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19/01/2017 | FRANCE | N°14/09195

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 19 janvier 2017, 14/09195


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58C



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2017



R.G. N° 14/09195



AFFAIRE :



SARL ENCORE EVENTS

...



C/



Société AREAS DOMMAGES

...



























Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

° Chambre : 4

N° Section : 2

N° RG : 10/11215





















Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE DI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58C

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2017

R.G. N° 14/09195

AFFAIRE :

SARL ENCORE EVENTS

...

C/

Société AREAS DOMMAGES

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 4

N° Section : 2

N° RG : 10/11215

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE ET APPELANTE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 29 octobre 2014 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (Pôle 2 - Chambre 5) le 5 février 2013

1/ SARL ENCORE EVENTS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618- N° du dossier 20140546

Représentant : Me Jean-marie TOMASI de la SCP SCP D'AVOCATS LEBAS TOMASI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0289

2/ SAS SOCIETE ENCORE PRODUCTIONS

RCS PARIS B 341 554 269

[Adresse 1]

[Adresse 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618- N° du dossier 20140546

Représentant : Me Jean-marie TOMASI de la SCP SCP D'AVOCATS LEBAS TOMASI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0289

INTERVENANTE VOLONTAIRE

***************

DEFENDERESSES ET INTIMEES DEVANT LA COUR DE RENVOI

1/ Société AREAS DOMMAGES

N° SIRET : 775 670 466

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ MUTUELLE D'ASSURANCE DES PHARMACIENS venant aux droits et obligations de la CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES

N° Siren 784 394 371

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTERVENANTE VOLONTAIRE

3/ SA GROUPE PONT NEUF

N° SIRET : 410 900 906

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

4/ SARL LIBERTY SYNDICATE SERVICES LIMITED

dont le siège social est au Royaume-Uni

prise en son établissement principal :

RCS 448 789 198

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150029

Représentant : Me Roger ZEINEH de l'AARPI ALEZAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0401

---------------------

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Novembre 2016, Madame Françoise BAZET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET

-------------

FAITS ET PROCEDURE

La société Encore Events, qui a pour activité l'organisation d'expositions et d'événements à caractère culturel, sportif ou musical, a organisé une exposition intitulée 'Our Body/the Universe within' dans différentes villes de France puis à [Localité 1] à compter du 12 février 2009.

Dans le cadre de l'organisation de cette exposition, la société Encore Events avait souscrit le 25 février 2008 une police d'assurance n° S203.743 par l'intermédiaire du Groupe Pont Neuf auprès des sociétés Aréas, Cameic et Companhia de Seguros Fidelioade-Mundial portant sur l'exposition 'Our Body/à corps ouvert' qui se tenait à [Localité 2] du 10 mars 2008 au 13 juillet 2008 et prorogée jusqu'au 26 octobre 2008.

Un second contrat d'assurance n° S205.124 a été conclu le 7 novembre 2008 avec d'une part le Groupe Pont Neuf représentant les sociétés Aréas, Cameic à hauteur de 50 % et, d'autre part, la société Liberty Syndicates à hauteur des 50 % restant, visant à garantir l'exposition qui devait se poursuivre dans plusieurs villes en France pour la période comprise entre le 1er novembre 2008 et le 31 décembre 2009, avec prise d'effet à compter du 31 octobre 2008.

Alors que l'exposition débutait à Paris le 12 février 2009, les associations 'Solidarité Chine' et 'Ensemble contre la peine de mort' ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'interdiction de la poursuite de l'exposition.

Par ordonnance du 21 avril 2009, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 avril 2009, le juge des référés a interdit la poursuite de l'exposition sur le fondement des articles 16-1-1 et 16-2 du code civil. La Cour de cassation, saisie sur pourvoi de la société Encore Events, a, par arrêt du 16 septembre 2010, confirmé l'interdiction de l'exposition, rappelant qu'aux termes de l'article 16-1-1 alinéa 2 du code civil, les restes des personnes décédées devaient être traités avec respect, dignité et décence et que l'exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait cette exigence.

