aux entiers dépens

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire, la cour devait, pour partie ou en totalité, infirmer la décision du conseil de prud'hommes, il lui serait demandé de :

Sur le licenciement : en cas de nullité ou de licenciement sans cause réelle et sérieuse

- réduire le montant de dommages et intérêts demandés à la somme de 57.650 € équivalente à 6 mois de salaire

Sur le forfait jours : en cas d'invalidité du forfait jours

- constater que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires alléguées

En conséquence,

- débouter Monsieur [J] de sa demande de paiement de rappel d`heures supplémentaires

- le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour non-attribution de la contrepartie obligatoire en repos

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE, en cas de preuve d'heures supplémentaires

- réduire sa demande de dommages et intérêts pour non-attribution de la contrepartie obligatoire en repos à la somme de 36.299,4l €

Sur la rémunération variable : si le licenciement était nul ou sans cause réelle et sérieuse

- réduire le rappel des primes LTRB et l'indemnité de congés payés afférents à de plus justes proportions en prenant en compte le fait que rien ne permet d'affirmer qu`iI serait demeuré salarié de la Société jusqu'à la date d'octroi de ces primes

Sur les stock-options : si le licenciement était jugé nul ou sans cause réelle et sérieuse

- débouter Monsieur [J] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance sur l'exercice futur des 6.900 stock-options déjà exercées à l'occasion du licenciement

- réduire le montant des dommages et intérêts pour perte de chance de n'avoir pas pu exercer 4.300 stock-options à de justes proportions.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 18 novembre 2016, ainsi qu'aux explications orales complémentaires consignées par le greffier à cette date.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les litiges concernant l'exécution du contrat de travail

' Sur la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires en conséquence de la nullité de la convention de "forfait-jours"

' sur la nullité alléguée

Au titre de son temps de travail contractuel, Monsieur [J] soutient que sa convention individuelle de forfait jours annuel à hauteur d'abord de 217 jours, puis de 218 jours, est nulle, pour avoir été conclue en application d'une convention collective invalide.

En l'espèce, il existe un accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, signé le 6 mai 2010, soit postérieurement au contrat de travail du 2 avril 2007 et à l'avenant du 30 mars 2009 ; l'accord prévoit des modalités de temps de travail des "Salariés en réalisation de mission avec autonomie complète" (article 3.3), sur le principe d'un décompte annuel forfaitaire de jours de travail, lequel, grâce au bénéfice de jours de "RTT", ne doit pas être dépassé.

Il évoque une "feuille de pointage précisant le nombre de jours travaillés", devant être remise aux Ressources Humaines de façon trimestrielle, un "récapitulatif du nombre de jours travaillés" annexé au bulletin de paye au moins une fois par an, et "tous les ans", un bilan de l'organisation du travail, de l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte, ainsi enfin qu'un "entretien individuel en application des articles L.3121-46 et 3121-47 du code du travail" .

OR la société ANSYS FRANCE ne rapporte en rien la preuve de la bonne exécution intégrale de ces stipulations (production limitée aux "évaluations annuelles" pour les années 2010 et 2012, sous forme d'exemplaires remplis seulement par le salarié et non validés par le manager, et évocation pour le surplus " d'entretiens informels"), qui, même supposée observée, demeure en deçà des obligations de l'employeur, alors surtout que la convention individuelle elle-même - deuxième alinéa de l'article 6.1 du contrat de travail de Monsieur [J]- prévoit que la durée du travail ne peut pas être quantifiée, que son horaire de travail ne peut pas être prédéterminé, et n'organise pas les modalités de suivi de l'organisation de son travail de salarié au forfait jours, de l'amplitude de ses journées d'activité et de la charge de travail en résultant.

Toute convention de forfait en jours prévue par un accord collectif, dont les stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, doit être de surcroît conforme à la convention collective applicable si elle est plus favorable.

La convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils, sociétés de conseil, ici applicable, doit être à tout le moins conforme aux dispositions légales, dont celles des articles L.3121-39 et L.3121-46 du code du travail, ce dernier précisant exactement qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur et qu'il doit porter sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Le droit à la santé et au repos est en tout cas au nombre des exigences constitutionnelles et la recherche d'éventuelle conformité implique de vérifier que cette convention du 15 décembre 1987, ainsi que, en son article 4, l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris pour son application, incluent ce respect.

