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18/01/2017 | FRANCE | N°15/01606

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 18 janvier 2017, 15/01606


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 18 JANVIER 2017



R.G. N° 15/01606



AFFAIRE :



[B] [D]

Appelante de la décision du BC en date du 29/09/2014 (RG 14/265) et

1ère Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)



C/

SARL ALDI MARCHÉ ABLIS

2ème Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)



SYNDICAT CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ



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Décision déférée à la cour : Décision rendu le 29 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/265



Copies exécutoires délivrées à :



AARPI BMH AVOCATS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 18 JANVIER 2017

R.G. N° 15/01606

AFFAIRE :

[B] [D]

Appelante de la décision du BC en date du 29/09/2014 (RG 14/265) et

1ère Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)

C/

SARL ALDI MARCHÉ ABLIS

2ème Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ

Décision déférée à la cour : Décision rendu le 29 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/265

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER

[B] [D]

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ

Copies certifiées conformes délivrées à :

[R] [W]

SARL ALDI MARCHÉ ABLIS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX-HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 04 janvier 2017 puis prorogé au 18 janvier 2017, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [B] [D]

Appelante de la décision du BC en date du 29/09/2014 (RG 14/265) et

1ère Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assistée de M. [R] [W] (délégué syndical ouvrier)

****************

SARL ALDI MARCHÉ ABLIS

2ème Appelante du jgt en date du 14/12/2015 (RG15/77)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Anne-marie SENECHAL L' HOMME de l'AARPI BMH AVOCATS BREITENSTEIN HAUSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R216 substituée par Me Laurianne BAL DIT SOLLIER, avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

SYNDICAT CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par M. [R] [W] (Délégué syndical ouvrier)

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée déterminée à effet au 14 avril 2006, Mme [B] [D] a été engagée par la société Aldi Marché Ablis (ci-après la société Aldi) jusqu'au 15 septembre 2006, en qualité d'employée commerciale, niveau 2B pour une durée mensuelle de travail de 159,25 heures. À l'issue du contrat, la relation de travail s'est poursuivie aux mêmes conditions par contrat à durée indéterminée à temps plein. Mme [D] a ensuite été promue assistante magasin à temps complet le 2 janvier 2008. A partir du 1er septembre 2011, elle a été promue responsable magasin, statut cadre, niveau 7 et soumise à une convention annuelle de forfait jours prévoyant 215 jours travaillés, outre la journée de solidarité. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3 350,75 €.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Mme [D] a été victime d'une agression sur son lieu de travail le 12 juin 2013. Elle a présenté un arrêt de travail jusqu'au 15 juin 2013 puis, après une brève reprise, son arrêt de travail a été prolongé sur rechute à compter du 27 juin 2013 jusqu'au 31 août 2013. Le 17 septembre 2013, le médecin du travail l'a déclarée apte à son poste de travail sous réserve de la présence d'un vigile de façon permanente durant les heures d'ouverture du magasin. A la suite d'une rechute, elle a de nouveau été en arrêt de travail du 20 au 26 septembre 2013 prolongé jusqu'au 28 octobre puis du 21 octobre au 12 novembre pour arrêt maladie.

Le 13 novembre 2013, dans le cadre de la première visite de reprise à la suite de son accident du travail, Mme [D] a été déclarée inapte. Le médecin du travail a indiqué que l'état de santé de la salariée ne permettait pas d'envisager de solution de reclassement dans cette entreprise. Lors de la seconde visite de reprise du 2 décembre 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [D] inapte à tout poste dans l'entreprise.

Le 20 décembre 2013, la société Aldi a notifié à Mme [B] [D] quatre propositions de reclassement et lui a proposé un entretien pour organiser son reclassement. Le médecin du travail, saisi pour avis sur ces postes, a indiqué qu'il n'avait pas d'avis à formuler, Mme [D] étant inapte à tous postes dans l'entreprise. Les délégués du personnel ont été consultés sur le reclassement de Mme [D] et dans leur majorité, se sont déclarés favorables aux propositions de la société lors de la réunion qui s'est tenue le 20 décembre 2013.