La société Encore Events a sollicité la mobilisation de la garantie-annulation auprès de ses assureurs qui, aux termes d'un courrier du 19 mai 2009, ont refusé de prendre en charge les conséquences de l'interdiction de l'exposition, au motif de la non réalisation de la condition de garantie figurant au chapitre IE des conventions spéciales de la police et de la clause d'exclusion visée à l'article 7 des conventions spéciales.

La société Encore Events a, le 4 août 2009, fait assigner les sociétés Areas-Cma, Cameic, Groupe Pont Neuf, Liberty Syndicates devant le tribunal de commerce de Paris qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 12 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la nullité du contrat d'assurance n° S205.124 conclu le 7 novembre 2008 pour illicéité de sa cause, condamné la société Liberty Syndicates à payer à la société Encore Events la somme de 7631,50 euros en restitution des primes versées au titre du contrat d'assurance n° S205.124, avec intérêts, condamné les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas-Cmas et Cameic à restituer à la société Encore Events la somme de 7631,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011, a rejeté toute autre demande, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Encore Events aux dépens.

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 5 février 2013, a considéré que l'utilisation à des fins commerciales de dépouilles et organes de personnes humaines dont il n'a pu être démontré qu'elles y avaient personnellement consenti avant leur décès ou que des personnes autorisées l'avaient fait postérieurement, se heurtaient aux principes fondamentaux d'ordre public relatifs à la dignité et au respect de l'être humain, qui ne cessent pas avec sa mort et s'attachent donc à son cadavre. Il s'ensuivait que le contrat d'assurance souscrit pour garantir la tenue de l'exposition organisée par la société Encore Events qui était illicite dès la formation du contrat, était nul pour illiceité de sa cause.

La cour d'appel a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Groupe Pont Neuf avec les sociétés Areas-Cma et Cameic à restituer à la société Encore Events la somme de 7 631,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011 et a rejeté la demande de la société Encore Events tendant, à titre infiniment subsidiaire, à voir étendre la nullité du contrat du 7 novembre 2008 à celui du 25 février 2008,

Réformant de ces chefs et statuant à nouveau,

- débouté la société Encore Events de sa demande en restitution des primes versées dirigée contre la société Groupe Pont Neuf ,

- dit le contrat du 25 février 2008 nul,

- condamné la société Areas-Cma à payer à la société Encore Events la somme de 20 400 euros à titre de restitution de primes afférentes à ce contrat,

- condamné la société Cameic à payer à la société Encore Events la somme de 13 600 euros à titre de restitution de primes afférentes à ce même contrat,

- condamné la société Encore Events à payer aux sociétés Groupe Pont Neuf, Areas-Cma, Cameic, et Liberty Syndicate Limited la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société Encore Events aux dépens.

Statuant sur pourvoi formé par la société Encore Events, la Cour de cassation a, par arrêt du 29 octobre 2014, cassé et annulé l'arrêt mais seulement en ce qu'il a débouté la société Encore Events de sa demande en dommages-intérêts pour manquement des assureurs à leur devoir d'information et de conseil et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles.

Dans ses conclusions signifiées le 18 juillet 2016, la société Encore Events et la société Encore Production demandent à la cour de :

- recevoir la société Encore Production dans son intervention volontaire,

- juger que les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate ont méconnu leur devoir d'information et de conseil et ont causé un préjudice à la société Encore Events,

- condamner solidairement les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate à verser à la société Encore Events une somme de 1.149.424 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de leur obligation de conseil, majorée du taux légal à compter du 12 mai 2009,

- condamner solidairement les mêmes à verser à la société Encore Productions la somme de 544 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner solidairement les mêmes à verser à la société Encore Events la somme de 75 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Dans leurs conclusions signifiées le 27 octobre 2016, les assureurs demandent à la cour de :

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la Mutuelle d'assurance des pharmaciens, venant aux droits de la Caisse d'Assurance Mutuelle des Entreprises Industrielles et Commerciales en qualité d'intimée,