Il résulte au surplus des articles 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L.3121-39 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Les stipulations de la convention collective en cause ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; elles ne sont pas plus favorables que celles de l'accord d'entreprise, mais ne valident pas pour autant celui-ci, insuffisant pour les mêmes raisons, spécialement quand il n'a pas été respecté dans les dispositions de la convention individuelle, ni en pratique.

Cette situation est modifiée depuis la signature par les partenaires sociaux de l'avenant du 1er avril 2014 , dit AVENANT de RÉVISION DE L'ARTICLE 4 du CHAPITRE 2 DE L'ACCORD NATIONAL DU 22 JUIN 1999 SUR LA DURÉE DU TRAVAIL DE LA BRANCHE DES BUREAUX D'ÉTUDES TECHNIQUES, CABINETS D'INGÉNIEURS- CONSEILS, SOCIÉTÉS DE CONSEILS.

Entré en vigueur le 4 janvier 2015, il a entièrement repris le dispositif des conventions de forfait jours ( Article 4- Forfait annuel en jours) pour l'entourer de garanties très strictes (notamment Article 4.8- Garanties : Temps de repos/ charge de travail l amplitude des journées de travail/entretien annuel individuel, Article 4.8.1- Temps de repos et obligation de déconnexion, Article 4.8.2- Suivi de la charge de travail et de l'amplitude des journées de travail- équilibre vie privée et vie professionnelle , Article 4.8.3- Entretiens individuels)

Cette prise de conscience par les partenaires sociaux établit l'irrégularité de la situation antérieure, et l'abandon alors des salariés concernés à un sort ne tenant pas compte de leur sécurité et de leur santé, en l'absence de toute limite réelle du temps de travail.

Ainsi s'agissant de Monsieur [J], aucun accord d'entreprise ni aucun contenu individuel n'ont institué la moindre mesure destinée à assurer un contrôle utile de sa charge de travail et une protection adéquate de sa santé.

L'invalidité du dispositif conventionnel général entraîne en tout cas nécessairement la nullité de la convention individuelle de forfait qui perd le fondement nécessaire à son efficacité ; aucun forfait-jours n'est possible tant qu'un nouveau dispositif conventionnel valide n'est pas mis en place.

Tel n'a pas été le cas pour Monsieur [J] et il y a lieu, par infirmation du jugement, de dire nulle la convention passée par les parties en 2007, modifiée en 2009.

' sur les heures supplémentaires réclamées

Par suite de la nullité, le régime légal des heures supplémentaires doit s'appliquer au bénéfice de Monsieur [J], comme il le soutient ; il réclame paiement d'un rappel d'heures supplémentaires concernant, dans la limite d'une prescription partielle pouvant s'appliquer à sa demande, les années 2010 (à compter du 21 octobre), 2011, 2012 et 2013 (jusqu'à son licenciement), pour un total de 85.537,19 €.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail.

Monsieur [J] verse aux débats :

- des relevés précis "établis sur la base des informations contenues dans le logiciel de gestion des accès (login sur le logiciel Windows) de la société ANSYS FRANCE auquel il avait accès avec son ordinateur professionnel" ;

- un "mémo" de son supérieur hiérarchique, Monsieur [W], datant de juin 2012, qui le qualifie en introduction de "sérieux et gros travailleur", et mentionne « Sometimes, I wonder when he sleeps because he seems respond e-mails during almost hours of the day », soit selon traduction : « Parfois, je me demande quand il dort car il répond aux courriels quasiment à toutes heures du jour"

et souligne qu'il ne réclame pas le paiement des heures de travail qu'il effectuait à domicile en raison de son implication professionnelle.

Les relevés débutent au 18 octobre 2010 ; il en existe 19, avec détails jour par jour et semaine par semaine, hors jours de congés payés, jours de RTT et jours de week-ends ; ils mentionnent des heures de début et des heures de fin de travail, qui présentent majoritairement une continuité, faisant ressortir un volume courant de 10 h 15 par jour, pouvant aller jusqu'à 10 h 45, et notamment en 2012, souvent plus de 11 h, plus de 12 h, même plus de 13 heures de travail.