Par courrier daté du 28 décembre 2013, réceptionné par la société le 4 janvier 2014, Mme [D] a accusé réception de ces propositions sans y apporter de réponse ferme et refusé l'entretien qui lui était proposé. Les parties n'ont pu s'entendre sur la date d'un nouvel entretien.

Par courrier recommandé du 13 janvier 2014, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 janvier 2014, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme le 30 janvier 2014.

La société Aldi employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Le 14 août 2014, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet afin d'obtenir réparation des divers préjudices qu'elle estime avoir subis et des rappels de salaire.

Le 12 mars 2015, M. [R] [W], défenseur syndical de Mme [D], a formé un appel- nullité à l'encontre de la décision du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Rambouillet, rendue le 29 septembre 2014.

Par jugement du 14 décembre 2015, le conseil de prud'hommes de Rambouillet, section encadrement, a :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Aldi à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

* 28 395,63 € au titre des heures supplémentaires majorées des congés payés,

* 3 584,44 € à titre du repos compensateur majoré des congés payés pour l'année 2013,

- débouté Mme [D] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Aldi de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Aldi au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme [D] et la société Aldi ont régulièrement relevé appel du jugement les 7 et 14 janvier 2016. Les deux procédures enregistrées ont été jointes par ordonnance du 24 mars 2016. De même, la procédure enregistrée à la suite de l'appel relevé par Mme [D] de la décision du bureau de conciliation a été jointe à la procédure enregistrée à la suite de l'appel relevé à l'encontre du jugement, par ordonnance du 24 mars 2016.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 2 novembre 2016, Mme [D] demande à la cour d'infirmer le jugement et :

- confirmer la condamnation au titre des heures supplémentaires sauf en ce qu'elle a en limité le quantum ;

- condamner la société Aldi au paiement des sommes suivantes :

* 41 292,87 € au titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents,

* 18 706,34 € au titre du temps de repos de compensation et congés payés afférents,

* 40 209 € de dommages et intérêts pour défaut de reclassement, soit 12 mois de salaire,

* 20 000 € de dommages et intérêts au titre du non respect des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail,

* 20 000 € au titre de dommages et intérêts au titre du non respect de l'obligation de sécurité,

* 593,46 € au titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférent dû à la modulation,

* 10 000 € au titre du non-respect des règles de modulation,

* 17 402,22 € au titre de travail dissimulé,

* 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger la convention de forfait jours nulle et d'en tirer toutes les conséquences de droit ;

- ordonner la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation ASSEDIC conformes à la décision à intervenir,

- recevoir le syndicat CGT des personnels Aldi marché en ses demandes,

- condamner la société Aldi à lui payer la somme de 5 000 € de dommages et intérêts,

- condamner la société Aldi à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises déposées et soutenues oralement à l'audience du 2 novembre 2016, la société Aldi prie la cour de débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l'audience, Mme [D] a indiqué qu'elle se désistait de l'appel qu'elle avait relevé à l'encontre de la décision du bureau de conciliation.

SUR CE :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Mme [D] sollicite des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et de l'illicéité du régime de modulation tandis que l'employeur conclut au débouté de ces demandes.

Sur les heures supplémentaires :

Mme [D] sollicite la condamnation de la société Aldi à lui payer une somme de 41'292,87 € à titre de rappel d'heures supplémentaires en ce compris les congés payés y afférents en s'appuyant sur la nullité de la convention de forfait dont elle bénéficiait. Elle soutient, en effet, que la convention doit être annulée car elle se fonde sur des dispositions de la convention collective qui ne garantissent pas la protection de sa santé et de sa sécurité et que la Cour de cassation a annulées. Elle invoque également son manque d'autonomie qui ne la rendait pas éligible à bénéficier d'un forfait.

L'employeur s'oppose à la demande en faisant valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation ne peut avoir pour effet l'anéantissement rétroactif de la convention conclue avec la salariée, que la loi du 8 août 2016 a pris des dispositions relativement à la convention de forfait que la société avait d'ores et déjà respectées dans un nouvel accord d'entreprise du 21 septembre 2012 qui s'est substitué à l'accord précédent et que s'agissant d'une loi de validation, elle doit être appliquée rétroactivement.