- mettre hors de cause la société Groupe Pont Neuf,

* En ce qui concerne les demandes présentées par la société Encore Events,

A titre principal,

- la déclarer irrecevable en sa demande de réparation fondée sur les dispositions des articles 1315 et 1147 du code civil ou encore des articles L.112-1 et suivants du code des assurances,

- constater que la responsabilité civile délictuelle des assureurs ne saurait être engagée à l'égard de la société Encore Events au titre d'un manquement à leur devoir de conseil,

- constater à défaut de sa mise hors de cause, que la responsabilité de Groupe Pont Neuf ne saurait davantage être engagée à l'égard de la société Encore Events à titre d'un manquement au devoir de conseil,

- juger qu'en l'absence de faute imputable aux assureurs la société Encore Events ne saurait se prévaloir d'un quelconque préjudice à l'égard des intimées,

Subsidiairement,

- juger que le préjudice éventuellement subi par la société Encore Events s'analyse en une perte de chance, et qu'en l'occurrence celle-ci est nulle ou à tout le moins hautement hypothétique,

- constater que la société Encore Events n'établit pas l'existence d'un préjudice à concurrence du montant qu'elle allègue et la débouter de sa demande de réparation à concurrence d'une somme de 1.149.424 euros ainsi que de sa demande portant sur les intérêts légaux à compter du 12 mai 2009,

En tout état de cause,

- constater que la société Encore Events assume une part de responsabilité dans la survenance du préjudice qu'elle allègue, de sorte que sa demande de réparation doit être sérieusement revue à la baisse,

* En ce qui concerne les demandes présentées par la société Encore Productions,

A titre principal,

- constater que l'action en réparation formée par la société Encore Productions dans les conclusions du 18 juillet 2016 est prescrite en application de l'article 2224 du code civil,

En conséquence,

- déclarer la société Encore Productions irrecevable en son intervention volontaire,

Subsidiairement,

- constater que la société Encore Productions n'établit pas l'existence d'un préjudice à concurrence du montant qu'elle allègue,

En conséquence,

- débouter la société Encore Productions de sa demande de réparation à concurrence d'une somme de 544 000 euros,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Encore Events et la société Encore Productions à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 20 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 novembre 2016.

SUR QUOI, LA COUR

- Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Par conclusions signifiées le 22 novembre 2016, les sociétés Encore Events et Encore Productions demandent la révocation de l'ordonnance de clôture, de déclarer recevables les conclusions et pièces qu'elles ont signifiées le 22 novembre 2016 et subsidiairement le rejet des pièces et conclusions signifiées par les intimées le 27 octobre 2016.

Par conclusions signifiées le 23 novembre 2016, les intimées demandent de ne pas révoquer l'ordonnance de clôture et de ne pas rejeter leurs conclusions signifiées le 27 octobre 2016 et subsidiairement recevoir les conclusions qu'elles signifient le 23 novembre 2016.

L'incident a été joint a au fond.

A la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 octobre 2014, la société Encore Events a saisi cette cour le 23 décembre 2014. Les parties ont eu connaissance du calendrier de procédure le 10 novembre 2015, ce calendrier fixant la clôture au 3 novembre 2016. Ce n'est pourtant que le 18 juillet 2016 que la société Encore Events a signifié ses premières conclusions, lesquelles comportaient de surcroît l'intervention volontaire de la société Encore Productions et les demandes nouvelles formées par cette dernière.

Ce faisant, la société Encore Events ne pouvait ignorer qu'elle contraignait les intimées à conclure à une date qui ne pourrait être que très proche de la date de clôture

Il n'y a en conséquence pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et les conclusions signifiées de part et d'autre postérieurement à la clôture seront écartées des débats, tout comme les pièces communiquées par la société Encore Events le 22 novembre 2016 et portant les numéros 26 à 32.

- Sur la prescription

C'est par conclusions signifiées le 18 juillet 2016 que la société Encore Productions est intervenue volontairement à l'instance introduite voilà plus de sept ans, pour former des demandes en paiement à l'encontre des assureurs.

