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24/01/2017 | FRANCE | N°15/02985

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 24 janvier 2017, 15/02985


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A
6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 24 JANVIER 2017
R. G. No 15/ 02985
AFFAIRE : SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI C/ Nabil X... UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE Section : Industrie No RG : 12/ 02288 Copies exécutoires délivrées à :

Me Christian CALFAYAN
Me Dominique BROUSMICHE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Me C

hristian Y...- Mandataire liquidateur de SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELL...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A
6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 24 JANVIER 2017
R. G. No 15/ 02985
AFFAIRE : SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI C/ Nabil X... UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE Section : Industrie No RG : 12/ 02288 Copies exécutoires délivrées à :

Me Christian CALFAYAN
Me Dominique BROUSMICHE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Me Christian Y...- Mandataire liquidateur de SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI,
SELARL FHB (NEUILLY SUR SEINE)- Administrateur judiciaire de la SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI
Nabil X...,
UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 10 janvier 2017 puis prorogé au 24 janvier 2017, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Me Y... Christian (SELARL Y...)- Mandataire liquidateur de SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI...

Représenté par Me Christian CALFAYAN, avocat au barreau de PARIS,

Me SELARL FHB (NEUILLY SUR SEINE)- Administrateur judiciaire de la SARL COMPAGNIE EUROPEENNE ENVIRONNEMENT CONSTRUCTION INDUSTRIELLE-CEECI 131 Avenue Charles de Gaulle 92200 NEUILLY SUR SEINE

Représenté par Me Christian CALFAYAN, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTES

****************
Monsieur Nabil X......

Représenté par Me Dominique BROUSMICHE, avocat au barreau de PARIS,
UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST 130 rue Victor Hugo 92309 LEVALLOIS PERRET CEDEX

Représentée par Me Séverine MAUSSION de la SCP HADENGUE et ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES,
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, Madame Sylvie BORREL, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation
FAITS ET PROCÉDURE,
M. Nabil X... a été embauché selon contrat à durée déterminée par la société CECI, dont le gérant est M. Z..., en qualité de chaudronnier ou de soudeur pour la période écoulée du 27 janvier 2003 au 31 juillet 2004. Il a bénéficié d'un second contrat à durée déterminée passé avec la société TEIC, dont le gérant est également Monsieur Z..., pour la période comprise entre le 1er août 2004 et le 31 juillet 2005. Enfin, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2005 il a été engagé par la société Compagnie Européenne Environnement Construction Industrielle dénommée CEEI en qualité de soudeur.
Le 5 mars 2009, alors qu'il travaillait sur un chantier de réparation d'une chaudière pour la société Traitement Industriel des Résidus Urbains dénommée TIRU, à Ivry-sur-Seine, il a été victime d'un accident. La société SARL CEEI a établi le jour même une déclaration d'accident du travail comportant les mentions suivantes :
- circonstances de l'accident : « Il effectuait des travaux sur une poinçonneuse lorsqu'un poinçon est venu heurter son œil » ;
- nature et siège des lésions : « corps étranger œil droit ».
À la déclaration été joint un certificat médical constatant une « plaie perforante du globe droit avec projection métal lors d'une activité de perçage ».
Après plusieurs hospitalisations, M. Nabil X... a perdu l'usage de l'oeil droit et porte une prothèse oculaire. La consolidation est intervenue le 20 octobre 2009.
La caisse primaire d'assurance-maladie de Paris a informé par lettre du 26 mars 2009 la victime et son employeur de la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 21 février 2010, l'ouverture du redressement judiciaire de la SARL CEEI a été décidée. Par une nouvelle décision du 9 février 2011, la même juridiction a arrêté un plan de redressement de la SARL CEEI et a désigné Mme B..., commissaire à l'exécution du plan et M. A... mandataire judiciaire. Enfin par jugement du 24 mars 2016, le plan de redressement a été résolu et la liquidation judiciaire décidée. Maître Y... a été nommé liquidateur.
Par jugement du 12 novembre 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a constaté que l'accident était dû à la faute inexcusable de la SARL CEEI, au motif que la poinçonneuse utilisée par le salarié ne comportait pas de protection plexiglas, faisant un écran entre la perforeuse elle-même et le visage de l'intéressé, de manière à empêcher des bouts de métal d'atteindre le visage et les yeux, alors qu'aucun équipement de type casque ou visière n'était non plus prévu. Cette décision a été confirmée par arrêt la cour d'appel de Versailles rendu le 22 janvier 2015.
Entre-temps, le médecin du travail a établi une fiche d'inaptitude le 17 mai 2010 ainsi libellée : « inaptitude définitive à tout poste prononcé ce jour en une seule fois pour danger immédiat article 4624 – 31 afin de préserver la santé de l'intéressé. Aucun reclassement n'est envisagé au sein de la structure ».
Entre-temps, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 octobre 2010, la SARL CEEI a notifié à l'intéressé son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.
M. Nabil X... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 31 juillet 2012 aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :-165 974, 79 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte d'emploi ;-31 200 € de dommages-intérêts en réparation de la perte de droit à la retraite ;-24 965, 04 euros de dommages-intérêts pour non-respect l'obligation de sécurité de résultat ;

