COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
(OF)
5ème Chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 12 JANVIER 2017
R.G. N° 15/05488
AFFAIRE :
[R] [A]
C/
Me [M] [O] - Mandataire liquidateur de la SARL FRANCE AFFRETEMENT STOCKAGE TRANSPORT EXPRESS
...
SA GENERALI FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Octobre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE
N° RG : 11-00676
Copies exécutoires délivrées à :
Me Arnaud OLIVIER
la SCP NEVEU SUDAKA ET ASSOCIES
SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES
SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES
Copies certifiées conformes délivrées à :
[R] [A]
Me [M] [O] - Mandataire liquidateur de la SARL FRANCE AFFRETEMENT STOCKAGE TRANSPORT EXPRESS, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
SA GENERALI FRANCE
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Arnaud OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0476
APPELANT
****************
Me [O] [M] - Mandataire liquidateur de la SARL FRANCE AFFRETEMENT STOCKAGE TRANSPORT EXPRESS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Armelle MAISANT de la SCP NEVEU SUDAKA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P43
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
INTIMÉS
****************
SA GENERALI FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Eric MANDIN de la SCP COMOLET MANDIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0435 substituée par Me Pauline BIGOT, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI
FAITS ET PROCÉDURE,
Le 02 avril 2008, M. [R] [A] a été embauché par la société France Affrètement Stockage Transport Express (ci-après, la 'Société' ou 'FASTE') en qualité de préparateur de commandes, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il était alors âgé de 52 ans.
Le 02 octobre 2008, M. [A] a été victime d'un accident du travail : à l'occasion d'une manutention, une palette s'est renversée et l'a écrasé. Il en est notamment résulté une tétraplégie.
Depuis sa sortie de l'hôpital après l'accident, M. [A] vit en maison d'accueil spécialisée.
Le 1er mars 2011, M. [A] a été considéré comme consolidé et le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 100%.
Par jugement en date du 23 avril 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oiser, (ci-après, le 'TASS') a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, ordonné une expertise, confiée au docteur [Z], et accordé à M. [A] une provision d'un montant de 15 000 euros.
Par jugement en date du 23 octobre 2015, le TASS a notamment :
. fixé l'indemnisation des préjudices personnels subis par M. [A] de la manière suivante :
20 286 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire (DFT)
40 000 euors au titre des souffrances endurées
20 000 euros au titre du préjudice d'agrément
22 000 euros au titre du préjudice esthétique
35 000 euros au titre du préjudice sexuel,
soit une somme totale de 137 286 euros, dont serait déduite la provision de 15 000 euros ;
. débouté M. [A] de sa demande au titre d'un préjudice d'établissement ;
. débouté M. [A] de sa demande de nomination d'un expert aux fins d'évaluation des préjudices d'aménagement et d'équipement de son domicile et de son véhicule ;
. dit que les frais d'expertise seront à la charge de la société FASTE, pour un montant de 800 euros ;
. fixé l'indemnité complémentaire allouée à M. [A] à hauteur de 1 365 euros pour le calcul de la rente ;
. condamné la société FASTE à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
. déclaré le jugement opposable à l'assureur, la compagnie Generali IARD ;
. ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [A] a relevé appel de cette décision.
Le 02 novembre 2015, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert, à l'encontre de la société FASTE, une procédure de liquidation judiciaire et Maître [M] [O] a été désigné en qualité de liquidateur.
Devant la cour, M. [A] prie notamment la cour de :
. majorer l'indemnisation en fixant les préjudices de la manière suivante :
au titre des souffrances endurées : 150 000 euros
au titre du DFT : 26 100 euros
au titre du préjudice esthétique : 70 000 euros
au titre du préjudice d'agrément : 100 000 euros
au titre du préjudice sexuel : 50 000 euros
au titre du préjudice d'établissement : 50 000 euros
. lui allouer l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, égale au montant du salaire minimal de calcul des tentesen vigueur à la date de consolidation, soit 17 192 euros ;
. désigner tel architecte, spécialisé en accessibilité et domotique, avec mission d'évaluer les préjudices de frais d'adaptation et d'aménagement du domicile et du véhicule ;
. allouer une somme de 890 euros au titre des frais divers ;
. allouer une somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
. dire et juger la décision à intervenir opposable à la société Generali France.