Sur la validité de la convention de forfait :

S'agissant en premier lieu de l'autonomie reconnue à la salariée, l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa disposition applicable au litige, précise que peuvent conclure des conventions de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier du service ou de l'équipe auxquels ils sont intégrés et les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

Le contrat de travail spécifie que compte tenu de ses fonctions, de ses responsabilités et de l'autonomie dont elle bénéficie dans l'organisation et la gestion de son emploi du temps, la salariée est soumise à un forfait annuel de 215 jours auquel s'ajoute la journée dite de solidarité.

Les fonctions de Mme [D] sont définies à la fois par l'article 8 de son contrat de travail et par une fiche de fonction (P.31).

L'autonomie est définie par la convention collective dans son chapitre III du titre IV sur la classification des fonctions comme « la faculté d'effectuer des choix sur les actions et les moyens à mettre en oeuvre pour exercer les activités de la fonction et réaliser les objectifs.

1. Appliquer avec rigueur les consignes précises.

2. Organiser son travail et ses moyens, contrôler les résultats immédiats, à partir d'instructions sur la façon de faire et les résultats à atteindre.

3. Élaborer des programmes de travail, choisir des méthodes'procédés, à partir de normes, de résultats et de moyens définis.

4. Élaborer des programmes de travail, choisir des méthodes-procédés, prendre des initiatives ou orientations influençant les résultats de son domaine, en participant à la définition d'objectifs et de moyens.

5. Concevoir et réaliser les actions nécessaires à l'atteinte des résultats dans le cadre de directives générales et du budget.

6. Définir, pour une fonction ou un établissement important, la stratégie et les politiques, planifier et superviser les actions à court, moyen et long terme. »

La cour relève que Mme [D], chargée d'optimiser les flux de marchandises, d'assurer les commandes, de gérer les prix, de contrôler la publicité, de participer aux embauches et promotions, de faire respecter la discipline, de participer à l'élaboration des objectifs du magasin, d'assurer la gestion du coffre et de la caisse et du traitement des pièces comptables et du respect des règles d'hygiène et de sécurité, disposant d'une délégation de pouvoir en matière commerciale, en matière d'hygiène et de sécurité et de droit du travail, autorisée elle-même à déléguer ses propres pouvoirs en cas d'absence, chargée de planifier les horaires de son équipe, et pouvant organiser son propre emploi du temps de façon à optimiser son temps de travail, disposait, contrairement à ce qu'elle soutient, d'une autonomie suffisante au regard des exigences de la convention collective pour prétendre au bénéfice d'une convention de forfait. Le moyen soulevé ne sera pas retenu.

S'agissant en second lieu de la nullité de la convention de forfait jours, l'employeur soutient vainement que celle-ci est valable dans la mesure où un accord d'entreprise entré en vigueur le 1er octobre 2012 remplit désormais toutes les conditions passées et présentes de validité du forfait jours telles qu'elles sont définies par la loi du 8 août 2016, qui, étant une loi de validation, doit recevoir une application rétroactive.

A cet égard, la cour rappelle en effet que la convention de forfait a été conclue en application de l'article 5.7.2 de la convention collective et que la Cour de cassation a annulé ces dispositions jugeant qu'elles ne garantissaient pas suffisamment la santé et la sécurité des salariés soumis au forfait jours, que la loi du 8 août 2016 a instauré un article L. 3121-65 qui dispose qu'à défaut de stipulations conventionnelles, une convention individuelle de forfait jours peut être mise en place sous réserve du respect par l'employeur d'un mécanisme de contrôle du nombre de jours travaillés et de la charge de travail du salarié et de l'organisation d'un entretien annuel mais que cette loi ne prévoit pas la validation rétroactive des stipulations conventionnelles annulées.

Enfin, la cour relève que l'accord collectif entré en vigueur le 1er octobre 2012 est postérieur à la conclusion de la convention de forfait de Mme [D] et ne permet en tout état de cause pas de garantir la sécurité et la santé des salariés soumis au régime du forfait quant au respect du repos quotidien et du repos hebdomadaire dès lors qu'il prévoit pour s'en assurer de se baser sur un document établi par une société de télésurveillance relative à l'amplitude de fermeture du magasin.