Il existe une cohérence de ces relevés, spécialement concernant un cadre investi de hautes fonctions dans l'entreprise ; Monsieur [J] produit ainsi des éléments précis préalables qui sont de nature à étayer sa demande et qui peuvent être discutés par l'employeur.

La société ANSYS FRANCE réplique que le logiciel invoqué était inexistant dans la société, produisant à cet effet une attestation d'un administrateur système qui expose qu'il subsistait un système limité au contrôle d'"accès entrant", pour gérer les autorisations d'entrée, sans qu'il soit nécessaire pour chacun de "badger", que les sorties étaient libres et "anonymes", qu'un système de vidéo-surveillance était en service, et qu'après l'heure de fermeture des locaux, soit 22 H, toute présence devait être signalée à la société en charge de l'"alarme intrusion".

Cependant, il a déjà été souligné qu'elle ne fournit aucun document sur l'application de l'article 3.3.2 de l'accord d'entreprise du 6 mai 2010 concernant la feuille de pointage et le récapitulatif du nombre de jours travaillés ; elle n'a en pratique organisé aucun contrôle du temps de travail de Monsieur [J] et doit supporter les conséquences de cette carence, alors encore que des productions utiles issues du système de vidéo-surveillance, comme de documents établis par la société de contrôle de fermeture des locaux, ne sont pas impossibles à l'appui de sa contestation des horaires dont il fait état.

En définitive, la société ANSYS FRANCE ne critique pas précisément le décompte de Monsieur [J], si ce n'est pour un jour de 2011 et trois jours de 2012 qu'il inclut.

Alors en outre que l'avis du supérieur hiérarchique précité est particulièrement significatif quant à la connaissance par l'employeur de l'existence des heures supplémentaires accomplies, nécessaires à la bonne réalisation des fonctions de direction, il résulte des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, que compte tenu de la charge de travail pesant sur l'appelant, la durée légale de travail hebdomadaire dans l'entreprise pouvait être dépassée en ce qui le concerne et qu'il a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées pendant les années objets de sa prétention à paiement.

Compte tenu des quelques jours discutés, sans réplique précise de Monsieur [J], le rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires est retenu à hauteur de :

- 7.076,13 € pour l'année 2010

- 30.223,98 € pour l'année 2011

- 45.811,57 € pour l'année 2012

- 1.693,97 € pour l'année 2013.

La société ANSYS FRANCE doit être, par infirmation du jugement, condamnée au paiement détaillé de ces sommes, sur lesquelles seront appliquées les charges sociales année par année, l'intérêt légal courant en revanche uniformément à compter de la réception par elle de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

' sur le repos compensateur

Le salarié qui effectue des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires réglementairement fixé a droit à une contrepartie obligatoire en repos.

S'il n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, il a droit à l'indemnisation du préjudice subi, dont l'appréciation revient à la juridiction, comme convenu par Monsieur [J] qui formule une demande de dommages intérêts et peu important qu'à titre infiniment subsidiaire, la société ANSYS FRANCE présente un calcul propre.

La cour dispose des éléments suffisants, s'agissant de moins de trois années de privation, pour allouer à Monsieur [J] de ce chef, en infirmant de nouveau le jugement, la somme de 3.500 €.

' Sur la demande en paiement d'un rappel de rémunération variable

Le litige porte sur une prime dite de "corporate bonus".

Le contrat de travail du 2 avril 2007, en son article 6.2, prévoit que "le salarié pourra faire valoir son droit à participer au programme de primes d'entreprise de ANSYS Inc.", sans autre précision ; l'avenant du 30 mars 2009 rappelle que notamment "la rémunération" demeure inchangée.

Aucun entretien annuel ne fixe d'objectifs, ni quantitatifs, ni qualitatifs, futurs au salarié ; en mars 2009, on relève seulement "Le premier domaine d'amélioration est d'augmenter la concentration sur la relance client" et ultérieurement, rien de significatif sur ce terrain.

Monsieur [J] a effectivement perçu pour les années 2008 à 2012 comprise, diverses sommes à titre de rémunération variable.

Il soutient cependant qu'à compter de l'année 2009, la société ANSYS FRANCE a substitué "frauduleusement" la participation légale à une partie de sa rémunération variable.