- ces indemnités étant aussi qualifiées de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-1052, 93 euros de rappel d'indemnité de licenciement ;-2011, 85 euros de rappels de salaires au titre du mois de juillet 2009 ;-201, 19 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;-1975, 05 euros de rappel au titre du solde de tout compte d'octobre 2010 ;-16 173, 84 euros de complément salaire au titre de la garantie due par la compagnie AG2R ;

- les intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction ;
-1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL CEEI s'opposait à toutes ses demandes et sollicitait la somme de 4000 € au titre des frais irrépétibles.
Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest demandait sa mise hors de cause, à raison du jugement du tribunal de Commerce du 24 février 2011 homologuant un plan de continuation.
Par décision du 29 avril 2015 le conseil de prud'hommes a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 27 janvier 2003, date de son entrée au service de la société CECI par contrat à durée déterminée. En outre, la SARL CEEI prise en la personne du commissaire l'exécution du plan, Mme B..., a été condamnée à payer au salarié les sommes qu'il sollicitait.
Appel a régulièrement été interjeté par l'employeur le 30 mai 2015.
A l'audience du 8 novembre 2016, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile.
La SARL CEEI, la SELARL FHB, en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELARL Y..., en qualité de liquidateur, prient la cour d'infirmer le jugement entrepris et de rejeter l'ensemble des prétentions adverses.
L'intimé sollicite l'inscription au passif de la société CEEI des sommes qu'il avait demandées en première instance.
L'AGS (CGEA) d'Île-de-France Ouest conclut à sa mise hors de cause, eu égard au plan de redressement de l'employeur, et en tout état de cause au débouté du salarié. Subsidiairement cet organisme demande sa mise hors de cause s'agissant de l'indemnité de licenciement, du rappel du solde de tout compte et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, perte d'emploi, perte des droits à la retraite et manquement à l'obligation de sécurité de résultat. Subsidiairement, constatant que le licenciement est postérieur de plus d'un mois à l'ouverture du redressement judiciaire, l'AGS (CGEA) île de France Ouest conclut à sa mise hors de cause s'agissant de l'ensemble des indemnités de rupture et de lui donner acte des limites de sa garantie.
MOTIFS
Sur la requalification des contrats à durée déterminée
Considérant que M. Nabil X... sollicite la requalification en contrat de travail à durée indéterminée des contrats à durée déterminée conclus entre le 27 janvier 2003 et le 31 juillet 2004 au sein de la SARL CEECI et entre le 1er août 2004 et le 31 juillet 2005 au sein de la SARL TEIC, avant l'embauche en contrat de travail à durée indéterminée le 1er août 2005 du même salarié par la SARL CEEI, toujours gérée par la même personne que les précédentes, motif pris de ce que ces trois sociétés avaient le même dirigeant et le même siège social, de sorte qu'il s'agissait de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, et de contourner, par le biais de changement apparent d'employeur, la limitation de la durée totale de 18 mois imposée aux contrats à durée déterminée, renouvellement compris comme le prescrit l'article L 1242-8 du Code du travail et ainsi que les délais de carence prescrits par l'article L 1244-3 du Code du travail ;
Considérant que M. Nabil X... a été embauché par la société TEIC en qualité de soudeur selon contrat à durée déterminée du 9 décembre au 18 décembre 2002 ;
Qu'il a encore été embauché par la société CEECI en qualité de chaudronnier puis de soudeur du 27 janvier 2003 au 31 juillet 2004 ;
Qu'il a derechef été embauché en qualité de soudeur par la société TEIC du 1er août 2004 au 31 juillet 2005, avant d'être engagé, en qualité de soudeur à nouveau, sous contrat de travail à durée indéterminée par la société CEECI sous contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2005 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 1244-3 du Code du travail dans sa numérotation actuelle, à l'expiration d'un contrat à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat renouvellement inclus ; que ce délai de carence est égal :
- au tiers du contrat venu à expiration si la durée du contrat renouvellement inclus est de 14 jours ou plus ;
- à la moitié du contrat venu à expiration si la durée du contrat renouvellement inclus est inférieure à 14 jours ;