Or il est constant qu'elle est informée depuis mai 2009 de l'existence du litige qui oppose sa filiale à ses assureurs et à la société GPN et que ceux-ci déniaient leur garantie. Dans ses conclusions, la société Encore Productions affirme que ce refus de prise en charge est à l'origine pour elle de difficultés financières qui ont conduit à la désignation par le président du tribunal de commerce de Paris d'un mandataire ad'hoc le 28 juillet 2009.

Le point de départ de la prescription de l'article 2224 du code civil se situe à la naissance des difficultés financières alléguées, donc en 2009. La demande formée pour la première fois le 18 juillet 2016 est donc prescrite et la fin de non-recevoir formée par les assureurs sera accueillie.

- Sur la demande de mise hors de cause de la société Groupe Pont Neuf

S'il est exact que la société Groupe Pont Neuf exerce une activité d'intermédiation en assurances, et qu'elle n'a pas la qualité d'assureur, ayant servi d'intermédiaire pour le compte des sociétés Areas et Cameic, il sera observé que sa responsabilité peut être engagée en cette qualité d'intermédiaire du fait d'un manquement à son devoir d'information et de conseil, de telle sorte que le tribunal a à raison refusé de la mettre liminairement hors de cause.

- Au fond

La Cour de cassation a relevé que pour rejeter la demande de la société Encore Events tendant à faire juger que les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate avaient manqué à leur devoir de conseil à son égard quant au caractère assurable de l'exposition litigieuse, la cour d'appel a retenu que la société Encore Events est un professionnel de « l'événementiel », laquelle était de surcroît assistée pour la souscription du contrat litigieux de son propre courtier d'assurances, énonçant ensuite que la société organisatrice n'ignorait pas les risques de l'exposition projetée dont elle seule pouvait connaître les caractéristiques, constatant enfin qu'avant la conclusion du contrat, la société Groupe Pont Neuf avait interrogé le courtier de la société Encore Events qui lui avait répondu que, présentée depuis 1995 dans le monde entier, ladite exposition n'avait jamais rencontré de refus d'installation.

La Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de ces constatations et énonciations que les assureurs avaient attiré l'attention de la société Encore Events sur le risque d'annulation de l'exposition litigieuse, la cour d'appel avait violé l'article 1147 du code civil.

Après avoir rappelé les contours de l'obligation d'information et du devoir de conseil qui pèsent sur les assureurs et les intermédiaires en assurances, la société Encore Events affirme que les intimées ont toutes manqué à leurs obligations en n'attirant pas son attention sur le risque d'annulation de l'exposition et de sa prise en charge, que ce manquement se trouve renforcé par le fait qu'elle n'aurait pas engagé de frais significatifs de pré-production ou réalisé l'exposition en France sans le concours d'une assurance, la société Encore Events affirmant qu'elle avait décidé de réaliser cette exposition uniquement parce qu'elle avait l'obtenu l'accord des assurances qu'elles couvriraient les pertes induites par une annulation.

La société Groupe Pont Neuf souligne qu'elle est intervenue en qualité de mandataire des sociétés Areas et Cameic et que n'étant pas le courtier de la société Encore Events elle doit être mise hors de cause, ajoutant qu'il semble que cette dernière ait introduit une action contre son courtier, la société Assurevents.

Les intimées rappellent les règles qui gouvernent la responsabilité des assureurs, faisant valoir que le devoir d'information en matière d'assurance relève de la responsabilité délictuelle et qu'en tout état de cause le contrat d'assurance ayant été annulé, ne pouvait être mise en avant une obligation contractuelle.