La société ANSYS FRANCE confirme avoir mis en place le régime de participation légale versé pour la première fois en 2010, fait valoir que pour 2009, selon les propres tableaux de Monsieur [J], elle n'a rien "substitué".

Plus particulièrement, la prohibition de substitution concerne la mise en oeuvre de ce régime, assortie de la suppression effective totale d'un élément de la rémunération.

En l'espèce, Monsieur [J] a bien toujours perçu son "corporate bonus" au cours des années pour lesquelles il revendique, dont certaines sont d'ailleurs soumises à la prescription triennale de sa prétention (année 2009).

Le total annuel perçu est variable, et il s'agit d'un cumul d'aléas quant au montant de la participation légale et à celui de la prime "corporate bonus" discrétionnaire, Monsieur [J] ne démontrant en rien l'absence de fondement de cette qualification mise en avant par la société ANSYS FRANCE, notamment en ne prouvant pas sa fixité à son profit, en l'absence de référence à un mode de calcul, à des paramètres déterminés, à une règle préétablie.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prétention est mal fondée et que le jugement qui l'a rejetée doit être confirmé.

' sur la demande de dommages intérêts motif pris d'une violation manifeste par l'employeur d'un élément essentiel du contrat de travail

Dès lors qu'il n'existe aucun manquement de l'employeur concernant le paiement de la prime litigieuse, il n'en existe pas plus au titre d'une violation manifeste, à ce titre, d'un élément essentiel du contrat de travail.

Le jugement doit être encore confirmé en son rejet de la prétention.

Sur le licenciement

' Sur l'allégation de nullité de la mesure ( moyen nouveau devant la cour)

Faisant état d'une difficulté concernant des stock-options attribuées à l'ancien Président de la société ESTEREL TECHNOLOGIES, acquise par la société ANSYS FRANCE entre avril et août 2012, il expose :

- avoir, le 11 septembre 2012, interrogé la DRH Groupe, Madame [N] [E], et avoir en retour été informé par celle-ci que pour cet ancien Président, la gestion et le paiement des rémunérations et des avantages seront réalisés par la filiale anglaise du groupe, ANSYS UK, en raison de "fonctions partagées", dont directeur général de l'"entité juridique" américaine, ANSYS Inc., et de la nécessité de respecter un accord signé entre les gouvernements américain et français, mais que "l'ensemble des retenues à la source et cotisations sociales le concernant seront payées au gouvernement français" par ANSYS UK, solution sur laquelle il a fait part d'un "point de vue quelque peu différent" ;

- avoir le 6 décembre 2012, eu un nouvel échange avec le directeur financier Europe du Nord, sur la nécessité de payer en France les charges sociales afférentes à des stock options octroyées à un employé en France, paiement dû le jour de l'octroi ;

- avoir eu de nouveaux échanges entre le 7 et le 11 décembre 2012, avec Madame [E] , Madame [I], Responsable Groupe des rémunérations et des avantages salariaux, et son supérieur Monsieur [W], tenant à la nature des options accordées - "qualifiées" ou "non qualifiées"- et avoir eu confirmation du "choix d'allouer les options d'actions par l'intermédiaire du montage effectué en Angleterre".

Il considère que "au vu de ses questionnements persistants depuis le mois d'août sur le montage frauduleux mis en place à son insu, l'employeur avait conscience qu'il refuserait de certifier de l'absence d'erreur et de fraude dans les comptes de la filiale ANSYS FRANCE auprès des autorités boursières américaines", et qu'il s'agit là du véritable motif de son licenciement.

Dès lors il a selon lui été licencié au mépris de son droit de "relater de bonne foi des infractions fiscales dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions", et son licenciement est nul pour entrave au droit de dénoncer les actes illicites susceptibles de constituer une infraction pénale.

La société ANSYS FRANCE relève qu'à aucun moment, durant les entretiens de janvier 2013 avec son supérieur "concernant la découverte des faits fautifs qui motiveront son licenciement", ni lors de l'entretien préalable, Monsieur [J] n'a évoqué le fait que son licenciement pourrait avoir un quelconque lien avec cette prétendue "alerte", et rappelle que la lettre de licenciement ne vise aucunement le fait d'avoir rapporté à des tiers des faits prétendument frauduleux.