La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] (CPAM) sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne l'indemnisation du DFT, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et le rejet des demandes formées au titre du préjudice d'établissement et de désignation d'un expert spécialisé ; le rapport à de plus justes proportions des sommes allouées au titre des souffrances endurées et du préjudice sexuel ; le donné acte à la caisse de ce qu'elle s'en rapporte quant à l'indemnisation des frais d'assistance à expertise et à l'allocation forfaitaire complémentaire ; le rappel de ce que la caisse procèdera à l'avance des sommes éventuellement allouées à M. [A] et en recouvrera le montant auprès de l'assureur, auquel l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable.
Maître [M] [O], es qualité de mandataire liquidateur de la société FASTE fait notamment valoir, pour sa part, qu'il convient de : juger irrecevables toutes demandes tendant à la condamnation de la Société ou de lui-même, es qualité, au paiement d'une somme d'argent ; juger que seule une fixation au passif de la liquidation judiciaire peut intervenir, le cas échéant, sous réserve de la justification d'une créance régulièrement déclarée entre les mains du mandataire judiciaire ; lui donner acte de qu'il s'en rapporte à justice sur le bien-fondé de l'appel interjeté ; en tout état de cause, juger que les éventuels frais d'expertise ne peuvent être mis à la charge de la procédure collective.
La société Generali IARD SA (ci-après, l' 'Assureur' ou 'Generali') demande, quant à elle, de :
. confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [A] de sa demande au titre du préjudice d'établissement, de sa demande d'expertise, et fixé l'indemnité forfaitaire complémentaire à la somme de 1 365 euros ;
. infirmer le jugement pour le surplus et :
fixer l'indemnisation des préjudices de M. [A] aux sommes de :
17 400 euros au titre du DFT
30 000 euros au titre des souffrances endurées
20 000 euros au titre du préjudice esthétique
12 000 euros au titre du préjudice d'agrément
20 000 euros au titre du préjudice sexuel
. débouter M. [A] de sa demande au titre des frais divers ou, à défaut, déduire cette somme du montant alloué au titre des frais irrépétibles ;
. rejeter toute demande plus ample contraire à l'encontre de Generali ;
. juger que les sommes seront avancées par la CPAM ;
. débouter M. [A] au titre des frais irrépétibles, le cas échéant, réduire sa demande à de plus justes proportions.
Vu les conclusions déposées en date du 03 novembre 2016 tant pour M. [A] que pour la caisse primaire d'assurance maladie, le mandataire liquidateur de la société FASTE et la société Generali France, ainsi que les pièces y afférentes, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 03 novembre 2016,
MOTIFS
Aux termes du rapport d'expertise du docteur [Z], il convient de retenir en particulier que :
. M. [A] est atteint, suite à l'accident, d'une tétraplégie traumatique complète C4 (dite 'haute') ;
. la date de consolidation est au 1er mars 2011 ;
. l'état de santé de M. [A] a nécessité un placement dans une maison d'accueil spécialisée, avec locaux adaptés, personnel médical et para-médical constamment présents, étant rappelé ici que M. [A] se trouve toujours en maison d'accueil spécialisée ;
. une perte d'autonomie personnelle au 02 octobre 2008 ;
. un déficit fonctionnel total du 02 octobre 2008 au 1er mars 2011 ;
. un suivi pour un syndrome dépressif ;
. des souffrances endurées à un niveau de 6/7 ;
. un préjudice esthétique évalué à un niveau de 5/7 ;
. un préjudice sexuel complet ;
. le souhait émis par M. [A] de retourner au domicile conjugal, ce qui nécessiterait un aménagement dans un appartement au rez-de-chaussée adapté à l'accueil d'un tétraplégique C4.