Les assureurs affirment qu'ils ne pouvaient subodorer une quelconque illicéité de l'exposition en elle-même et que lors de la conclusion des contrats d'assurance litigieux l'assurée avait affirmé avoir obtenu toutes les autorisations requises. Les assureurs soulignent qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2008 posant le principe que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, ils ne pouvaient imaginer que la juridiction suprême allait affirmer que ce principe d'ordre public préexistait à la loi du 19 décembre 2008, faisant par ailleurs observer que dans son arrêt du 30 avril 2009 la cour d'appel de Paris avait confirmé l'annulation en visant l'absence d'autorisation de leur vivant des personnes dont le cadavre et les restes composaient l'exposition.

* * *

Le litige dont la cour est présentement saisie est très précisément circonscrit par l'arrêt du 29 octobre 2014 à la question suivante : les assureurs ont-ils manqué à leur devoir d'information et de conseil en n'attirant pas l'attention de la société Encore Events sur le risque d'annulation de l'exposition litigieuse '

La lecture des conclusions des intimées révèle qu'à aucun moment il n'y est prétendu qu'elles ont satisfait à ce devoir d'information et de conseil. Il y est au contraire soutenu que la société Encore Events était un professionnel averti, assistée de son courtier, qu'elle s'était abstenue de porter à leur connaissance des éléments qui leur auraient permis de redouter une éventuelle interdiction de l'exposition et que le contenu de leur obligation de conseil doit s'apprécier au regard du droit positif tel qu'il existait lors de la conclusion du contrat sans qu'on puisse leur imposer de prévoir une évolution ultérieure du droit, soit des considérations qui les conduisent à soutenir qu'elles n'étaient pas tenues à ce devoir d'information spécifique qui a trait au risque d'annulation de l'exposition litigieuse du fait de son caractère illicite et, partant, de l'annulation du contrat l'assurant.

Il ne résulte en conséquence pas des allégations des assureurs ni des pièces qu'ils produisent qu'ils avaient attiré l'attention de la société Encore Events sur le risque d'annulation de l'exposition litigieuse.

Il est constant que le Groupe Pont Neuf n'était pas le courtier d'assurances de la société Encore Events pour le compte de laquelle elle n'a pas agi, cette société ayant eu pour courtier la société Assurevents, qui n'est pas dans la cause. C'est en cette qualité qu'en juillet 2007, Assurevents prenait attache avec le Groupe Pont Neuf et qu'elle entamait des négociations avec ce dernier qui agissait en qualité de mandataire des assureurs lors de la conclusion de la première police d'assurance le 25 février 2008.

Dés lors la société Groupe Pont Neuf ne peut avoir engagé envers la société Encore Events sa responsabilité d'intermédiaire telle qu'elle est définie à l'article L520-1 du code des assurances.

Les assureurs affirment qu'à supposer établi le manquement allégué, le préjudice qui en serait résulté pour la société Encore Events, en tout état de cause, s'analyse comme une perte de chance qui est inexistante ou à tout le moins très hypothétique.

La société Encore Events affirme quant à elle que si le conseil des assureurs lui avait été prodigué quant au risque d'annulation de son exposition et à l'impossibilité de prendre en charge les pertes économiques, elle aurait eu l'opportunité de renoncer à ce projet d'exposition. Elle soutient que c'est après avoir recueilli l'accord de principe de la société Groupe Pont Neuf le 17 juillet 2007 qu'elle a été constituée et que les locaux accueillant la première exposition ont été loués.

Les conséquences du manquement des assureurs à leur devoir de conseil résideraient, à la supposer établie, dans la perte d'une chance pour la société Encore Events d'avoir pu renoncer à présenter l'exposition en France.

La cour observe que des écritures mêmes de la société Encore Events il résulte que celle-ci, créée afin d'exploiter l'exposition, est une filiale de la société Encore Productions, toutes deux représentées par M. [G] qui se définit comme un producteur de spectacles vivants depuis une quarantaine d'années. Ainsi, la société Encore Events est un professionnel de 'l'événementiel'.

La société Encore Events ne peut prétendre que c'est l'accord de principe donné en juillet 2007 par le Groupe Pont Neuf à son propre courtier qui l'a décidée à réaliser des investissements qui se sont avérés engagés en pure perte du fait de l'interdiction de l'exposition. En effet l'organisation de l'exposition avait déjà été décidée et les dates de sa tenue déjà arrêtées.