Elle réplique qu'il s'agit en réalité d'entacher sa réputation, qu'il n'existe aucune situation de fraude fiscale, alors qu'étant établie en toute transparence dans l'Etat américain du Delaware, elle est soumise aux dispositions de la convention du 31 août 1994, qui permettent à l'Administration fiscale française de bénéficier d'un échange automatique de renseignements avec les autorités américaines, notamment sur les comptes de résidents de France ouverts auprès des institutions financières américaines.

Pour le surplus, elle fait valoir que les explications données à Monsieur [J] sur l'emploi de l'ancien Président de la société ESTEREL TECHNOLOGIES à des fonctions de supervision de l'activité systèmes et logiciels embarqués au niveau du groupe ANSYS dans le monde correspondent à la réalité, sans que Monsieur [J] les contredise, et si ce Président a été pris en charge par la société ANSYS UK comme salarié, comme plusieurs salariés dirigeants « clés '' ayant des fonctions transversales, il a été signé entre eux le 31 août 2012 un contrat de travail soumis à la loi française.

Elle rappelle que la filiale anglaise a déclaré l'ensemble des rémunérations payées à Monsieur [K] aux administrations françaises, la loi de sécurité sociale applicable étant la loi française, selon immatriculation régularisée par l'URSSAF le 3 septembre 2012.

En conséquence Monsieur [J] ne peut selon elle faire état d'une infraction fiscale ou sociale commise de ces chefs.

Quant aux prétendues fraudes en matière d'attribution de stock-options, elle insiste sur le fait qu'il s'est contenté de poser des questions, de répondre aux questions posées par la société sur les régimes à appliquer à ces stock-options, et n'a à aucun moment, expressément écrit à ses supérieurs que les choix de la société constituaient, selon lui, une fraude fiscale et/ou sociale pénalement répréhensible.

Elle soutient au surplus qu'un compte "E-Trade" a bien été ouvert au nom de Monsieur [K], en produisant une copie du document d'ouverture, ce qui est de nature à contredire l'allégation contraire de Monsieur [J], et qu'elle n'a jamais eu l'intention de se soustraire à ses obligations fiscales et sociales relatives aux stock-options régulièrement attribuées à ce salarié, puisqu'elle a opté pour donner aux options la nature de "non- qualifiées", avec régime fiscal et social moins favorable que celui des options "qualifiées", c'est à dire plus coûteux pour l'employeur et l'employé, ce qu'elle prouve au travers d'un tableau figurant à la page 27 de ses écritures.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments pertinemment mis en avant par l'intimée, notamment en ce qui concerne les échanges par e-mail des 11 septembre 2012, 6 à 11 décembre 2012, dont le contenu a été exactement retranscrit plus haut par la cour, et dont le dernier, de Monsieur [W], évoque exclusivement une étude de coût entreprise selon les différences de nature des options, qu'il n'y a eu aucune fraude commise, "découverte" par Monsieur [J], lequel a été associé à la recherche de solution d'une difficulté juridique et n'a nullement exprimé une opposition motivée.

Ainsi en l'espèce, et alors encore que le I7 décembre 2012, la promotion de Monsieur [J] au poste de Contrôleur Financier Europe du Sud et de l'Ouest a été validée par Madame [S], sur proposition de Monsieur [W], qui développe les qualités et mérites de Monsieur [J] (e-mails produits par l'intimée), il ne s'agit en rien d'un licenciement "sanction" motivé par l'exercice d'un droit d'alerte, prohibé, et l'allégation de nullité est mal fondée.

Il y a lieu de rejeter la demande de dommages intérêts qui lui est liée.

' Sur l'allégation de défaut de cause réelle et sérieuse en présence d'un licenciement "verbal" ( moyen nouveau devant la cour)

Monsieur [J] fait état d'un licenciement "verbal" du fait du contenu de la convocation à entretien préalable en date du 18 janvier 2013, puisqu'il lui a été enjoint de "ne pas venir travailler" tout en étant rémunéré.

En présence d'un écrit, il s'agirait tout au plus d'un licenciement de fait.

Mais l'employeur a formulé clairement des réserves sur la décision "à intervenir" et n'a, par la voie d'une simple dispense d'activité, avec rémunération, commis aucune erreur d'appréciation, ni poursuivi prématurément, avant entretien préalable, un licenciement.

Le moyen inopérant doit être rejeté.