Considérant que l'examen des contrats à durée déterminée successifs en cause fait ressortir que le délai de carence n'a pas été respecté lors du renouvellement du contrat conclu avec la CEECI du 27 janvier 2003 au 31 juillet 2004, par un second contrat du 1er août 2004 au 31 juillet 2005 passé avec la société TEIC ; que le délai de carence a été méconnu puisqu'il a été inexistant ;
Considérant certes, que selon les extraits Kbis datés du 17 novembre 2012 des trois sociétés concernées, celles-ci ont le même gérant ; qu'elles ont toutefois des sièges différents tandis qu'il n'apparaît pas qu'elles aient eu précédemment le même siège ; que l'examen des transferts de siège ne révèle pas plus de manière certaine l'existence d'un siège identique au moment du renouvellement du contrat à durée déterminée litigieux en 2003 même si les sociétés CEECI et TIEC ont eu une adresse identique à La Plaine Saint-Denis, mais à des moments différents ; qu'en l'absence d'éléments supplémentaires, la fraude invoquée pas le salarié n'est pas démontrée ;
Considérant que le même raisonnement conduit la cour à exclure une fraude qui aurait consisté à recourir à des sociétés différentes dans le cadre d'une entente pour conclure une relation de travail dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour une durée de plus de 18 mois en violation de l'article 1242-8 du Code du travail ; que si le contrat à durée déterminée conclu entre la SARL CEEI et M. Nabil X... le 27 janvier 2003 a duré quelques jours de plus que 18 mois, la requalification d'un tel contrat n'a pas pour effet de conduire à une requalificaiton de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 janvier 2003 jusqu'à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée comme il l'est demandé pour accroître l'ancienneté du salarié au sein de la société ; qu'en effet, entre-temps, la relation de travail a été interrompue de manière prolongée par un contrat à durée déterminée passé avec la société TIEC qui a duré 12 mois et qui manifestait que la rupture était intervenue entre la SARL CEEI et M. Nabil X... le 31 juillet 2004, fin du premier contrat à durée déterminée les liant ;
Considérant que dès lors que M. Nabil X... n'allègue pas l'existence d'un co-emploi, il ne peut être tiré de l'occupation d'un poste qui pourrait être identique au titre de contrats à durée déterminée successifs dans des sociétés différentes, l'occupation d'un emploi stable et permanent ;
Sur le rappel de salaire du mois de juillet 2009
Considérant que M. Nabil X... sollicite le paiement de la somme de 2 011, 85 € correspondant au salaire du mois de juillet 2009 et qu'il n'aurait jamais reçu outre l'indemnité de congés payés y afférents de 201, 18 € ; qu'au vu du bulletin de paie correspondant et de l'absence de réponse de M. Y..., es qualité, il convient de faire droit à cette prétention ;
Sur l'obligation de sécurité de résultat
Considérant que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un risque, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;
Considérant que le salarié, reprenant les motifs retenus par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine dans son jugement du 12 novembre 2013 confirmé par arrêt de la cour de céans du 22 janvier 2015et par lequel il a retenu la faute inexcusable du salarié, invoque l'absence de dispositif de protection sur la poinçonneuse qu'il utilisait et qui aurait empêché les éclats de métal d'atteindre ses yeux ;
Considérant qu'il n'est pas contesté, dans le cadre du présent litige, que la poinçonneuse litigieuse ne comportait pas de protection en plexiglas faisant écran entre l'appareil et le visage du salarié ; qu'aucun équipement de type casque à visière n'était disponible, alors que certaines de ces machines en prévoient, ce qui manifeste le caractère prévisible de l'accident et la facilité de le pallier ;
Qu'ainsi, l'employeur a méconnu l'article L 4121-2 du Code du travail, faute d'avoir pris les mesures nécessaires et connues pour éviter les risques, ni justifié, comme le prescrit ce texte, avoir évalué les risques qui peuvent être évités, combattu les risques à la source, effectué des choix d'équipement adaptés, ou donné les instructions appropriées aux travailleurs ;
Considérant qu'il est donc établi que l'employeur a violé l'obligation de sécurité ;
Sur la licéité du licenciement
Considérant que dès lors que l'inaptitude pour laquelle le licenciement a été prononcé, trouve sa source dans une violation par l'employeur de son obligation de sécurité, la rupture est imputable à la faute de l'employeur et s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières de la rupture