Surtout il sera retenu que le représentant du Groupe Pont Neuf interrogeait le 12 juillet 2007 le courtier de la société Encore Production en ces termes : ' je ne pense pas que les cadavres et certains organes soient exposés. Il doit s'agir de copies ou de maquette, merci de me préciser' et le courtier de répondre : 'cette exposition existe depuis 1995 et se déplace dans le monde entier. Cette exposition permet une approche différente de la biologie au travers d'un nouveau procédé de conservation des cadavres humains : la plastination, en remplaçant les fluides corporels par diverses substances (principalement de la silicone). Il s'agit donc bien de cadavres et d'organes humains. Cette exposition s'est déplacée du Japon aux Etats-Unis en passant par l'Europe (Suisse, Autriche, Angleterre..) mais n'a jamais rencontré de refus d'installation.'

Ainsi c'est le mandataire de la société Encore Production, société mère de la société Encore Events, qui rassurait les assureurs avant la souscription de la police sur les perspectives du bon déroulement de l'exposition qui, affirmait-t-il, n'avait pas jusqu'alors rencontré de difficultés.

Dés lors se pose la question de la réelle incidence, lors de la conclusion du premier contrat en février 2008, d'un conseil donné par les assureurs sur le risque d'annulation de l'exposition alors que le propre courtier de la société Encore Events affirmait que le risque était inexistant.

Il convient de relever que, par contrat prenant effet au 18 décembre 2007, conclu entre la société Encore Events et la société Hongkongaise Universe Within Project, concédant, propriétaire et producteur de l'exposition 'our body', était fixée au profit de cette dernière une redevance fixe de 660 000 dollars payable à la signature du contrat et au plus tard le 30 janvier 2008, outre une avance sur redevance ainsi qu'une redevance proportionnelle.

A l'exception de ses affirmations catégoriques contenues dans ses conclusions, rien ne permet de considérer que si la société Encore Events avait reçu le conseil qui lui a fait défaut, elle aurait renoncé à poursuivre son projet, lequel était déjà bien avancé, pour la réalisation duquel elle avait d'ores et déjà versé une redevance de 660 000 dollars, alors par ailleurs qu'elle était convaincue que cette exposition ne rencontrerait pas de difficultés allant jusqu'à son interdiction puisqu'elle avait déjà parcouru de nombreux pays.

La perte de chance alléguée ne revêt donc qu'un caractère purement hypothétique qui n'ouvre pas droit à réparation.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en indemnisation formée par la société Encore Events.

Les sociétés Encore Events et Encore Productions qui succombent seront tenues in solidum aux dépens de la présente instance avec recouvrement direct.

Elles verseront aux intimées unis d'intérêts la somme de 8000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, sur renvoi après cassation par arrêt du 29 octobre 2014 de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 février 2013,

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,

Ecarte des débats les conclusions signifiées les 22 et 23 novembre 2016 ainsi que les pièces communiquées par la société Encore Events le 22 novembre 2016 et portant les numéros 26 à 32,

Reçoit l'intervention volontaire de la Mutuelle d'assurance des pharmaciens, venant aux droits de la Caisse d'Assurance Mutuelle des Entreprises Industrielles et Commerciales,

Reçoit la société Encore Production en son intervention volontaire mais déclare irrecevable comme prescrite sa demande en paiement,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 12 avril 2012 en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts formée par la société Encore Events,

Condamne in solidum les sociétés Encore Events et Encore Productions à payer à la société Areas Dommages, au Groupe Pont Neuf, à la Mutuelle d'assurance des pharmaciens venant aux droits de la Caisse d'Assurance Mutuelle des Entreprises Industrielles et Commerciales, à la société Liberty Syndicate Services Limited, unis d'intérêts, la somme de 8000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Encore Events et Encore Productions aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 14/09195
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°14/09195 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;14.09195 ?
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