La cour prononcera en conséquence la nullité de la convention de forfait.

Sur le quantum de la demande :

Au vu des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [D] verse aux débats un tableau (P.27) décomptant les heures supplémentaires qu'elle soutient avoir effectuées, semaines après semaines en 2011 et 2012, qui est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de sorte que sa demande est ainsi suffisamment étayée.

Pour contester le nombre d'heures allégué, l'employeur ne communique aucun élément de sorte qu'il sera fait droit à la demande sur la base d'une durée hebdomadaire de travail de 53h75 et d'un taux horaire de 18,27 heures en 2011 et jusqu'en août 2012, 19,63 € de septembre 2012 à décembre 2012 et 19,63 € en 2013.

Ainsi, il sera alloué à la salariée les sommes suivantes:

- pour l'année 2011, 7 828,70 € au titre des heures supplémentaires outre 782,87 € au titre des congés payés y afférents,

- pour l'année 2012, 20 346,77 € au titre des heures supplémentaires outre 2 034,67 € au titre des congés payés y afférents,

- pour l'année 2013, 9 363,51 € au titre des heures supplémentaires outre 936,35 € au titre des congés payés y afférents.

La société Aldi sera donc condamnée à verser à Mme [D] la somme totale de 37 538,98 € au titre des heures supplémentaires outre 3 753,89 € soit une somme de 41 292,87 € conformément à sa demande, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur la demande présentée au titre des repos compensateurs :

En application de l'article L. 3121-11 du code du travail, chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos. Par ailleurs, lorsque le contrat de travail prend fin avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos, il reçoit une indemnité correspondante en espèces.

Il sera ainsi fait droit à la demande présentée par Mme [D] à ce titre, non critiquée en son quantum par la société Aldi, à hauteur de la somme totale de 18 706,33 € se décomposant de la façon suivante et le jugement sera infirmé sur ce point :

- 2 361,40 € pour l'année 2011 outre 236,14 € au titre des congés payés y afférents,

- 11 385,78 € au titre de l'année 2012 outre 1 138,58 € au titre des congés payés y afférents,

- 3 258,58 € au titre de l'année 2013 outre 325,85 € au titre des congés payés y afférents.

Sur les demandes au titre de la modulation :

Mme [D] fait valoir que pour la période antérieure à l'application de la convention de forfait, la modulation du temps de travail était régie par un accord du 18 juin 2001 qui lui est inopposable dans la mesure où il ne comprenait ni contrepartie obligatoire au titre des modifications de planning, ni programme indicatif conformément à ce qu'a jugé la Cour de cassation, point qui est acquis entre les parties.

Pour s'opposer à la demande, la société Aldi fait valoir que pour la période de janvier à août 2011, Mme [D] a bénéficié de jours de récupération à hauteur de 98 heures, a été ainsi remplie de ses droits et communique pour en justifier, des relevés de temps dont la cour observe qu'ils sont insuffisamment clairs et précis pour lui permettre de rapporter la preuve recherchée.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de la salariée et la société Aldi sera condamnée à payer à Mme [D] la somme de 539,51 € à ce titre outre 53,95 € au titre des congés payés y afférents.

Pour la période antérieure, Mme [D] sollicite des dommages-intérêts à hauteur de la somme de 10 000 € dont elle ne justifie pas de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande.

Sur le non-respect de l'obligation de sécurité :

Mme [D] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté l'obligation de sécurité dont il est redevable à son égard en mettant en place une prime de vol destinée à inciter les responsables de magasin à procéder eux-mêmes aux interpellations de fraudeurs sans avoir reçu de formation sur ce point.

Aucun élément objectif ne permettant d'établir que la prime de vol constitue, comme le soutient la salariée, une incitation à l'adresse des responsables de magasins d'interpeller eux mêmes les voleurs, la demande de dommages-intérêts sera rejetée et le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le défaut de reclassement :

En application de l'article L. 1226-10 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un emploi adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Mme [D] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté l'obligation de reclassement non seulement parce qu'il l'a licenciée avant qu'elle ait répondu sur les propositions de reclassement qui lui était faites mais également pour ne lui avoir proposé aucun poste dans les autres sociétés du groupe alors que la société Aldi fait partie d'un groupe international, présent dans neuf pays européens et qu'il lui appartient de démontrer l'impossibilité de reclassement sur ces postes.