C'est par de justes motifs, que la cour approuve entièrement et auxquels elle renvoie expressément que le premier juge :
. a fixé l'indemnisation de M. [A] :
au titre du DFT, en retenant une période, au demeurant non contestée, de 882 jours, et une somme de 23 euros par jour, la cour relevant que la gravité des blessures subies est indifférente au calcul et qu'elle est par ailleurs prise en considération au titre d'autres préjudices ;
au titre du préjudice esthétique, en soulignant notamment, outre les cicatrices liées aux opérations chirurgicales et à la trachéotomie subie, une prise de poids et le port d'une sonde urinaire ;
au titre du préjudice d'agrément, en relevant notamment que M. [A] était encadrant sportif de football ;
. a retenu la somme de 1 365 euros par mois le montant de l'indemnité forfaitaire complémentaire, le salaire minimum légal visé par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale n'étant pas celui (annuel) de 17 192 euros retenu par la sécurité sociale pour le calcul de la rente, visé par la défense de M. [A] dans ses écritures ;
. a débouté M. [A] de sa demande au titre du préjudice d'établissement, en précisant que, âgé aujourd'hui de 59 ans, ce dernier est marié et père d'un enfant de trente ans, qui vivait encore au domicile parental au moment de l'accident (et y vivait d'ailleurs toujours au moment de l'expertise) ; devant la cour, M. [A] ne démontre pas davantage l'existence d'un préjudice actuel à cet égard ;
. a débouté M. [A] de sa demande de désignation d'un expert spécialiste en accessibilité et en domotique : si les conclusions font état, sur ce point, d'un certain nombre de considérations quant à la nécessité qu'il y aurait de fournir à M. [A] un logement adapté et un véhicule adapté également, aucun élément n'est soumis à la cour qui permettrait de considérer qu'il puisse être seulement envisagé pour celui-ci de quitter la maison spécialisée où il réside actuellement ; il ne justifie ni de son état actuel sur le plan médical, ni des perspectives raisonnables que cet état permet d'envisager, ni des démarches qu'il aurait entreprises, en vue d'habiter dans un logement indépendant adapté ou de disposer d'un véhicule spécialement aménagé.
La cour considère, en revanche, que les éléments retenus par l'expert et relevés par le premier juge, doivent conduire à une augmentation du montant alloué au titre des souffrances endurées. L'expert a souligné les multiples interventions, les séjours hospitaliers, les prises en charge médicales, les nombreuses infections pulmonaires, les épisodes sub-occlusifs liés à des atonies intestinales, les reprises alimentaires extrêmement difficiles, les escarres, outre un syndrome dépressif.
La cour considère que, dans ces conditions, il est juste d'allouer à M. [A] une somme de 50 000 euros au titre des souffrances endurées.
A l'inverse, s'agissant du préjudice sexuel, s'il est constant qu'il est « complet », le spécialiste ayant assisté M. [A] lors de l'expertise ayant précisé, sans être contredit, que ce préjudice touche aussi bien la libido que les capacités érectiles et les sensations orgasmiques, il en sera fait une plus juste appréciation par l'allocation d'une somme de 30 000 euros.
A juste titre, le premier juge a décidé que les sommes allouées, diminuées de la provision de 15 000 euros, seraient avancées par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] qui pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur. Dès lors que ce dernier, la société FASTE, fait l'objet d'une procédure de liquidation, les sommes en cause seront inscrites au passif de la Société, étant observé que la compagnie Generali est intervenue volontairement à la procédure et que, comme le jugement l'a fait à juste titre, le présent arrêt lui sera déclaré opposable.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société les honoraires de l'expert fixés à 800 €.
Sur le remboursement des frais d'assistance à expertise et sur l'article 700 du code de procédure civile
M. [A] n'avait pas formé de demande de remboursement des frais d'assistance à expertise devant le premier juge, qui n'avait donc pas à statuer à cet égard.
Il produit le mémoire des frais exposés par le médecin spécialiste l'ayant assisté au cours des opérations d'expertise, en ce compris les frais de déplacement de cet expert pour se rendre à [Localité 3]. Ces frais ont été réglés le 21 février 2014, pour un montant total de 890 euros.
Il est juste que M. [A] en soit indemnisé, tout en soulignant qu'il s'agit de frais qu'il a engagés, spontanément, pour sa propre défense et relèvent à ce titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le premier juge lui a déjà alloué, à cet égard, une somme de 3 000 euros ; et que si c'est un droit pour M. [A] d'avoir recours à un spécialiste pour l'assister, il n'en résulte pas que les frais d'assistance exposés doivent nécessairement être remboursés dans leur intégralité.
Dans le cadre de la procédure d'appel, Maître [O] sera condamné, es qualité, à payer à M. [A] une somme de 1 000 euros, en ce compris les frais d'assistance à expertise, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, par décision contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation au titre des souffrances endurées et celui au titre du préjudice sexuel ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe le montant du préjudice au titre des souffrances endurées à la somme de 50 000 euros ;
Fixe le montant du préjudice sexuel à la somme de 30 000 euros ;
Dit que, en conséquence, la somme complémentaire de 5 000 euros sera versée directement par la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 2] à M. [R] [A], laquelle pourra en récupérer le montant ainsi qu'il est dit aux motifs ;
Condamne Maître [O], es qualité de liquidateur de la société France Affrètement Stockage Transport Express, à payer à M. M. [R] [A] une indemnité d'un montant de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris les frais d'assistance à expertise ;
Déclare le présent arrêt opposable à la société Generali IARD SA ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,