' Sur les motifs du licenciement

' sur l'utilisation non conforme d'un véhicule de fonction

Ce motif a été reproduit plus avant ; liminairement, Monsieur [J] soutient qu'il serait prescrit.

En application des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.

Mais l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période, s'ils n'ont jamais été sanctionnés.

En l'espèce, il s'agit d'un grief tenant à une utilisation irrégulière d'un véhicule initialement loué pour l'usage d'un autre salarié, Monsieur [R], en juillet 2012, au demeurant reconnue pour ce mois-là par l'appelant, puis poursuivie à tout le moins en fin d'année 2012, selon éléments versés par la société ANSYS FRANCE, notamment attestation régulière du directeur juridique Europe, Monsieur [T], qui relate les déclarations d'autres salariés sur cette continuité, en ce compris l'usage essentiellement à des fins personnelles ; aucune prescription n'est donc encourue et le moyen est mal fondé.

Quant à cet usage prohibé, l'allégation d'une "tolérance" déjà en 2010 est inopérante, alors surtout qu'il s'agissait d'une autorisation formelle ("mémo" de Monsieur [W] du 11 janvier 2013 versé aux débats, non contestable quant à sa date au vu de celle de son envoi par e-mail aux "Ressources Humaines").

Et pour la période concernée, elle se heurte manifestement au refus clairement exprimé par l'employeur, de la demande d'attribution d'un véhicule de fonction : échange d'e-mails du 16 juillet 2012, produits par la société ANSYS FRANCE, dépourvus d'ambiguïté.

Le grief d'usage effectif contraire aux décisions de l'employeur est largement établi notamment par l'attestation précitée de Monsieur [T], qui fait état des déclarations spontanées, "entre le 28/12/2012 et le 4/1/2013", de plusieurs salariés .

Et en ce qui concerne la prolongation du leasing du véhicule en cause, qui devait prendre fin le 9 décembre 2012, et dont Monsieur [J] n'a restitué les clés que le 14 janvier 2013, le même "mémo" de Monsieur [W] la confirme, et le procès verbal de restitution de cette date, signé par l'appelant, l'atteste.

En outre, un échange d'e-mails avec le loueur entre le 7 septembre 2012 et 5 décembre 2012, prouve largement l'intention de conserver le véhicule à titre personnel.

Alors au surplus que Monsieur [J] affirme s'être acquitté du coût de la location pour le mois de juillet 2012, ce qui en confirme le bénéfice personnel, le grief est entièrement établi.

La cour retient qu'il s'agit d'un comportement non compatible avec les fonctions de directeur financier qu'avait Monsieur [J], dont le niveau de responsabilités impliquait une intransigeance absolue sur sa loyauté et sur les exemples qu'il lui revenait de donner.

Il y a eu faute, et le licenciement pour cause réelle et sérieuse est de ce chef déjà justifié, le jugement étant dès lors confirmé.

Quant à demande en paiement de 500 € formulée par voie d'appel incident (en non "reconventionnellement") par la société ANSYS FRANCE, en remboursement des frais d'utilisation du véhicule de fonction qu`i1 a utilisé sans autorisation, il s'avère qu'elle n'avait pas été formulée en première instance et que les premiers juges ont statué ultra petita sur ce point, l'appel de l'intéressée étant dès lors nécessaire.

Aucun décompte justificatif sérieux n'est cependant produit, et il y a lieu, par infirmation du jugement, de la rejeter.

' sur les autres griefs

Ils sont examinés en tant que de besoin.

' s'agissant du comportement inadapté vis-à-vis d'autres salariés

La preuve en serait faite par la société ANSYS FRANCE au moyen de diverses attestations dont les auteurs relatent avoir reçu les plaintes de collègues.

Aucune attestation des intéressées n'est produite, aucune preuve de formulation de leurs doléances auprès de la direction de l'entreprise n'est communiquée ; il n'y a jamais eu de mise en garde personnalisée par courrier.

Le grief est, comme justement retenu par les premiers juges, mal fondé.

' s'agissant de l'offre de prestation de conseil fiscal rémunérée

Le conseil de prud'hommes a estimé que les documents produits aux débats démontrent formellement que M. [J] s'est livré à des manoeuvres illicites en proposant financièrement ses services aux collaborateurs de la Société et ce sur le temps et matériel de l'entreprise.