Considérant qu'à l'appui de sa demande en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié invoque : le traumatisme né de la rupture ; l'impossibilité de retrouver un emploi, compte tenu de sa seule formation de soudeur ; le protocole de soins d'affection de longue durée dont il a bénéficié le 29 octobre 2010 jusqu'au 20 octobre 2014, reconduit du 6 août 2014 jusqu'au 6 août 2019 ; sa situation très difficile sur le plan personnel, à raison de son préjudice moral pour perte définitive de son oeil droit ; sa pathologie dépressivo-anxieuse ; sa pathologie psychiatrique évolutive, avec prescription d'anxiolytiques et d'antidépresseurs ; son logement inadapté à son handicap ; ses difficultés financières ;
Que comparant les revenus auxquels il aurait pu prétendre s'il avait conservé son emploi jusqu'à sa retraite à l'âge de 62 ans avec les ressources dont il a bénéficié ou il bénéficiera du fait des indemnités journalières de la CPAM et de la pension d'invalidité versée par la Cramif, il demande la condamnation de l'employeur à lui verser le manque à gagner de 165 974, 79 € ; qu'il qualifie aussi cette prétentionde demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur l'article L 1235-3 du Code du travail ;
Que comparant ses droits à la retraite jusqu'à l'âge de 62 ans avec la retraite personnelle qui aurait été la sienne s'il avait travaillé jusqu'à l'âge de 65 ans et 8 mois pour la percevoir au taux plein, il sollicite compte tenu de son espérance de vie la somme de 31 200 € en réparation de la perte de droits correspondants ;
Qu'enfin il demande la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 24 965, 04 € de dommages-intérêts, soit l'équivalent de 12 mois de salaires, au titre du non respect de l'obligation de sécurité de résultat ;
Considérant que la demande d'indemnisation de la perte, même consécutive au licenciement d'un salarié pour inaptitude, de salaires et de droits à la retraite porte en réalité sur la réparation des conséquences de l'accident du travail, et relève des juridictions de la sécurité sociale dont la compétence est exclusive pour l'indemnisation de l'accident du travail en application de l'article L 451-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'il s'ensuit que sont irrecevables les demandes de dommages-intérêts en réparation du manque à gagner subi à la suite de l'accident du travail, qu'il s'agisse de ses droits à la retraite et des pertes de salaires liés à son inaptitude ; que néanmoins en application de l'article L 1235-3 du Code du travail, dès lors que le salarié avait plus de deux ans d'ancienneté et que l'entreprise employait habituellement au moins onze salariés, il a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ; qu'il lui sera par conséquent accordé la somme de 12 482, 52 € dès lors qu'en évoquant ledit article le salarié se fonde nécessairement sur l'ensemble du préjudice né de la rupture ;
Considérant que relève de la même manière de la juridiction de la sécurité sociale la réparation du préjudice correspondant aux conséquences physiques, matérielles et morales des blessures ; qu'une demande de réparation de ces chefs est irrecevable devant la juridiction prud'homale ;
Considérant que le préjudice né du manquement de la SARL CEEI à son obligation de sécurité réside dans l'accident du travail, dont l'indemnisation relève du tribunal des affaires de sécurité sociale ; que le salarié n'invoque aucun préjudice précis en dehors de celui-ci ; que par conséquent il sera débouté de sa demande portant sur la somme de 24965. 04 € formée de ce chef ;
Considérant que M. Nabil X... sollicite un complément d'indemnité spéciale de licenciement en se prévalant d'une ancienneté remontant au premier contrat à durée déterminée passé avec la société CEEI le 27 janvier 2003, dont il estime qu'il s'agissant du début d'une relation de travail devant être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée ; qu'il a été démontré que cette requalification ne pouvait être admise ; qu'il s'ensuit que l'intéressé au vu de son salaire mensuel brut et de son ancienneté de 5 ans, 2 mois et 26 jours, a été rempli de ses droits en recevant la somme de 5 396, 37 € ; qu'il sera donc débouté de ce chef ;
Sur le rappel au titre du solde de tout compte
Considérant que M. Nabil X... relève qu'alors que son solde de tout compte et son bulletin de paie d'octobre 2011 portent mention d'une créance en sa faveur de 10 983, 96 €, il n'a perçu que la somme de 9 008, 91 €, de sorte qu'il demande le paiement de la différence ; qu'aucune observation n'est faite par son contradicteur ; que par suite, au vu du bulletin de paie d'octobre 20110 et de la copie du chèque de 9 008, 91 € datée du 12 avril 2011 et des réclamations écrites de l'intéressé à l'adresse de l'employeur et du mandataire judiciaire, il convient de faire droit à la demande d'inscription au passif de la société de la somme de 1975, 05 € (10 983, 96-9008, 91) ;
Sur le complément de salaire AGR