La société Aldi réplique que quatre propositions de reclassement ont été présentées à la salariée qui ne s'y est pas intéressée et que dès lors, elle ne peut valablement reprocher à la société de ne pas lui avoir proposé des postes à l'étranger, et fait en outre valoir que la loi du 8 août 2016 édicte que l'employeur est réputé avoir satisfait à son obligation de reclassement dès lors qu'il a proposé un poste répondant aux conditions légales.

La cour rappelle que la loi travail du 8 août 2016 n'est pas applicable en espèce puisqu'elle n'était pas entrée en vigueur au moment du licenciement. Par ailleurs, la salariée justifie que la société Aldi fait partie d'un groupe international de chaînes de supermarchés qui dirige dans le monde 8078 magasins. Les filiales française, belge, danoise, espagnole, luxembourgeoise, néerlandaise, polonaise dépendent de la société Aldi Nord, ainsi que l'établit la salariée au travers de documents informatifs relevés sur internet que l'employeur ne conteste aucunement.

Le fait que la société a proposé quatre postes de reclassement à Mme [D] ne la dispensait pas d'effectuer d'autres recherches à l'étranger dans les sociétés du groupe où une permutation du personnel était possible dès lors d'une part, que la salariée n'avait pas refusé les premières propositions et d'autre part, que l'employeur, sur qui repose la charge de la preuve du respect de l'obligation de reclassement ne justifie pas que les sociétés du groupe à l'étranger ne faisaient pas partie du périmètre de reclassement.

Le manquement à l'obligation de reclassement étant établi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le non-respect de l'article L.1226-12 du code du travail :

Pour la première fois en cause d'appel, Mme [D] reproche à la société de ne pas lui avoir notifié les motifs qui s'opposaient à son reclassement préalablement au licenciement en violation de l'article L.1226-12 du code du travail et sollicite une somme de 20 000 € en réparation de son préjudice. La cour observe que la société a proposé à la salariée 4 postes de reclassement que celle-ci n'a ni accepté ni refusé, qu'elle ne s'est pas rendue aux deux entretiens que lui proposait l'employeur pour discuter de son reclassement et qu'elle ne justifie pas de son préjudice de sorte que conformément aux règles du droit civil, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En application de l'article L. 1226-15 du code du travail, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire. Mme [D] sollicite une somme de 40'209 € sur ce fondement

La moyenne des salaires de Mme [D] s'élevant à 3 350,75 €, il lui sera alloué à titre d'indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement une somme de 40 209 €, conformément à sa demande, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande présentée sur ce fondement, faute de démonstration d'un élément intentionnel de la part de la société Aldi.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur l'intervention du syndicat :

Il sera alloué au syndicat une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à la profession du fait du non-respect de la modulation du temps de travail retenue par la cour.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La décision entreprise sera confirmée sur ces points et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Aldi qui devra en outre indemniser Mme [D] des frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 000 € et le syndicat à hauteur de la somme de 300 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [B] [D] de sa demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et condamné la société Aldi marché Ablis à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité de la convention de forfait jours dont bénéficiait Mme [B] [D],

Condamne la société Aldi marché Ablis à payer à Mme [B] [D] les sommes de :

- 41 292,87 € à titre de rappels d'heures supplémentaires et congés payés afférents pour les années 2011 à 2013,

- 18 706,33 € au titre du repos de compensation et congés payés y afférents,

- 593,46 € à titre de rappel d'heures supplémentaires dû à la modulation et congés payés y afférents,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Aldi marché Ablis à payer à Mme [B] [D] la somme de :

- 40 209 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Aldi marché Ablis à payer au syndicat CGT des personnels Aldi marché la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute Mme [B] [D] du surplus de ses demandes,

Condamne la société Aldi marché Ablis à payer à Mme [B] [D] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Aldi marché Ablis à payer au syndicat CGT des personnels Aldi marché la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Aldi marché Ablis aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01606
Date de la décision : 18/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/01606 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-18;15.01606 ?
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