Sont mis en cause deux courriels de 2010.

L'existence du premier résulte d'un e-mail anonymisé d'un salarié, en date du 2 janvier 2013, qui transfère à Monsieur [T], sus-visé, un courriel de Monsieur [J] en date du 15 avril 2010, par lequel celui-ci s'est adressé à lui-même, dès lors qu'aucun autre destinataire de ce courrier n'est mentionné dans l'intitulé d'envoi, un "Avis aux amateurs de réduction d'impôt" ; il n'en résulte aucune preuve d'envoi général à un ensemble de salariés.

Quant au second e-mail, produit par Monsieur [J] lui-même, il s'agit d'un échange en date du 20 avril 2010, avec un seul salarié, Monsieur [M], suivant lequel il a pour sa part bien été destinataire du l'"Avis aux amateurs" ci-dessus, s'en est étonné et a reçu une réponse de Monsieur [J], censée confirmer sa décision de "monnayer ses connaissances".

Les faits ainsi seulement très partiellement établis sont prescrits au regard de la date d'engagement de la procédure de licenciement, et le grief, quoique pouvant correspondre à un comportement encore surprenant de la part d'un haut cadre dans l'entreprise, est prescrit.

Il est contrairement à l'appréciation des premiers juges, mal fondé.

Toutefois, même en l'absence de pertinence de ces autres griefs, la réalité d'une cause réelle et sérieuse du licenciement est, comme déjà retenu, démontrée au titre du premier.

' Sur les conséquences du bien fondé du licenciement

Pourvu d'une cause réelle et sérieuse, le licenciement fait obstacle à toute allocation de dommages intérêts à Monsieur [J] motif pris d'un défaut de cause réelle et sérieuse ; le jugement est sur ce point de nouveau confirmé.

Il s'ensuit également que l'employeur ne saurait être condamné à rembourser des allocations de chômage versées au salarié, étant à toutes fins observé qu'une telle condamnation n'a pas à être sollicitée par ce dernier, dès lors qu'elle s'impose à la juridiction saisie quand les conditions en sont réunies ; le jugement est encore confirmé.

S'agissant enfin des demandes en paiement complémentaires de Monsieur [J] :

- au titre des primes dites « Long Term Retention Bonus »

- au titre de préjudices liés à l'exercice des stock-options

en présence d'un licenciement causé, elles sont manifestement mal fondées, dès lors qu'il est responsable de son départ de l'entreprise et ne peut invoquer des préjudices nés d'un départ prématuré l'ayant empêché de bénéficier des dites primes, ni des règles chronologiques de réalisation des stock-options.

Le jugement est à confirmer en son rejet des ces prétentions.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à Monsieur [J] à ce titre la somme de 4.000 €, en déboutant la société ANSYS FRANCE qui succombe de sa demande sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 18 janvier 2016, excepté en ce qu'il a :

- rejeté la demande de Monsieur [J] en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires

- rejeté sa demande au titre du repos compensateur

- condamné Monsieur [J] à payer à la société ANSYS FRANCE une somme de 500 € "au titre de déplacement seul à l'utilisation d'un véhicule de société"

- rejeté la demande de Monsieur [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT nulle la convention de "forfait-jours" intégrée au contrat de travail de Monsieur [J],

CONDAMNE la société ANSYS FRANCE à lui verser :

- au titre du rappel d'heures supplémentaires, les sommes brutes de :

- 7.076,13 € pour l'année 2010

- 30.223,98 € pour l'année 2011

- 45.811,57 € pour l'année 2012

- 1.693,97 € pour l'année 2013

qui seront soumises à charges sociales selon taux en vigueur année par année

avec intérêt légal à compter de la réception par elle de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes

- au titre de la privation du repos compensateur :

- 3.500 € nets de dommages intérêts, avec intérêt légal à compter du présent arrêt,

REJETTE la demande de Monsieur [J] tendant à voir déclarer le licenciement nul et celle en paiement de dommages intérêts liée,

REJETTE sa demande tendant à voir déclarer le licenciement " verbal" sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société ANSYS FRANCE à payer à Monsieur [J] la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE sa demande au même titre et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00834
Date de la décision : 07/02/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00834 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-07;16.00834 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award