Considérant que M. Nabil X... demande l'octroi de la somme de 6 882, 68 € qui lui resterait dû au titre de la garantie de salaire pendant ses arrêts maladie dont bénéficie le salarié par l'intermédiaire de la compagnie AG2R et souscrite par la SARL CEEI ; qu'il s'est en effet plaint par lettres recommandées avec accusé de réception du 8 septembre 2011 adressées tant à la SARL CEEI qu'au mandataire judiciaire, de ce que l'employeur a bien perçu les compléments de salaire à hauteur de 24, 19 € par jour, mais ne les a pas reversés au salarié, pour la période du 6 mars 2009 au 26 octobre 2010 ; que dans ces conditions, compte tenu des salaires perçus pendant cette période à hauteur de 756, 92 € en juin 2010, de 1 568, 34 € en juillet 2010, des prestations AG2R versées en août 2010 à hauteur de 4 115, 66 € et du salaire de septembre payé à hauteur de 441, 84 €, il sollicite la différence entre la somme des 602 jours à 24, 19 € qu'il aurait dû percevoir et les montants précités, soit un total restant dû de 9 648, 65 € ; qu'en l'absence d'objection argumentée de la partie adverse il sera fait droit à cette demande ;
Sur les intérêts
Considérant qu'en principe les créances contractuelles portent intérêt à compter de la notification de la convocation de l'employeur devant le conseil des prud'hommes soit du 23 janvier 2013, ce qui vaut mise en demeure ; qu'en revanche les sommes allouées à titre de dommages-intérêts ne portent intérêts qu'à compter de la décision qui les prononce ;
Considérant que toutefois, le cours des intérêts a été arrêté en application de l'article L 622-28 du Code de commerce par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective du 21 février 2010 ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de fixer une créance au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme de 1 500 € en faveur de M. Nabil X... comme l'ont admis les premiers juges ; que la SARL CEEI qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel ;
Sur la garantie de l'AGS CGEA IDF Ouest
Considérant que le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest sollicite sa mise hors de cause s'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme ne résultant pas de l'exécution du contrat de travail ; que l'analyse que précède établit que cette indemnisation est bien la conséquence de la rupture abusive du contrat de travail, de sorte que la garantie de l'AGS CGEA est également due en ce que le licenciement a été notifié pendant la période d'observation fixée par le jugement d'ouverture de la procédure collective du 21 février 2010, et précède le jugement de liquidation judiciaire du 24 mars 2016 portant résolution du plan de redressement ;
Considérant que cet organisme soutient aussi ne pas devoir sa garantie sur le rappel de solde de tout compte, comme s'agissant de créances postérieures à l ‘ ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; que cette objection est infondée dès lors que ces créances remontent à octobre 2011, alors que le jugement de liquidation est du 24 mars 2016 ;
Considérant que le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest doit couvrir la créance relative au complément de salaire dû par AG2R qui découle bien de l'exécution du contrat de travail en ce que le paiement du complément de salaire en est un avantage indissociable ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe ;
Infirme le jugement déféré mais uniquement sur les demandes en paiement des sommes de 165 971, 79 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 31 200 € de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite, de 24 965, 04 € de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, de 1 052, 93 € d'indemnité spéciale de licenciement et sur le cours des intérêts ;
Statuant à nouveau ;
Fixe au passif de la SARL CEEI la créance suivante en faveur de M. Nabil X... : 12 482, 52 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute M. Nabil X... de ses demandes en fixation de créances pour perte de droits à la retraite, pour manquement à l'obligation de sécurité et pour rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;
Dit que les intérêts sont arrêtés à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective du 21 février 2010 ;
Confirme pour le surplus ;
Y ajoutant ;
Dit que le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) d'Ile de France Ouest doit couvrir les créances de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire au titre du solde de tout compte et la créance relative à la garantie de AG2R dans les limites de sa garantie ;
Condamne la SARL CEEI aux dépens ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/02985
Date de la décision : 24/01/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

Sommaire Arrêt rendu le 24 janvier 2017 par la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 15/02985. Contrat de travail – licenciement pour inaptitude faisant suite à un accident du travail – violation par l’employeur de son obligation de sécurité – compétence du juge prud’homal pour connaître du litige relatif au licenciement. OUI. Sécurité sociale – contentieux - Compétence matérielle - article L. 451-1 du code de la sécurité sociale - Domaine d'application - Accident du travail – violation par l’employeur de son obligation de sécurité - Demande en réparation- compétence exclusive du TASS – incompétence de la juridiction prud’homale pour en connaître. Le salarié a été licencié pour inaptitude suite à un accident du travail imputable à la violation par l’employeur de l’obligation de sécurité. La cour considère ainsi que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse indépendamment de la question de savoir si la juridiction de la sécurité sociale a décidé qu'il s'agissait d'un accident imputable à une faute inexcusable de l'employeur. En revanche, si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement, la cour rappelle que le juge prud'homal ne peut allouer des sommes en réparation des conséquences de l'accident du travail telles que la perte de droits à la retraite ou la perte de salaire du fait de l'impossibilité de travailler à l'avenir, ce qui relève de la compétence exclusive du juge de la sécurité sociale selon l'article L 451-1 du Code de la Sécurité Sociale.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-01-24;15.02985 ?
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